Chapitre 40 - Trop tard

Dans le chapitre précédent :

Mon regard dériva sur son collier. Il avait une pierre, comme tous les Verndari, mais cette pierre me rappelait quelque chose. Chaque pierre était de forme différente même si leur couleur rouge les définissait. Cette forme était similaire à une pierre dans mes souvenirs. Soudain, j'ouvris grand les yeux face à la reconnaissance de cet objet précieux.

« C'est vous, » stipulai-je, choquée. « Vous êtes l'homme qui m'avez sauvé des loups solitaires quand j'étais petite. C'est vous. »

« C'est bien moi, » dit-il avec un doux sourire. Je transposai sa carrure et son visage sur l'homme qui était apparu quand j'étais petite alors que j'allais mourir. Enfin, je pouvais voir à quoi ressemblait mon sauveur.

***

« Comment vous appelez-vous ? » demandai-je émue.

« Mattias, » dit-il après une hésitation. Il regardait Gabriel avec méfiance.

Néanmoins, je voulais m'approcher de cet homme. Juste un pas vers ce Verndari suffit à Gabriel pour me garder prisonnière de ses bras.

C'était lui. C'était lui qui m'avait sauvé des loups solitaires. C'était lui qui était apparu devant moi pour me protéger. C'était lui et pas Damien comme je le pensais. Cela ne m'étonnait pas que Damien n'en parlait jamais, puisqu'il n'était pas celui qui avait tué les loups solitaires. C'était Mattias.

« À quoi tu joues ? » demandai-je par le lien.

« Ne t'approche pas de lui, » ordonna Gabriel dans un grondement sourd.

« Pourquoi ? Il m'a sauvé la vie. »

« On n'est pas sûr que c'est cet homme qui t'ait sauvé. »

« Quoi ?! Mais bien sûr que c'est lui ! »

J'étais maintenant devant Gabriel, les bras croisés, en train de le toiser du regard. Notre échange fit pouffer de rire le Verndari. Nous nous retournâmes vers lui toujours en lançant un regard noir.

« Hann er vandlátur (Il est jaloux), » déclara le Verndari.

« þÚ hugsa? (Tu crois?) »

« Oh, tala þú tungumál okkar . Hver er kennarinn þinn ? ( Oh, tu parles notre langue. Qui est ton professeur ?) » demanda-t-il à la fois étonné, et curieux.

« Qu'est-ce qu'il raconte maintenant ? » gronda Gabriel dont je sentais le loup se manifester à travers son tourbillon noir dans ses yeux bleus. Il n'aimait pas du tout mon interaction avec Mattias.

« Damien, un Verndari. Il s'est lié à moi quand j'étais adolescente puis m'a tout appris. Ça fait quelques semaines qu'il est parti. J'attends son retour dans le mois à venir, » répondis-je à Mattias tout en tentant d'apaiser les tensions de mon âme-sœur.

Ah les loups-garous ! Pouvais-je ne pas avoir un simple humain comme âme-sœur au lieu de cette créature à cheval sur l'appartenance et la possessivité ?

« Oh, donc je suppose que c'est vous deux qui tuiez les chasseurs. J'entends beaucoup parler de vos prouesses. Depuis que ton père a disparu, je n'ai pas croisé d'autres frères et soeurs... Malheureusement. J'espère revoir notre frère bientôt dans ce cas. »

« Depuis que mon père est mort ? Je ne comprends pas. Vous le connaissiez ? »

« Tu ne te souviens pas de moi... Oui, après tout, tu étais petite... Je suis désolée Kelly. J'étais déjà en train de me battre contre des chasseurs quand j'ai senti ton père en danger. Je suis venu aussi vite que j'ai pu, mais c'était déjà trop tard... Les chasseurs avaient déjà... Pardonne-moi. »

Il ferma les yeux et les poings comme s'ils revivaient ce douloureux souvenir.

« Vous êtes celui qui m'a sauvé, mais vous êtes aussi le compagnon de mon père, » dis-je avec émotion. Je l'évoquai comme une affirmation, mais il ne la démentit pas.

Les larmes commençaient à couler tandis que je me dirigeais vers cet homme qui était un Verndari. Gabriel ne me retint pas tandis que je me jetais dans les bras de cet homme aussi âgé que l'était mon père ou Damien. Il m'enserra avec joie. Nous rîmes tous les deux. J'étais tellement soulagée de le revoir.

« Merci. »

C'était les seuls mots que je pouvais lui avouer. Un mot qui le surprit.

« Kelly, j'aurais dû venir dès que j'ai ressenti sa souffrance. Je savais qu'il avait besoin de moi, mais..."

« Ce n'est pas de ta faute," le rassurai-je. La culpabilité dont il faisait preuve, je ne voulais pas qu'il la ressente.

