Chapitre 7

« La bavboule, c'est 20% de technique et mécanismes, les autres 80% sont philosophie, humour, tragédie, romance, mélodrame, amitié, camaraderie, contrariété et conversation. »

Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.


(Il fut un temps.)


Les bavbouleurs ne plaisantaient pas avec la disposition des billes. Le cercle de jeu se devait d'être parfait en tout point pour contrer l'œuvre du hasard. Barty était doté d'un œil de tigre et à la moindre imprécision, n'hésitait pas à les faire recommencer.

— Je crois que c'est bon !

Cornelius contemplait son œuvre avec satisfaction. Il était arrivé un quart d'heure en avance avant pour avoir le temps d'installer le terrain et atteindre sans pression une harmonie parfaite entre les billes et le vide qui les séparait.

Rufus leva les yeux au ciel.

— Une bavboule classique, encore ?

— Quoi, encore ? intervint Barty, légèrement agacé. C'est très bien, la bavboule classique. C'est l'essence même du jeu.

— Loin de moi l'idée de critiquer l'essence du jeu. Mais on ne pourrait pas faire autre chose, juste pour cette fois ?

— Tu veux dire quelque chose comme... le Quidditch ? murmura Cornelius avec angoisse, lui qui avait toujours eu le vertige.

Rufus le contempla un moment, interdit, puis leva les yeux au ciel.

— Comme une variante de la bavboule ! Ça fait un siècle qu'on n'a pas fait un bouchon baveux !

— Oh oui ! Ou un trou du serpent ? proposa Amos.

— Pourquoi pas ? Lucius m'a dit qu'il aimait bien les trous du serpent !

Un silence suivit la déclaration de Cornelius.

— C'est ce que vous voulez tous faire ? demanda Barty. Un trou du serpent ?

Les yeux du Serdaigle étaient froids mais presque moins hostiles que d'habitude.

— Si vous y tenez... On peut faire un trou du serpent, au moins en attendant que Verpey daigne se joindre à nous.

— Oh, merci Bavty !

— Il est où, Versletrou ? demanda Rufus. Il ne nous doit pas des sous, d'ailleurs, lui ?

— Si. Et il joue à un jeu dangereux, articula Barty entre ses dents.

Il se pencha pour récupérer les bavboules parfaitement disposées autour du cercle sous les yeux d'un Cornelius un peu triste de voir son labeur partir en fumée.

— Je crois qu'il avait un match juste avant, intervint Amos.

« Essuie ta bave avant de reprendre une nouvelle bille », aurait dit le grand Flavius Belby. Mais Ludo n'avait jamais été un grand lecteur. Il avait rejoint l'équipe de Quidditch de sa maison au cours de la saison, une décision que le Président du Club avait encore du mal à avaler. Faire deux sports à la fois ? Quelle drôle d'idée ! La bavboule, mélange de subtilité et de précision, était incompatible avec un jeu aussi barbare que le Quidditch. Verpey demeurait toutefois leur unique remplaçant et malgré toute la dévotion d'Arthur Weasley, aucun d'entre eux n'était prêt à le choisir à sa place.

Derrière eux, un bruit de course se fit entendre. Un jeune blond se précipita dans leur direction, se prit les pieds dans un caillou et manqua de s'écraser contre un conifère.

— Je suis là !

— C'est pas trop tôt, marmonna Barty. Tu fichais quoi ?

— J'étais avec Rita...

— Encore elle ?

Puis Barty laissa un entrevoir un sourire.

Pas vraiment de la joie, non, c'était même assez inquiétant.

— En parlant de Rita, tu as remboursé ce que tu nous devais ?

— Eh bien...

— Tu te souviens qu'on en a besoin pour Gouroc St. Vulfric ?

Amos se pencha à son oreille.

— Rends l'argent, Ludo !

Verpey pâlit.

— Tu parles de l'argent que j'ai emprunté ?

— Dis-moi Ludo, es-tu venu ici dans le but de te faire assassiner ?

La curiosité de Rufus était réelle. La capacité de Ludo à foncer droit dans les griffes de Barty Croupton était admirable.

