Chapitre 8

« Les plus grandes victoires sont celles que l'on remporte sur soi-même. »

Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.


(Il fut un temps.)


Le Club des bavbouleurs s'était brisé.

Amos en était venu à cette triste constatation en Histoire de la Magie, alors que la voix monocorde de Binns échouait à prendre le pas sur ses pensées. Il ne pouvait pas s'empêcher de s'identifier aux gobelins en pleine révolte. Quelle tristesse ! Ils s'approchaient de la victoire, tous rassemblés contre les sorciers. Il avait fallu qu'Ulrik la Malice se faufile chez l'ennemi pour leur voler leur arme secrète. Mais voilà, Barbok le Barbu, gobelin ambitieux mais intègre, s'était fâché contre ses méthodes. Incapables de s'entendre, ils avaient tous fini par faire bande à part et adieu la révolution !

Ce n'était pas si différent du drame de Gouroc St. Vulfric, quand on y pensait. Dans les deux cas, alors qu'ils auraient dû avoir un projet commun, ils laissaient les divisions les affaiblir !

Amos jeta un coup d'œil du côté de Rufus. Son ami ne l'avouerait jamais, mais il n'était pas beaucoup plus heureux. Il ne plaisantait plus beaucoup depuis la « rupture » et chaque fois qu'il avait le malheur de croiser Ludo, Barty ou Cornelius, ses yeux lançaient des éclairs.

« Qu'il se la mette là où je pense, sa foutue Charte... »

Parce que non, Rufus n'arrivait pas à être heureux. Et ça le frustrait. Il ne comprenait pas. Plus de réunions voulait dire du temps libre, beaucoup de temps libre. N'était-ce pas ce qu'il avait toujours voulu ?

Adieu réunions interminables présidées par un individu aussi aimable qu'un pic à glace !

Plus jamais il subirait les foudres de Barty pour être arrivé trente secondes en retard. Terminées, les blagues à deux balles de Ludo ou la lâcheté de Cornelius, il laissait derrière lui les placards à balai et son allergie à la poussière.

Il en avait rêvé de ce temps libre, il l'avait ! Il pouvait sociabiliser avec les filles ! Sortir son vieux balai du placard, entamer une bataille explosive avec les garçons de sa maison, remplir son rôle de Préfet trop souvent négligé. Il avait même du temps pour s'ennuyer !

C'était ça, la vie sans bavboule : la liberté.

— Tu ne crois pas qu'on devrait leur parler ? souffla Amos.

— Je te l'ai dit : si l'autre rabat-joie veut discuter, il sait où me trouver.

C'était plutôt clair pour Rufus : il n'avait pas envie de retrouver la salle de réunion, surtout pour écouter la voix glaciale de Barty régler des détails administratifs. Et puis, le Serdaigle l'avait dit lui-même, non ? « On n'a pas besoin de toi. »

Rien que d'y penser, il en était furieux. Bien sûr, Rufus n'avait pas été tendre envers la Charte, mais les mots du Serdaigle avaient toujours su trouver leur cible.

— Barty, faire le premier pas ? s'étonna Amos.

Rufus lui décocha un regard noir.

— Et pourquoi pas, hein ? Ça le tuerait pas d'être sympa de temps en temps plutôt que de passer son temps à m'engueuler.

— Barty... sympa ?

Il était vrai qu'il n'utilisait pas le vocabulaire qui s'appliquait le plus au jeune Serdaigle.

— J'avoue que moi aussi, ça m'a fait bizarre en le disant.

— Tu sais qu'il se vexe toujours avec son histoire de Charte, peut-être que tu pourrais...

— Oublie ça, Amos. S'il veut qu'on se réconcilie – et c'est un grand si –, va aussi falloir qu'il fasse des concessions. Sans parler de ce crétin de Verpey qui a de l'argent à nous rembourser.

Une concession était sans doute aussi improbable de la part de Barty que la soudaine honnêteté de Ludo mais Amos, qui admirait l'optimisme, préféra passer ses doutes sous silence.

