Chapitre 18 - Les secrets que je garde permettent à des vies d'être sauvées

Dans le chapitre précédent :

Je soupirai de fatigue. J'en avais marre de réfléchir. Je devais encore choisir de rentrer chez moi ou de me rendre chez mes parents. Une fois chez moi, je pourrais faire des recherches sur le lieu où se trouvait le bâtiment de mon plan. Mais chez mes parents, je pourrais jeter un coup d'œil dans l'immense bibliothèque pour lire les ouvrages qu'Eli m'avait écrits sur le papier.

La bibliothèque serait aussi l'occasion de faire de plus ample recherche sur les chasseurs et leurs méthodes de fonctionnement. Damien ne m'avait jamais parlé de leur hiérarchie ni des méthodes de confinement des loups-garous. J'étais souvent là après la bataille ou pendant. Mais jamais avant.

En repensant à Damien, je me rendis compte qu'il ne m'avait pas donné de nouvelles depuis le mail. Pas d'appel, ni de message. Je m'inquiétai pour lui, même s'il avait déjà dû tuer des chasseurs bien avant ma naissance et qu'il était déjà mort plusieurs fois. Cela ne m'empêchait pas de penser à lui et à ses morts brutales.

Au final, je roulai instinctivement vers la maison de mes parents. Je n'avais plus qu'à passer la nuit à la bibliothèque de mon père.

***

« Idiote ! » m'écriai-je tout bas.

Désespérée, je mis mes bras sur le volant et déposai ma tête par-dessus. J'étais vraiment stupide. Je me rendis compte que je revenais d'un rendez-vous avec Eli. Un chasseur. Les loups-garous pourraient sentir son odeur à des kilomètres à la ronde.

Cependant, c'était aussi étrange que l'odeur d'Eli pouvait être sentie par les loups-garous alors qu'il n'arrivait pas à le sentir avant. Mon père avait dit que les chasseurs utilisaient un brouilleur d'odeur ou quelque chose du genre pour éviter aux loups-garous de pouvoir sentir les chasseurs dans la ville. Pourtant sur moi, l'odeur pouvait être sentie par leurs nez délicats.

Soudain, l'on toqua à ma vitre. Je sursautai et pris un couteau caché sous mon siège et le gardai en main derrière mon dos. Derrière la vitre, je réussis à reconnaître un Raphaël souriant, me faisant un signe de la main. Je souris et replaçai lentement le couteau sous le siège du conducteur.

« Bon sang ! Tu m'as fait peur Raphaël ! » clamai-je en sortant de la voiture. « Qu'est-ce que tu fais là ? »

« Désolé. Nous sommes venus voir ton père, bien sûr ! » répondit-il avec enthousiasme.

« Nous ? » répétai-je.

Je vis Gabriel dans toute sa splendeur masculine à quelques mètres de son Beta. Il avait les bras croisés et, encore, seuls ses yeux captivants semblaient me transpercer avec vigueur. Il se confondait parfaitement avec la nuit noire qui avait pour seule clarté la lune bienveillante.

Il était tendu tout comme Raphaël après avoir humé l'air. Ou plutôt l'odeur de chasseur qui gravitait autour de moi comme un serpent enserrant sa proie. Je déglutis, puis voulus leur parler, mais c'était sans compter mon frère dont je n'avais pas senti l'arrivée.

« Kelly, tu as encore revu ton ami. » Sa voix basse ne présageait rien de bon. Il était en colère. Très en colère.

« J'ai beaucoup d'amis, Logan, » évoquai-je doucement, en feignant l'ignorance.

« L'ami avec qui tu as raconté ta vie... » J'allai répliquer pour lui dire que je ne lui avais pas révélé ma vie, mais il m'arrêta d'un signe de la main.

« Écoute, tu devrais vraiment arrêter de le voir. » Le frère protecteur était de retour.

« Et pourquoi ? » soupirai-je.

« Pour Gabriel, » répondit mon frère.

Je restai bouche bée par ses paroles. Je ne m'attendais pas à ça. Pas à ce nom en particulier. Je regardai Gabriel qui fixait Logan comme s'il voulait lui envoyer un poing dans la figure.

« P-pourquoi pour Gabriel ? » demandai-je quand même.

Raphaël, qui était silencieux jusqu'à présent, s'incrusta dans la conversation.

« Tu te souviens de notre conversation dans le restaurant ? » demanda-t-il. Je hochai la tête, puis compris où il voulait en venir. La colère m'envahit. Il insinuait quoi ? Que je sortais avec Eli et, tant qu'on y était, que je sortais avec Jack aussi.

« Un ami ! Vous savez ce que c'est ?! » crachai-je comme du venin. « Parce que j'ai vraiment l'impression que non. »

J'en avais marre qu'ils me traitent comme une petite fille. Même Damien connaissait mes forces et mes faiblesses et, ne me couvait pas ainsi.

