Les jours suivants, jusqu'à ce que l'échographie ait lieu, s'étaient passés dans une drôle d'ambiance. Les deux protagonistes ne s'étaient pas vraiment parlés depuis cette fameuse soirée où Seungcheol avait avoué vouloir se marier avec l'oméga. Celui-ci n'arrivait pas à y croire et continuerait de penser à une blague de mauvais goût de sa part. Leur deal n'était pas d'en arriver jusque-là mais bien de se tolérer jusqu'à la naissance des enfants. Et après, ils aviseraient.

Alors Jihoon avait recommencé à avoir mauvais caractère, à grogner dès que quelque chose n'allait pas dans son sens ou bien à rester dans la chambre d'amis une bonne partie de la journée. Il refusait d'admettre que son aîné lui avait proposé indirectement de se marier. Avec lui. Alors que les deux n'avaient pas de sentiments l'un envers l'autre. Ça le poussait à se demander si finalement, le Choi n'avait pas développé des sentiments à son égard. Il y avait de quoi se poser des questions.

Assis dans la salle d'attente, ils attendaient l'arrivée de la sage-femme qui s'occuperait de l'échographie. Celle-ci fut heureuse de les revoir, leur demandant si tout se passait bien dans leur petite vie tranquille d'amoureux. Rien que ça fit grogner discrètement l'oméga. Est-ce que tout le monde avait décidé de lui mettre des sentiments amoureux dans la tête partout où il allait ? Ça l'agaçait. Surtout que ses questions étaient bel et bien sans réponse.

- Les bébés ont bien grossi ! On entend leurs battements de cœur et on détermine leur sex. Est-ce que vous voulez le connaître ? Demanda la bêta en se tournant vers le couple qui se jeta un bref regard indifférent avant que l'aîné lui réponde qu'ils voulaient savoir, oui. Félicitations, vous allez avoir une merveilleuse petite fille et un brave petit garçon.

À cette nouvelle, malgré le léger froid entre eux, ils ne purent s'empêcher de se jeter un regard soulagé mais aussi heureux. Avoir une fille et un garçon était une chance. Leurs mains avaient été d'elles-mêmes se rencontrer, l'alpha la gardant fort contre la sienne jusqu'à ce qu'ils sortent du cabinet médical. Là, l'oméga s'en rendit compte et réfléchit un moment pour savoir s'il devait la lâcher ou non. Maintenant, c'était lui qui agissait bizarrement, notamment en gardant ses doigts enlacés aux siens jusqu'à ce qu'ils arrivent à la voiture.

Assis sur le siège passager, Jihoon observait la petite photo en noir et blanc qu'il tenait entre les mains. C'était sa belle-maman qui allait être contente ! Elle était presque aussi excitée que lui à l'idée de voir les petits bouts de chou. Les échographies leur permettaient d'être encore plus proches, voyant leurs silhouettes sur l'écran ainsi que leurs mouvements dans cet étroit espace. C'était mieux ainsi que de sentir les pieds et les mains taper contre la peau de son ventre, d'avoir envie de faire pipi presque toutes les heures et de faire des insomnies presque toutes les nuits.

- Maman va être contente de voir la photo. Et papa aussi d'ailleurs ! Fit Seungcheol au volant de sa voiture. Est-ce qu'on devrait leur dire pour le sexe des bébés ? Ou on pourrait leur faire un gender reveal à Noël, quand mon frère sera à la maison.

Le Lee avait presque oublié l'existence d'un grand frère dans l'histoire. Il était moins stressé à l'idée de le rencontrer que les parents du père de ses enfants mais ça restait quelque chose quand même. Au moins, ce dernier n'aurait pas à passer par cette phase puisqu'il n'avait pas de parents. Mais à éviter le sujet, le Choi ne savait rien de sa vie personnelle et aimerait parfois savoir pour le réconforter. Car comme chacun, on avait des faiblesses et un besoin de se confesser.

- Je ne sais pas. C'est probablement la meilleure chose à faire. Sauf si tu préfères garder la surprise.

Le conducteur du véhicule se fichait un peu de garder la surprise ou non. Cela dépendait peut-être aussi de sa famille, de ce qu'ils en penseraient, de ce qu'ils voudraient. Les deux protagonistes auraient rapidement la réponse puisque c'était aujourd'hui qu'ils avaient rendez-vous au centre commercial avec le couple, marié depuis une bonne trentaine d'années maintenant. À eux deux, ils étaient l'exemple du parfait amour. Ça donnait envie, parfois, de s'abandonner à quelqu'un et de lui consacrer sa vie.

Mais faire confiance à quelqu'un était déjà une étape dans une vie, alors sur le long terme, il fallait s'y accrocher. On n'était pas à l'abri de se tromper sur la personne avec qui on vivait et perdre peut-être quinze, vingt ans de sa vie, puis repartir ensuite à zéro. Le Lee n'avait jamais connu l'amour de ses parents, ni une quelconque appréciation dans les familles d'accueil qu'il avait fréquentées jusqu'à sa majorité. Alors l'exemple se suivait difficilement pour lui, constamment méfiant de la population qui l'entourait.