Le cours se terminait enfin lorsque Binns glissa jusqu'à leur table.

— Je viens d'y penser... Quelqu'un a laissé un mot pour vous tout à l'heure. Il est sur mon bureau.

Intrigué, les deux garçons s'en approchèrent pour découvrir un morceau de parchemin qui trônait sur le bois verni.

« Rendez-vous à 14H devant le bureau de Dumbledore. »

— C'est quoi ce... ?

— C'est maintenant, non ? fit Rufus en jetant un coup d'œil à sa montre. Qu'est-ce que le directeur peut bien nous vouloir ?

La curiosité gagna la bataille. Ils traversèrent les couloirs en courant presque, intrigués comme jamais. Dumbledore convoquait rarement les élèves dans son bureau. Mais une fois la gargouille visible...

Juste devant se tenait Barty Croupton, pas particulièrement ravi de les apercevoir.

— Qu'est-ce que vous faites là ?

— C'est plutôt à toi qu'on devrait poser la question, répliqua Rufus en soutenant son regard. Nous, on a été convoqués.

— J'ai été convoqué aussi.

Les deux anciens amis se toisèrent un instant, décidés à ne pas céder.

La voix d'Amos retentit à côté d'eux, brisant le silence.

— Ludo ?

— Les gars ? Qu'est-ce que vous fichez là ?

— On a rendez-vous avec Dumbledore, lâcha Bartemius d'un ton glacial.

— Ah, vous aussi ?

Il considéra un instant le Serdaigle, interdit. Puis recula d'un pas.

— Tu m'as dénoncé, c'est ça ?

— T'es sérieux ?

— Allons, Bavty, on sait tous que tu en es capable...

— Non, je ne t'ai pas dénoncé ! Mais maintenant que tu le dis, j'aurais dû. Et d'ailleurs puisqu'on est devant le bureau de Dumbledore...

— Arrêtez !

Une cinquième voix.

Rufus ne l'avait pas entendu arriver mais c'était bien Cornelius qui se tenait devant eux. Cornelius qui avait crié – oui, crié – pour les faire taire.

— C'est moi qui vous ai fait venir, déclara-t-il d'une voix ferme malgré un léger trémolo.

Plantés devant la gargouille, ses anciens amis le regardèrent, perplexes.

— Attends... toi ? demanda Rufus, interloqué.

— Tu détestes Dumbledore, se moqua Ludo sans y croire.

— Tu es terrifié par Dumbledore, rectifia Barty qui n'en revenait pas davantage.

Amos eut un petit rire.

— Tu te souviens l'année dernière quand il est passé derrière toi pendant le repas ? Il t'a demandé si c'était bon et tu t'es étouffé avec un os de poulet. T'as passé deux jours à l'infirmerie !

— Il m'a surpris ! Ça se fait pas de surgir derrière les gens !

En observant ses amis, plus anxieux que jamais, Cornelius fut soulagé de les voir rire. Que ce soit ou non à ses dépends, mieux valait ça plutôt qu'ils ne s'entretuent. Il sortit une liasse de parchemin de son sac et la tendit à Bartemius qui la saisit, toujours aussi perplexe.

— Tu te souviens, Bavty, quand tu m'as fait calculer le dénivelé de tous nos terrains de jeu ? Eh bien, j'ai ressorti nos conclusions, et figure-toi que l'orée de la forêt détient le parfait dénivelé, presque à la hauteur de Gouroc St. Vulfric !

— D'accord, articula ce dernier, peu enclin à s'enthousiasmer tant qu'il ne comprenait pas où son ami voulait en venir.

— Ça m'a donné une idée. Si on ne peut pas venir à Gouroc St. Vulfric, pourquoi Gouroc St. Vulfric ne viendrait pas à nous ?

— Tu veux dire...

— Exactement ce que je viens de dire !

Les bavbouleurs partagèrent un silence interloqué. Rufus observait Cornelius comme s'il le découvrait pour la première fois. Depuis qu'il avait été nommé trésorier à la place de Verpey, c'était comme si quelque chose avait changé en lui.

