Chapitre 9 - La tempête


"Les amis se comptent sur les doigts d'une main. Les ennemis, juste sur celui du milieu".

Musique en médias - Roses-


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Alhan

Je fixe la voiture qui quitte le domaine. Je ne bouge pas d'un centimètre.

Putain. Je suis fracassé. Brisé. Mais je l'ai senti. J'ai senti qu'elle partait. Alors je suis venu ici et mon foutu instinct avait raison.

Tu pars.

Tu penses être libre, mon ange.

Eden pense pouvoir trouver la liberté. Mais nous ne sommes jamais vraiment libres. Son père ne la libèrera jamais totalement.

Et la part la plus sombre et possessive de mon être n'arrivera jamais à rester éloignée.

Affolé, un garde s'avance vers moi, un fusil semi automatique à la main. Il pense avoir fait une erreur. Après tout, il n'était pas à son poste. Il a laissé le portail sans surveillance.

-Est-ce le patron ? Je n'étais pas au courant qu'il devait sortir ! Je suis juste parti quelques secondes...Mais quand je suis revenu, le portail était ouvert.

Je garde mes yeux sur les phares qui disparaissent de ma vue.

-Non. Ce n'est pas lui, je réponds finalement.

-On n'intervient pas ? il continue, incertain.

Il ignore s'il doit continuer à m'obéir. Après tout, Juan vient de me passer à tabac pendant 3 putains de jours pour mes actes.

Cette foutue erreur qui a failli me couter ma vie et le prix de ma vengeance. Je ne dois pas oublier ma vengeance. Je dois me venger des assasins de mon père. Et seul Juan m'aidera à accéder à mon but...

Mais ça...C'était avant. Avant Eden. Avant qu'elle enfonce ses griffes en moi et s'accrochent à ma peau.

J'ai failli tout foutre en l'air en la touchant.

-Pas besoin, je réponds au type près de moi.

Cours, pequeña.

Il n'y a aucun endroit pour fuir.

Et tu ne seras jamais seule.


Deux ans plus tard – San Diego

Eden

La liberté n'a pas de prix. Mais elle est pourtant différente de ce que j'imaginais. Découvrir le vrai monde à travers mes yeux n'est pas ce que j'imaginais.

Le monde ne ressemble pas aux idéaux que je me formais depuis gamine. Il craint.

Je mentirais si je disais qu'il n'était pas dangereux. Il est truffé de dangers en tous genres. Les petits morceaux de villes que je voyais quand j'étais gamine ne représentaient en rien tout ce qu'il abrite.

Mais le monde est aussi peuplé de diversités, d'opportunités à saisir. Personne pour m'en empêcher. Personne pour m'interdire de fumer, de boire, de coucher avec le premier venu.

Personne pour m'enfermer dans ma propre maison.

Je mentirais si je disais que je ne regrette pas le confort que m'apportait le domaine. Mais la liberté et l'adrénaline que je ressens à chaque pas dehors étouffe mes regrets. C'est si bon de faire ce que l'on veut, quand on le veut.

Je tire sur ma cigarette tout en regardant l'immense rue bruyante devant le restaurant dans lequel j'ai trouvé un travail. Les trottoirs sont noirs de monde. Il a tant d'ethnies, tant de gouts vestimentaires différents. Chacun vaque à ses occupations sans se préoccuper du reste du monde.

Je resserre mes bras sur ma poitrine. Il ne fait pas froid ce soir, à San Diego, mais le climat est toujours plus tempéré que dans la fin fond de la Colombie bordé de forêt vierge.

Deux ans ont passé.

Deux ans depuis que j'ai fuis le domaine qui m'a vu grandir et fuis l'homme qui m'avait élevé. Parfois, les évènements de cette dernière nuit tournent en boucle dans ma tête mais ils étaient si douloureux que j'ai décidé de les enfouir dans une partie reculée de mon cerveau. J'ai étouffé tous les sentiments qui me liaient à cet endroit, particulièrement ceux que je ressentais pour Alhan.

Mon père n'est pas venu me chercher, ou du moins il n'a pas retrouvé ma trace, apparemment.

Enfin...C'est ce que je crois.

Rejoindre les États Unis n'a pas été une partie de plaisir. J'ai toujours été couvée et surprotégées à outrance, jusqu'à l'étouffement. En sortant du domaine, j'ai été livrée à moi-même. Plus d'armes pour me protéger, plus de grands murs de plusieurs mètres de haut pour me mettre à l'abris des dangers. Mais je m'en moquais en quittant le domaine.