— Tu as l'argent ou pas ?

Barty serrait les dents. Gouroc St. Vulfric ! Il avait du mal à croire qu'il puisse en être privé par la faute de cet imbécile. Le Grand Tournoi annuel de bavboule ! Celui qui accueillait les meilleures équipes du pays, un événement suivi dans la Grande Bretagne toute entière et qui avait même droit à deux paragraphes dans les pages sport de la Gazette !

— Euh, les gars ?

Ils se tournèrent d'un même mouvement vers Cornelius qui recula d'un pas, gêné.

— Même s'il l'avait, c'est trop tard... La billetterie est fermée, les soixante places ont toutes été vendues.

La nouvelle jeta un froid.

Les événements concernant la bavboule étaient peu nombreux. Le Grand Tournoi annuel revêtait à ce titre une importance primordiale. Y convergeaient toutes les petites rencontres, menées dans le jardin d'un joueur ou dans des morceaux de terrain prêtés par une mairie. Évidemment que la billetterie partait rapidement !

Ludo grimaça devant le silence qui s'était installé. Aucun d'eux n'avait l'air de bien prendre la nouvelle et il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien dire pour remonter le moral des troupes.

— Au moins... pas de regret ?

A peine avait-il refermé la bouche qu'une gerbe de bave lui éclata à la figure.

— Hé !

Barty s'essuya rapidement la main sur son pantalon. A côté de lui, Amos laissa échapper un petit rire.

— Tu ne l'as pas volé, celle-là !

— J'essayais juste de relativiser...

— Relativiser ?

— C'était notre sortie ! expliqua Rufus. La dernière fois où l'on irait au Tournoi tous ensemble ! Tu peux comprendre qu'il n'ait pas trop envie de relativiser, non ?

Le village de Gouroc St. Vulfric était situé entre un lac et une forêt au cœur même de l'Écosse. On y campait quelques jours, les spectateurs mélangés avec les joueurs dans une tradition de convivialité propre aux bavbouleurs. Chaque année, Dumbledore les faisait accompagner par un professeur. Ils assistaient aux matches, rencontraient les équipes, découvraient de nouvelles stratégies et d'incroyables lancers. L'année précédente, Antonius Belby avait effectué un lancer de huit sorti d'une autre planète qui les avait sidérés pendant des jours et des jours.

— Arrête de mentir, Rufus, tu n'étais même pas sûr d'y aller à cause du Quidditch !

Barty se tourna lentement vers lui.

— C'est vrai, ça ?

— Ça tombait en même temps que le match contre Serpentard, je voulais juste... y réfléchir !

— Y réfléchir ? Donc ça-y-est, tu piétines ouvertement la Charte ?

— C'est écrit dans la Charte ? s'étonna Amos.

— Le bavbouleur signe à la bavboule une licence d'exclusivité !

Rufus poussa un profond soupir.

— Tu nous emmerdes, avec ta Charte !

— Tu piétines en plus l'article neuf ? s'écria Bartemius.

— Tu crois que j'en ai quelque chose à faire ? Pourquoi tu crois qu'on l'a signée ta Charte, sinon pour te faire taire ? Pas vrai Amos ?

— Euh...

Barty se tourna vers Cornelius, furieux.

— Et toi, t'es d'accord avec ça ? Ah non j'avais oublié, tu es incapable d'avoir ton propre avis !

— Hé ! C'est pas très...

Il y eut un silence tendu.

— Peut-être que c'est une bonne chose qu'on ne parte pas ensemble, finalement, déclara Rufus.

— Je suis bien d'accord, intervint Ludo. Y'avait vraiment pas de quoi en faire un fromage !

— Toi, la ferme ! s'écrièrent Rufus et Bartemius d'une même voix.

Ils se toisèrent un instant.

— Qui aurait envie de passer du temps avec des losers comme vous, de toute façon ?

Le Gryffondor fixa un instant Barty comme s'il s'attendait à ce qu'il réagisse. Mais celui-ci se contenta d'un regard noir.

— On n'a pas besoin de toi. Si c'est ce que tu penses, autant dégager de ce terrain tout de suite.