— Tu as rencontré Dumbledore... pour nous ?

— Pour qui d'autre irais-je voir Albus Dumbledore ?

Il y eut un silence gêné. Puis Cornelius, voyant que tous se taisaient, se décida à reprendre la parole.

— Je lui ai fait ma proposition, il m'a dit qu'il était d'accord, avec peut-être une petite condition. Il m'a invité à revenir avec vous tous pour nous en parler.

— Cornelius, c'est vraiment..., commença Amos mais, ne sachant pas trop dans quoi il s'embarquait et voyant qu'il commençait à avoir les yeux humides, il préféra laisser sa phrase en suspens.

— Tu attends quoi pour frapper ? fit Rufus, ignorant la sensation étrange qui dansait dans son ventre.

Bonne question. Cornelius inspira profondément.

C'était lui qui avait convié ses amis à la fête, c'était à lui de cogner à la porte du directeur. Toc, toc, toc. La gargouille dévoila un escalier en colimaçon et il y grimpa, marche par marche, incapable de se départir de la sensation de monter à l'échafaud.

Il n'avait pas envie d'y aller, mais si Dumbledore était le prix pour reformer les bavbouleurs, il était prêt à le payer. A l'intérieur, il dut bien admettre une fois de plus que la pièce était impressionnante. Lumineuse, pleine d'instruments en tous genres. Au centre trônait un bureau ovale derrière lequel Dumbledore était déjà assis. Il observait mystérieusement les cinq garçons derrière ses lunettes en demi-lune.

— Ravi de vous revoir ici, Cornelius.

Le Serpentard frissonna. Le sentiment était loin d'être mutuel.

— Bien, fit Dumbledore d'une voix douce. Je suppose que Cornelius vous a fait part de sa proposition de faire venir les joueurs de Gouroc St. Vulfric pour le tournoi annuel de Poudlard.

— Effectivement.

— Vous êtes les seuls à y participer chaque année... Je me trompe ?

Cornelius se mordit la lèvre. Il ne la sentait plus tellement, la « condition ».

Il hocha lentement la tête.

— Vous savez, je suis moi-même un grand amateur de bavboule, annonça Dumbledore d'un ton joyeux.

— Ah oui ?

— Bien sûr ! Quel jeu formidable. Il sublime autant la convivialité que la tension la plus totale. Je ne compte plus le nombre de fois où Elphias et moi avons failli nous déchirer pour un mauvais lancer de six...

Malgré la pointe de tristesse dans sa voix, ses yeux bleus pétillaient de satisfaction.

— J'ai perdu beaucoup d'amis en jouant aux bavboules. Pas vous ?

Amos et Cornelius échangèrent un regard.

Pour perdre beaucoup d'amis, ne fallait-il pas avoir beaucoup d'amis à perdre ?

— Vous aviez une condition, monsieur ? demanda poliment Rufus.

— Bien sûr, j'y arrive. La bavboule est un jeu magnifique, mais je crains qu'elle n'ait jamais eu la popularité qui lui est due.

Il sourit.

— Faire venir les équipes de Gouroc St. Vulfric est une très belle idée pour sa promotion. Mais malgré tout votre investissement, il me semble dommage que vous soyez les seuls à en profiter.

— Que... que voulez-vous dire ?

Cornelius commençait à craindre le pire.

— J'accepte de les convaincre à condition que vous organisiez un vrai tournoi. Avec non pas cinq participants, mais plusieurs équipes en même temps ! Ne serait-ce pas formidable d'avoir des huitièmes, des quarts, des demi-finales et une finale avec les meilleures équipes de l'école ? Je pense que vous êtes capable d'offrir à la bavboule un peu de publicité. Au minimum, et je dis bien minimum, huit équipes seront nécessaires pour persuader les Princes de l'Écume de se déplacer dans cette école.

Il déglutit.

Huit équipe. Seize joueurs. Où allaient-ils bien pouvoir dénicher seize joueurs de bavboule dans l'école ? La plupart n'avaient aucune idée de l'existence d'un Club, sans parler d'en comprendre les règles !

