Chapitre 5
« La bavboule est une affaire de cœur. Si vous ne la prenez pas au sérieux, elle ne sera pas amusante. Si vous le faites, elle vous brisera le cœur. »
Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.
(Il fut un temps.)
C'était un après-midi froid et gris, si pluvieux qu'après avoir traîné un peu du côté des confiseries, les cinq amis s'étaient vite réfugiés dans le café le plus proche. Les Trois Balais grouillait de monde, comme toujours. Sur leur table, la plus proche des toilettes à défaut d'avoir pu trouver mieux, se mêlaient quatre bièraubeurres et un jus de citrouille - Cornelius ne supportait pas l'alcool.
Seule la chasse d'eau interrompait parfois la longue tirade de Ludo Verpey, mais Amos l'entendait à peine. Un coup d'œil du côté de son meilleur ami lui indiqua que Rufus n'était pas plus attentif. Il fixait d'un air songeur l'entrée du bar où se tenait Janet Rosmerta en pleine discussion avec Rita Skeeter. Il y avait quelque chose dans les boucles dorées de Janet, ses yeux bleus et - même si bien sûr, Amos la regardait à peine - sa poitrine plantureuse. Un charme qu'il ne trouvait nulle part ailleurs.
C'était étrange comme Rosmerta avait en quelques mois changé à ses yeux. C'était une camarade, une Poufsouffle de son année, affable et sympathique, une fille qu'Amos avait toujours trouvée jolie. Mais ces derniers temps, jolie ne semblait pas lui rendre justice.
Et Rufus se faisait apparemment la même réflexion.
Amos se mordit la lèvre. Rufus était à Gryffondor. Il était aussi préfet. S'il coiffait ou coupait un peu sa crinière qui lui descendait jusqu'au bas du cou, il aurait même été plutôt attirant. Amos, lui, était le gars sympa, qu'on aimait bien mais à qui on ne prêtait pas tellement attention. Il savait qu'au fond, si son ami décidait d'entrer dans la course, il ne tiendrait pas la distance.
Quelques mètres plus loin, Rosmerta éclatait de rire. Rufus rejeta ses cheveux en arrière et Amos reprit une gorgée de bièraubeurre. Elle était parfaite, cette fille. Parfaite.
- J'ai vraiment l'impression que vous n'écoutez pas.
- Quoi ? Tu disais quelque chose ?
Ludo poussa un long soupir pendant que Cornelius secouait la tête, indigné.
- Moi, je t'écoutais !
- Mais pas eux.
Barty releva enfin les yeux de son devoir de Métamorphose.
- Ça prend de l'énergie de baver, asséna-t-il en désignant d'un coup de menton les deux filles qui discutaient toujours dans l'entrée, puis Amos et Rufus qui firent immédiatement mine de s'indigner. Tu sais bien qu'ils sont incapables de faire deux choses en même temps.
Ludo tourna la tête. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire.
- Oh ! Après tout, baver n'est pas indigne d'un bavbouleur...
- Pas quand on a le quotient intellectuel d'une bille en tout cas, répliqua Bartemius.
Personne ne répondit à l'affront. Ce qui se déroulait sous leurs yeux accaparait toute leur attention. Cherchant du regard une table libre, les deux filles s'avançaient enfin dans la salle des Trois Balais. Il y eut un silence tendu.
Puis Cornelius agita les bras.
- Hé ! Vous voulez vous joindre à nous ?
Amos se tendit alors que le regard bleu de Janet Rosmerta se posait sur leur petit groupe installé dans la pénombre et que la chasse d'eau retentissait pour la sixième fois.
- Tu ne pouvais pas..., chuchota-t-il à Cornelius entre ses dents, si furieux que les mots s'entrechoquaient entre eux et qu'il en oubliait ce qu'il avait voulu lui dire.
Mais Cornelius agitait toujours la main en direction de la Poufsouffle, un grand sourire aux lèvres.
- La fermer ? termina Rufus.
- Ouais, voilà.