« Mon père aurait été tellement heureux que tu ais réussi à arriver à temps pour me sauver. Mais je ne comprends pas pourquoi tu m'as abandonné par la suite, » dis-je en reculant un peu. Ce fut le moment que prit Gabriel pour se placer à mes côtés avec une vitesse et un silence prodigieux.

« Je suis venu alors que j'étais en mission, des chasseurs étaient encore vivants, je ne pouvais pas risquer de les laisser s'échapper. Je t'ai emmené dans un hôpital, mais quand je suis revenu tu n'étais plus là. Après je n'ai pas réussi à te retrouver jusqu'à ce que j'entende parler de ses chasseurs qui mourraient subitement un peu partout dans le monde et j'ai su que c'était toi. Tu t'es lié avec Damien, un de nos frères, ce qui prouve votre force. Ton père aurait été si fier de toi, » expliqua-t-il avec émotion.

« Merci. Pour tout. Et Damien n'est pas le seul Verndari que je connais. Il y en a un autre et peut-être que tu pourrais te lier avec lui. Je ne sais pas où il se trouve actuellement, mais il viendra une fois sa mission terminée. »

Il hocha la tête et nous pria de rentrer dans le phare. L'intérieur était aménagé comme un chalet en haute montagne avec presque que des mobiliers en bois. Luc et Mattias rattrapèrent le temps perdu en papotant de chose et d'autre tandis que je buvais un thé chaud. Très vite le sujet de discussion concernant les chasseurs tint place dans la maison. Les tensions embrumèrent la pièce. Des personnes avaient été enlevées et devaient être sauvées le plus rapidement possible.

Comme je le pensais, Mattias ne voulait plus partager ses pouvoirs. La dernière fois avec Luc était un cas unique et exceptionnel qu'il regrettait maintenant. Il était sûr qu'il pouvait sauver des personnes sans transférer une partie de ses pouvoirs. Devoir donner ses pouvoirs montrait la faiblesse dont il faisait preuve en étant seul. Sans compagnon pour combattre à ses côtés.

Après ce refus où la déception s'inscrivit sur le visage de Luc, la discussion continua sur ma mère et les autres prisonniers. Bien sûr, il était certain que les otages resteraient dans leurs cellules tant que je ne me rendrais pas. Mais cela était très risqué d'exposer cette vérité. Me rendre pour essayer de leur tendre un piège par la suite. Je ne savais pas si ça marcherait, mais cela valait le coup d'essayer.

« Je voudrais essayer de repartir là-bas, » exposai-je doucement.

« Non, » gronda Gabriel.

« Je veux juste leur prendre un flacon de leur parfum et je reviendrais directement ici. »

« Hors de question. J'ai déjà failli te perdre il y a quelques jours, » répliqua mon homme à ma tentative de persuasion.

« Je sais bien, mais on doit trouver un moyen pour que vous poussiez vous battre aussi »

Me rappelant des enseignements de Damien, j'exposai à tout le monde ce qu'il m'avait dit.

« Ce n'est pas pour rien que les Verndari fonctionnent par pair. On peut se lier et sentir quand l'autre a des problèmes et le brûler si nécessaire, mais c'est aussi une danse à deux. Une bataille contre plusieurs chasseurs avec une parfaite coordination entre les deux Verndari. Joshua n'est pas lié avec un autre Verndari et Mattias aussi, ce qui les pénalise. Seuls moi et Mattias ne suffisons pas contre tout un groupe de chasseurs bien organisé. Je pense que les loups-garous peuvent nous aider, mais à condition que vous puissiez sentir les chasseurs. »

« Elle a raison, » acquiesça Mattias.

Gabriel soupira.

« Mattias pourrait y aller à ta place. »

« Non, il ne connaît pas l'endroit. Il faut visualiser la place pour s'y téléporter, » expliquai-je patiemment.

J'attendais qu'il assimile toutes les informations et qu'il voie par lui-même qu'il n'y avait pas d'autres solutions. Après un énième soupir, il hocha doucement la tête en me prenant dans ses bras.

Je soupirai de soulagement. J'appréhendai son accord qui aurait été difficile, mais pour l'instant cela se passait bien. Peut-être que ma petite démonstration de force contre les chasseurs l'a convaincu que je n'étais pas seulement une femme faible.

Après avoir dîner, nous nous préparâmes ou plutôt je me préparai à partir. Gabriel me surveillait avec entrain tandis que mon collier brillait doucement. Une dernière question me taraudait avant que je ne parte.

« Hvar er félagi ? (Où est ton âme-soeur ?) »

« Ég hef ekki skilað þar sem hún var rænt af veiðimenn (Je ne l'ai pas retrouvé depuis qu'elle a été enlevé par des chasseurs), » avoua-t-il tristement. J'espérai qu'il la revoit et rapidement.