— Très bien. Je m'en vais, dans ce cas.

— Très bien, va-t-en !

Ils se jaugèrent du regard.

— Parfait !

Rufus finit par tourner les talons, le regard brillant de colère.

Cornelius se mordit la lèvre.

— Vous ne le pensez pas vraiment... Vous dites ça parce que vous êtes déçus.

— Je peux venir ? fit Amos en courant derrière Rufus sans attendre sa réponse.

— Si c'est ça, je m'en vais aussi ! Je préfère le Quidditch de toute façon !

Verpey se dépêcha de filer. Barty avait déjà commencé à saisir des bavboules au sol pour les jeter dans sa direction.

— Je le hais, souffla-t-il.

— Barty...

Cornelius ne termina pas sa phrase, laissant le silence les envahir. La fureur qui émanait du Serdaigle était impressionnante. Cornelius jeta un coup d'œil sur le trou du serpent et tenta un timide :

— Je sais qu'on est que deux mais tu veux faire une partie ou... ?

— Non.

Et Barty Croupton rajusta sa cape et s'éloigna sans un regard pour lui.

Les deux pieds dans la boue, Cornelius ne bougea pas. Il contempla longuement les bavboules encore alignées au sol, comme si elles pouvaient lui donner la marche à suivre. Il était seul en compagnie de ses regrets et d'une vingtaine de billes encore éparpillées dans les hautes herbes. Il allait encore mettre un temps fou à les retrouver, les unes après les autres.

Ses seuls amis étaient partis. Il n'avait pas réussi à les retenir. Que faire à présent ? Proposer à Lucius de se joindre à lui ? Ce dernier était d'une humeur massacrante, ces derniers temps. Cornelius n'avait pas la force de subir un nouveau rejet. A court d'idées, il se laissa tomber sur une racine, la tête entre les mains. A ce stade, il ne voyait pas quoi faire d'autre. Pleurer, peut-être, mais il ne pouvait pas prendre le risque non plus, pas alors que Lucius ou un autre membre de sa maison était susceptible de passer dans le coin. Il ferma les yeux, prit une profonde respiration et se força à les rouvrir. Il fallait qu'il soit fort. Courageux comme Rufus, solide comme Barty, indifférent comme Ludo, loyal comme Amos. Il laissa tomber une bille en direction du trou creusé dans le sol, mais le manqua de trente bons centimètres.

Même à la bavboule, il était nul.

— Hum hum.

Cornelius sursauta en constatant qu'il n'était plus seul. Entre deux arbres s'était dessinée la silhouette d'une... une fille, constata-t-il sans y croire. Une fille qui l'observait à quelques mètres à peine, une écharpe rose autour du cou et des yeux ronds comme deux bavboules. Un pan de sa robe était déchiré, un peu abîmé, mais elle ne semblait pas s'en préoccuper. Cornelius la connaissait ! De loin, mais il la connaissait. C'était une Serpentard, elle aussi, d'un ou deux ans plus jeune que lui. Une fille plutôt solitaire, pas tellement dans le camp des populaires. Mais une fille tout de même ! Que faisait une fille à l'observer ainsi ?

— Tu veux quelque chose ?

Elle ne répondit pas immédiatement. Devait-il s'avancer ? Répéter sa question ? Il serra dans son poing une nouvelle bille et attendit.

— Tu joues seul, constata-t-elle d'une voix haut-perché.

Jouer était un grand mot, mais Cornelius choisit de hocher la tête.

— Mes amis sont... occupés.

— Ce sont tes amis ? Ils n'avaient pas l'air très amicaux.

— Tu... Tu nous observais ? demanda Cornelius, soudain mal à l'aise.

— Depuis un moment.

Les lèvres de la fille s'étirèrent en un rictus.

— Tu vaux mieux qu'eux, tu le sais ?

— Je... Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

Il était surpris. Jamais personne ne lui avait dit... ça. Surtout une fille dont il ne connaissait même pas le prénom.

— A mon avis, Scrimgeour et Diggory devraient soigner leurs fréquentations. Je les ai vus entrer plusieurs fois dans la cabane de la créature géante, près de la forêt.