Trop tard. Quelques secondes plus tard et les deux filles étaient là, devant eux, et c'était idiot, ce stress qui l'envahissait ! Après tout, Amos leur avait parlé à plusieurs reprises, il avait même été le partenaire de botanique de Rosmerta - deux fois ! - jusqu'au moment où elle avait failli perdre deux doigts. Bon, c'était un peu de sa faute, il avait essayé d'offrir un bout de saucisse à leur plante carnivore. Pas l'idée du siècle, lui avait expliqué après coup Mrs Pearltree. La viande rendait les plantes un peu cinglées.
Mais les doigts avaient finalement été rattachés, non ? Rosmerta n'avait plus de raison de lui en vouloir. Elle paraissait calme, presque hautaine, plus grande que d'habitude dans la lumière tamisée du bar. En jetant un œil à sa propre main, Amos se rendit compte que ses doigts à lui étaient en train de trembler.
Pourquoi fallait-il que Cornelius s'en mêle ? Ils n'étaient pas prêts !
- On veut bien vous faire une place à notre table, déclara le Serpentard avec enthousiasme.
Rosmerta lui décocha un regard sceptique.
- Et on s'assoit où, sur vos genoux ?
- Les miens sont libres, en tout cas, répondit Rufus avec un sourire charmeur. Et très confortables.
L'amusement de Rosmerta agaça Amos avec une intensité dont il n'avait pas l'habitude.
- Les miens sont plus moelleux encore !
- Non merci, dit-elle sans même lui accorder un regard.
Clairement impatiente, Rita attira son amie à elle. Elle replaça ses lunettes sur son nez et considéra les cinq garçons avec mépris.
- Viens, on va voir à l'étage. Lucius a dit qu'il allait s'y installer.
- Si tu veux, souffla Rosmerta avec un haussement d'épaule.
- Lucius est là ? s'étonna Cornelius.
Les deux filles l'ignorèrent. Rosmerta rajusta son sac sur son dos. Elle s'apprêtait à partir quand la voix de Rufus, amicale et chaleureuse, la retint.
- Tu sais, Rosie, si tu viens à Pré-au-lard avec moi la prochaine fois, je ferais l'effort de réserver une table.
- Ah oui ?
- Et je suis de bien meilleure compagnie que... Lucius Malefoy.
- Ça reste à prouver, Scrimgeour.
Il sourit.
- Mais je ne demande que ça : te le prouver.
Rosmerta lui rendit son sourire avant de suivre son amie à l'étage. Elle disparut derrière les escaliers. Rufus se laissa tomber sur le dossier de sa chaise avant de décocher à Amos un regard satisfait.
- Tu vois, mon ami, c'est comme ça qu'on ferre un poisson.
- Elle n'a pas dit oui, marmonna Amos entre ses dents.
- Mais elle n'a pas dit non !
Barty leva les yeux au ciel.
- Tu vas vraiment sortir avec elle ? Avec toutes les occupations que t'as déjà ? T'as à peine le temps d'assister aux réunions !
Ludo lui tapota gentiment le dos, ce qui lui valut un regard noir.
- T'inquiète, Barty, le jour où Janet Rosmerta sortira avec Rufus Scrimgeour...
- Et qui est déjà sorti avec une fille, parmi les bavbouleurs ? répliqua l'intéressé.
- T'es sorti trois jours avec Amanda, marmonna Amos.
Rufus haussa les épaules.
- Trois jours de plus que vous tous réunis. Et t'en fais pas, Barty, tu sais bien que je trouverais toujours du temps pour toi !
Il eut un silence pendant lequel Bartemius s'étouffait avec sa bièraubeurre.
A côté de lui, Ludo éclatait de rire.
- Tant de remous pour cette fille !
Il tapota la table d'un air amusé.
- Alors que Rita est beaucoup plus jolie...
Amos grimaça. C'était certain, les filles ne leur apporteraient que des ennuis.
oOoOo
Réunion du 2 novembre
Ordre du jour
Le Conseil Ministériel vous convoque le 2 novembre de 10h à 12h dans la Salle du Conseil pour examiner les sujets suivants :
1. Bilan général de la cérémonie d'ouverture du tournoi des Trois Sorciers
2. Le problème du quatrième champion
3. Maintien de la coopération internationale face aux dissensions
Déroulé de la réunion
Dans la salle de réunion régnait une atmosphère électrique. A peine Ludo avait-il pénétré dans la pièce qu'il laissa tomber un dossier sur la table d'un geste dramatique. Le bruit fracassant les fit sursauter.
