Chapitre 1
« En bavboule, si tu peux choisir ton partenaire, quant à faire, prends un optimiste. »
Flavius Belby, Comment la bavboule m'a sauvé la vie, éd. Wizard-Sport, 1787.
(Il fut un temps.)
« La métamorphose est un procédé complexe qui nécessite la fusion des éléments intérieurs avec une extériorité choisie par le propriétaire de la baguette et qui par un processus de visualisation mentale, parvient à imposer une structure à l'objet de son choix uniquement en prenant en compte... »
Un bruit de chaise, un pied qui trébuche contre le carrelage et des pas qui terminèrent leur course juste devant lui brisèrent le silence de la bibliothèque.
— Barty !
Il releva la tête à regret.
Appuyé sur la table d'à côté pour y reprendre son souffle, l'autre main serrant son cœur avec un sens calculé du drame, Cornelius Fudge lui décocha un large sourire. S'il était trop tard pour faire semblant de ne pas l'avoir vu, il n'était pas question de l'encourager. Barty lui adressa un signe de tête poli et replongea dans son livre.
Ce fut un échec. Il releva les yeux pour découvrir que non seulement Cornelius s'était rapproché de son espace vital, mais était en plus en train d'agiter un morceau de parchemin devant son visage.
— Tu viens avec moi ?
— Pour aller où ?
— J'ai reçu une invitation pour un tournoi de bavboules !
Barty le fixa avec une certaine perplexité. Une invitation ? Qui aurait voulu inviter Cornelius où que ce soit ?
Il ne pouvait s'agir que d'une mauvaise blague de Lucius Malefoy. Par considération envers son unique ami – bien que le terme de connaissance fût en réalité plus approprié –, Barty retint un soupir de dédain.
Cornelius et les plans foireux, c'était une grande histoire d'amour.
— Allez Barty, on ne fait jamais rien ensemble...
— T'as qu'à t'asseoir et travailler avec moi, proposa-t-il à mi-voix, espérant à moitié que Cornelius refuse la proposition.
— Tu sais, il n'y a pas que les livres dans la vie !
Oh si. Les livres lui suffisaient amplement. Barty n'avait jamais éprouvé le besoin d'avoir des amis et ignorait tout du moment où Fudge avait commencé à traîner à ses côtés. S'était-il montré sympa avec lui ? Il n'en avait pourtant pas souvenir.
— J'imagine que Lucius a refusé ? lâcha-t-il d'un ton un peu las.
— T'es jaloux parce que je lui ai demandé en premier ?
— Ça veut dire oui ?
Cornelius parut soudain très intéressé par la théorie de la Métamorphose. Un silence gêné s'installa, qu'il mit un moment à briser.
— C'est d'accord alors ? C'est lundi prochain ! Allez, c'est pas comme si t'avais beaucoup de loisirs ! Ce sera sympa, tu verras !
— Si je dis oui, tu me fiches la paix jusqu'à lundi ?
Son camarade afficha un nouvel air ravi.
— Je savais que je pouvais compter sur toi !
Barty soupira une fois encore, songeant qu'un simple oui, une petite demi-heure à faire semblant d'assister à ce foutu tournoi n'était pas cher payé pour avoir la paix. Et après tout, ce n'était pas comme si ça l'engageait à grand chose.
Il ne savait pas encore à quel point il se trompait.
oOoOo
Réunion du 22 juin
Ordre du jour
Le Conseil Ministériel vous convoque le 22 juin de 10h à 12h dans la Salle du Conseil pour examiner les sujets suivants :
1. Bilan contrasté de l'année scolaire.
2. Affaire Sirius Black : comment satisfaire les Détraqueurs ?
3. Présentation des projets en cours.
Déroulé de la réunion
Le Cognard avait beau foncer sur lui à la vitesse de la lumière, Ludo Verpey n'éprouvait pas la moindre peur. L'adrénaline pulsait dans ses veines. Le vent lui caressait la nuque et emportait dans sa course les cris des spectateurs fébriles. Il était calme malgré l'agitation de la foule, la tension suspendue dans l'air, les hurlements des fans. Il se tenait prêt à accueillir contre sa batte la sphère infernale qui fonçait fatalement dans sa direction. Anticipant l'impact, il ferma les yeux...
BAM.