— Qui, Hagrid ? demanda-t-il, interloqué, mais la fille, plongée dans sa diatribe, ne lui prêta pas la moindre attention.

— Verpey ne prend rien au sérieux, il ne fera jamais carrière nulle part. Et Croupton... j'ai croisé des cafards plus sympathiques que lui.

— Tu es dure.

— Envers les cafards, tu veux dire ?

Elle souriait toujours.

— Et puis, ce ne sont pas des Serpentard. Ils ne sont pas ambitieux, pas comme nous.

Cornelius frissonna. Lui, ambitieux ? Il n'avait jamais songé à lui-même en ces termes. Mais il était vrai qu'il était le nouveau trésorier du Club en plus de sa charge de secrétaire et qu'il prenait sa nouvelle responsabilité très à cœur. Il en était même venu à l'apprécier, cette responsabilité. Il en prenait soin, de ce petit coffre vide qu'il devait transporter de réunion en réunion. C'était sa façon d'être utile. Trouver sa place. Agir. Même si on ne le laissait pas souvent faire.

— Je ne sais pas... Ils ne sont pas si mauvais... Et ce sont mes amis.

— Pour l'instant. Poudlard ne compte pas, tu sais. C'est après que la vie commence. Quand on entre au Ministère.

— Tu comptes aller au Ministère ?

— Bien sûr. Mon père travaille au Ministère.

— Oh. Il fait quoi ?

— Aucune importance.

Elle avait balayé la question d'un geste agacé. Un instant, Cornelius craignit de l'avoir vexée.

— Tu as de la chance de connaître quelqu'un là-bas, déclara-t-il. Il faut venir d'une grande famille, ou avoir beaucoup de connaissances pour y entrer...

La fille parut hésiter. Elle le dévisagea un moment, puis finit par se pencher vers lui.

— Je peux te confier un secret ? Si tu promets de n'en parler à personne.

Il hocha la tête. Un secret, à lui ? On lui en confiait si peu qu'il n'était pas certain de la marche à suivre.

— Mon père ne peut pas me faire entrer. Pas vraiment. Cet imbécile se contente de faire le ménage au Ministère.

— Ah, je suis désolé.

Elle avait l'air particulièrement contrariée par cette idée. Puis elle secoua la tête.

— Mais ça n'a aucune importance. Tu sais pourquoi, Cornelius ? Parce que quand on veut quelque chose, on va le chercher, peu importe qui se trouve sur notre chemin.

— Pourquoi tu me dis ça ?

— Tu devrais laisser ces... jeux. (Elle prononça ce mot avec une aversion visible.) Tu mérites mieux. Et crois-moi, ni les bavboules, ni tes « amis » n'en valent la peine.

Ses yeux ressemblaient tellement à des billes à cet instant, que Cornelius eut presque envie d'en saisir un pour atteindre le trou. A la place, il laissa ses paroles faire leur chemin dans son esprit. « C'est après que la vie commence. » Avait-elle raison ? Perdait-il son temps avec un jeu aussi puéril que la bavboule ? Avec des amis qui ne l'appréciaient pas à sa juste valeur ?

— Je m'appelle Dolores, annonça la fille en lui tendant une main. Et si tu as besoin d'une amie, une vraie, je suis là.

Cornelius hésita un instant avant de lui serrer la main. Il revit dans un flash le regard méprisant de Barty, les moqueries de Ludo, celles de Rufus – ou d'Amos –, la disposition impeccable des bavboules qu'ils n'utiliseraient jamais, puis à nouveau Barty, qui s'agaçait pour un retard de cinq minutes en réunion, qui levait les yeux au ciel quand son ami proposait une activité, qui marchait un peu trop vite pour le semer dans un couloir, mais qui finissait toujours par ralentir lorsqu'il l'appelait suffisamment fort. Cornelius serra la main de Dolores et cette dernière parut satisfaite. Elle le laissa avec les bavboules qu'il n'avait aucune envie de ramasser – mais était-ce vraiment à lui de les ramasser ?