Traverser la frontière du Mexique a été compliqué, mais avec de l'argent, tout se négocie. Créer de nouveaux papiers était moins compliqué. Un désagréable frisson me vient en pensant aux divers évènements qui se sont déroulés le long de ma venue dans cette ville. J'ai appris à faire du stop, car je n'avais plus de moyen de locomotion après avoir abandonné le 4x4 de mon père à la frontière mexicaine. Deux des automobilistes qui m'ont aidé ont essayé de lever la main sur moi.

Ils ont vu une colombienne, assez petite en taille avec de grands yeux noisette et m'ont cru innocente. Je ne sais pas manier les armes, mais il me restait des traces de mes cours d'auto défense. Je suis sure qu'ils l'ont senti passer.

Je secoue ma tête pour repousser ces souvenirs désagréables.

-Ed', m'interpelle un homme en ouvrant la petite porte du restaurant, ta pause est terminée. Bouge ton cul.

Je retiens une grimace.

Lui, c'est l'homme qui dirige le restaurant et les deux serveuses qui s'y trouvent, dont moi. Répugnant est le mot qui pourrait le plus le décrire. Je ne vous parle pas de son regard de petit rongeur tandis qu'il matte mes formes et celles de l'autre serveuse. Et je vous épargne le nombre de fois où je l'ai repoussé, lui et sa drague lourde. J'ai 20 ans et il pourrait avoir l'âge de mon père mais ça ne semble pas le ralentir.

-J'arrive, je murmure en jetant ma cigarette sur le sol.

Je travaille dans un petit restaurant mexicain, n'est-ce pas ironique ?

La nourriture n'a rien à voir avec les délicieux plats que faisait Angela, je vous l'accorde. En fait, ça a surtout le gout de carton, mais le salaire est plutôt bon. Enfin, c'est ce que j'ai compris. Les pourboires que donnent les clients vont directement dans nos poches.

Je ne gagne pas beaucoup d'argent. Et l'argent que j'avais volé à mon père a très vite été utilisé quand il a fallu traverser la frontière puis me trouver un endroit pour me loger. Le luxe ne m'est plus autorisé.

Mais c'est une vie que j'ai choisie.

L'as-tu vraiment choisie, me chuchote ma conscience. Es-tu vraiment heureuse, à vivre dans un taudis...

J'ai fait ce qu'il fallait pour ne pas détruire mon humanité sur le long terme. Je dois m'en persuader.

Je passe près de mon patron en repoussant mes pensées. Son épaule presse ma poitrine tandis qu'il se colle à moi :

-Ça va, Ed ?

Son haleine pue l'alcool et je me retiens de faire la grimace. Quand sa main essaye de frôler mon épaule, je m'éloigne brutalement.

-Ça va, je réponds d'une voix froide.

Il plisse les yeux en voyant mon geste et se redresse comme pour reprendre contenance :

-T'as intérêt à bien travailler, sinon tu vas devoir faire des heures sup'.

Je ne dis rien, car je ne veux pas d'embrouilles ici. Me trouver devant les flics est la dernière chose que je souhaite.

Je m'éloigne de lui, récupère le petit calepin dans la poche arrière de mon short noir taille haute et m'avance dans le petit restaurant. Il n'y a pas beaucoup de client dans ce lieu qui ressemble plus à un diner qu'autre chose. Je vérifie que l'autre serveuse n'a pas besoin d'aide et m'avance vers le seul client dans l'aile gauche du restaurant. Dos à moi, il est assis sur une banquette, la banquette en face de lui est vide.

Je m'arrête deux mètres derrière lui, les yeux posés à l'arrière de son crâne sur ses cheveux noirs qui frôlent le col de son tee shirt gris. Je ne vois pas ce qu'il fait, je remarque juste que son corps semble massif, mais je n'ai pas le temps de reluquer les inconnus, ce soir.

J'hésite à lui demander ce qu'il veut manger, il doit peut-être attendre un ami à lui.

Mais mon patron est en train de m'observer à l'entrée du restaurant, il désigne le client du menton avant de rentrer dans les cuisines. Je pousse un soupir las et m'avance vers l'inconnu. J'ouvre mon calepin sans lui jeter un coup d'œil.

-Bonsoir, je peux vous servir quelque chose ?

Je relève mes sourcils, me demandant s'il m'a bien attendu.

-Toi.

Cette voix...Ce timbre rauque reconnaissable entre tous.

Mes yeux tombent dans un regard bleu si intense et si dangereux que mon cœur loupe un battement.

Alhan.


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Suite dans le prochain chapitre !

J'espère que ce chapitre tout en transition vous a plu ?

J'ai envie de dire...L'histoire commence vraiment ici. La partie qui s'est déroulée sur plusieurs années est terminée. J'espère que vous êtes prêtes !!!

N'oubliez pas de me suivre sur Instagram "anitarigins".

A très vite, Anita <3

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