Chapitre 10
« Le bouchon baveux donne aux ratés l'occasion de faire leur trou. »
Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.
(Il fut un temps.)
C'était le moment. Le jour J, celui qu'ils attendaient avec tant d'impatience.
La campagne s'était terminée et avec un petit coup de pouce d'Amelia Bones et de quelques-uns de ses amis, ils étaient parvenus à rassembler suffisamment d'équipes pour organiser le tournoi. Ni Rita, ni Lucius, ni aucun Serpentard n'avait rien pu faire. Ils avaient gagné.
Dumbledore avait dessiné les terrains selon des angles d'une absolue perfection. Barty avait passé sa matinée à les vérifier, accompagné d'un Cornelius plus ou moins réticent. A présent, entouré d'une trentaine de chaises dont la moitié était pleine, il leva la tête. Une légère bruine humidifiait l'air. Quelques nuages gris avaient fait leur apparition mais il ne pleuvait pas encore.
— Ça va être génial !
L'enthousiasme de Cornelius aurait pu être communicatif ; il n'en fut rien. Sans répondre, Barty lissa sa moustache qu'il soupçonnait d'avoir frisé.
En face, Arthur Weasley les salua, un parapluie à la main.
— Salut les gars ! C'est le grand jour, hein ?
Il était accompagné de son ami Perkins et de Sibylle Trelawney, ravie d'être là. Barty salua sa partenaire de Divination d'un hochement de tête.
— Une grande catastrophe nous attend, déclara-t-elle d'un ton sombre.
— La pluie ? interrogea Ludo qui venait de débarquer derrière elle.
Sibylle s'arrêta un instant pour réfléchir.
— Pas n'importe quelle pluie, Verpey. On parle d'une grosse averse ! Peut-être même une tempête !
— Merlin nous préserve...
— Oh non, souffla Cornelius à côté de lui.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Dumbledore !
Barty leva les yeux au ciel.
— Évidemment qu'il y a Dumbledore puisqu'il a organisé le tournoi.
— Mais il n'est pas obligé de se diriger vers nous ! Pourquoi il se dirige vers nous ?
La panique de Cornelius s'accrut lorsque le directeur ouvrit les bras et leur offrit un large sourire.
— Ah, vous voilà !
Non loin, Rufus et Amos couraient pour les rejoindre.
— C'est un grand jour pour la bavboule ! annonça Dumbledore avec fierté. Vous avez fait du bon travail.
— Merci monsieur !
— Nous commencerons bien évidemment par une bavboule classique. Les deux équipes qui arriveront en finale du Tournoi auront l'honneur de rencontrer les Princes de l'Écume en personne !
Barty en resta bouche bée. Affronter l'équipe d'Antonius Belby ?
— Tenez, les voilà qui arrivent !
Ce n'était pas un rêve. Non, c'était réel. Un peu plus loin, la silhouette d'Antonius s'avançait vers eux. Aucun d'eux n'en menait large devant l'ultime bavbouleur. Belby n'était pas très grand, pas très impressionnant, pas très charismatique et à vrai dire, pas très beau non plus, mais ça n'avait aucune importance.
Ils avaient devant les yeux la légende du lancer de huit en personne.
— Antonius ! s'exclama Dumbledore. Comment allez-vous ?
Le directeur lui serra la main avec chaleur.
Les joueurs avaient commencé à se rassembler tout autour d'eux, les yeux rivés sur le directeur.
— Ravi de vous revoir, Albus. J'ose espérer que vous avez corrigé votre lancer depuis la dernière fois !
— Ah, c'est tout le problème de la vieillesse... Je deviens myope, Antonius, je ne vois plus aussi bien qu'avant.
— Ne dites pas de bêtises. Je suis certain que vous pourriez lancer les yeux fermés ! Tiens donc, ce sont vos élèves ? Club des bavbouleurs, hein ?
Sans prêter attention aux autres joueurs, Antonius observa la bande d'adolescents d'un air attendri.