« Parce que quand on veut quelque chose, on va le chercher. »

Oui, Cornelius savait ce qu'il voulait. Une idée – une idée folle, presque absurde venant de lui – dessina un sentier dans son esprit, et même alors que Dolores se fut éloignée, cette idée ne le quitta pas. « Peu importe qui se trouve sur notre chemin. » Et sur son chemin, justement, sur le chemin menant à son désir le plus cher, se trouvait Albus Dumbledore.

Cornelius Fudge abandonna ses bavboules pour prendre le chemin du château. Il était prêt.

oOoOo

Réunion du 28 novembre

Ordre du jour

Le Conseil Ministériel vous convoque le 28 novembre de 10h à 12h dans la Salle du Conseil pour examiner les sujets suivants :

1. Bilan du déroulement de la première tâche.

2. Préparation de la deuxième tâche.

3. Le problème des toilettes régurgitantes.

Déroulé de la réunion

— Bonjour à tous !

Ludo fit un petit tour sur lui-même avant de pénétrer dans la Salle du Conseil, les bras vers le ciel et un large sourire aux lèvres. Il était si exalté par la tournure du Tournoi qu'il en avait presque oublié ses soucis personnels. Le jeune Potter avait fini la première tâche ex-æquo avec Viktor Krum ! Si ça, ce n'était pas une formidable victoire !

— Ça s'est pas si mal passé, non ?

C'était une sensation étrange de célébrer une réussite. Ludo jeta un coup d'œil à ses collègues. Ni Amos, ni Barty ne paraissaient d'excellente d'humeur, mais les autres lui rendirent son sourire.

— Je dirais même : tout s'est très bien passé ! déclara Dolores d'un ton mielleux.

Rufus ne put s'empêcher de frissonner en entendant sa voix. La sous-secrétaire d'état s'était rapprochée le plus possible du coin de table de Cornelius, présidant quasiment la réunion à ses côtés.

— Je ne suis pas sûr pour le « tout », intervint Amos. Les dragons n'ont pas tellement apprécié le voyage. Le réveil a été difficile.

Cornelius grimaça.

— Heureusement pour nous, Ste-Mangouste a un très bon service brûlure.

— Une partie de la Forêt Interdite a également été brûlée cette nuit-là, non ? demanda Amelia.

— Vous savez, j'ai entendu dire que c'était assez bénéfique pour l'environnement, un petit incendie de temps en temps.

— J'admire ton optimisme.

Le ministre de la Magie jeta un coup d'œil du côté de Ludo, qui hocha la tête. Pour une fois qu'il n'y avait aucun mort, il n'allait pas bouder son plaisir. A côté de lui, Rufus secoua sa crinière avec un sourire.

— Tu vois, Amos, le gamin qui a tiré le Magyar à Pointe ne s'en est pas si mal sorti !

— C'est bon, il n'était pas non plus si féroce.

Amos se détendit un peu sous les rires de ses collègues. En vérité, il était surtout soulagé que son fils ne l'ait pas tiré au sort. Cédric n'avait pas gagné mais au moins, il avait survécu. Il aurait tout le temps de se rattraper plus tard.

— Tu as récupéré les sondages auprès de Skeeter comme je te l'ai demandé, Ludo ? demanda Cornelius.

— Oui ! Ce que je ne ferais pas pour vous... (Il plissa les yeux pour déchiffrer une écriture manuscrite.) Alors, 41% des spectateurs interrogés ont trouvé le spectacle « dangereux et divertissant », 18% ont estimé que l'épreuve manquait d'enjeu, 12% se disent touchés par une flamme perdue et demandent un remboursement, 3% protestent contre le choix de dragons uniquement femelles et auraient aimé une représentation paritaire de l'espèce et...

— Oui ?

— Non, rien, ce n'est pas très... Rita a dû se tromper...

— Ludo !

Verpey grimaça, et sa voix se fit moins assurée.

— 34% des sondés assurent que « les commentaires de Ludo Verpey leur ont gâché le plaisir procuré par le spectacle ».

Le silence interloqué qui s'était installé se brisa dans les éclats de rire.

