Piano

 Ce jour-ci, ses doigts glissent sur les touches. Gracieux. Virtuoses. Ils se laissent porter par chaque note. Ils rejoignent la suivante sans le moindre effort. Ses doigts glissent sur les touches. Délicats. Précis. Ils exécutent une mélodie purement conçue. Ils jouent ces gammes connues à la perfection. Ses doigts glissent sur les touches. Ils ne sont guidés par aucun esprit. Ils sont contrôlés par un instinct. Ses doigts glissent sur les touches. Ils se laissent guider exécutant les notes d'un sentiment sincère. Ils jouent les gammes d'une âme libre.
 Le son se répercute sur les murs. Il se glissent dans l'air dans un écho puissant. Il gagne le cœur de chaque être présent dans la salle. Il gagne l'esprit de chaque personne présente dans cette salle. Il berce les esprits innocents. Il charme les esprits naïfs. Il trouble les esprits attentifs. Il bouleverse les esprits rêveurs. Ils n'ont pas besoin de comprendre pour se laisser porter.

 Ses doigts glissent sur les touches. Gracieux. Virtuose. Il se laisse porter par chaque note. Il se noie sous l'émotion. Il laisse son esprit vagabonder. Il oublie tout ce qui l'entoure. Il ne garde que la sensation de ses doigts sur les touches. Il ne garde que le son de ses touches dans son esprit. Tout s'efface ne laissant que son âme se déverser autour de lui. 

 Un son de violon se mêle à cette mélodie. Doux. Apaisant. Il reste effacé dans un coin de son esprit. Seules les touches prennent toute la place. Un son si doux, si apaisant, accompagnant la vivacité de ses doigts. Il s'intensifie. Il gagne de la puissance. Il prend de la place dans son âme sans jamais s'opposer au mouvement de ses doigts.

 Il se perd au fond de son âme. Il laisse les souvenirs l'envahir. Il revoit cet amour d'enfance. Il revoit celui qui a toujours été à ses côtés. Il revoit celui qui était là quand il riait. Il était là quand il pleurait. Il était là quand il s'énervait. Chaque jour. Chaque instant. Il était toujours présent. Il ne l'abandonnait jamais. Non, il était toujours là.

 Ce fut lui, le premier à l'abandonner. Grandissant, il prit une certaine honte à le côtoyer. Il ne savait pas d'où venait se sentiment. Où était le mal dans tout cela ? Il était incapable de se prononcer. Ses doigts glissent avec puissance sur les touches.

 Il se demande quand il a cessé de venir à sa rencontre. Etait-ce à la fin de son enfance ? Au début de son adolescent ? Il ne se souvient plus exactement. Tout ce dont il se souvient c'est de cette joie de le retrouver. Il n'était pas au mieux de sa forme. Il cherchait du réconfort sans jamais en trouver. Alors il revint à lui, celui qui l'accueillit malgré cet abandon soudain. Celui qui ne lui en voulu pas d'avoir disparu si brusquement. Celui qui serait toujours là.

 Il perdit cette honte. Il ne se souvenait plus pourquoi il l'avait ressenti. Il savait juste qu'il ne s'était jamais senti aussi bien. Il se sentait assez gêné au départ, il devait reprendre ses marques. Cette absence avait été si longue qu'il ne savait plus comment l'appréhender. Ses doigts glissaient avec plus de vivacités. Il redécouvrait celui qu'il avait autrefois si bien connu. Il se perdait dans son étreinte. Il abandonnait chaque parcelle de lui-même. Il oubliait ce qui l'avait amené à lui.

 Ses doigts glissent sur les touches. Délicats. Précis. Il exécute une mélodie purement conçue. Il laisse son âme porter ses mains. Il repense à cet amour d'enfance. Celui qu'il a abandonné. Celui qu'il a retrouvé. Il laisse son âme atteindre la mélodie. Un son de violon se mêle à la grâce de ses mains. Il abandonne son esprit se laissant embrasser par cet amour. Il ne comprend pas comment il a pu l'abandonner. Lui qui était toujours là. Lui qui est toujours là. Lui qui sera toujours là. Lui qui traverse les âges à ses côtés.

 Ses doigts glissent sur les touches. Ils laissent entendre à qui le voudra la puissance de ces souvenirs. Il laissera s'émouvoir quiconque voudra comprendre la force de cet amour. Celui qu'il a fui pendant tant de temps. Celui qu'il a retrouvé avec tant de passion. Il laisse quiconque voudra le percevoir la joie, la peine et la colère qu'ils ont traversés.

 Ce jour-là, ses doigts glissèrent sur les touches laissant entendre une mélodie que lui seul pourra arrêter.

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