— J'ai hâte de voir ce qu'ils valent. Et bien sûr, de jouer contre les meilleurs.
Alors que ses paroles ne rencontraient qu'une indifférence générale – la plupart des élèves présents n'avaient jamais entendu parler d'Antonius Belby –, Barty comprit qu'il fallait qu'ils gagnent.
Pas seulement lui. Eux, les bavbouleurs. Il échangea un rapide regard avec Rufus et sut qu'ils s'étaient compris.
Ils les battraient. Les autres n'étaient que des amateurs. Ils ne s'étaient jamais levés aux aurores pour pratiquer leur lancer de six. Ils n'avaient pas subi les trahisons de Ludo en réunion, l'inutilité de Cornelius, le sarcasme de Rufus ou les cookies d'Amos qui dataient d'une semaine et avaient déjà commencé à moisir. Ils n'avaient même pas signé la Charte !
Barty se pencha vers son partenaire.
— On va gagner.
Dans sa voix, une conviction qui n'autorisait pas le moindre doute.
— Bonne chance, leur murmura Amos avant de rejoindre Rufus pour le premier match.
— Hé, tu sais comment ça se lance, ce truc ?
— Pff, ça peut pas être si compliqué !
Barty faillit esquisser un sourire en entendant les paroles de ses prochains adversaires. Pas compliquée, la bavboule ? Devant eux, deux filles du club d'échec ramenées par Amelia. Elles n'avaient la moindre idée de quoi elles parlaient. L'une d'elles saisit sa bille entre le pouce et l'index et Barty ne put s'empêcher de grimacer.
D'un côté, c'était parfait.
Ni la pluie qui conformément à la prédiction de Sibylle, tombait de plus en plus drue, ni les amateurs qui se succédaient devant eux, n'eurent la moindre incidence sur leur performance. Barty possédait un œil sûr. Même Cornelius, tout nerveux qu'il était, se trouvait bien meilleur que n'importe lequel des joueurs qu'ils rencontraient.
Contre eux, Joel Perkins et Reg Cattermole n'eurent pas la moindre chance. Au match suivant, ils écrasèrent Erica Edgecombe et Amelia Bones dans un dernier lancer de huit digne des annales.
Quant à Arthur et Sibylle... La partie fut serrée. Très serrée. Barty s'y attendait. En aucun cas, ils étaient à sous-estimer. Une sortie de cercle après l'autre, des risques calculés et des lancers précis et fins. Arthur s'était entraîné pour ça toute l'année. Cornelius tenta une bousculade un peu risquée et expulsa une bavboule à deux centimètres du terrain. Trelawney lança la sienne et en projeta deux hors du cercle avant de se retourner vers son partenaire, satisfaite.
Aucune bave n'était encore sortie.
Égalité.
Barty balaya le terrain de ses yeux froids et concentrés. Le duel se jouait désormais entre Arthur et lui. Une unique bille neutre se tenait au milieu du cercle, impossible à atteindre sans risquer d'éjecter les autres.
Impossible ? Presque. Antonius Belby aurait pu l'atteindre, cette bille. Il lui fallait un lancer de huit, deux rebonds au minimum et un angle calculé au millimètre. Barty pouvait le faire. Aujourd'hui, il pouvait tout faire. Sa bille s'envola et en heurta une seconde qui roula jusqu'au tracé avant de s'arrêter à deux centimètres de lui.
— Oh non...
La voix provenait de Cornelius, juste à côté.
Barty essuya le liquide visqueux qui coulait sur sa figure. Trop tard. C'était terminé. Deux centimètres avaient manqué pour la victoire, il venait d'offrir à Arthur la partie. Adieu, Antonius, adieu la finale de ses rêves et la reconnaissance de toute l'école ! Le cœur serré, il ne put que regarder Arthur tirer une ultime bille.
Et... manquer sa cible ?
Barty échangea avec Cornelius un regard stupéfait.