Le poing de Bartemius Croupton s'abattit avec force sur la table.
— Verpey ! Concentrez-vous !
A peine Ludo avait-il ouvert les yeux qu'il eut déjà envie de les refermer, un désir qui devait beaucoup au visage cramoisi de Bartemius Croupton à quelques centimètres du sien.
Où était-il, déjà ? « Ah oui. »
Il fallut bien cinq secondes à Ludo pour se rappeler qu'il était un employé du Ministère en pleine réunion administrative et non le héros d'un match de Quidditch haletant.
Le Quidditch ne manquait jamais autant à Ludo que pendant les réunions du Ministère.
— Pardonne-moi, Barty, je pensais à...
Sous son regard noir, il ne termina pas sa phrase. Bartemius Croupton avait prouvé à maintes reprises que sa férocité égalait largement celle d'un Cognard.
— Donc vous pensiez, Verpey, en voilà une bonne nouvelle...
— Bien sûr ! Je peux me vanter d'avoir une vie intérieure assez prolifique.
— Première nouvelle.
— Je pensais que tu étais très élégant, aujourd'hui. Tu as fait quelque chose à ta moustache ?
Il existait une manière simple de désarçonner Croupton. Ludo s'était exprimé d'un ton un rien suggestif qui eut le mérite de le faire rougir – la colère, sans doute – et, pour une raison inconnue, de contrarier légèrement Rufus Scrimgeour.
L'ancien sportif se composa un air innocent et sourit à ses collègues.
— Où en étions-nous ?
— Nous tirions un bilan, disons, contrasté de l'année scolaire.
Cornelius Fudge avait jusqu'ici passé beaucoup de temps à contempler son chapeau melon de ses yeux vides. A la mention du « bilan », il laissa entrevoir une grimace.
— Si on résume, déclara Rufus en parcourant ses notes, on a capturé un meurtrier, on l'a laissé s'enfuir, on a perdu un hippogriffe condamné, lâché un loup-garou dans le parc de Poudlard et résultat, on se retrouve avec des dizaines de Détraqueurs frustrés sur les bras...
— Exactement, râla Amos Diggory. J'ai deux collègues qui ont failli se faire embrasser pendant les négociations ! Pas tellement une expérience agréable.
— Même les humains ont du mal avec le consentement, alors les Détraqueurs...
Amelia Bones était uniquement entourée d'individus de sexe masculin pendant les réunions du Ministère. Elle savait plutôt bien de quoi elle parlait. Ce n'était pas qu'ils étaient mauvais ou pervers, mais chaque fois qu'Amos affirmait qu'elle était « beaucoup plus sexy qu'à l'époque », elle se sentait obligée de renverser malencontreusement son café sur la robe de cet idiot et... elle aimait le café.
Elle en avait besoin.
Fudge secoua vigoureusement la tête.
— Tout ça, c'est la faute de Dumbledore ! Quelle idée d'engager un loup-garou en professeur de Défense contre les forces du mal !
Il s'était longuement demandé si l'incident valait la peine de demander son expulsion par le biais du conseil d'administration – comme Lucius l'avait gentiment suggéré en lui tendant une boîte de ses chocolats préférés – mais la peur qu'un Dumbledore sans école choisisse de prendre un poste au Ministère l'avait emporté. Tout le monde savait que la carrière professorale du directeur n'était en fait qu'un plan à long-terme visant à s'emparer du poste de Cornelius Fudge et ce dernier n'avait pas l'intention de lui faciliter la tâche !
— Allez, ce n'est pas si grave ! s'exclama Ludo. Après tout, personne n'est mort !
C'était à peu près ce qu'ils s'étaient dit l'année dernière, quand le sujet Basilic était arrivé sur le tapis de la réunion-bilan. Bon, ben, au moins personne n'est mort. Depuis le fiasco Quirrell, chaque année passée sans le décès tragique d'un membre de la communauté éducative ou de ses petits apprenants était considérée comme une année réussie.
Réduire leurs ambitions était un excellent moyen de rendre les réunions moins déprimantes.
— Vous avez réussi à parler avec les Détraqueurs, Amos ? demanda Amelia.
— Bien sûr, je prends le thé avec eux tous les deux jours ! C'est très sympa, on évoque nos souvenirs d'enfance...
Ludo pouffa.
