Toucher le fond


Mettre les pieds à la fac en cette matinée est loin d'être évident. Une boule d'angoisse me file la nausée depuis mon réveil, j'ai voulu ne pas venir puis je me suis rappelé que cette journée commençait par un TD et que par conséquent je n'avais pas d'autre choix que de venir. Étant boursier et dépendant totalement de la bourse que je touche, des absences me causeraient des tords. Je ne veux pas griller ma carte joker du très petit nombre d'absence autorisée dans le semestre juste car je tiens à éviter Chris. Si un jour j'ai un réel problème, je me retrouverais complètement pris au piège. J'avance dans les couloirs, mes pas sont lourds. Je suis perdu dans mes pensées, j'essaie malgré tout de rester focalisé sur ce qui m'entoure de sorte à pouvoir fuir Chris si je le croise avant d'arriver en cours. Nous sommes supposés passer presque toute la journée de cours ensembles, je n'ai qu'un seul cours sans lui.

Hier soir, après être entré chez moi en panique et en courant, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je me suis morfondu, ayant cette impression de me faire avaler par la vérité sombre et douloureuse. J'ai remarqué que Chris avait essayé de me contacter à de très nombreuses reprises, le nombre d'appels et de messages était ahurissant. Étant complètement affolé, j'ai fini par le bloquer sans même lire ses messages. J'ai essayé de réfléchir à une solution, une excuse, un nouveau mensonge sur lequel je pourrais rebondir pour expliquer ce qu'il s'est passé hier soir et le fait qu'il ait compris que je ne sois pas une femme. Bien que je me sois torturé l'esprit toute la nuit, je ne suis pas parvenu à trouver comment arranger les choses. Je me maudis intérieurement. Comment est-ce que je suis censé faire face à Chris maintenant ? Je longe les couloirs, trainant des pieds et retardement le plus possible le moment où je vais être forcé de croiser son regard.

J'aperçois ma salle de classe mais je ne me dirige pas devant la porte pour autant. Si par malheur Chris arrive je n'aurais pas d'autre choix que de lui faire face. Je suis sûr à cent pour-cent qu'il a compris que Mélodie était en fait moi, Adam et je ne suis pas prêt à me confronter à lui. Je sais pertinemment que ça va être douloureux et insoutenable. Rester là, planté à fixer le sol, ayant envie de pleurer mais ne pouvant pas craquer. Je vais devoir subir ses critiques, ses réflexions et les reproches mérités qu'il me fera. Je n'arrive pas à imaginer Chris être méchant mais il pourrait l'être, il en aurait tous les droits. Aussi délicat et tendre soit-il, je mérite amplement qu'il me dise mes quatre vérités sans aucune retenue. Même si je sais que je le mérite, je ne veux pas devoir écouter sa voix sèche et amère qui s'élève dans ma direction pour transmettre toute la déception qui le hante. Rien que d'imaginer cette scène, je m'en rends malade. Je reste caché dans un couloir annexe, fixant la porte d'entrée pour savoir quand est-ce que je peux entrer à quelques secondes du début du cours. J'ai une puissante envie de vomir. Je me sens patraque, mon estomac est tout retourné, je n'ai rien pu avaler depuis hier soir...

Il est cinquante neuf, ce qu'il fait que je n'ai plus le choix que d'aller en cours. Je m'empresse d'entrer dans la classe, la tête baissée, me dirigeant sans regarder autour de moi au fond, au dernier rang. La classe est pleine à craquer en général, avec un peu de chance je devrais pouvoir me fondre dans la masse et Chris ne me remarquera pas. Je l'espère de tout mon être. J'ai remarqué que Chris avait cette habitude de s'asseoir devant alors la meilleure solution que j'ai pour l'éviter est d'aller au fond et de me faire tout petit.

- Qu'est-ce que tu fiches ma parole ?

Je sursaute quand Niel s'assied à côté de moi avec sa voix dure. Je suis étonné qu'il me parle et qu'il vienne à côté de moi mais je ne parviens pas à répondre. Je reste muet, les mots sont noués. Alors que le prof entre en classe, j'aperçois que Chris le suit de peu. La salle est complètement pleine. C'est bien la première fois qu'il arrive en retard... Ça me surprend vivement. Je le détaille. Chris se retrouve alors sans place, ses amis n'ont pas réussi à lui garder une chaise, ce dernier soupire alors un grand coup et se trouve obligé de venir au fond. Au fur et à mesure que je le vois s'approcher dans ma direction mon cœur s'abat lourdement dans ma cage thoracique. Je sens que je transpire, des bouffées de chaleur me transpercent et me font subir un supplice insoutenable. J'ai l'impression d'étouffer.

- Hey ? Tu es parmi nous ?