Personne, à part Arthur Weasley (merci Merlin, il était là) n'accepterait de jouer un tournoi entier de bavboule !

Il lui suffit de jeter un coup d'œil du côté de ses camarades pour réaliser que ses craintes étaient partagées.

— Huit équipes, souffla Cornelius. Comment vous voulez qu'on réussisse cet exploit ? Il n'y a jamais eu plus de deux équipes dans toute l'Histoire de Poudlard !

— Il ne tient qu'à vous de changer cela.

L'œil de Dumbledore pétillait de façon très agaçante.

— La fermeture des inscriptions est dans trois semaines. Si j'étais vous, je m'y mettrais rapidement.

— On va... faire ce qu'on peut, murmura Rufus, interloqué.

— Bien. Je suis très heureux qu'on ait réussi à s'entendre. Sur ce, je vous souhaite une très bonne journée.

Même une fois hors du bureau, il y eut quelques longues secondes de silence. Ils déambulèrent ensemble dans les couloirs, sonnés.

— Huit équipes ? fit Amos tout haut.

— Il est fou, murmura Cornelius. Juste fou.

— Avec toutes nos connaissances, peut-être qu'on peut y arriver. Sibylle accepterait, non ? Ou Rosmerta ? Tu ne crois pas, Rufus ?

— Ça m'étonnerait. Et puis, je ne suis plus avec Rosmerta.

Barty lui décocha un regard surpris mais ne commenta pas.

— On a toujours Arthur, confirma Cornelius.

— Et j'ai peut-être une amie qui pourrait nous aider ! annonça Ludo. Rita pourrait écrire un article et promouvoir notre sport !

Il y eut un nouveau silence.

Dans l'atmosphère, la tension régnait toujours mais c'était une tension d'une autre nature, proche de la crainte ou plutôt, de l'excitation.

— Dites...

La voix de Barty était calme. Il observait ses camarades avec une intensité rare.

— On pourrait faire une réunion pour en parler.

Rufus croisa son regard.

— On pourrait.

Il se mordit la lèvre.

— On s'est engagé, après tout. N'est-ce pas la Charte qui nous dit de ne jamais reculer devant un défi ?

Parce qu'il la connaissait par cœur, Barty savait bien que la Charte ne disait rien de tel.

Mais pour une fois, il s'abstint de le contredire.

oOoOo

Réunion du 27 février

Ordre du jour

Le Conseil Ministériel vous convoque le 27 février de 10h à 12h dans la Salle du Conseil pour examiner les sujets suivants :

1. Bilan du déroulement de la deuxième tâche.

2. Comment satisfaire le spectateur ?

3. Les toilettes régurgitantes (bis).

Déroulé de la réunion

— Je ne sais pas, c'est un peu classique le Têtenbulle, non ?

— Pardon mais ça fonctionne très bien ! Cédric est arrivé le premier !

Amos eut rictus.

— C'est toujours mieux que se transformer en demi-requin !

— Moi, je suis tout de même admiratif de la branchiflore. Et du courage du jeune Potter ! Ramener tous les prisonniers... Il faut en avoir, du cœur !

— Ou une bonne dose de stupidité.

— Ne sois pas jaloux, Amos. C'est très noble, ce qu'il a fait.

— Croyait-il vraiment qu'on aurait laissé mourir ces pauvres élèves dans l'eau ?

— On les a bien fait descendre inconscients au fond d'un lac, marmonna Amelia presque pour elle-même.

Le débat avait débuté depuis un bon quart d'heure.

Les membres du Conseil étaient plongés dans une discussion plus animée que jamais. Ils essayaient comme ils pouvaient d'ignorer l'éléphant dans la pièce, songea Rufus avec amertume, ou plutôt l'absence de l'éléphant en question. Ses yeux s'attardèrent un instant sur la chaise vide en face de lui. Il ne parvenait pas à réaliser. Déjà que le concept de Barty en retard était inhabituel, Barty absent lui paraissait inenvisageable.

— Hum, hum.

En face de lui, une femme au visage de crapaud avait bougé.