— Donc Rita est rancunière ! s'amusa Rufus.

— Je vous avais prévenus ! Et ils étaient très bien, mes commentaires !

Rufus essuya ses yeux encore baignés par les larmes et jeta un regard du côté de Bartemius, droit sur sa chaise, qui n'avait pas prononcé un mot. Il ne pouvait pas s'empêcher de trouver son attitude étrange. Le Barty qu'il connaissait n'aurait jamais manqué une occasion d'enfoncer Ludo Verpey par une remarque froide et assassine. Or, plus les jours passaient, moins la vie paraissait émaner de son collègue et ami. Lui qui n'avait jamais été un être lumineux et jovial paraissait simplement éteint.

— Barty ? fit Rufus d'une voix plus douce qu'il n'en avait l'habitude.

Bartemius fut parcouru d'un frisson. Sa main droite se raccrocha à un morceau de parchemin et le froissa entre ses doigts, les dents serrées. Il ouvrit de grands yeux, comme surpris de se trouver là.

— Je...

Puis sa main s'ouvrit de nouveau. Le visage de Barty retrouva sa dureté habituelle.

— Tu es sûr que ça va ? s'inquiéta Rufus.

Le chef de la Coopération magique internationale ne daigna pas lui adresser un regard.

— Presque que du positif, donc ! s'exclama Cornelius. On peut donc passer au point suivant dans l'ordre du jour : la deuxième tâche ! Un formidable spectacle nous attend !

— En parlant de spectacle, je ne suis pas sûre que la disposition du public soit optimale pour..., commença Amelia.

Mais Fudge était trop enthousiaste pour prêter attention à la négativité. Il préféra se tourner vers Amos.

— Dis-moi, tu as parlé au peuple de l'eau ?

— J'ai laissé ça à Dumbledore. Ma langue aquatique est un peu rouillée et il a créé des liens très forts avec eux, depuis le temps.

— Où on en est, au niveau de l'organisation ? Est-ce qu'on a choisi un « captif » pour chaque champion ?

Une fois encore, Amelia grimaça.

— On reste sur cette idée, Cornelius ? Est-ce vraiment moral de kidnapper des élèves pour les mettre dans le lac ?

— C'est une idée de Dumbledore, répliqua ce dernier, hautain.

— Et tu...

— Va faire changer d'avis Albus Dumbledore !

Dolores eut un rictus.

— Oh, ça ne devrait pas être si difficile.

— Une prochaine fois, marmonna Fudge. Bon, le dernier point : on a toujours ce problème de toilettes régurgitantes !

— Tu n'avais pas mis Arthur Weasley sur le coup ? demanda Amelia.

— Si on attend quelque chose de Weasley...

A côté de Bartemius, Wistily baissa les yeux, gêné.

— Rufus, tu ne veux pas t'en charger ? demanda Cornelius. Ça commence vraiment à être embêtant, cette histoire. Une toilette a explosé au visage de Dolores pas plus tard que la semaine dernière !

— Quelle honte, déclara Rufus, mais son visage échoua à paraître réellement contrarié.

Le terroriste des cabinets remontait dans son estime.

— C'est inadmissible ! renchérit Cornelius.

— Je demanderais à mes amis de la Brigade d'y jeter un coup d'œil.

Rufus songea qu'il laisserait bien traîner cette affaire encore une semaine ou deux. En ces temps troublés, on avait bien besoin de s'amuser un peu.

— Parfait. Nous comptons sur toi, Rufus.

— Je ne te décevrai pas.

Fudge avait nommé Rufus chef des Aurors, envoyant du même coup Alastor Maugrey en retraite anticipée, pour une raison. On pouvait toujours compter sur Rufus Scrimgeour.

— Eh bien, bravo à vous, c'était une bonne réunion !

L'ensemble de ses collègues hocha la tête. Les réussites n'étaient pas si nombreuses. Il était important de se féliciter lorsqu'ils avaient fait du bon travail.