- Mes enfants ! Avait crié madame Choi en venant enlacer l'oméga qui accompagnait les côtés de son enfant. Alors, l'échographie s'est bien passée ?

En réponse, Seungcheol sorti de son portefeuille la petite enveloppe où se trouvait la photo en noir et blanc. Un bras passé dans le dos de sa femme, le couple marié avait observé les deux silhouettes dessinées, émerveillés de voir de la vie différemment. Ils étaient on ne peut plus contents ! Bientôt, des petits-enfants leur seraient déposés dans les bras, les émouvant jusqu'aux larmes. Ça ne serait probablement pas les seuls, à commencer par les parents de ces deux merveilles. Voir de nos propres yeux le fruit de l'être humain était beau, quand on y repensait.

Surtout quand il s'agissait d'un trait d'union, un lien fort entre deux personnes qui s'aimaient. Mais malheureusement parfois, comme ici, les enfants étaient des accidents, sans qu'ils aient été voulus. Il y avait des fois où ils étaient les bienvenus, d'autres où ils étaient éliminés avant même de voir la lumière du jour, voire abandonnés dans le pire des cas. Ces enfants-là pouvaient avoir une seconde chance dans la vie, se retrouver dans une famille aimante ou bien sombrer au fil des jours. Tout ne tient qu'à un fil. Il suffisait d'y croire, de tenter le tout pour le tout et de se donner les moyens pour y arriver.

La mère du Choi semblait déjà tellement aimer Jihoon, à le prendre par le bras pour marcher dans le centre commercial, discutant des futurs bébés. À commencer par l'aménagement de la future chambre, des vêtements qu'ils allaient devoir acheter. S'en suivit l'évocation du sex des bébés, pour savoir quelles couleurs ils pouvaient prendre. Une chose est sûre, c'est que le noiraud n'était pas dans cette théorie là. Les filles ne méritaient pas d'être associées à la couleur rose et les garçons à la couleur bleue. Passer dans les rayons des jouets pour enfants en bas âge, avec des cartons de ces coloris distinctes le dégoûtait.

La société n'allait donc jamais avancer. On parlait souvent d'arrêter les distinctions entre hommes et femmes, les mettre sur le même pied d'égalité mais en réalité, c'est à partir de ces petits détails de couleurs qu'on faisait du surplace. Il fallait être idiot pour penser qu'un garçon n'avait pas le droit de pleurer, ni de faire de la danse ou bien de la gymnastique, qu'une fille ne pouvait pas faire du foot ou un quelconque sport de combat. Le Lee détestait répondre à ces stéréotypes, bien qu'il soit oméga. Au moins, il était la preuve que les femmes n'étaient pas les seules à pouvoir donner naissance.

- Il y a quelques affaires à l'appartement. Mais il est vrai qu'on devrait en acheter plus avant l'arrivée des bébés. Avoua l'oméga en repensant aux petits gilets que Seokmin lui avait donnés plusieurs jours auparavant.

- Il y a des magasins ici qui pourront vous aider à trouver votre bonheur ! Comptez sur nous aussi. On a encore des vêtements de quand DongChul et Seungcheol étaient bébés à la maison. On a toujours su qu'ils resserviront.

Jihoon avait décidé de divaguer un peu, de faire du lèche vitrine et y entrer si quelque chose le tentait. Les quatre personnes étaient divisées en deux duos donc, un jeune adulte avec un des parents jusqu'à ce que le plus jeune se retrouve seul. La mère de famille devait aller à la pharmacie et les deux autres Choi semblaient introuvables dans un rayon de vingt mètres autour de lui. Alors il s'était laissé porter jusqu'à la boutique la plus proche. Et étonnamment, c'était une spécialisée pour les bébés ainsi qu'enfants en bas âge.

Le devant du magasin était minimaliste, avec une vitrine assez enfantine, faite pour amadouer la clientèle. Voir le manège tourner ainsi que les quelques chaussons, gilets, robes et autres vêtements déposés joliment lui faisait quelque chose. Dans "avoir des enfants", il y avait bien : les habiller, en plus de tout le reste. C'était tellement différent de quand lui s'achetait des vêtements, tellement plus petits. Pourquoi était-il aussi attendri ?

Avant même de pouvoir détourner l'œil de la vitrine, une main vint se glisser dans la sienne, enlaçant leurs doigts ensemble. Inutile de porter attention à cette personne puisque Jihoon connaissait cette odeur que trop bien à force de vivre avec depuis de nombreux mois maintenant. Elle avait toujours eu le pouvoir de l'apaiser, même dans des moments qui n'auraient pas dû, ceux faits dans l'angoisse la plus totale. Comment un inconnu avait-il pu passer à un rang "privilégié" comme Seokmin l'était ? Personne n'aurait réussi à le dompter en temps normal. Surtout pas un alpha.