— Ne croyez-vous pas que nous devrions... commencer ?

Devant l'absence de réaction de ses collègues, elle secoua lentement la tête.

— Si vous attendez Mr Croupton, je pense qu'il faut se rendre à l'évidence : il ne viendra pas.

— Barty ne raterait jamais une réunion-bilan, déclara Rufus.

Et surtout, il aurait prévenu, songea-t-il en se rappelant l'article trois de la Charte.

— C'est qu'il est pourtant en train de faire, minauda Ombrage. Je vous l'ai dit, Cornelius, l'absentéisme ne devrait pas être toléré dans les hautes sphères du Ministère.

— Ce n'est pas son genre de manquer une réunion aussi importante. Il devait avoir d'autres obligations.

— Si vous le dites.

Rufus prit soin d'adresser à Dolores un regard noir avant de se tourner un peu brusquement vers le stagiaire à sa droite.

— Vous savez ce qu'il a ?

— Je... Il est très occupé ailleurs, cette affaire de fonds de chaudron, sans parler de son elfe, vous savez, ça le fatigue beaucoup et...

— Ah, vraiment ?

— Il a beaucoup à penser ! Mr Croupton est un homme dévoué à son travail. Il m'a nommé assistant personnel et m'a chargé de le représenter.

Le jeune Wistily avait du cran, songea Cornelius, impressionné. Il soutenait le regard de Dolores sans faiblir et ce n'était pas donné à tout le monde.

— Qu'il reste à ses chaudrons dans ce cas, fit Ombrage d'une voix faussement aimable, si ces derniers ont tant besoin de lui. Il se trouve que nous avons une réunion à mener. Qu'avons-nous à l'ordre du jour, Cornelius ?

— Le bilan de la deuxième épreuve !

Il esquissa un premier sourire.

— Je peux d'ores et déjà annoncer qu'il s'agit d'un flamboyant succès !

— Où personne n'est mort, ajouta Ludo d'un ton badin.

— Un « flamboyant succès » vous en êtes sûr, Cornelius ? interrogea Amelia. Le Ministère a tout de même reçu quelques plaintes. Vous aviez installé des gradins devant le lac mais aucun moyen pour savoir ce qui se passe en dessous.

Le ministre de la Magie émit une grimace.

Il y avait peut-être eu une petite erreur de logistique. L'idée d'une épreuve sous l'eau leur avait tous beaucoup plu, mais aucun d'eux n'avait songé à la dimension spectacle. Résultats, les gens s'étaient retrouvés à se peler les miches devant un lac pendant une heure. Sachant le prix auquel montait la place, tout le monde n'avait pas apprécié l'expérience à sa juste valeur.

— D'où un suspense insoutenable, répliqua Cornelius avec toute la mauvaise foi dont il était capable.

Et en terme de mauvaise foi, il avait des compétences.

— C'est vrai que c'était passionnant comme spectacle, se moqua Ludo. J'ai même cru apercevoir l'ombre d'une truite, à un moment ! Personnellement, j'ai fini par commenter les – trop rares – passages des oiseaux.

— Mais c'était un beau paysage.

— Deux lagopèdes d'Écosse et un canard ! Ça valait le coup !

— Un seul canard ? demanda Amos. Il me semble en avoir vu un deuxième.

— Ah oui ?

— Oh, tu l'as manqué ? Il avait une petite tête cendrée...

Ludo paraissait réellement intéressé.

Amelia soupira, désespérée de voir qu'ils s'éloignaient une fois de plus du sujet.

— Enfin, Martha m'a montré le courrier qu'on a reçu tout à l'heure, je ne suis pas certaine que le paysage – ou les canards – aient suffi au plaisir des gens.

A la mention du mot courrier, Rufus avait repris du poil de la bête.

— Quel genre de courrier ? Des insultes ?

— Eh bien... (Amelia ouvrit une lettre au hasard.) Mrs Cromwell nous dit, je cite :

« J'ai vendu les bijoux de famille de l'époque de Gontran le Hardi pour assister à cette farce ! J'habite l'Écosse, j'ai un lac en face de chez moi et d'ordinaire je n'ai pas besoin d'hypothéquer ma maison pour aller pêcher ! »

Amelia fouilla dans les papiers qui jonchaient la table.