« J'ai froid. Je rentre. »

Énervée, je marchai d'un pas décidé vers la maison en quittant les trois hommes et ma belle voiture. D'un coup, j'entendis un grognement, suivi d'os se craquant. Je me retournai et vis Gabriel, le poing fermé et mon frère, plié en deux, en tenant sa joue. Bien sûr, Logan contre-attaqua et vite une bagarre prit place. Si la colère ne coulait pas dans mes veines, je rirais de cette situation.

Je secouai la tête, puis repris ma marche sur la grande allée jonchée de gravats de petites pierres. Très vite, un, puis deux, puis trois loups se révélèrent sur les herbes fraîches situées des deux côtés du chemin.

Je me pétrifiai sur place. Beaucoup trop de loups.

Je pouvais supporter être en présence de quelques loups, loups qui se comptaient sur les doigts de la main. Mais, une dizaine de loups-garous m'encerclant et me regardant la tête penchée de façon interrogative ne me plaisait pas du tout.

Cette scène avec autant de loups-garous me faisait penser aux batailles passées contre les chasseurs. Même si maintenant, ce n'était pas le cas.

Mon corps se mit automatiquement en mode autodéfense. Mes jambes étaient légèrement pliées pour pouvoir attaquer ou au moins me défendre si les créatures tentaient quelque chose.

« S-salut, » dis-je en essayant de paraître amical. Mais la peur dans ma voix devait se ressentir.

Un loup à ma gauche s'avança vers moi. Je restai figée en le surveillant du regard. Ce loup était similaire à celui que j'avais aperçu aux côtés de Gabriel dans la forêt. Pourquoi les loups de Gabriel étaient là ?

Je détournai mon visage pour fixer la demeure de mes parents. Je voulais tellement passer cette porte qui me narguait de loin, mais que je ne pouvais atteindre pour l'instant.

Je sentis dans mon dos la présence de Gabriel marcher vers moi. Raphaël et Logan le suivaient. Et, ils étaient tous mal en point. Égratignures et griffures ornaient leurs visages tandis que leurs vêtements étaient déchirés par endroit.

J'éclatai de rire. Tout simplement. Je ne savais pas pourquoi, mais la vision de ces trois hommes était amusante.

« Vous êtes vraiment des idiots, » clamai-je entre deux rires.

Je m'avançai vers mon frère et évaluai les dégâts sur son visage grimaçant. Du sang coulait de sa bouche et de son front, mais ce n'était rien de bien grave.

« Et moi alors ? » demanda Raphaël avec un air boudeur.

Je ris et annonçai qu'ils n'avaient pas grand-chose. Je le fixai de nouveau et, d'une manière très sérieuse, je déclarai que je lui trouverai une femme d'ici deux mois. Raphaël fut choqué. Certains loups semblaient ricaner en soufflant. Ils étaient toujours présents autour de nous, mais la plupart étaient assis sur leurs pattes arrière et nous observaient. Ma peur s'était dissipée. Une peur stupide étant donné qu'ils ne me voulaient pas de mal.

J'observai ensuite le visage de Gabriel. Nous restâmes ainsi dans un silence pesant. Pour une fois, j'aurais bien aimé que Raphaël se racle bruyamment la gorge. Gabriel vint vers moi et prit ma main pour la déposer sur sa joue. Étonnée, je le regardai dans les yeux. Ils reflétaient une peine non cachée.

« Ne prends pas à cœur les paroles de ton frère ou de Raphaël. »

Son corps semblait dégager une chaleur si envoûtante.

« Je... » Ravalant ma salive, je déblatérai des phrases.

« Mon père et mon frère sont assez protecteurs, voire un peu trop, mais je m'y habitue la plupart du temps. Jack est un ami très cher que j'ai aidé il y a quelques années. Lui, et les deux autres garçons avec qui il habite maintenant. Ils n'ont pas arrêté de passer de famille d'accueil en famille d'accueil, mais j'ai réussi à gagner leurs confiances, ce qui n'était pas du tout facile au début, et je pense que j'ai un peu réussi à les aider. Vu qu'on a le même âge, Jack est devenu comme un frère pour moi., » expliquai-je en souriant. « Bon, il a encore quelques crises de colère, mais il arrive plutôt à bien se contrôler ces temps-ci ! En plus, il a complètement arrêté de se droguer donc c'est vraiment bien, et... »

Je m'arrêtai de parler quand mes yeux rencontrèrent ceux de Gabriel, où la tendresse et l'amour pouvaient se lire. La surprise remplaça mes traits. Je n'avais jamais autant parlé de Jack à qui que ce soit. Même mes parents n'en savaient pas autant.

D'un coup, j'avais peur de l'homme en face de moi. J'avais peur qu'il découvre tout. Un simple toucher m'avait fait révéler beaucoup trop d'informations. Je voulus reculer et échapper à son emprise, mais il passa ses bras autour de ma taille et me garda près de lui.