- Extraordinaire ! s'exclama-t-il. C'est incroyable. Je ne pensais pas voir ça dans ma vie : un quatrième champion !
- C'est un désastre ! Un désastre !
Fudge s'était levé. Il fit le tour de la table en ruminant, trop furieux pour envisager de revenir à sa place.
Ludo continuait de sourire. Tel un cognard frappant in extremis l'attrapeur qui a le vif d'or au bout des doigts, il avait toujours eu un goût pour les rebondissements inattendus.
- Tu voulais redorer l'image du Ministère, quoi de plus excitant que deux champions ?
- C'est encore un coup de Dumbledore !
- Allons Cornelius, intervint Rufus en levant les yeux au ciel, quelle raison Dumbledore aurait-il eu pour mettre en danger Harry Potter ?
Amos secoua la tête. Il ne le montrait pas mais la situation ne lui plaisait pas davantage.
- J'imagine que ce garçon n'aime pas qu'on lui vole la vedette...
- Vous êtes jaloux qu'il ait réussi à tromper le stratagème de Dumbledore ! fit Ludo. Soyons un peu sérieux, mes amis, qui parmi nous n'aurait pas tenté de mettre son nom dans la coupe ?
Croupton choisit cet instant pour relever la tête de ses dossiers.
- Bon, on enlève Barty... Mais les autres ? Charles, vous auriez essayé ?
Il y eut un silence.
- Charles ?
- Ah c'est moi que vous...
- Bon, est-ce qu'on peut commencer la réunion ? fit Amelia avec impatience. Il faut que le Ministère tranche officiellement sur cette question.
- Quelle question ? demanda Ludo.
- Eh bien, si l'on autorise ou non Harry Potter à participer à la compétition.
Cornelius secoua la tête.
- La vraie question, c'est si l'on autorise ou non Dumbledore à manigancer contre le Ministère !
Rufus soupira.
- Il n'est même pas là pour s'expliquer ! s'écria Fudge. Voilà une preuve de son mépris pour nos institutions. Si nous acceptons cela, qu'accepterons-nous ensuite ? Qu'il monte une armée contre le Ministère ?
Ludo remarqua alors que les veines de sa main avaient presque la forme d'une batte de Quidditch, et il donna un coup de coude à Amos pour lui faire part de sa découverte. Rufus contempla un instant Cornelius, toujours debout devant eux, le poing serré. Il ressentit pour son ami un agacement mêlé à une profonde lassitude.
- Mais arrête avec ta paranoïa... Dumbledore se fiche autant du Ministère que de ton premier lancer de huit !
- C'était un très beau lancer ! s'indigna Cornelius.
- Tu parles ! On a jamais retrouvé la boule, elle a fini dans le lac !
- Le terrain était en pente !
Cornelius vociférait si fort qu'aucun d'entre eux n'avaient entendu la porte de la salle de réunion s'ouvrir, laissant apparaître une sorcière à la silhouette trapue. Ses grands yeux ronds étaient posés sur Cornelius et sa bouche large et molle esquissait un sourire.
- Hum, hum.
Tous se tournèrent vers elle.
- Manquait plus qu'elle, marmonna Rufus entre ses dents. Le crapaud.
- Je ne doute pas des intentions de Dumbledore, minauda Dolores Ombrage. Toutefois il n'est pas inutile de poser la question de la nomination de son élève préféré dans ce Tournoi. Quelle chance y avait-il pour que la coupe choisisse Harry Potter, que tout le monde sait être son protégé ?
- Exactement, dit Cornelius en se rasseyant, un peu rouge d'avoir tant crié. Merci, Dolores.
Ombrage prit place à son tour, sans cesser de sourire.
- Peut-on savoir ce qui nous vaut l'honneur de votre présence ? demanda aimablement Amelia.
