Chapitre 19 - J'ai une histoire à te raconter

Dans le chapitre précédent : 

Je me promenai mon regard sur toutes ces merveilles qui ne rêvaient que d'être feuilletés, puis tombai sur un ordinateur. Le seul instrument technologique de la pièce qui renfermait chaque ouvrage et à quel niveau de la bibliothèque il se trouvait.

Je l'allumai et recherchai les livres sur les créatures surnaturelles et le fantastique en général. L'aile était situé tout eu fond à droite. Bien cachée loin de l'entrée principale. J'allai vers ce coin et caressai de mes doigts les reliures de certains livres. Je m'arrêtai quand j'aperçus les livres qu'Eli m'avait conseillé de lire. Par curiosité, je les pris et les déposai sur une table non loin de là.

Je commençai à bailler quand je me rendis compte que la plupart des livres contenaient déjà ce que je savais des loups-garous actuels. Fatiguée, je baillai de nouveau jusqu'à ce que mes paupières se referment d'eux-même.

***

Le lendemain, un bruit me fit sursauter. Paupières mi-closes, je m'étirai en me massant la nuque. Je m'étais endormie la tête sur mon livre.

« Ma petite fille, que fais-tu là ? »

« Mon grand papa, que fais-tu là ? » répliquai-je d'une voix pâteuse.

Ma mère rit. Elle vint ensuite derrière moi et enleva l'élastique qui retenait mes cheveux. Elle les coiffa de la main en remettant un semblant d'ordre dans ma crinière brune. Je la laissai faire, puis elle me conseilla d'aller me débarbouiller un peu. Je me dirigeai dans ma chambre en traînant des pieds. Il y avait beaucoup trop d'escaliers dans cette maison et trop de couloirs aussi.

Une fois sous la douche, je soupirai de plaisir quand l'eau chaude coula sur ma peau. Plus réveillée qu'avant, je me souvins que je faisais des recherches sur les loups-garous hier soir et, maintenant mes parents devaient avoir vu les livres sur le sujet posés sur la table.

Je vis aussi que j'étais en retard pour le travail. Contrairement à mon père qui faisait ce qu'il voulait, étant donné qu'il était le directeur de l'entreprise, j'étais une employée comme les autres, et tenais à le rester même si j'étais la fille du directeur.

Je m'habillai en vitesse et partis manger dans la cuisine même. Normalement, la cuisinière nous mijotait de bons repas qu'elle faisait ensuite apporter par des serveurs, qui étaient des loups-garous moins dominants voire soumis. Comme au moyen-âge. Je détestais cela. Heureusement que mon père les payait, sinon j'aurais tout fait pour partir de cette maison...

Gilda, la cuisinière, était concentrée sur ses fourneaux tandis que je réussis à lui voler une pomme. Je repris le chemin de la bibliothèque pour annoncer à mes parents que je partais au travail. Dans la pièce, il n'y avait non plus seulement mes parents, mais aussi Logan et Eléonore.

Ils étaient de marbre et semblaient avoir une discussion télépathique. Ils gardaient ce visage dur qui aurait dû m'alerter, mais je savais que c'était à cause des livres. Je fis semblant de ne pas avoir vu leurs mines sérieuses, et leur demandai ce qu'ils faisaient là. Tous se retournèrent vers moi.

« Ma chérie... » commença ma mère en prenant un livre sur les loups-garous. Je soupirai et le pris de ses mains.

« Je vais ranger les livres, ne t'en fais pas. »

Je les rangeai en un pile et les emportai vers leurs étagères. Une tension lourde s'était imposée dans la pièce. Personne ne dit un mot jusqu'à ce qu'Eléonore brise le silence.

« Alors, qu'as-tu apprise sur les loups-garous ? » demanda-t-elle, curieuse et légèrement stressée.

« Eh bien, pas grand-chose que je ne savais déjà, » répondis-je en haussant des épaules.

« C'est-à-dire ? » appuya-t-elle encore.

« Que les loups-garous sont des êtres humains qui se transforment partiellement en loups à la pleine lune. Ils deviennent alors des monstres sanguinaires, » expliquai-je. « Après, il y a plein de versions différentes... »

Je sentis qu'un soulagement avait décrispé leurs traits et leurs postures. Je ne leur avais pas avoué que je savais que les loups-garous d'aujourd'hui étaient plus évolués. Ils pouvaient maintenant mieux se contrôler pour ne plus subir les changements de la Pleine Lune. Ils avaient aussi une meilleure communication avec leurs loups, ce qui permettait de réprimer leur nature bestiale.

L'esprit ailleurs, je fis tomber un livre en essayant de ranger un autre. Je laissai un juron sortir de ma bouche et il avait bien fallu que mes parents et même mon frère me réprimande. Je roulai des yeux et voulus ramasser l'ouvrage tombé, mais la main de ma mère le saisit avant moi. Elle regarda la reliure avec émerveillement et nostalgie.

