Chapitre 8 - Fuir son coeur



"Aujourd'hui, nous nous disons au revoir. Mais ce n'est pas un adieu. Au fond de moi...tout au fond, je sais que je le reverrai un jour. Et d'ici là, peu importe le temps qui s'écoulera, je ne l'oublierai jamais." No rules.


Musique en médias - Monsters.


J'espère que ce chapitre vous plaira. Vous me connaissez...N'oubliez pas de lire entre les lignes... On a conscience de ce que disent les autres...Mais on doit surtout s'appercevoir de ce qu'ils ne disent pas....


*************

Je vois d'abord mon père qui se tient à quelques mètres devant moi, les bras croisés. Son visage est tendu mais son regard marron semble las et fatigué. Comme s'il venait de fournir un douloureux effort ces derniers jours.

Mais je ne m'arrête pas sur lui. Je lâche un petit crie d'effroi et les larmes coulent à nouveau sur mes joues brûlantes en découvrant Alhan devant la porte.

Son visage est presque méconnaissable tant il est abimé.

Brisé.

Ses yeux sont à moitié fermés. Sa lèvre inférieure explosée. Et son tee shirt...il est remplie de sang séché et semble cacher d'innombrables blessures.

Je me tiens le ventre, l'envie de vomir prédominante. Je tends une main tremblante dans sa direction.

Alhan est dans un état effroyable, pourtant il se tient droit comme un i. Il ne bouge pas, mais ses yeux eux, sont posés sur moi.

Ils sont vides.

Alhan semble mort de l'intérieur.

-Alhan ? je murmure en faisant un pas vers lui, incertaine.

Mon père s'avance vers moi, la mine sombre. Mes yeux se posent instinctivement sur ses doigts. Il a dû se laver les mains avant de rentrer. Mais je le vois encore...Le sang d'Alhan est ancré à sa peau.

Ma lèvre tremble un peu plus tandis que je fais un pas en arrière. La peur m'envahit. Cet homme en face de moi. Ce n'est pas mon père. C'est un inconnu.

Un monstre.

Pendant trois jours, j'ai prié pour que mon père rentre et que je puisse enfin lui parler, que je lui explique enfin ce que je ressentais. Mais pendant trois jours, il était en train de torturer Alhan, celui qu'il considérait comme son fils.

-Tu...je débute mais je n'arrive même pas à parler à mon père.

J'avale fois ma salive pour me retenir, la gorge serrée et le cœur lourd.

Avec son acte, mon père vient de me tuer intérieurement.

-Il a payé pour sa trahison, m'annonce mon père.

Je papillonne des yeux, ne pouvant retenir mes prochaines larmes.

-Trahison ? je murmure.

Je n'arrive pas à réfléchir à cet instant. Je m'en sens incapable. Mon père s'approche d'Alhan et le regarde presque avec peine. Alhan sert ses poings comme s'il se retenait d'agir. Il patiente, aussi silencieux qu'une tombe.

Est-ce qu'Alhan a lutté ? Maintenant que je fais attention, je vois le bleu en bas de la mâchoire de mon père. Mais que peut faire un jeune homme de 24 ans face à mon père et son armée de mercenaires ?

-Ce garçon n'existe plus pour toi, Eden, reprend mon père. Regarde bien son visage car je ne veux plus que tu l'observes. Il logera à l'arrière du domaine, désormais.

Je secoue ma tête, essayant de me reconnecter avec la réalité.

-Tu ne comprends pas ! Je l'aime ! Je l'ai toujours aimé ! Ça fait des années !

Alhan sert un peu plus ses poings mais ne dit rien.

-Pourquoi tu ne parles pas ! je hurle dans sa direction.

Il entrouvre ses lèvres meurtries mais ne dit rien. Punaise. Il ne dit pas un mot. Je vois bien qu'il se retient pourtant.

Et je comprends au fond de moi qu'Alhan est en train de se contrôler avec peine. Il lutte pour ne pas parler, pour ne pas s'exprimer. Pourquoi ? !