— Il y a aussi celle-là, dans un autre style :

« Cher ministre, vous nous avez vendu le spectacle du siècle et me voilà à contempler un point d'eau, merci d'aller vous pendre ! ! ! ! »

— Au moins ils restent polis, remarqua Rufus.

— Enfin, ça fait tout de même beaucoup de points d'exclamation, marmonna Cornelius qui s'était levé pour lire par-dessus son épaule.

Il arrêta bien vite. La lettre suivante commençait par « Sale troufion du dimanche » et savoir qu'il s'agissait probablement d'un de ses électeurs lui brisait le cœur. Il lâcha un soupir.

— J'admets que ce n'était pas une épreuve des plus... visuelle. Mais on fait tous des erreurs. L'important, c'est de ne pas les reproduire !

— T'as raison Corni', on fera mieux la prochaine fois !

Ludo lui asséna une bourrade amicale qui le fit grimacer à nouveau mais il choisit de ne pas s'en agacer.

— Faudra qu'on réfléchisse au problème pour la troisième tâche, non ? interrogea Amelia. Si on part sur notre idée du labyrinthe avec des haies hautes de cinq mètres comme prévu, on ne pourra pas...

Fudge balaya la remarque d'un revers de main.

— Pour l'instant, ce n'est pas à l'ordre du jour. On en reparlera plus tard !

Il fit un tour de la salle, légèrement nerveux.

— Ce qui me préoccupe surtout, et qui préoccupe le Ministère, c'est cette histoire de toilettes régurgitantes ! Elles explosent de plus en plus fréquemment ! Rufus, où en est la Brigade avec cette histoire ?

— Enfin, Cornelius, tu sais bien que la Brigade est particulièrement occupée sur une affaire de tapis volants. Certains s'amusent à les trafiquer pour qu'ils dépassent la vitesse autorisée.

— Je ne comprends pas quel est le mobile d'une telle action, marmonna Fudge. Pourquoi quiconque voudrait-il faire exploser nos toilettes ? Ils s'imaginent qu'on n'a que ça à faire, réparer des toilettes ?

Autour de lui, aucun de ses collègues – sauf Dolores peut-être, son unique soutien – ne paraissait particulièrement ému par la situation. Cornelius balaya la salle du regard, songeant que Barty, qui avait toujours détesté les blagues, aurait compris, lui, pourquoi les toilettes régurgitantes posaient problème ! Peut-être devrait-il passer chez lui pour vérifier si tout allait bien et l'inciter à revenir en réunion. Enfin bon, il le ferait ce soir, ou mieux, la semaine prochaine ; en tant que ministre, il avait quand même beaucoup de travail.

— Peut-être que tu pourrais demander à un Auror de surveiller les toilettes ? demanda-t-il à Rufus.

— Bien sûr, tu veux que je t'envoie John Dawlish ?

— Je veux bien ! (Il s'arrêta un instant pour y réfléchir.) Hum, John Dawlish, tu es sûr ? Je ne pourrais pas avoir Gawain Robards ?

Rufus roula des yeux.

— Hors de question que je te prête un seul Auror pour surveiller des toilettes. Crois-le ou non mais les affaires impliquant la magie noire sont en large hausse, ces derniers temps. Sans parler que mes hommes ont commencé à fouiller dans l'affaire Bertha Jorkins...

— Tu parles d'une perte de temps, commenta Ludo.

— Si tu avais mené un semblant d'enquête, aussi...

— Oh, je t'en prie ! A l'époque où elle travaillait encore pour le Département des Transports – tu te souviens, Charles ? – (Le dénommé « Charles » ne prit pas la peine de répondre), elle se gourait toujours dans les portoloins. Elle a dû confondre l'Albanie et la Laponie, et avec un peu de chance, elle est tombée amoureuse du Père-Noël !