Ça lui faisait se poser des questions sur beaucoup de choses. La majorité de ses pensées étaient liées à l'anxiété. Car après la naissance de leurs enfants -oui il s'autorisait à les qualifier ainsi-, tout était flou pour lui. Il ne comprenait tout simplement pas ses propres sentiments, tous mélangés d'un instant à un autre. Et ça le fatiguait. En quatre mois et demi, son aîné avait montré qu'il pourrait faire un mari excellent, en plus d'être un père exemplaire. Il avait répondu à chacune de ses envies, avait été patient, même dans les moments où l'oméga aurait mérité des claques. C'était lui qui n'était pas facile...

Et avec les enfants qui bougeaient constamment dans son ventre pour l'embêter, le Choi était aussi très attentif. Il lui demandait souvent s'il pouvait leur parler, se mettant contre sa peau avant de laisser porter sa voix pour se faire entendre, voire parfois y déposer de légers baisers. Le noiraud ne savait lui-même pas pourquoi il laissait passer ça. Son discours avait forcément changé depuis la découverte de sa grossesse mais au point de baisser sa garde ainsi ? C'était surprenant.

- Jihoon ? Tu m'écoutes ? Demanda l'alpha en rapprochant doucement sa tête de lui pour observer son visage inexpressif, inerte.

- Désolé, je pensais à autre chose.

- Je voulais m'excuser pour avoir parlé mariage devant mes parents et pour avoir dit que je voulais me marier avec toi. C'était probablement stupide de ma-

- Tu n'as plus envie de le faire ?

Les deux jeunes hommes se regardaient maintenant dans le blanc des yeux, l'un était perdu tandis que l'autre curieux. Quel était l'objectif de lui demander s'il voulait encore se marier avec lui ? Est-ce que c'était une question piège ? Car pour le coup, l'alpha restait sur sa position mais ne voulait pas s'attirer un peu plus les foudres de son cadet. Et en vue de sa tête perplexe, celui-ci ne manqua pas de lui demander une nouvelle fois s'il ne voulait plus se marier avec lui.

- Si... Si j'aimerais le faire.

- Ce n'est pas un peu tôt ? Demanda le Lee perplexe.

Donc la seule chose qui semblait le perturber, c'était le fait que ce soit trop tôt ? Depuis quand il ne relevait plus le sujet de leur discussion ? Décidément, l'oméga était drôlement bizarre depuis quelques jours.

- Est-ce que tu te sens bien ? Tu n'as pas de vertiges ou de contractions ?

- Repose moi encore une question de ce genre et tu t'en prends une.

Au moins, ça avait le mérite d'être clair.

- Tu n'as pas peur que se marier maintenant soit trop tôt ? On n'est m-même pas... Enfin je veux dire...

- Est-ce que tu me fais une sorte de déclaration d'amour ?

- Je t'ai dit d'arrêter de dire des trucs comme ça ! S'offusqua le noiraud qui se servit de son autre main pour le bousculer.

Seungcheol abandonna. Il ne comprenait plus et quand il essayait de comprendre, on lui faisait fausse route, en le mettant sur une piste complètement différente de celle qu'il avait. Et quand ce dernier tenta une dernière fois de savoir pourquoi, son cadet se mit à rosir sur place, une main crispée sur le haut qu'il tenait.

- Parce que j'ai envie d'être avec toi !

Cette soudaine déclaration surpris l'alpha qui ne pensait maintenant qu'à une seule chose : l'embrasser. Son autre main avait été se poser sur sa joue, venant rapidement déposer ses lèvres sur les siennes pour un baiser des plus passionnés. Ça n'était pas arrivé depuis la fois où ils avaient couché ensemble. En y repensant, l'arrivée d'une telle chose était cocasse. Jihoon était un être encore plein de mystères, qui ne savait probablement pas ce qu'il voulait.

Celui-ci fut d'ailleurs ramené soudainement à la réalité, se rappelant qu'ils étaient devant la vitrine d'un magasin, à s'embrasser comme si leur vie en dépendait. C'était la première fois qu'ils se laissaient autant porter par leurs propres sentiments, sans que ces derniers soient très clairs. Mais une chose est sûre : c'est que c'était ni l'endroit, ni le moment, mettant donc fin à l'instant douceur. Seungcheol avait un sourire immortel de planté sur le visage.

- Est-ce qu'on devrait aller acheter des vêtements pour nos bébés maintenant ? Je pense que ça sera utile, une fois rentrés à la maison.

C'était la première fois que le cœur de Jihoon battait avec autant d'engouement. Naturellement, il hocha de la tête, se laissant traîner à l'intérieur de l'enseigne, leurs doigts toujours entrelacés.

Un peu plus loin, un couple récemment sorti de la pharmacie observait la scène qui se déroulait avec des yeux doux. Ils étaient heureux de les voir plus proches que les fois où ils étaient venus à la maison. Jamais ils n'avaient douté de leur amour mais les voir manquer de complicité, d'affection l'un envers l'autre les avait attristé. Rencontrer ses beaux-parents n'avait rien de facile alors peut-être que le Lee avait simplement été mal à l'aise, laissant une façade assez distante apparaître.

Mais tout ça, c'était fini. Le problème semblait enfin résolu.