Car sinon ton père va le tuer...murmure ma conscience.

Pourquoi rester près de mon père ? ! Pour que ce dernier l'aide à obtenir sa vengeance et l'aide à tuer les assassins de son père, je me rappelle aigrement.

Mon père se tourne vers Alhan, une étrange lueur dans ses yeux.

-Tu aimes ma fille ? il lui demande en m'indiquant du menton.

Une minute de silence passe. Un espoir grandit en moi. Peut-être que si Alhan lui raconte que lui aussi brulait pour moi, alors mon père comprendrait ? C'est la partie stupide de mon cerveau qui parle, mais à cet instant je suis prête à croire aux miracles.

- J'ai fait une erreur en la touchant.

Mon père inspire brusquement et répète :

-Je t'ai demandé si tu l'aimais ?

Je garde mes yeux larmoyants sur Alhan, une part de moi se raccrochant à lui, refusant d'abandonner.

-Non, il articule difficilement. Je ne l'aime pas.

Ces derniers jours, mon cœur était compressé par une force invisible. Mais à cet instant... J'ai l'impression qu'on vient littéralement de l'arracher de ma poitrine. Je secoue la tête, refusant d'y croire. J'ai vu la connexion qui nous liait. Je sais que je compte pour lui, que je ne suis pas une simple erreur pour lui.

Peut-que que si, justement, me murmure ma conscience. Peut-être qu'il te déteste parce que tu l'as poussé à bout. Tu l'as poussé à trahir ton père pour se plonger dans une luxure éphémère.

Je comprends que malgré tout, Alhan reste loyal à mon père, et ça sera toujours le cas. Ou alors il s'oblige à lui obéir, pour une raison que j'ignore...

Se pourrait-il que je sois cette raison ?

-Alhan, j'essaye d'attirer son attention.

Ses yeux se posent une nouvelle fois sur mon visage. J'ai l'impression d'être une merde sous sa chaussure à travers son regard, un insecte qu'il aurait hâte d'écraser.

Peut-être que ce qu'il dit est vrai. Il ne ressent rien pour moi. J'étais une erreur pour lui. J'ai envie de m'effondrer une nouvelle fois quand il fait demi-tour et quitter la demeure.

Son âme est morte, et la mienne ne va pas tarder à la suivre dans la tombe.

Je m'en veux tellement, pour ce qui est arrivé. Pour l'avoir poussé à bout. Il a été tabassé pendant des heures, et je suis en partie responsable. Mais je lui en veux aussi, car il ne veut pas se battre pour moi, car je ne suis qu'une erreur pour lui.

Ça fait si mal. Je presse mon cœur, essayant de ralentir ses battements.

Je repense au sang sur son visage. Je ne veux pas de cette vie pleine de monstruosités. Je ne veux pas devenir un monstre.

Je ne veux pas être comme mon père.

Je me tourne vers ce dernier, essayant de contrôler le tremblement dans ma voix.

-Je ne te le pardonnerai jamais, je murmure en secouant ma tête. Jamais.

Mon père passe une main sur son front plissé. Je remarque un nouveau bleu sous sur sa pommette droite.

-Je suis ton père. Alhan n'est pas fait pour toi. C'est un homme rempli de ténèbres qui a trahi ma confiance. C'est mon devoir de te protéger des dangers qui rôdent autour de toi, même de ceux que tu ne vois pas.

Parce qu'il pense qu'il peut décider de ce qui est bien pour moi. Je redresse mon menton et m'avance jusqu'à lui. Je veux lui faire mal comme il vient de me faire mal.

Je veux lui rendre coup pour coup.

-Tu veux me protéger comme tu as protégé maman ? je crache en laissant couler le sarcasme dans ma voix. Ne crois-tu pas que le plus grand danger pour moi, c'est toi ?

Je m'avance un peu plus, relevant mon visage pour le regarder droit dans les yeux.

-Tu es un monstre. Et je refuse de devenir comme toi. Tu me dégoutes.