Comment Weasley avait-il pu manquer un lancer aussi facile ? Ça n'avait aucun sens !
— Ce n'est pas possible ! Je pensais que...
Lorsque Barty jeta sa dernière bille, un sourire vint illuminer son visage. Ils avaient gagné.
Peut-être qu'ils ne pouvaient pas perdre, pas aujourd'hui, tout simplement.
Peu à peu, les terrains se vidèrent. Les spectateurs s'éloignèrent au fur à mesure de l'élimination des équipes. Ceux qui étaient venus par simple curiosité étaient retournés au château. Bientôt, leur emplacement à nouveau presque vide, la logique respectée, il ne resta qu'eux.
— Vous avez gagné tous vos matches ? demanda Ludo.
— Oui ! Et toi ?
— Mon partenaire a glissé sur une feuille. Dumbledore l'a conduit d'urgence à l'infirmerie.
— Ah zut.
Un clappement de mains retentit à leur droite.
Cornelius sursauta en voyant Belby surgir de l'ombre.
— Pas mal du tout !
Les Princes de l'Écume souriaient. Moroz, le partenaire officiel d'Antonius, hocha la tête avec vigueur.
— On a dû vous aider une ou deux fois, mais dans l'ensemble, vous vous débrouillez très bien !
— Nous aider ?
— C'était une bonne idée de la part de Dumbledore de nous faire venir, poursuivit Belby comme si de rien n'était. Même si j'ai bien cru que les autres ne partiraient jamais. Heureusement qu'il pleut !
La tempête prédite par Sibylle avait bel et bien lieu. La pluie avait redoublé d'intensité et on pouvait entendre au loin un début d'orage. Rufus fronça les sourcils.
— Comment ça « heureusement qu'il pleut » ? interrogea-t-il, perplexe. C'est plutôt un désastre, non ? Tout le monde est parti et... les terrains sont couverts de boue !
— Dumbledore est un grand joueur de bavboules mais... disons qu'on a toujours eu un petit différend sur la manière dont on perçoit notre institution.
Belby sourit.
— Albus a toujours rêvé d'ouvrir la bavboule au plus grand nombre.
— Je ne comprends pas... Vous n'êtes pas d'accord ?
— Oh, bien sûr que non.
Sa voix dégageait une évidence qui les laissait bouche bée.
— Je ne comprends pas, fit Cornelius d'une petite voix. Pourquoi être venu dans ce cas ?
— Par curiosité, d'abord. Seize joueurs ! On voulait voir si un tel exploit était possible ! Mais il ne suffit pas de tenir une bavboule entre ses mains pour être un bavbouleur.
— Chaque imbécile qui tenait sa bille entre le pouce et l'index j'avais envie de le tuer, lâcha Moroz en riant. Quel degré d'ignorance ça demande, un truc pareil ?
— Sans parler de ceux qui sont venus pour rire un peu...
Malgré sa voix légèrement amère, Antonius souriait toujours.
— Enfin, peu importe, ils peuvent bien se moquer. L'important, c'est qu'on se reconnaisse entre nous. Et comme dirait Minchamboul', ils finiront tous par baver devant nous.
— Minchum est un vieil ami à nous, expliqua Moroz. Il travaille au Ministère.
D'un coup de baguette, le joueur créa autour du terrain une bulle imperméable à la pluie.
— C'est votre dernière année à Poudlard, non ?
— Pour nous oui, déclara Cornelius en désignant Barty.
— Vous savez ce que vous allez faire plus tard ?
— Aucune idée...
Belby prit soin de disposer les billes une à une.
— Si jamais vous avez besoin, n'hésitez pas à passer voir ce brave Harold, dit-il avec légèreté. Un bavbouleur aide toujours les siens.
