Chapitre 9
« Les seules bavboules dont vous pouvez être sûr du résultat sont celles que vous avez déjà jouées. »
Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.
(Il fut un temps.)
Ludo prit une liasse de prospectus pour s'occuper les mains et s'éviter de penser au désastre de la veille. C'était peut-être Barty qui avait raison, les filles et la bavboule étaient deux activités incompatibles. Il jeta un œil à Cornelius à côté de lui qui distribuait les flyers avec entrain et finit par l'imiter.
« POUR ÊTRE COOL, JOUE A LA BAVBOULE ! »
C'était lui-même qui avait eu l'idée du slogan. Il avait fait l'objet d'un débat, bien sûr, et Barty s'y était fermement opposé, mais les rimes en -oule n'étaient pas si nombreuses et Ludo avait fini par avoir gain de cause. Des bavboules de couleurs avaient été dessinées par Amos tout autour du prospectus avec en bas le message final :
« PARTICIPEZ A UN GRAND TOURNOI DE BAVBOULE AVEC LES PLUS GRANDES STARS ! »
Des taches de bave en effaçaient la moitié, une idée de Cornelius pour améliorer le « réalisme » du message. Un élève saisit le flyer qu'on lui tendait, puis le jeta dans la première poubelle du couloir.
- Je ne comprends pas ! s'exclama Cornelius. Pourquoi le prendre si c'est pour le jeter sans le regarder ?
- T'inquiète, on ira le récupérer plus tard.
- Tu sais Ludo, j'ai pas tellement l'impression que ça fonctionne, notre truc...
- Bah, là c'est l'équipe de Quidditch qui vient de passer mais attends de voir quand les intellos arriveront, ils seront ravis !
Hop, un nouveau flyer entre les mains d'un élève innocent !
- Tu sais où sont les autres ? demanda Cornelius.
- Diggoboule campe près des serres, Rufiboule distribue dans l'aile est et Bavty colle des affiches dans les cachots. Hé ! Attends, ce ne serait pas... ?
Ils s'étaient figés.
Non loin de leur poste, quelques élèves avaient commencé à former un attroupement autour d'une de leurs camarades. Ludo crut voir passer des prospectus en noir et blanc et se pencha pour en ramasser un.
« AUX ÉCHECS, ON JOUE POUR GAGNER. »
Sur le prospectus, le dessin à la plume d'un roi renversé. En plus petit était inscrite la suite.
« Rejoignez notre club pour le grand tournoi final ! »
Cornelius demeura les yeux rivés sur le parchemin, incapable de s'en détacher.
Un peu plus loin, Amelia Bones distribuait des prospectus pour son propre club, sur les mêmes dates que leur tournoi et sans la moindre vergogne ! Il sentit l'envahir une profonde injustice, sans oser s'approcher pour autant.
Qu'aurait fait Rufus ? Ou même Barty ?
Jetant un œil du côté de Ludo qui était déjà passé à autre chose, il froissa la feuille dans son poing.
- Le club d'échec...
Il n'allait certainement pas laisser passer une telle provocation !
- Laisse tomber, Corniboule, qu'est-ce que ça peut faire ? soupira Ludo en voyant son ami s'approcher de l'attroupement.
- Ils sont sur notre territoire ! s'indigna-t-il.
Devant lui, Amelia lui adressa un sourire aimable.
- Tiens, bonjour Cornelius. Qu'est-ce que tu fais ici ?
- A ton avis ? On a commencé à distribuer des prospectus avant vous !
- Oh, tu en veux un ?
Elle lui tendit un flyer et Cornelius en profita pour admirer un dernier instant la finesse de la plume et le jeu de mot du slogan.
- Non ! finit-il par s'exclamer. Ce que je veux, c'est que vous nous rendiez notre couloir !
- Ne dis pas de bêtise. Dumbledore nous a donné l'autorisation pour organiser un tournoi spécial avec Callie Smith en guest, il faut bien en informer les gens. Mais tu es le bienvenu évidemment, et tu pourrais même y gagner un lot de fondants au chaudron !