« Comment est-elle physiquement ? »

« Elle est magnifique, » commença-t-il, mais cela ne m'aidait guère. « Elle a des courts cheveux blonds, lumineux, ils sont toujours d'une douceur... Ses yeux sont tellement envoûtants, et quand elle est contrariée des plis se forment sur son front. Son nez droit se redresse dès que je dépose un baiser là. Et son rire, il est juste... »

Il secoua la tête sans pouvoir finir cette magnifique description. Mes sourcils se froncèrent. Ils me semblaient connaître cette femme.

« Est-ce qu'elle est une bonne actrice ? »

« Que veux-tu dire ? Oui, il lui arrivait des petites blagues, elle est même très douée pour ça, mais... »

« Est-ce que ton regard a déjà croisé le sien dans cette nouvelle résurrection ? »

« Oui, pourquoi ? » demanda-t-il si confus par mes questions, et il n'était pas le seul. Je sentais Gabriel et Luc qui essayaient de suivre ma logique sans y parvenir.

« Peut-être, mais je ne suis pas sûr. Comment s'appelle-t-elle ? »

« Célia... »

Je hochai la tête sans énoncer un autre mot. Je connaissais cette femme, je connaissais sa félagi. Elle était la peste qui avait annoncé que tuer des enfants était simple parce que de toute façon, ils étaient des loups-garous... Eli l'avait appelée Célia, je m'en souvenais. Et si Mattias et Célia s'étaient rencontrés avant, cela voulait dire que la félagi avait fait semblant d'être du côté des chasseurs. Elle faisait semblant. Pourquoi ? Je ne savais pas. Je pourrais lui poser directement la question si je la rencontrais dans cette prison horrible pour loups-garous.

Je soupirai un instant avant de me concentrer. Je devais réussir. Un vent frais me prit dans un tourbillon d'air pour m'emmener à l'endroit même où ils gardaient ma mère et Lucas prisonniers avec les enfants.

J'atterris dans un couloir et très vite utilisai ma super vitesse pour me cacher des caméras. Normalement, ces outils de surveillance n'auraient pas capté mon arrivée dans le bâtiment. Le cœur battant à une allure que je voulais constante, je me dirigeai vers certains lieux qui me semblaient probables de cacher des parfums. Je recherchais les pièces qui ressemblaient à des laboratoires.

Quand enfin je trouvais une salle blanche où s'agençaient des tonnes d'étagères de tubes d'essais et autres produits, je me fis discrète pour éviter les caméras en me déplaçant rapidement. Mouvement difficile sachant que je devais fouiller un peu partout et que les lumières étaient éteintes à cette heure de la soirée.

Au bout de quelques minutes de recherche qui m'essoufflait, les lumières s'allumèrent.

« Kelly ? » demanda une voix que je reconnaissais bien.

« Eli, salut, » dis-je avec un sourire contrit en me retournant vers lui. Il n'avait pas changé. Seuls quelques mèches de ses cheveux sablés lui retombaient sur son front, mais il avait toujours cette carrure fine qui ne présageait pas qu'il était dangereux.

« Je... Qu'est-ce que tu fais là ? »

« Euh... Je me suis perdue ? »

Il me regarda en fronçant les sourcils. La confusion se dessinait sur son visage.

« Ça fait des jours que j'essaie de te joindre, tu sais... »

« Mon portable est cassé, » répondis-je.

Il me faisait la conversation comme si rien ne s'était passé entre nous. À l'heure qu'il était, il devait savoir que j'étais une Verndari ou au moins que j'étais du côté des créatures nocturnes et non des chasseurs. La méfiance ne me quitta pas.

« Il faut que tu partes d'ici avant que le patron ne te voie... »

« Trop tard, » annonça Jonas qui était dans l'embrasure de la porte.

Je me mis en position d'attaque, mais Eli se plaça devant moi. Il faisait face à Jonas comme s'il était un ennemi. À mon tour d'être confuse par la scène. Eli recula quand Jonas avança vers nous. Très vite, Eli était devant moi puis se retourna avec une vitesse prodigieuse quand je ne m'y attendais le moins. Un mouchoir étouffa mon cri de surprise. Le chloroforme liquéfia mes jambes puis mes pensées. Mais j'eus le temps de me traiter d'idiote avant de traiter ces salauds de tous les noms.

Eli m'avait bien eu, et j'étais de nouveau prisonnière des mains de Jonas comme il me l'avait prédit. Peut-être qu'il savait même que j'allais revenir ici. Oui, il avait tout manigancé pour cette fin.

Je plongeai dans le noir en le maudissant de tout mon être.




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