— Oh, est-ce que vous parlez de...
A peine avait-il ouvert la bouche que, sous l'impact du pied de Bartemius qui écrasait le sien, il la referma aussitôt. Ludo se contenta d'un sourire à l'adresse de son collègue.
— Tu me fais du pied maintenant ? Notre relation évolue un peu vite...
Provoquer Barty équivalait à s'amuser avec un Cognard. Un jeu aussi dangereux qu'excitant.
— Avançons...
— Tu as raison Barty, acquiesça Cornelius. Ne nous attardons sur les petits ratés, parlons plutôt de nos projets d'avenir. Verpey ?
— Oui ?
— La coupe du monde, il me semble que c'est ton domaine...
— Ah oui, la coupe ! Ça a été confirmé, après des négociations mouvementées avec les Bulgares – n'est-ce pas Barty ! – on accueillera bien la finale cet été !
— Enfin une bonne nouvelle, commenta Amos. Je serais ravi d'y emmener mon fils !
Il se tourna vers le ministre.
— Cornelius, je ne t'ai jamais présenté mon fils ?
Cornelius l'ignora.
— Rufus ? Comment ça se passe de ton côté ?
— Le projet secret est en bonne voie. J'ai revu la sécurité avec Dumbledore... (Aux mots « sécurité » et « Dumbledore », Cornelius grimaça.) Il n'y a quasiment plus aucun risque qu'un élève décède pendant le Tournoi.
— Me voilà rassuré, déclara Amos qui brûlait d'y inscrire sa progéniture.
— Je ne sais pas vous, ajouta Verpey d'un air pensif, mais la mention d'un tournoi me rappelle toujours des souvenirs émouvants... Après tout, bav... aïe !
Quelque part dans son pied, un os craqua. Barty ne plaisantait jamais avec la confidentialité. Le chef de la Coopération magique internationale jeta un regard inquiet à Charles, du Département des transports, qui ignorait tout de sa folle jeunesse. Il tenait à sa réputation.
— Voilà qui clôt cette réunion ! s'exclama Cornelius. Martha vous enverra à tous le compte-rendu ! La prochaine réunion portera sans doute sur l'organisation pratique de la coupe du monde. Ludo, je compte sur toi pour trouver un camping fiable !
— Tu sais que tu peux toujours compter sur moi !
Le regard froid de Croupton le dissuada d'en dire plus. Bartemius se leva le premier et quitta la salle dans un fier mouvement de cape.
oOoOo
Compte-rendu de la réunion du Conseil Ministériel du 22 juin
Président de la réunion : Cornelius Fudge
Participants : Bartemius Croupton, Chef du Département de la Coopération Magique Internationale, Ludo Verpey, Chef du Département des Jeux et Sports Magiques, Amelia Bones, Chef du Département de la Justice Magique, Rufus Scrimgeour, Chef du Bureau des Aurors, Amos Diggory, Chef du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, Eric Baldwin, Chef du Département des Transports Magiques
Point 1
Le Conseil Ministériel a construit le bilan de l'année scolaire écoulée. Il a reconnu avoir rencontré des difficultés dans la gestion de certaines situations délicates et en a tiré toutes les conséquences. Il se félicite toutefois d'avoir maintenu la sécurité des élèves et du monde sorcier en faisant notamment appel à la coopération inter-espèce.
Point 2
Le Conseil Ministériel a bien pris en considération la demande des Détraqueurs mais ne peut en l'état leur donner satisfaction. Il tient à réaffirmer à ces mêmes Détraqueurs toute l'amitié que leur porte le peuple sorcier. Il n'oublie pas les services rendus à la nation.
Point 3
Le Conseil Ministériel affirme sa volonté d'aller de l'avant et de s'investir dans des projets d'avenirs, propres à dynamiser notre société et se tient prêt à mobiliser toutes les forces nécessaires afin de les mener à terme dans les meilleures conditions possibles. Les détails matériels feront l'objet d'une prochaine réunion.
Signé : Martha
***
Je suis très contente de vous présenter cette histoire qui a été très plaisante à écrire ! Tous les chapitres suivront donc cette même construction (flashback, réunion, compte-rendu de réunion).
N'hésitez vraiment pas à nous donner votre avis. La lecture, c'est ce qui fait vivre les histoires !
Bisous
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