- Je l'ai invitée, déclara Cornelius avec autorité.
Les autres échangèrent un regard. Ludo lâcha un petit rire et Dolores posa sur lui ses grands yeux ronds.
- Avez-vous eu des nouvelles de Bertha, Mr Verpey ?
- Eh bien..., fit-il en perdant son sourire. Bertha... Je... Non.
- Hum hum, je vois. Où en étions-nous ?
- Nous discutions de la légitimité de la présence d'un quatrième champion.
- Au tournoi des Trois Sorciers, précisa Amos, le regard noir.
Barty referma ses dossiers d'un geste sec, l'air plus impatient que jamais.
- Il n'y a rien à discuter. Le règlement est clair : le nom de Potter est sorti de la coupe, il doit concourir. Point.
Le silence retomba dans la salle.
- Mais tout de même, commença Amos d'une petite voix, est-ce qu'on ne risque pas une certaine... mésentente avec... les ressortissants étrangers ?
- Non.
Amos hocha la tête, convaincu.
- D'accord.
Nouveau silence.
- Je crois que cette réunion est terminée, annonça Cornelius, la mine légèrement renfrognée.
- Parfait ! s'exclama Dolores. Nous nous retrouverons donc pour le bilan de la première épreuve !
- Parce que... elle vient ? souffla Rufus à Cornelius.
- Bien sûr, c'est ma sous-secrétaire d'état.
Ludo regarda Dolores quitter la salle enrobée dans son gros manteau rose et se tourna immédiatement vers Cornelius.
- Alors vous deux, vous êtes... ?
Cornelius rougit et se leva à son tour.
- Martha vous enverra le compte-rendu ! s'exclama-t-il en se précipitant hors de la salle.
Rufus le regarda s'éloigner avec horreur. Une grimace tordait ses traits.
- T'étais obligé de poser cette question, Ludo ? Personne n'a envie de penser à... ça.
- Je vais y aller aussi, déclara Bartemius d'un ton neutre. J'ai laissé Wistily tout seul un peu trop longtemps.
Il rangea ses dossiers l'un après l'autre, prenant soin de respecter l'ordre alphabétique, puis fit mine de suivre Cornelius.
Au moment de franchir la porte, il s'arrêta.
- Au fait, Amos, félicitations pour ton fils.
Amos, bouche bée par la surprise, fut incapable de lui répondre. Barty s'éloigna dans un mouvement de cape.
oOoOo
Compte-rendu de la réunion du Conseil Ministériel du 2 novembre
Président de la réunion : Cornelius Fudge, Ministre de la Magie
Participants : Dolores Ombrage, sous-secrétaire d'état, Bartemius Croupton, Chef du Département de la Coopération Magique Internationale, Ludo Verpey, Chef du Département des Jeux et Sports Magiques, Amelia Bones, Chef du Département de la Justice Magique, Rufus Scrimgeour, Chef du Bureau des Aurors, Amos Diggory, Chef du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, Eric Baldwin, Chef du Département des Transports
Point 1
Le Conseil Ministériel tire un bilan positif de la cérémonie du Tournoi des Trois Sorciers. Les délégations étrangères ont été accueillies avec succès par l'école de sorcellerie Poudlard. Les élèves apprécient d'ores et déjà la qualité de l'échange culturel qui leur est proposé, promettant une année riche et instructive à tous.
Point 2
Le Conseil Ministériel a pris la décision, à la suite de la nomination d'un quatrième champion, de suivre à la lettre les directives du règlement du tournoi rédigé en 1294 par le célèbre Symetrius Raimondin : « cestuy adont il nom estrait par sort a cope le feu doit tosjors avoir part a ceste aventure ».
Point 3
Le Conseil Ministériel remercie les délégations étrangères pour leur compréhension face à cet événement inédit et inattendu. Il comprend les inquiétudes que la situation soulève et s'engage à une impartialité totale. Le Conseil Ministériel ne doute pas que les juges sauront faire preuve de la plus grande équité pour faire de cette expérience une réussite profitable à tous.
Signé : Martha
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