Beauté dans les ruines


La forêt était dense et sombre. Les arbres noueux s'entremêlaient et leurs ramures planaient au-dessus des têtes. Il pleuvait. J'entendais la pluie tomber en trombe sur les feuilles des épineux qui la laissaient glisser dans un goutte-à-goutte mélodieux, au sol. Les flaques d'eau s'étendaient et formaient un nouvel écosystème à elles-seules, au-dessus de la boue. Je marchais. Des éclairs zébraient le ciel de temps en temps, devançant leur éclat bruyant pour se dépêcher d'éclairer mon chemin. Ce fut lorsque l'un d'eux retenti que j'aperçus au loin, entre deux bruissons, une source de lumière jaune, vacillante et diffuse. Je m'en approchais prudemment pour découvrir une forme de flammèche flottant dans l'air, rasant le sol, mais ne roussissant ni l'herbe, ni les buissons alentour. Il s'agissait d'un feu follet. Celui-ci s'éteignit rapidement et une autre flammèche jaune s'alluma un peu plus loin. Mais comme le précédent, il fut bref et s'éteignit presque aussitôt. Un autre illumina le dessus d'un marécage. Je sentais que ces phénomènes de la nature me demandaient de les suivre. Je le fis. Étonnement, je ne m'enfonçais pas dans l'eau boueuse du marécage. J'avais plutôt l'impression de flotter or, je m'étais bel et bien engagé dans ce chemin dangereux. Fort heureusement, j'en ressorti indemne. Je m'aperçus quelques instants plus tard que les lumières jaunes me guidaient vers ce qui semblaient être, dans la pénombre exquise, des ruines. Cela se confirma lorsque je passai les restes d'un premier mur. C'est alors que je n'eus plus aucun indice donné par les feux follets qui semblaient s'en être allé après avoir rempli leur rôle de guide. Cependant, je ne me sentais pas désorienté ni perdu. Au contraire, je sillonnai entre les vestiges d'un passé, pour atteindre finalement un joli endroit : un pavement, organisé en cercle, d'où ressortaient quelques herbes folles, s'étalait devant moi. Des colonnes, sur lesquelles grimpaient du lierre, l'enveloppaient dans une atmosphère harmonieuse. Puis là, au centre, les débris d'une statue. Je fouillai entre les décombres, mais rien de bien sérieux ne fut découvert, hormis une pièce de métal dont la forme ressemblait fortement à une clé que je mis de côté. Décidant que j'avais du temps à perdre, je me mis en quête de rassembler les différents morceaux de la statue pour découvrir ce que celle-ci représentait. Plusieurs heures et fragments de pierre plus tard, le puzzle prenait fin : une magnifique femme se dessinait devant mes yeux fascinés. Je remarquai alors que la jeune femme semblait auparavant tenir un objet dans les mains. Je pensais ainsi à cette clé en métal, que je m'empressai de repositionner à sa place initiale. Je ne pensais pas voir cela de ma vie, et toute personne normale ne se le serait jamais imaginé non plus : les morceaux qui composaient la statue s'illuminèrent, d'une lumière si forte qu'il fallut couvrir mes yeux le temps que le phénomène passe. Mais quand j'enlevai ma main, ce n'était plus de la pierre devant moi, plutôt une jolie jeune femme en chair et en os. Drapée de blanc, des fils d'or sillonnant ses long cheveux noirs et soyeux, elle me regardait avec des yeux jaunes et or qui ne semblaient humains. Elle se pencha et prit mon visage entre ses doigts longs et fins. La femme me dévisagea longuement avant de positionner la clé qu'elle avait en main sur mes paupières que je refermai rapidement par peur. Et tandis que le métal froid me brûlait la peau, je senti des lèvres humides et douces se poser délicatement sur mon front. Quelques mèches de ses cheveux m'effleurèrent les joues. La femme se recula, je rouvris les yeux qui me démangèrent dès l'instant. Puis soudain, une explosion de couleur : je vis un tout autre monde. Le monde invisible. Composé de créatures toutes aussi intrigantes les unes que les autres se mouvaient tout autour de moi et une verdure inconnue s'étendait à perte de vue. Après quelques minutes, je tournai à nouveau mon attention sur la jeune beauté de ces ruines. Elle me souriait. Je souris à mon tour. Je ne savais pourquoi, mais je sentais que je venais seulement de comprendre le fonctionnement de mon propre monde, ainsi que la possibilité qu'il en existe d'autres tous aussi fantastiques que celui qui venait de m'apparaitre. Je devais partir mais, je reviendrais la voir, elle et son monde.


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