Sa main percute ma joue dans un claquement. Le bruit de la gifle qu'il vient de me mettre résonne dans le hall. Je presse ma main sur ma joue brulante, ne permettant pas à mes larmes de s'échapper de mes paupières.

Pas encore.

La douleur m'envahit presque instantanément. Mon père semble décontenancé par son geste. Il entrouvre ses lèvres et tend une main dans ma direction mais je l'ignore.

Il n'avait encore jamais levé la main sur moi.

-Eden, il murmure et son visage exprime le regret.

Mais je l'ignore, je passe près de lui.

-Jamais. Je ne te le pardonnerai jamais.

A quel point l'homme en face de moi est-il un inconnu ? J'entre dans ma chambre et claque la porte derrière moi. L'homme que j'aime vient de me briser le cœur. Il a failli mourir à cause de moi. Plus le temps passe et plus je découvre que mon père n'est pas un homme aimant et bon.

Les liens se resserrent autour de moi. Ils veulent me maintenir prisonnière à tout jamais dans ce domaine.

Je ne peux pas les laisser faire. Je dois me battre pour ne pas sombrer à mon tour.

Je dois partir.


Quelques heures plus tard

J'attends que la maison soit entièrement silencieuse. Je suis morte de trouille. Mais je sais que je ne regretterai pas ma décision.

Celle de fuir.

Je jette un œil à mon réveil. 3 h 30 du matin. Tout le monde dort, dans la maison.

Alhan a quitté les lieux, Angela est partie rejoindre Louna. Mon père est reparti dans sa chambre après avoir toqué plusieurs fois à ma porte restée clause.

Je ne veux pas qu'il s'approche de moi.

Une partie de moi me dit de tout abandonner et de retourner me coucher. Mais la part la plus forte me dit de tout tenter, de partir avant de devenir moi aussi un monstre entre ces quatre murs.

Un homme a failli mourir pour moi. Quelle sera la prochaine étape si je reste ici ? Découper la joue d'un inconnu, le torturer et le faire manger aux chiens ? Car je sais que mon père est en train de tracer mon destin. Je sais que dans quelques temps, je rejoindrai ses rangs et prendrai part aux ténèbres qui l'entourent.

Non. Je ne suis pas faite pour ça.

Pour ma propre survie, je dois briser les liens qui me retiennent prisonnière.

Cette nuit. Maintenant.

Il y a trois hommes qui surveillent la maison. J'ai le plan parfait en tête. Je dois simplement m'y tenir. J'enfile mon sweat à capuche noir et un jean noir, puis des baskets de la même couleur.

Mon dieu, je vais vraiment le faire.

Peut-être que ce qu'il s'est passé avec Alhan devait se produire. Peut-être que c'était un signe du destin, l'élément déclencheur pour que je prenne ma décision.

J'ai soif de liberté. Et je compte prendre ma liberté de force.

Je récupère mes papiers d'identité et les mets dans l'arrière de ma poche. Je ne sais même pas s'ils vont me servir. Ce serait trop risqué. Je ferme délicatement ma chambre et avance doucement jusqu'aux escaliers. Je les descends sans un regard en arrière.

Je n'emporte rien de ce qui se trouve dans ma chambre, si ce n'est une vieille photo de ma mère pliée en quatre dans ma poche.

Je longe le couloir de droite et m'avance vers le bureau de mon père. Vu qu'aucun garde n'est présent dans la maison, il le laisse souvent ouvert. Et cette nuit, dieu est avec moi car la porte n'est pas fermée à clés. J'ouvre les différents tiroirs de son bureau, priant pour trouver exactement ce que je recherche.

Bingo.

Je récupère trois liasses de billets et les plonge dans la poche de mon sweat puis cherche la seconde chose que je veux.

Re bingo.

Je glisse les clés de mon père dans la poche de mon sweat ainsi que l'une des télécommandes de l'immense portail.