Barty et Cornelius échangèrent un regard. Ni l'un ni l'autre n'étaient très heureux à l'idée de quitter Poudlard. Ils n'avaient même pas réalisé qu'ils quitteraient Poudlard. Le mois de juin était pourtant bien entamé et des réunions du club, des tournois de bavboules, il n'en connaîtraient plus dix mille. Plus ici, du moins.
— Vous faisiez partie du club, n'est-ce pas ? demanda prudemment Barty.
— Bien sûr.
— Et vous êtes tous restés en contact ?
Antonius eut un petit rire.
— Il faut bien se soutenir. On est toujours plus fort, à plusieurs. Et puis, bavbouleur un jour...
— Bavbouleur toujours, souffla Cornelius.
Belby lui sourit.
— Bon, on la joue, cette finale ?
oOoOo
Réunion du 29 juin
Ordre du jour
Le Conseil Ministériel vous convoque le 29 juin de 10h à 12h dans la Salle du Conseil pour examiner les sujets suivants :
1. Bilan du déroulement de la troisième tâche.
2. Les projets pour la nouvelle année.
3. Résolution de l'affaire des toilettes régurgitantes.
Il pleuvait.
Rufus rajusta sa cape sur sa tête. Même sans le regarder, il entendait les chaussures de Cornelius s'enfoncer dans la boue, à côté de lui.
« Ci-gît Bartemius Croupton Sr. »
La pierre tombale était une sobriété absolue. Une pierre dure et froide, sans fioriture ni besoin d'arrondir les angles. Une pierre à son image. Le cimetière était plongé dans un silence qui n'était brisé que par la pluie. Même Cornelius s'était arrêté de marcher pour contempler la tombe de son vieil ami.
— Tu as contacté Amos ?
— Non, je préfère le laisser tranquille. C'est dur pour lui depuis que...
La voix de Rufus se perdit dans le silence.
— Ludo ?
— Pas venu au bureau depuis des jours.
— Toujours ses problèmes de gobelins ?
— J'imagine. Il leur doit beaucoup d'argent. Soit il s'est enfui, soit ils ont fini par l'attraper.
— Et Barty...
Ils reportèrent leur regard sur la tombe.
— C'est horrible, commenta Cornelius. Tué par son propre fils...
Cette idée lui glaçait le sang.
— Selon Dumbledore, il a été sous Imperium une bonne partie de l'année. On n'a rien vu. Rien.
Cornelius avait raison, bien sûr. Le chef des Aurors avait perçu un changement mais rien d'assez précis pour s'en préoccuper. Rien qui ne lui avait permis de renverser les événements.
De le sauver.
— Je n'arrive pas à croire qu'il soit mort, souffla Rufus.
— Moi non plus.
Cornelius triturait nerveusement son chapeau melon entre ses mains.
— Tu crois qu'on devrait dire quelque chose ?
— Dire quoi ?
— Je ne sais pas. S'il avait été là, il aurait insisté pour qu'on fasse un bilan.
— Un bilan ? répéta Rufus. Tu veux qu'on fasse un bilan ? On sèche cette réunion pour ne pas le faire, ce bilan !
Sécher une réunion pour rendre visite à la sépulture de Barty, songea-t-il avec amertume. Une idée hautement ironique. Nul doute que Croupton aurait détesté le concept.
— Je sais que le Tournoi ne s'est pas très bien fini, mais il doit bien y avoir quelque chose de positif à en tirer... non ? Barty aurait aimé qu'on...
— Mais dans quel monde tu vis, Cornelius ?
Un bilan. Il le fusilla du regard.
— Voyons voir... On a encore laissé un criminel s'échapper, pire, un haut-fonctionnaire du Ministère a comploté pour le laisser s'échapper ! Un autre a fui son poste, une autre – je parle bien évidemment de Bertha – est portée disparue depuis des mois sans que personne ne soit foutue de la retrouver, ou devrais-je dire la chercher. Bertha est morte, bien sûr. On a volé l'identité de l'ex-Auror le plus parano du pays pour s'introduire impunément à Poudlard. On a tué le chef de la Coopération Magique Internationale au milieu du parc de l'école ! Dernier point et non des moindres, le trophée du Tournoi des Trois Sorciers a été remplacé par un portoloin, résultant au kidnapping de deux élèves, la torture de l'un, le meurtre de l'autre et le retour du plus grand Mage Noir de tous les temps !