« Maman ? »

« J'ai une histoire à te raconter. Tu veux l'écouter ? » J'hochai vivement la tête.

J'adorais les histoires, surtout les histoires que ma mère me racontait. Nous nous installâmes tandis que mon père et Logan grognèrent. Eleonore rit, puis s'assit aussi à notre table.

« Il y a très longtemps, il existait une île où vivait des personnes très différentes de nous. Ces personnes avaient une apparence humaine, mais cachés à l'intérieur d'eux, ils possédaient des pouvoirs surhumains. On racontait qu'ils pouvaient faire revivre les morts. Et, pour cela, ils étaient adulés tel des héros ou des Dieux.

L'endroit était inaccessible. Personne ne savait où il se trouvait exactement, et personne ne pouvait donc s'y rendre. Après des décennies, l'île, qui était leur... hum... quartier général, fut attaquée par des « démons ». Ces monstres avaient trouvé leurs repères et les avaient eus par surprise. Une guerre sanglante éclata et continua pendant des siècles. A la fin, personne ne revint vivant des deux côtés.

Ils devinrent de véritable héros en protégeant la Terre ainsi que tous les êtres la peuplant. Humains comme animaux sans oublier toutes les créatures fantastiques comme les loups-garous.

Les années puis les siècles passèrent, ils devinrent des légendes ou des mythes pour certains, mais pour d'autres, ils avaient réellement existé. Les personnes qui connaissent cette histoire pensent qu'il y aurait eu des survivants à cette guerre, et qu'ils seraient toujours là à veiller sur nous. »

« Et toi, tu crois qu'ils existent encore ? »

« Je voudrais bien y croire, et j'espère du fond du cœur qu'ils soient vivants et qu'ils nous protègent encore...  » répondit doucement ma mère.

Je hochai la tête, pensive.

« Comment s'appelait ces êtres ? »

« Les Verndari. »

« C'était l'Islande. L'île où ils vivaient, » annonça Eléonore.

« Ce ne sont que des légendes qu'on raconte aux plus petits. Ils n'existent pas, » déclara mon père d'un ton presque cinglant.

Peinée, je le regardai. Ses yeux s'adoucirent de suite. Il avait vu qu'il m'avait fait du mal. Au plus profond de mon cœur.

« Peut-être que certains ont réussi à survivre à la guerre ? » dis-je avec espoir.

« Ma chérie, même s'ils ont survécu, ils ne tiendraient pas jusque maintenant, » expliqua mon père d'un ton plus doux.

« Et, pourquoi pas ? » déclara ma mère. « Après tout, ils peuvent se réincarner ! »

Je fronçai des sourcils en attendant que ma mère éclaircisse ces propos.

« Quand les Verndari mouraient, il fallait brûler leurs corps pour qu'ils reviennent à la vie dans un autre corps identique aux leurs. C'est pour cela que les sosies existent. Ainsi, il y a toujours au moins deux personnes aux allures similaires dans le monde et si tu les croises, tu peux être sûr que c'est un Verndari. »

« Je vois... Alors est-ce que quelqu'un à brûler les corps ? » demandai-je, curieuse de savoir.

« Je ne sais pas... » avoua-t-elle, tristement. « Normalement, les Verndari faisaient leurs missions à deux voire plus. Avec une vitesse fulgurante, ils voyageaient par paire à travers le monde et protégeaient qui le voulait. Si l'un mourait, l'autre brûlait son corps pour qu'il puisse revivre dans un autre corps. Mais, là c'était la guerre... »

« Et ce livre raconte tout ça ? » demandai-je en pointant du doigt l'ouvrage tombé que ma mère avait gardé sur ses genoux.

« Non, pas vraiment. Les Verndari sont, comme ton père l'a dit, une histoire conter aux petits pour qu'ils n'aient pas peur de s'endormir. Bien sûr, on fait en sorte que le Verndari existent toujours, » dit ma mère en souriant. « Des écrits ont été trouvés en Islande sur une civilisation antérieure à l'arrivée des Vikings et même à l'arrivée des moines. Ma grand-mère possédait un livre avec une reliure similaire à ce livre, et il y était inscrit des histoires magnifiques sur ces héros. »

« Alors ta mère avait tout écrit ? Comme un journal intime ? » Elle hocha la tête.

Sachant que les loups-garous vivaient environ cinq cent ans, il était possible que mon arrière grand-mère avait vécu au moment de cette guerre.

« Plus comme un livre fantastique, ma chérie, » s'incrusta mon père.

« Bien sûr ! Des écrits fantastiques... » répétai-je.

La vieille horloge de la bibliothèque sonna mille et une tintement de cloches. J'ouvris grand les yeux en voyant l'heure indiquée. Les deux aiguilles étaient parfaitement confondues et verticales.

« Mince ! Je suis en retard pour le boulot ! » m'écriai-je en me levant précipitamment, faisant ainsi racler la chaise sur le parquet.