Cornelius éprouva une soudaine vague de colère. Tout cela était une fois de plus la faute de Dumbledore. Non seulement le directeur leur proposait une mission impossible, mais il leur mettait en plus des bâtons dans les roues ! Comment étaient-ils censés rivaliser avec le club d'échec alors que celui-ci proposait un tournoi à la même date et faisait gagner des chocolats en prime ? Évidemment qu'ils n'allaient pas faire le poids !
De rage, Cornelius lança le prospectus dans la poubelle la plus proche et la manqua de vingt bons centimètres.
- Les gars, je suis désolée mais le couloir est à tout le monde. Ce n'est pas contre vous, c'est juste qu'ils passent tous par ici pour rejoindre leur salle commune. On peut trouver un moyen de partager, j'en suis sûre.
Amelia tendit un prospectus à un élève qui le saisit, mais lorsque Ludo tenta d'en faire de même, celui-ci secoua la tête.
- Déjà eu !
- C'est un différent !
- La flemme d'en lire deux... désolé !
- Je te l'avais dit ! s'exclama Cornelius. Ce couloir est trop petit pour nous deux !
Avec une pointe d'angoisse, il réalisa qu'il ne fallait surtout pas qu'Arthur et Sibylle soient au courant de cette histoire. Ils aimaient tous les deux les fondants au chaudron et étaient les seuls qui avaient accepté de participer au tournoi.
Cornelius avait bien essayé de lancer une campagne auprès de Lucius mais ce dernier s'était contenté d'un sortilège de croche-pied pour toute réponse. Lucius avait toujours aimé les bonnes blagues.
- Pourquoi faut-il toujours que vous soyez aussi dramatiques ? soupira Amelia. Distribuez vos flyers, je distribue les miens ! C'est sympa d'avoir de la compagnie, non ?
- Pas si cette compagnie nous vole des inscriptions potentielles !
- Tu délires complètement, Cornelius. Hé, bonjour à vous ! Tournoi d'échec très bientôt ! Inscriptions gratuites !
- C'est vrai ? C'est génial ! s'exclama un Gryffondor qui passait par là.
« Génial » ? Depuis quand les échecs, c'était génial ?
- T'inquiète je gère, souffla Ludo à l'oreille de Cornelius. LES ÉCHECS, C'EST PÈTE-SEC, LA BAVBOULE, C'EST TROP COOL ! hurla Ludo en faisant sursauter la moitié du couloir.
- Euh, t'es sûr... ?
- ET MAINTENANT, TOUS EN CŒUR !
- Une belle brochette de losers, ouais, fit une voix d'un ton goguenard.
- Pardon ?
Ils se retournèrent. Barty venait d'arriver, les mains vides des affiches qu'il avait sûrement déjà placardées. Cornelius se sentit soulagé de le voir débarquer. Il n'était pas certain de savoir faire face à l'insulte.
- Quoi ? T'es pas d'accord, Croupton ? lança un individu nommé Dolohov, membre du club d'échecs et pas intimidé pour deux sous. C'est même pas moi qui le dis !
- « En tant que collectivité, il est de notre devoir de nous méfier des losers pathétiques » si on veut être précis, se moqua Rodolphus Lestrange en feuilletant joyeusement le journal qu'il tenait entre les mains. C'est une affirmation avec laquelle j'ai tendance à être d'accord !
- Sérieusement, les gars, vous ne pensiez quand même pas que quiconque irait s'inscrire à votre tournoi stupide ?
- La bavboule n'est pas stupide, protesta Cornelius d'une voix à peine audible alors que Barty s'était précipité pour arracher le journal aux mains de Lestrange.
Le Serdaigle ne mit pas longtemps avant de trouver la bonne page du Journal de Poudlard. Les gros titres disaient tout ce qu'il y avait à savoir.