Il y eut un long silence.
Même le bilan de l'année passée avait été moins pénible à entendre.
— Après, on n'en est pas vraiment sûr...
— Pas sûr ? Mais de quoi tu parles ?
— Attends, tu ne vas pas me dire que tu crois à cette histoire ? Le gamin a vu des anciens Mangemorts délirer dans un cimetière, il a été un peu traumatisé, c'est normal. Mais Tu-Sais-Qui ? De retour ? Et Lucius avec lui ? Enfin, Rufus, tu t'entends parler ?
— C'est pourtant aussi ce qu'affirme Dumbledore.
Cornelius lui renvoya un regard noir.
— On le connait bien, Dumbledore ! Tout ce qu'il cherche, c'est à se rendre intéressant ! Il rêve de nous voir ramper auprès de lui, lui demander de l'aide ! Dolores pense que...
— Dolores ? répéta Rufus. Mais qu'est-ce que ça peut me faire, ce que pense Dolores ?
Il avait prononcé ce nom avec tout le mépris dont il était capable. La déférence avec laquelle son ami prononçait le nom de cet horrible crapaud le dépassait complètement. Il avait sous-estimé l'influence qu'elle avait gagné sur lui. Pour une fois, Cornelius ne détourna pas le regard. Il se contenta de planter ses yeux dans les siens.
— Elle pense qu'il a perdu la main. Tu dirais qu'elle a tort ? Il a quand même ouvert les portes de l'école à un Mangemort dérangé ! Et son Tournoi a été un désastre !
— Un Tournoi qu'on a contribué à organiser !
— C'est son château, pas le mien ! S'il nous avait laissé choisir le nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal, le fils d'Amos serait toujours vivant et rien de tout ça ne serait arrivé. Ça ne peut plus durer, Rufus, c'est notre devoir que de mettre de l'ordre dans tout ça.
— Dumbledore ne laissera jamais le Ministère s'immiscer dans les affaires de Poudlard.
— Je n'ai pas l'intention de lui laisser le choix.
Ignorant Rufus qui fulminait à côté de lui, le ministre de la Magie replaça son chapeau melon sur sa tête.
— Je suis désolé, je ne changerai pas d'avis.
— Prends au moins quelques jours pour y réfléchir. S'attaquer à Dumbledore, c'est de la folie.
— Je sais ce que je fais.
Son ton était plus tranchant qu'à l'accoutumée.
« Ombrage sait très bien ce qu'elle fait. Toi en revanche... »
Rufus préféra ne pas répondre. Il avait compris que c'était inutile. Il reporta un instant son regard sur la pierre tombale. Il ne perdit pas de temps à se demander ce que son vieil ami aurait fait à sa place. Après tout, Barty avait lui-même libéré son fils criminel. Barty, enfreindre la loi. Faire preuve d'une telle faiblesse. Rufus avait toujours cru qu'il n'en avait aucune. Il s'était bien trompé. Bartemius était un être humain comme les autres. Lui aussi avait aimé, songea-t-il avec une pointe de regret.
C'était un beau gâchis. Rien d'autre que ça. Un gâchis.
La main gauche dans sa poche pour se donner une contenance, il leva les yeux vers Cornelius et ne vit que sa peur, son aveuglement et sa détermination. Il aurait été facile de quitter le cimetière dans un dernier regard méprisant, sans un mot. Il n'en fit rien. Ludo était en cavale, Amos dévasté par la mort de son fils, Barty six pieds sous terre, enterré avec les principes qu'il avait lui-même jeté au feu sans se retourner. Cornelius était un imbécile mais il était ce qui lui restait.