Tout le monde éclata de rire.

« Arrêtez de rire ! Je vous signale que vous devriez aussi être au travail ! »

« Chérie, il est déjà l'heure du déjeûner, » dit ma mère. « Mange ici, puis pars au travail si tu y tiens tant. »

Je soupirai puis acceptai. Avant de les accompagner dans la salle à manger, je pris mon sac et mon manteau pour les déposer dans ma chambre. Pendant la marche à travers différents couloirs, un certain malaise me prit d'assaut. Je regardai aux alentours pour voir s'il y avait un quelconque danger. Mais je ne vis rien d'inhabituel.

A part, ces regards. Les personnes de la meute me fixaient intensément, mais pas de manière très chaleureuse. Au contraire, ils étaient méfiants. Même la première fois que j'avais passé les portes de cette demeure, ils n'étaient pas aussi froids.

Ça commençait. Je le savais maintenant. Ils devenaient de plus en plus distants, car ils avaient peur. Peur que je sois réellement une chasseuse, mais aussi peur que je les dénonce aux autres chasseurs une fois qu'ils m'avoueraient leurs natures de loups-garous. A ce pont-là, mes jolies paroles ne les mettraient pas en confiance. En fait, j'avais perdu ce privilège. Cette confiance. Et ça faisait mal.

Le cœur lourd, je me dirigeai vers la salle à manger sans croiser leurs yeux. Je devais absolument contrôler mes sentiments, sinon ils le sentiraient. La tristesse qui me ronge de l'intérieur.

A table, je fis semblant d'être de bonne humeur. Mes parents ainsi que mon frère et sa femme discutaient de tout et de rien. Nous étions installés à une immense table de plusieurs mètres de longs.

Parfois, quand mes parents étaient absents, je mangeai en compagnie des autres loups-garous moins dominants. Normalement, cela ne se faisait pas. Malgré le fait que je sois humaine, être la fille de l'Alpha me donnait l'avantage d'être d'un rang plus dominant que les autres.

Mais, je préférai être avec des personnes plutôt qu'être seule. La solitude, je l'avais bien connu et je souhaitai ne plus jamais à l'avoir comme amie.

Le déjeûner passé, je retournai à l'entreprise malgré les protestations de mes parents. Là aussi, la méfiance et les yeux accusateurs me défiaient. Heureusement, le nez dans mes papiers, l'après-midi passa rapidement.

Je repensai au plan et à l'adresse qu'Ethan m'avait fourni. Je pouvais m'y rendre ce soir pour faire un repérage des lieux.

Soudain, mon portable sonna. Je ne connaissais pas le numéro, ce qui m'alarmait. Je savais exactement à qui j'avais donné ce numéro-là. La sonnerie s'éteignit.

Je le rangeai dans mon sac et repris ma marche vers l'ascenseur. Mais j'avais un doute maintenant. Etait-ce une bonne idée de fouiller l'entrepôt alors que quelqu'un venait de m'appeler sur mon portable. Peut-être qu'on m'observait au loin... Je savais bien qu'au moins Raphaël ou Gabriel me surveillait, mais d'autres personnes moins bien intentionnées pouvaient me filer aussi.

Les paroles de Damien me revinrent en tête. Tout était lié. Il n'y avait pas de coïncidence. Si j'avais reçu cet appel, c'était pour une bonne raison. Je me mordis la lèvre et m'arrêtai sur la grande place devant les bâtiments de verres. Je repris mon portable, et il sonna de nouveau. C'était le même numéro.

Je décrochai et attendis que la personne au bout du fil parle.

« Kelly ? » demanda une voix bien familière.

« Gabriel ? Comment as-tu eu mon numéro ? » demandai-je, surprise.

« Ton père a bien voulu me le donner. »

« Bien sûr, qui d'autre ! » raillai-je. Gabriel rit.

« N'en veut pas à ton père. Je l'ai bien forçé. »

« Pourquoi m'appelles-tu ? »

« Pour te parler. J'ai besoin qu'on se voit. Je voudrais... apprendre à te connaître. Comme des amis. On pourrait aller au restaurant pour dîner... entre amis. »

Je souris. Il faisait vraiment un gros effort et cela ne me faisait que plus plaisir.

« Pas ce soir. J'ai des choses à faire, mais demain peut-être ? »

« Très bien, demain alors ! » dit-il presque fièrement.

« D'accord. »

Pendant quelques minutes, personne ne parle ni ne raccrocha.

« Tu raccroches ? » dis-je d'une petite voix. Gabriel rit, puis raccrocha.

Je soufflai enfin. Il était plus facile de lui parler par téléphone, mais j'avais toujours ce petit papillon au ventre.

Pour ce soir, je ne devais penser qu'à la mission. J'éteignis mon portable, et me mis en route vers le bâtiment désaffecté où le plan trouvé chez Eli me menait.



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