Pourquoi la bavboule ne sera jamais populaire
C'est quoi la bavboule, me direz-vous ? Ou peut-être n'éprouvez-vous pas suffisamment d'intérêt pour ce « sport » pour vous poser la question, une indifférence d'ailleurs commune à 99.8% de l'humanité. Car la bavboule est en cela différente du Quidditch ou même du tricot : personne ne s'y intéresse assez pour prendre la peine d'en lire les règles d'une improbable complexité.
Vous avez probablement déjà observé vos grand-parents lancer des billes dans le jardin en vous posant la question suivante : quelle émotion peut-on éprouver dans le jet d'un caillou qui bave ? Est-ce un hasard que 56% des gens ayant un jour assisté à un tournoi de bavboules soient tombé quelques années plus tard dans une lourde dépression* ? Non, et pour cause ! La bavboule est un anti-spectacle aussi pénible qu'inutile, qui devrait être spécifiquement réservé aux individus ayant fait une croix sur leur joie de vivre.
Poudlard se doit de faire attention aux exemples donnés aux jeunes. Pourquoi contempler dès maintenant l'abîme d'ennui mortel de la vie quand nous pouvons encore nous offrir un peu d'espoir ? En tant que collectivité, il est de notre devoir de nous méfier des losers pathétiques toujours prêts à voler dans les possessions des autres pour renflouer leur caisse. « Mais j'allais te le rendre ! », criait hier l'un des membres du club autoproclamé des « bavbouleurs », un être trop insignifiant pour être cité dans cet article. Comme ses camarades, son seul talent a toujours été de se complaire dans la lose et il y brille comme jamais. Vous en avez marre d'être cool et intéressant ? Rejoignez les crétins baveux, je suis sûre que ça leur ferait plaisir.
Mais si vous perdez à jamais l'envie de vivre, vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous avait pas prévenu !
Signé, Rita S.
*chiffres tirés d'un sondage créé par La Gazette en 1799 à la suite du succès de l'ouvrage de Flavius Belby : « la bavboule est-elle le mal du siècle ? »
D'instinct, Barty sut immédiatement vers qui se tourner. Ludo eut le bon goût de paraître gêné.
- Tu avais dit que Rita allait nous aider !
Le Serdaigle avait jeté le journal pour se précipiter à la gorge de son ami.
- Tu appelles ça « aider », Verpey ? Qu'est-ce que tu as fait, VERPEY ?
- J'ai fait ça pour vous ! J'ai juste... J'ai juste essayé de récupérer le bracelet pour le remettre dans la caisse !
- Non mais... comment tu peux être aussi stupide ?
- Tu voulais que je choisisse entre le club et les filles, j'ai choisi ! C'est vrai que c'était un bracelet qu'elle aimait bien et que ça l'a pas ravi mais... t'es jamais content, Bavty ! Et puis c'est bon, y'a pas mort d'homme non plus !
Appuyé contre le mur, Dolohov et Lestrange riaient grassement.
- C'est qu'ils me feraient presque de la peine !
- Laissez tomber, les losers. Vous ne ferez jamais rien de vos vies et c'est pas aujourd'hui que ça va commencer.
- Dégagez !
- Tu fais peut-être peur à tes petits sbires, Croupton, mais au fond t'es aussi pathétique que les autres. Retourne jouer dans la Forêt Interdite et fiche la paix aux gens, tu veux ?
Dolohov lui adressa un sourire mauvais. Satisfaits de voir son visage se décomposer, les deux Serpentard tournèrent les talons et le couloir replongea dans le silence.
Ils n'y arriveraient jamais, comprit Barty. Le monde entier était contre eux, c'était peine perdue. L'article de Rita avait touché sa cible, personne n'allait vouloir participer à un tournoi avec des losers aussi pathétiques.