La main de mon meilleur ami se meut devant mon visage pâle voire blafard.

- Tu disais ? Bégayais-je d'une faible voix.

Il soupire simplement, sortant ses affaires de son sac et ne s'embêtant pas à répéter ce qu'il m'a dit. Chris arrive presque à mon niveau, à cet instant son regard croise le mien. Je me fige de la tête au pied, j'ai l'impression que pendant quelques secondes j'oublie même comment respirer. Mes yeux s'écarquillent et je baisse rapidement la tête, me cachant du mieux que je peux derrière mon sac. Chris passe derrière nous et va s'asseoir deux rang en arrière. Je me sens soulagé qu'il n'ait fait aucune remarque. Mon cœur bat si vite et si fort, c'est la première fois de ma vie que j'ai réellement cette sensation que mon cœur va exploser et sortir de ma poitrine. Niel me détaille et se retourne ensuite pour regarder Chris. Ensuite, il repose son regard lourd de sens sur moi et me chuchote :

- Mais qu'est-ce que tu as fait ?

Je me décide à rester muet, j'évite ses yeux réprobateurs et me concentre du mieux que je peux sur le cours qui commence. J'ai si chaud, je suffoque, j'ai réellement besoin d'air. J'aimerais pouvoir sortir en cours, hurlant ma tristesse et ma frustration. Je me fais de l'air discrètement.

Une fois le cours bien entamé je décide de jeter un discret coup d'œil derrière moi pour observer un bref instant Chris. Quand je me retourne je surpris de voir qu'il me fixe, un stylo dans la bouche avec des yeux noirs. Cette image de lui me choque. Le début d'une crise d'angoisse me guette mais avant qu'elle ne puisse se déclencher je me retourne et me décide de l'éviter à tout jamais. Ça n'est probablement pas possible mais j'aimerais retarder notre confrontation le plus possible. Peut-être que sa colère s'estompera quelque peu que et que ce sera donc moins pénible.

Je guette l'heure pour partir le plus rapidement possible. Il est moins cinq, j'ai déjà commencé à ranger mes affaires, je n'attends qu'une seule chose, que le prof nous donne confirmation que le cours est terminé. Une fois fait, je pourrais détaler comme un lapin et partir le plus loin possible.
Le cours est fini, je pars donc vitesse grand V, je cours presque désirant fuir cet espace oppressant et presque toxique. Une fois dans le couloir principal j'espère un grand coup, j'avais la sincère impression d'être en train de mourir de l'intérieur. Alors que je reprends mon souffle et que je me pense en sécurité, je sens qu'on agrippe mon bras. A cet instant précis mon coeur semble rater plusieurs battements. Je me fige, ayant l'impression de m'être transformé en bloc de pierre massif.

- Il faut qu'on parle.

Cette voix résonne dans ma tête et dans tout mon corps. Je la connais par cœur, je sais très bien de qui il s'agit. Je reconnais le timbre de sa voix parmi mille autres. Mon muscle vital s'affole, battant lourdement de ma poitrine. Je me défais d'un brusque coup de son emprise. Alors que nos regards se croisent un bref instant, je prends la fuite. Je m'empresse de détaler mais bien rapidement mon bras est à nouveau entravé. Je me retourne pour faire face à un Chris au visage grave et sérieux.

- Tu veux jouer à ça ? Parce que j'en suis vraiment pas sûr. Tu tiens vraiment à ce que j'étale tout ça devant tout le monde ou tu préfères aller parler en privé ?

La dureté de sa voix me donne envie de pleurer. Même si cette envie prédomine je retiens mes larmes du mieux que je peux, ne voulant pas craquer dans le couloir et attirer l'attention sur nous deux. Je demeure muet, ne désirant pas attiser sa colère au milieu de tout le monde. Sans compter que pour être honnête je n'ai aucune idée de quoi lui dire. Chris finit par comprendre que je ne compte pas m'en aller et par conséquent il lâche mon bras. Je le suis et sans tarder nous nous isolons dans une partie de la cours relativement déserte.
A ce moment, tout est très étrange. La tensions monte entre nous deux et l'ambiance est électrique. Nous sommes l'un face à l'autre, je sais que Chris me toise mais, moi, je me sens bien trop honteux pour oser le regarder dans les yeux. De ce fait, je fixe mes pieds, me trouvant un attrait tout particulier pour mes chaussures. Le silence règne accentuant ce mal aise pensant. 

Finalement, il décide de parler :

- Je te faisais confiance. Et tu sais quoi jusqu'à encore ce matin j'étais persuadée que non, c'était pas possible, ça ne pouvait pas être toi : Adam qui s'est fait passer pour Mélodie. Non, mes potes n'avaient pas raison, loin de là, ce qu'on a partagé était trop beau et pur pour ça. Alors j'y ai cru, me disant qu'il y avait une raison à tout ça. Il regarde en l'air, comme s'il était en pleine tirade passionnée. Puis j'ai croisé ton regard, et là j'ai compris. La façon tu m'as fuit, la honte présente dans tes yeux.