Et si un homme garde l'entrée du portail ? je me demande intérieurement. Qu'est-ce que je vais faire face à lui ? M'arrêter ?

Avec de la chance, il n'y aura personne devant le portail, et je sortirai. Bien sûr, ils vont se rendre compte du mouvement. Mais le temps qu'ils s'en rendent compte et qu'ils rejoignent l'entrée du domaine...je serai déjà loin.

Je me maudis de ne pas savoir conduire comme une pro. Mais ça devrait le faire.

Je fixe un instant l'arme cachée dans un autre tiroir mais le referme. Je ne saurai même pas comment m'en servir. Mon but n'est pas de blesser quelqu'un.

Ou de le tuer.

Je ferme doucement la porte du bureau et m'avance vers la cuisine, empruntant la porte sur le mur de droite qui mène au garage de mon père. Ni une ni deux, je rejoins la voiture et claque la portière une fois installée.

Bordel, j'y suis.

Le moteur fait un bruit de monstre quand je le démarre, mais je n'ai pas le temps de réfléchir.

C'est maintenant ou jamais.

Ne joue pas ta mauviette, Eden. La liberté te tend les bras. Plus de dangers. Plus de demeure infranchissable. Plus d'hommes armés. Plus de monstres. Plus de morts.

Pars.

N'écoute pas ta raison. Pars.

J'inspire profondément, me penche vers le siège passager et retire le petit localisateur qui est collé au siège. Sorro avait la langue bien pendue et m'avait dit où il les avait installés dans chaque véhicule. J'ouvre la fenêtre et le jette.

Puis je m'avance vers la porte du garage et elle se relève automatiquement par le détecteur de mouvement. Les phares éclairent le chemin menant jusqu'à l'entrée de la maison. Les vitres sont tintées et blindées mais on peut m'apercevoir.

L'immense 4x4 s'avance vers l'entrée du domaine. Il fait nuit noire dehors. Et je ne vois aucun garde devant le portail. Je sais qu'ils rodent autour du domaine. Peut-être qu'ils croiront que mon père est au volant de sa propre voiture. Après tout, ça lui arrive souvent de sortir seul à n'importe quelle heure de la nuit.

Avant de réfléchir, je relève doucement la télécommande, le cœur au bord des lèvres. Le portail s'ouvre dans un mouvement lent...beaucoup trop lent à mon gout.

Derrière le portail, il fait nuit noire.

La peur et l'excitation se mélangent en moi. Oh mon dieu, je vais vraiment le faire.

Je n'attends pas une seconde et appuie sur l'accélérateur, la respiration rapide. Je jette un œil dans le rétroviseur, voulant apercevoir le domaine une dernière fois.

Peut-être que je reviendrai un jour.

Mais hors de question qu'ils détruisent mon âme complètement. Je dois la préserver. Fuir est la meilleure chose à faire. Je sais que mon père va péter un câble. Il va remuer ciel et terre pour me chercher. Mais je serai déjà loin.

Tandis que mon regard se pose dans mon rétroviseur, j'aperçois une silhouette au milieu de l'année juste derrière le portail. Une grande silhouette massive.

Alhan se tient au milieu de l'allée, mais ne bouge pas. Il observe le véhicule, immobile. Peut-être qu'il pense voir mon père dans cette voiture. Mais...Au fond de moi, je sais qu'il m'a vu. Il sait ce que je fais, mais il me laisse faire.

Il me laisse fuir.

Il regarde le 4x4 disparaitre de sa vue. Je repense une dernière fois à ses yeux. Avant d'être vides, ils étaient brulants pour moi. Je repense une dernière fois au gout de ses lèvres, à l'odeur de sa peau.

Peut-être qu'on se reverra, dans une autre vie.

J'appuie une nouvelle fois sur l'accélérateur et repousse mes souvenirs.

Je suis libre.


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Suite dans le prochain chapitre !

J'espère que ce chapitre vous a plu ? N'oubliez pas de laisser votre avis et un petit vote !

A la semaine prochaine, Anita <3

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