Les mots de Lestrange et Dolohov faisaient mal, mais pas autant que l'impuissance qu'il éprouvait à cet instant. Ses adversaires étaient sûrs d'eux, aussi populaires qu'intouchables. Ils détenaient le pouvoir, pas lui. Barty ne pleurait pas, seule la colère lui rendait les yeux humides. Il les essuya rapidement avec sa manche de peur que quiconque se méprenne sur ses larmes et repoussa sèchement Cornelius qui lui tapotait le bras dans un geste de réconfort. Non, ça ne pouvait pas se finir comme ça, pas par une humiliation, un cuisant échec ! Rassemblant toute la dignité qu'il lui restait, il déchira en morceaux l'article de Rita sans y puiser la moindre consolation.
Devant eux, Amelia contemplait ses propres flyers d'un air gêné.
- Écoutez, je suis désolée pour Rodolphus et Antonin. Leur opinion n'est pas partagée par le club d'échec dans son entier. Enfin, pas par moi en tout cas.
Les trois bavbouleurs relevèrent les yeux vers elle.
Amelia alla tranquillement déposer ses prospectus dans la poubelle la plus proche et revint leur offrir un sourire.
- J'avoue que les règles m'ont toujours parues un peu mystérieuses mais... je veux bien participer à votre tournoi.
- Tu... quoi ?
- Au fond, vous et moi, on est un peu pareils. On a juste envie de jouer à un jeu qu'on aime.
Elle jeta un coup d'œil à l'escalier en haut duquel les deux Serpentard venaient de disparaître.
- Et vous savez quoi ? Les losers ne sont pas forcément ceux qu'on croit.
oOoOo
Réunion du 2 juin
Ordre du jour
Le Conseil Ministériel vous convoque le 2 juin de 10h à 12h dans la Salle du Conseil pour examiner les sujets suivants :
1. Préparation de la troisième tâche.
2. Stockage et gestion des créatures magiques.
3. Sécurité du labyrinthe.
Déroulé de la réunion
Dans la salle de réunion régnait une ambiance inhabituelle. Les préparatifs de la troisième tâche avaient été éclipsés par les dernières rumeurs provenant du château, auxquelles aucun d'eux ne parvenaient à croire. Barty aurait été aperçu en pleine nuit par Harry Potter lui-même. Il aurait prononcé des propos incohérents au milieu du parc avant de disparaître de nouveau.
Personne ne l'avait revu depuis, ni chez lui ni ailleurs. Rufus avait bien essayé de lui filer un coup de cheminée ou de mettre Dawlish sur le coup, sans succès.
Barty avait tout simplement disparu.
- Vous êtes sûr d'avoir reçu votre dernière lettre d'instruction, Wistily ?
Le jeune assistant hocha vigoureusement la tête en direction de son ministre.
- Il m'a assuré qu'il prenait des vacances au soleil pour se ressourcer, répondit-il. Il en a bien besoin. Comme je vous l'ai souvent dit, c'est quelqu'un qui travaille énormément. Je dois présenter la nouvelle loi sur les fonds de chaudron auprès du Magenmagot dans une semaine. Il insiste beaucoup là-dessus.
Rufus n'en fut pas rassuré. Certes, son insistance à passer cette loi inutile ressemblait bien à Barty, mais de l'autre...
- Barty, des vacances ? s'exclama-t-il, sceptique. Pire, au soleil ?
Il tenta d'imaginer Barty en short sur une plage des tropiques mais son cerveau ne put concevoir qu'un moustachu guindé qui arpentait une ruelle grise sous la pluie.
- Inutile d'insister, Mr Scrimgeour, fit Ombrage de sa voix mielleuse. Nous savons tous que Mr Croupton a simplement été dépassé par sa tâche. Il est en plein burn out, c'est évident.
- Mais Poudlard ? S'il est en vacances au soleil, que reviendrait-il faire à Poudlard ?
- Peut-être qu'il voulait juste s'y balader, suggéra Amos.
Ludo hocha la tête, songeur.
- Le lac est très joli à cette période de l'année.
Le chef des Aurors était loin d'être convaincu.