— Rufus, tu peux venir avec moi ? J'aimerais te montrer précisément les toilettes où le drame a eu lieu. Les autres, on se retrouve pour le bilan de la deuxième tâche ! Martha vous enverra le compte-rendu !

Ludo esquissa un sourire en rangeant ses affaires. L'épreuve suivante promettait d'être très intéressante !

— Tu restes là, Bavty ? demanda-t-il en jetant un coup d'œil à son collègue, toujours immobile sur sa chaise.

Devant son absence de réaction, il s'approcha de lui.

— Tu pourrais sourire. Les dragons n'ont tué personne ! T'as l'air aussi heureux que le jour où on a annulé notre voyage à Gouroc St. Vulfric !

St. Vulfric.

La colère sous la forme d'un flash.

La voix de Ludo Verpey, qui coulait alors sur lui sans l'atteindre, l'accrocha au passage. Ses mains touchèrent le bois tangible de la table, une matière réelle, les couleurs réapparurent dans une déchirure. Bartemius leva les yeux vers son collègue qui riait à quelques mètres de lui, une main sur la porte comme pour se préparer à sortir.

— Ludo...

Prononcer des mots faisait mal mais il s'y raccrocha. Son mince filet de voix prit davantage de consistance, il se leva, fit quelques pas en direction de Verpey et s'appuya, épuisé, contre le mur.

Quelque chose lui oppressait le crâne. Puissant. Douloureux. Impossible à ignorer.

— Ludo... mon... mon fils..., articula-t-il.

L'ancien sportif s'arrêta pour l'observer, surpris.

— Oh. On n'a pas beaucoup d'années de différence, tu sais... Enfin, ça me flatte beaucoup, ce que tu dis.

Il sourit, convaincu que la difficulté de Barty à tenir debout s'expliquait par une tentative d'étreinte un peu maladroite et, grande âme, il décida de faire le chemin lui-même. Il serra son vieil ami dans ses bras avec enthousiasme.

— D'une certaine façon, Barty, tu as toujours été mon père spirituel.

Ludo le lâcha pour lui asséner une petite tape sur l'épaule, satisfait, avant de quitter la salle revigoré, un grand sourire aux lèvres.

— Tout va bien, Mr Croupton ?

La petite voix inquiète de Wistily, juste derrière lui. Il sembla à Barty que quelque chose s'éteignait en lui. « Joue le jeu », reprit la voix qui s'était tue. La douleur disparut presque aussitôt, laissant derrière elle une béance sans limite.

Il se redressa lentement.

— Tout va bien, articula-t-il d'une voix mesurée et froide.

Barty quitta la pièce d'un mouvement de cape.

oOoOo

Compte-rendu de la réunion du Conseil Ministériel du 28 novembre

Président de la réunion : Cornelius Fudge, Ministre de la Magie

Participants : Dolores Ombrage, Sous-Secrétaire d'État, Bartemius Croupton, Chef du Département de la Coopération Magique Internationale, Percy Weasley, assistant stagiaire, Ludo Verpey, Chef du Département des Jeux et Sports Magiques, Amelia Bones, Chef du Département de la Justice Magique, Rufus Scrimgeour, Chef du Bureau des Aurors, Amos Diggory, Chef du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, Eric Baldwin, Chef du Département des Transports

Point 1

Le Conseil Ministériel se réjouit de la réussite de la première épreuve du Tournoi des Trois Sorciers, et constate que la sécurité mise en place avec Albus Dumbledore a porté ses fruits. Il se félicite, en collaboration avec la redoutable efficacité du service brûlure de l'hôpital Ste-Mangouste, qu'aucun champion n'ait été gravement blessé pendant son affrontement avec le dragon.

Point 2

Le Conseil Ministériel, après une étude des récents sondages, annonce avec beaucoup de fierté un taux de 98% de satisfaction sur la première épreuve, les 2% étant dus à la concordance du Tournoi avec le match Fraserbourgh – Newtown St. Boswells en troisième division de la Ligue Nationale de Quidditch.

Point 3

Le Conseil Ministériel rappelle l'absolue interdiction de faire exploser des toilettes, quelle qu'en soit la cible, au sein du Ministère.

Signé : Martha

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