— On a retrouvé sa trace, annonça Rufus. Mais seulement jusqu'à un certain point. Elle s'est bien rendue en Albanie et laisse-moi te dire qu'il se passe des trucs un peu fumeux là-bas...

— C'est l'Albanie, marmonna Fudge. Pas tellement notre problème.

Il avait déjà du mal avec l'Angleterre, si ses préoccupations devaient s'étendre en plus à toute l'Europe, ça n'en finirait jamais !

— Tout ça pour dire que je suis désolé pour tes histoire de toilettes, Cornelius, mais je ne peux pas t'aider. Tu as pensé à engager un détective privé ? Un Auror à la retraite, peut-être ?

— Maugrey Fol Œil est déjà pris par Dumbledore, râla Fudge avec mauvaise humeur.

C'était incroyable, cette manie du directeur, de prendre tout ce qu'il voulait avant lui.

Sauf le poste de ministre, bien sûr. C'était bien sa seule victoire et Cornelius comptait la conserver.

— Je ferai installer des affiches pour inciter à la prudence, finit-il par déclarer, vaincu.

— Parfait ! s'exclama Ludo. Voilà qui clôt cette réunion, non ?

— Depuis quand c'est toi qui clos une réunion ?

— Tu avais encore quelque chose à dire ?

Cornelius fut contraint de secouer la tête. C'était une question de principe.

— Bon ! On se retrouve dans quelques semaines pour la préparation de la troisième tâche. J'espère que Barty sera revenu d'ici là ! Vous lui ferez un compte-rendu, Wistily ?

L'assistant hocha vigoureusement la tête.

— Et Martha vous enverra le sien, comme d'habitude !

Les membres du Conseil quittèrent la salle les uns après les autres. Le regard de Rufus s'attarda une dernière fois sur la chaise vide. Si Barty avait été là, il serait parti sans vraiment dire au revoir, avec un soupir, voire un mot désagréable. Il aurait eu ce mouvement de cape un peu froid qui le caractérisait si bien. Sauf qu'il n'était pas là. A sa place, il n'y avait rien.

Rufus jeta un coup d'œil à Dolores qui l'observait encore de loin.

Sans comprendre exactement pourquoi, il frissonna.

oOoOo

Compte-rendu de la réunion du Conseil Ministériel du 7 février


Président de la réunion : Cornelius Fudge, Ministre de la Magie

Participants : Dolores Ombrage, Sous-Secrétaire d'État, Percy Weasley, assistant stagiaire, Ludo Verpey, Chef du Département des Jeux et Sports Magiques, Amelia Bones, Chef du Département de la Justice Magique, Rufus Scrimgeour, Chef du Bureau des Aurors, Amos Diggory, Chef du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, Eric Baldwin, Chef du Département des Transports

Point 1

Le Conseil Ministériel se réjouit que la deuxième épreuve du Tournoi des Trois Sorciers se soit déroulée sans accroc et devant un suspense et un paysage à couper le souffle. Il tient également à se féliciter de la présence d'un magnifique « canard pilet » rarement observé à cette période de la saison.

Point 2

Le Conseil Ministériel comprend néanmoins que tous les spectateurs n'aient pas été séduits par la qualité bucolique du paysage et propose à ceux qui ont pris des places dans cette deuxième épreuve une offre exceptionnelle pour la troisième : assister à un spectacle épique, incomparable, pour la moitié de son prix seulement !*

Point 3

Le Conseil Ministériel prévoit l'installation d'affiches préventives au sein de ses toilettes afin d'éviter que quiconque se fasse avoir par leur caractère régurgitant et incite les membres du Ministère à la plus grande prudence, voire à se retenir si possible jusqu'à la fin de la journée. Toute personne observant un fait suspect à l'intérieur des toilettes est prié de le signaler immédiatement à l'administration.

Signé : Martha

*offre soumise à condition : nominative et à hauteur d'une offre par foyer dans la limite des places disponibles.

**

J'espère que cette histoire plaît à ceux qui la lisent ! On arrive bientôt à la fin ^^
Je vous souhaite tout le meilleur !

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