Quelle était la probabilité qu'un individu aussi peu fantaisiste que Barty eût entrepris une promenade nocturne entre deux arbres de la Forêt Interdite ? Pas son genre, pas sans une bonne raison.
Mais laquelle ?
- S'il voulait voir Dumbledore, pourquoi ne pas l'avoir attendu ? demanda Rufus. Pourquoi disparaître dans la nature ?
Avait-il stupéfixé Viktor Krum ? Un individu aussi intègre que Barty Croupton ? Ça n'avait aucun sens.
Comme si elle lisait ses doutes, Dolores Ombrage laissa entrevoir un sourire.
- Peut-être que Dumbledore nous cache quelque chose, suggéra-t-elle de sa voix haut perché.
A ces mots, Cornelius sursauta. Évidemment ! Toute cette histoire était si étrange que ça avait forcément un lien avec Dumbledore !
- Vous avez raison, Dolores ! Et si Dumbledore avait kidnappé Barty ?
Il y eut un silence atterré.
- Je ne crois pas qu'on trouvera maintenant les réponses à nos questions, intervint prudemment Amelia. Mais je crois qu'on peut nous-mêmes s'en poser quelques-unes. Est-ce vraiment le moment de mettre en place une telle épreuve ? Bertha, les Mangemorts à la Coupe du Monde et maintenant Barty... Avec tout ce qui se passe, ne risque-t-on pas de mettre nos jeunes en danger ?
- Ce serait quoi, ta solution ? s'inquiéta Amos. Annuler le tournoi ? Il n'en est pas question !
- Tu dis ça parce que ton fils est en tête...
- Mais pas du tout ! C'est juste qu'on a passé du temps à l'organiser, ce tournoi ! J'ai passé des jours à dénicher toutes les créatures dont on allait avoir besoin et j'ai pris deux fois le thé avec Hagrid ! Deux ! On ne va quand même pas reculer maintenant !
Il prit une grande inspiration.
- Si mon fils est premier, ce n'est qu'une heureuse coïncidence !
- Amos a raison, fit Ludo d'un léger.
Le chef du Département des sports lui prit son parchemin des mains et le parcourut rapidement du regard.
- Sois raisonnable, Amelia ! Quel danger pourrait être pire pour ces enfants que, je cite, « un Scroutt à pétard de trois mètres de long » ou mieux encore, une « Acromentule » ?
- Je ne suis pas plus enthousiaste à l'idée de mettre des enfants devant une Acromentule, figure-toi.
- Ce sera un spectacle fantastique, j'en suis sûr !
- J'imagine que les géants vont l'adorer, ironisa-t-elle calmement.
Cornelius fronça les sourcils.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Je vous ai fait remarquer plusieurs fois la présence d'une haie haute de cinq mètres qui limite fortement la dimension « spectaculaire » de l'épreuve. Mais vous vouliez absolument un labyrinthe, alors...
- C'est formidable, un labyrinthe !
- Et aussi visuel qu'une épreuve sous l'eau. Mais bon, j'imagine qu'on prend goût à recevoir du courrier.
Il y eut un silence gêné. Cornelius grimaça. Il était vrai qu'Amelia lui avait fait remarquer ce léger problème une ou deux fois. Mais pour sa défense, les haies étaient déjà commandées et un labyrinthe transparent n'avait pas beaucoup de sens. Ou leur demanderait beaucoup trop de travail à mettre en place. Il finit par secouer la tête.
Si quelqu'un râlait, il pourrait toujours rejeter la faute sur la gestion de Dumbledore.
- Tu as commandé un Sphinx, Amos ? demanda-t-il dans l'espoir de se donner une contenance.
- Oui, et j'ai eu un mal fou à nous le procurer ! L'homme qui les loue ne parle que par énigme, soi-disant qu'il faut en « être digne » ou je ne sais quoi. « Nous sommes deux sœurs », qu'il m'a dit, « la première engendre la seconde et la seconde engendre la première. »
- L'œuf et la poule ? hasarda Rufus.