Sa main rencontra un objet rond qu'il connaissait bien. Rufus le sortit pour mieux l'examiner à la lumière.
— C'est un Boulurlard ? interrogea Cornelius.
— Ouais. Je sais pas trop ce qu'il fiche là.
— Tu joues toujours ?
— Parfois. Rarement, rectifia-t-il.
Cornelius hocha la tête. Il comprenait.
— Au fait, tu sais qu'on a fini par trouver qui faisait exploser les toilettes ?
— Ah oui ?
— Tu as l'air déçu.
Rufus se donna du mal pour paraître enjoué, mais dans ce contexte, ce n'était pour lui qu'une mauvaise nouvelle de plus. Il avait fini par se prendre d'affection pour celui que Cornelius appelait poétiquement le « terroriste des cabinets ». C'était comme s'il prédisait quel moment précis Dolores allait choisir pour se rendre au petit coin. Ça remontait le moral de tout le monde au Ministère. A ce niveau-là, c'était presque du service rendu ! Tant pis, toute bonne chose avait sa fin. S'il se débrouillait bien, peut-être qu'il pourrait au moins lui offrir une remise de peine.
— Willy Larebrousse ! s'exclama Cornelius.
— Je ne sais pas du tout qui c'est.
— Apparemment, il travaille avec Charles au Département des Transports.
— J'imagine que Martha est contente, déclara Rufus. Ça nous fait au moins une bonne nouvelle à annoncer au public. C'est bien elle qui rédige le compte-rendu ?
— Elle doit être en train de s'en occuper.
Rufus hocha la tête.
— Quelle femme.
La pluie continuait de tomber. Prenant soin de ne pas la faire exploser, il fit tourner une dernière fois la bavboule entre ses doigts. Cornelius le regarda faire, silencieux.
— Bavbouleur un jour...
Rufus posa la bille avec douceur sur la pierre tombale.
— Bavbouleur toujours, murmura-t-il.
Il recula de quelques pas, jeta un coup d'œil à son ami et s'éloigna dans un dernier mouvement de cape.
Compte-rendu de la réunion du Conseil Ministériel du 29 juin
Présidente de la réunion : Dolores Ombrage, Sous-secrétaire D'État.
Participants : ...
Point 1
Le Conseil Ministériel se félicite pour l'organisation d'un Tournoi qui, malgré une erreur de portoloin, a été riche et fructueux en échanges et a permis à nos élèves une meilleure ouverture sur le monde. Il annonce également que malgré la démission du chef du Département des Transports, toutes les créatures ont pu être reconduites sans heurt dans leur pays d'origine.
Point 2
Le Conseil Ministériel s'engage pour l'année suivante à faire de l'éducation une priorité. Ayant à cœur de tirer toutes les conséquences des fausses routes du passé, le Conseil Ministériel annonce d'ores et déjà des réformes sur l'apprentissage, un meilleur suivi des embauches et un renforcement de la sécurité à l'école.
Point 3
Le Conseil Ministériel est ravi d'annoncer, après plusieurs mois d'une enquête rigoureuse, la capture du terroriste des cabinets. Le Conseil Ministériel est honoré de pouvoir rassurer ses employés qui pourront désormais se rendre aux toilettes en toute sécurité.
Signé : Martha
**
C'est la fin de cette modeste histoire. Ce n'est pas le chapitre le plus drôle, évidemment mais il conclut notre petite intrusion dans les coulisses du Ministère.
On espère que cette histoire a pu vous amuser un peu, vous faire réfléchir sur tous les enjeux qui se trouvent dans un simple club de Bavboule et surtout sur comment Ludo Verpey a réussi à entrer au Ministère, ce qui était un des grands mystères du roman.
On se retrouvera dans mes autres histoires (et passez voir celles de ma co-autrice feufollet sur fanfiction.net). Et peut-être bien qu'il y aura une suite, si le coeur nous en dit !
On vous souhaite plein de bonheur !
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