Il rit comme s'il était consterné au plus haut point et que même son corps ne savait plus comment témoigner de ses émotions. Quant à moi je ne parviens toujours ni à parler ni même à le regarder. Alors je peine à exister.

- Le pire c'est que j'ai eu des soupçons à certains moments et je t'ai laissé l'opportunité de m'avouer de toi même ce que tu étais en train de faire. Je t'ai laissé une porte de sortie.

Il m'agrippe par les épaules et sa voix devient plus noire :

- Regarde moi !

J'aimerais pouvoir le regarder et m'excuser mais c'est comme si mon âme avait quitté mon corps. J'ai ce sentiment étrange où je ne suis qu'un pantin dénoué de vie. Je me sens vide, une coquille à l'abandon. Et pour être parfaitement franc, j'aimerais ne pas exister. Je voudrais réellement être vide et ailleurs, ne pas avoir à subir ce moment si pénible.

- Comment tu as pu oser me manipuler comme ça ?! La puissance qui réside dans sa voix s'accentue, me faisant presque peur. Je sais qu'il ne me fera pas de mal, jamais il n'osera lever la main sur moi. Cela n'empêche que ses mots douloureux me frappent de plein fouet. J'avais confiance en toi, tu t'en rends compte ? La voix de Chris tremble, l'entendre parler avec tant d'émotion me fait mal, il me secoue et je me sens tellement faible que je ne sais pas comment réagir. Je le laisse faire, subissant le moment présent.

- Ça n'a jamais été ce que je voulais...

C'est tout ce que je parviens à chuchoter. Les larmes perlent au coin de mes yeux, je fais de mon mieux pour garder la face et ne fais alors que renifler.

- Tu te moques de moi ?! Ça n'a jamais été ce que tu voulais ? Si c'était vraiment le cas, tu n'aurais jamais prétendu être quelqu'un d'autre. En attendant tu as joué avec moi, avec mes sentiments. Je me suis livré à toi ! Je t'ai dit des choses personnelles, partagé des moments intimes avec toi ! Tu m'as laissé tomber amoureux sans te remettre en question une seule seconde sur si c'était moral ou non ! Tu es un horrible manipulateur.
- C'est faux ! J'arrêtais pas de m'en vouloir, tout le temps ! Mais je savais pas comment faire ! J'ai jamais cherché à jouer avec toi !

Je tente de me racheter du mieux que je peux, de lui faire comprendre que mes intentions n'étaient pas mauvaises mais quand je croise à nouveau son regard ce dernier est emplit de dédain. Il pousse un bref rire dégouté et lève les yeux au ciel comme si ce que je disais était un pur ramassis d'idiotie. Alors je bondis sur lui, lui agrippant le bras :

- Je te jure Chris !

Il se dégage de mon emprise, une mine blasée au visage et me crache presque en soufflant :

- Ne prononce même pas mon prénom.

Je peux remarquer qu'il a les larmes aux yeux. Je tente de parler mais il me coupe, mettant une main devant mon visage.

- Je ne veux plus t'entendre. Sa voix se brise dans un râle douloureux. Il se pince les lèvres entre elles et me tourne le dos, décidant de partir et de ne pas me laisser une chance de m'excuser. Je ne parviens même pas à bouger. Je suis coincé, je l'observe simplement me quitter et s'éloigner de moi. Cette vision me détruit intérieurement. Petit à petit, cette vision se brouille, les larmes ont pris place et désormais elles règnent sur mon visage, le ravageant. Je m'effondre contre le mur, tenant mes genoux dans mes bras et y cachant ma tête pour pleurer à chaudes larmes, me rendant compte que j'ai tout saccagé entre nous.

Désormais, le tissus de mensonge que j'étais est inexistant. Je ne suis plus qu'une âme vagabonde.

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Et voilà, il fallait que ce moment arrive. C'était sûr qu'il finirait par se produire, ca n'était qu'une question de temps malheureusement. Est-ce que Adam va être capable d'arranger les choses et cette histoire sera alors un happy ending ou à l'inverse, est-ce que ce sera un bad ending ? Je suis curieuse de connaitre vos suppositions ! Moi je sais déjà ce que je vous réserve pour ma part ~ J'ai hâte de vous offrir les prochains chapitres par ailleurs ~

Je me demandais si parmi vous certains lisent mon rantbook ?  J'hésite à faire une sorte de grosse FAQ où je parle un peu de moi x) Si vous avez des questions, allez-y !

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