- C'est ce que j'ai proposé aussi mais apparemment, c'était pas ça.
La déclaration plongea l'assemblée dans une profonde perplexité.
- L'œuf et le canard alors ? proposa Ludo.
- Non plus.
- L'œuf et l'autruche ?
Amelia soupira.
- L'ignorance et la bêtise ? suggéra-t-elle d'un ton las.
- Hé, ça pourrait marcher ! s'exclama Cornelius en essayant de ne pas se focaliser sur le message caché dans la proposition.
Amos secoua la tête.
- Au bout d'un moment, il m'a donné un indice : « On ne nous voit jamais ensemble. », annonça-t-il. Je ne vous cache pas que ça m'a pas plus avancé. Bref, j'ai fini par lui proposer qu'on lui paye le double et il a accepté.
- Donc pour la proposition d'Amelia...
- Ça ne marche pas du tout, constata celle-ci sur le ton de l'évidence.
- Et qu'est-ce que vous pensez de l'argent et de la richesse ? proposa Ludo.
- Depuis quand on ne les voit jamais ensemble ?
Amelia poussa son dix-huitième soupir. Elle se prenait à regretter le sérieux de Barty et ce n'était jamais bon signe. Sans parler de sa patience qui venait d'atteindre son point de rupture.
Alors que Cornelius s'apprêtait à faire une proposition à son tour, elle le coupa net.
- Excusez-moi d'interrompre votre séance d'énigme, mais pourrait-on revenir sur le problème de la sécurité ?
- Je sais que tu t'inquiètes, Amelia, déclara Rufus. Sache qu'avec Dumbledore, on s'est posé les mêmes questions que toi. On a mis en place un système d'étincelles : il suffira au candidat en difficulté d'envoyer une gerbe rouge pour qu'on lui vienne en aide !
Devant son scepticisme affiché à la mention des étincelles, il insista :
- Je serai moi-même sur place. Des tours du labyrinthe seront organisés et Alastor Maugrey lui-même a promis de suivre les candidats à la trace ! Il y a peu de risque, je t'assure.
- Bon, je suppose que si Maugrey veille... Je sais que vous avez fait de votre mieux, Rufus, mais je n'y peux rien, j'ai un mauvais pressentiment.
- Honnêtement, à part un candidat gravement blessé par une créature, déclara Cornelius d'un ton rassurant, je ne vois pas ce qui pourrait se passer de si terrible. Les gens seront contents d'avoir assisté au couronnement inédit d'un nouveau champion et nous, on n'aura plus qu'à préparer un nouveau projet pour l'année prochaine !
- Ah oui ?
Le ministre de la Magie échangea avec Dolores un bref regard.
- Oh, nous avons nos petites idées...
- Je dois dire que j'ai hâte que tout cela se termine, murmura Amelia.
- Bon ! s'exclama Cornelius. On est bon pour le reste ? Charles, pas de problème de transport ?
- Non, tout va bien.
Cornelius saisit son chapeau melon et observa un instant son interlocuteur.
- Vous avez l'air fatigué, Charles. Vous devriez prendre des vacances. Ne finissez pas comme Barty, c'est important de se ménager.
Le visage de « Charles » se tordit en une étrange grimace avant de se fermer, plus déterminé que jamais.
- Écoutez monsieur, il faut que je vous dise : je ne m'appelle pas...
- Ah tiens, en parlant de Barty ! N'hésitez pas à nous tenir au jus si jamais vous avez des nouvelles !
Rufus hocha la tête.
- Je vais continuer de fouiller dans cette affaire.
- Tenez-moi au courant aussi. J'imagine qu'on se revoit pour la réunion-bilan ? demanda Amelia en se levant.
- Exactement ! Martha vous enverra le compte-rendu !
Elle atteignait l'encadrement de la porte lorsqu'elle se retourna.