Tel un manteau de velours, sa chaleur s'enveloppa autour de tout mon être. C'était si apaisant. J'avais l'impression d'être en sécurité. Aucun danger. Aucune souffrance. La plénitude absolue.

« N'aie pas peur de moi, » grogna-t-il contre mon oreille.

Je n'osai le regarder. Aussi cachai-je mon visage contre sa chemise blanche. Je pris de longues goulées d'air pour me calmer. Pour apaiser cette peur grandissante.

« Les secrets que je garde permettent à des vies d'être sauvées et à des personnes d'être protégées, » chuchotai-je. « Mais je ne peux pas risquer que d'autres personnes connaissent mon secret. Même pas toi. »

Le choc avait remplacé ses traits. Et, il n'était pas le seul. Raphaël et Logan arboraient cette même expression. Les bras de Gabriel avaient relâché leur étreinte, ce qui me permit de m'échapper doucement.

« Il commence à faire froid, je vais rentrer. Et, faîtes soigner vos coupures, » dis-je aux hommes pendant que j'ouvrais la porte de la maison. Ils étaient situés à quelques mètres, mais je savais qu'ils m'avaient entendue.

Une fois la porte refermée, je soufflai un bon coup comme si je respirais de nouveau. Mes sentiments étaient partagés entre le soulagement et la peine de savoir qu'une porte me séparait de Gabriel, mon âme-sœur.

De suite, notre valet Théodore, comme il aimait se dénommer, vint me demander si je souhaitais quoi que ce soit. Je lui souris et secouai la tête. Cet homme, à l'apparence d'un vieux à la retraite, mais toujours parfaitement habillée, était aussi un loup-garou. Un loup soumis qui ne combattrait jamais un loup plus dominant pour gagner un rang de plus. Au contraire, il restait sous la protection d'Angus Wolff depuis plusieurs décennies. Il a toujours été là depuis que je le connaissais. Toujours derrière cette porte en bois massive. Toujours guettant un invité avec un sourire.

« Miss Kelly, » m'interpella-t-il alors que je montais les escaliers. « Les secrets sont faits pour être cachés au plus profond de soi. Mais ils souillent le cœur s'ils sont gardés trop longtemps. Alors que les secrets avoués à des personnes de confiance sont un trésor que deux personnes puissent chérir ou combattre ensemble. »

Je le regardai complètement stupéfaite. J'avais toujours eu des doutes sur le fait qu'il savait, peut-être, que mon père biologique était d'une espèce différente qu'un simple humain. Mais ces mots me frappèrent au cœur.

« Mais les secrets partagés sont souvent dévoilés au grand jour et perdent le terme de secret. »

« C'est vrai, à part si ledit secret est partagé avec des personnes de confiance qui promettront de ne jamais rien révéler, » finit Théodore avec un sourire mystérieux, comme il en faisait souvent.

Le vieil homme repartit à ses affaires pendant que je méditais sur ses paroles. Il possédait toujours ce genre de parole qui pouvait immiscer le doute dans notre esprit. Un doute qui poussait à remettre en question chaque chose qu'on croyait acquit.

D'après ses dires, il voulait que je révèle tout à Gabriel ou à mes parents adoptifs. Mais cela mettrait en danger des millions de personnes si mon secret était découvert par des oreilles baladeuses qui appartenaient à des personnes malintentionnées.

Je soupirai et laissai mes jambes me porter jusqu'à la bibliothèque de la maison. Une immense pièce où reposaient des milliers d'ouvrages anciens comme nouveaux.

J'ouvris la magnifique porte en bois gravée d'ornements et fus émerveillée par la splendeur de la salle. Comme toujours. Les œuvres d'auteurs reposaient sur différentes étagères mises à différents niveaux. Des livres de plus grandes longueurs s'alignaient sur la même étagère que des livres racontant moins d'histoires. Moins épais, mais tout aussi intéressants.

Je me promenai mon regard sur toutes ces merveilles qui ne rêvaient que d'être feuilletés, puis tombai sur un ordinateur. Le seul instrument technologique de la pièce qui renfermait chaque ouvrage et à quel niveau de la bibliothèque il se trouvait.

Je l'allumai et recherchai les livres sur les créatures surnaturelles et le fantastique en général. L'aile était située tout eu fond à droite. Bien cachée loin de l'entrée principale. J'allai vers ce coin et caressai de mes doigts les reliures de certains livres. Je m'arrêtai quand j'aperçus les livres qu'Eli m'avait conseillé de lire. Par curiosité, je les pris et les déposai sur une table non loin de là.

Je commençai à bâiller quand je me rendis compte que la plupart des livres contenaient déjà ce que je savais des loups-garous actuels. Fatiguée, je bâillai de nouveau jusqu'à ce que mes paupières se referment d'elles-mêmes.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top