- Bonne chance à ton fils, Amos. (Elle esquissa l'un de ses rares sourires.) J'espère juste qu'il est plus doué en énigme que toi.
Il lui rendit son sourire.
- Oh, je ne me fais pas de souci là-dessus. Heureusement pour lui, Cédric a hérité de l'intelligence de sa mère !
- Je file aussi, fit Cornelius en jetant un coup d'œil à sa montre. Lucius risque de m'attendre !
Dans la salle de réunion, il ne resta bientôt plus que Rufus, dont le regard s'égarait dans le vague, ainsi que Ludo, qui rangeait ses affaires avec une lenteur inhabituelle.
L'ancien Poursuiveur finit par relever soudainement la tête.
- Dis-moi, qu'est-ce que tu penses de Tu-Sais-Qui et du Survivant ?
- Tu veux dire... d'une manière générale ? interrogea Rufus, déstabilisé par la question.
- Non, pour l'énigme ! N'est-ce pas Tu-Sais-Qui qui a engendré le Survivant ? Le concept du Survivant, je veux dire, je sais bien que ce n'est pas son père...
- D'accord, mais pas le contraire. Tu-Sais-Qui existait bien avant le Survivant.
Ludo lâcha un soupir.
- C'est vrai. Elle me tue, cette énigme ! Tu sais qui aurait trouvé tout de suite ?
- Barty, devina Rufus sans l'ombre d'une hésitation. C'est un Serdaigle. Et l'homme le plus intelligent que je connaisse.
- Il m'aurait répondu avec un mépris sans faille...
La voix de Ludo s'était teintée d'une légère nostalgie.
- Avant de quitter la salle d'un mouvement de cape, confirma Rufus. D'ailleurs, tu ne pars pas ?
- Non, je crois que je vais traîner encore un peu ici. Gotruc le Ténébreux aimerait bien me retrouver et heureusement pour moi, les Gobelins n'aiment pas trop se rendre au Ministère.
- Ah, je comprends mieux tes heures supplémentaires !
Ludo rit, mais d'un rire un peu jaune.
- Bon allez, on se voit à la prochaine réunion...
- A plus tard, Versletrou.
Incapable de se départir de l'étrange pressentiment qui lui serrait le ventre, Rufus Scrimgeour referma la porte.
oOoOo
Compte-rendu de la réunion du Conseil Ministériel du 2 juin
Président de la réunion : Cornelius Fudge, Ministre de la Magie
Participants : Dolores Ombrage, Sous-Secrétaire d'État, Percy Weasley, assistant stagiaire, Ludo Verpey, Chef du Département des Jeux et Sports Magiques, Amelia Bones, Chef du Département de la Justice Magique, Rufus Scrimgeour, Chef du Bureau des Aurors, Amos Diggory, Chef du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, Eric Baldwin, Chef du Département des Transports
Point 1
Le Conseil Ministériel se félicite de l'organisation optimale de la troisième et dernière tâche, en partenariat avec tous les Départements du Ministère et souhaite à Bartemius Croupton un prompt rétablissement.
Point 2
Le Conseil Ministériel confirme que les créatures magiques nécessaires à la mise en place de l'épreuve ont bel et bien été commandé, dont un Sphinx rare du plus bel effet. Il offre pour l'occasion deux places en première loge à tout individu qui parviendra à répondre à l'énigme suivante : « Nous sommes deux sœurs, la première engendre la seconde et la seconde engendre la première ».
Point 3
Le Conseil Ministériel réaffirme la mise en place d'un protocole de sécurité renforcé autour du labyrinthe, qui contient une procédure spéciale de détresse ainsi que des rondes effectuées régulièrement autour du lieu par des professionnels. Le Conseil Ministériel conseille néanmoins aux candidats de ne pas hésiter à hurler en cas de problème.
Signé : Martha
**
Nous voilà à l'avant-dernier chapitre... À la semaine prochaine pour l'épilogue de cette petite histoire aussi absurde que réaliste :)
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