Chapitre 14 - Kelly veut se suicider


Angus Wolff n'était pas quelqu'un de très câlin, à part avec sa femme. Mais le fait qu'il s'était agenouillé devant moi, m'avait émue. Cela faisait du bien de se sentir aimée. Et pour cela, je voulais lui montrer à quel point je l'aimais. Ou tout du moins, le lui dire.

« Tu montes jusqu'au dernier étage ? » demanda Raphaël, ne me voyant pas sortir de l'ascenseur au deuxième étage.

« Oui, je voudrais voir mon père. »

« Quelque chose ne va pas ? » La voix de mon ami était inquiète.

« Non, au contraire, » dis-je en souriant. « Hier, je repensais à mon père biologique et, je me suis dit que j'étais vraiment chanceuse d'avoir un second père. »

Nous marchâmes vers le bureau du directeur. Il était encore en réunion face à d'autres businessmen. Aussi attendis-je en m'asseyant dehors. Au bout de quelques minutes, des hommes sortirent ravis, puis mon père apparut, fatigué mais souriant. Il avait apparemment fait une bonne affaire.

« Coucou » lui envoyai-je quand les hommes furent dans l'ascenseur.

« Ça va ? »

« Oui, en fait, » commençai-je en l'emmenant dans son bureau spacieux à la vue spectaculaire. « Je voulais juste te dire que je t'aimais. Donc, voilà. Je t'aime. »

Un magnifique sourire illumina son visage. Il sourit, ravi, mais devint vite terrifié. Avant que je ne dise quoi que ce soit, il me prit par les épaules tout en me secouant légèrement.

« Tu ne comptes pas te suicider, pas vrai ? Dans vos films, les jeunes disent toujours cela avant qu'ils ne partent se suicider, je ne sais où, » dit-il le visage grave.

« Non, je ne... »

« Quoi ?! Qui va se suicider ? Kelly ? » demanda Logan en s'incrustant dans le bureau.

« Non ! Je... » tentai-je de dire en secouant la tête.

« Les jeunes sont tellement instables de nos jours, » dit mon père, navré. « Ecoute, Kelly. Je suis désolé pour Julia mais... »

« Qu'est-ce qu'il se passe ici ? » demanda ma mère en entrant dans la pièce.

« Kelly veut se suicider, » annonça Logan avec un ton dur.

« Quoi ! » cria ma mère, paniquée. « Qu'est-ce que vous lui avez fait ?! »

Elle s'adressa aux deux hommes, avec un regard lourds de reproches.

Ensuite, une cacophonie monstre s'amplifia dans ce beau bureau d'un chef d'entreprise. Ne cherchant même plus à les arrêter, j'ouvris la porte en essayant de m'enfuir discrètement. Mais dès qu'elle fut ouverte, Gabriel se trouvait là. Devant moi.

Son visage ne montrait que surprise et tristesse. « C'est ma faute, » souffla-t-il avant d'adopter un visage de marbre digne d'un Alpha.

Sa faute ? De quoi parlait-il ? Non, je ne veux pas me suicider. Mais il partit en vitesse avant que je n'énonce un seul mot. Raphaël rattrapa son Alpha en lui parlant, au moins pour qu'il reste sur place.

Enervée, je me retournai vers mes parents qui s'étaient tus.

« Papa, je ne suis pas une fille fragile. Compris ! Maman et Logan, je n'ai jamais prévu de me suicider, à part quand mes parents biologiques se sont faits massacrés par des loups, mais maintenant, je n'en ai pas vraiment l'intention. » Je me tournai ensuite vers mon père. « Conclusion : je ne t'aime plus, Papa. »

La fin de ma tirade fût douce et plus légère. J'espère qu'il avait saisi la nuance du ton que j'avais employé. Au cas où, je lui tirai la langue pour lui signifier que je plaisantais. Ils lâchèrent un soupir de soulagement. Je roulai des yeux. Quelle famille j'avais ! Je m'élançai vers Gabriel et Raphaël. Je devais absolument dissiper le malentendu.

« Gabriel, je ne compte pas mourir avant très longtemps, » énonçai-je en prenant en coupe son visage. Je dus lever ma tête tellement il était grand.

Nos regards se croisèrent et ce fut comme notre première rencontre. Subjuguée. Ses yeux étaient magnifiques. Bleus avec une auréole dorée autour de la pupille noire, qui s'agrandissait petit à petit.

J'aurais pu le contempler des heures encore... si Raphaël ne nous avait pas interrompus. En tous cas, ne m'avait pas interrompu en se raclant grossièrement la gorge. Une envie de le tuer sur place avec mes yeux m'avait traversé l'esprit, mais au lieu de cela, je m'empourprai à la proximité que j'avais avec Gabriel. On aurait dit que j'étais sur le point de l'embrasser.

Je retirai mes mains posées sur ses joues et, essayai de m'écarter de son corps. Mais ses grandes mains, emprisonnant ma taille, m'en empêchaient.

« Gabriel ? »

Tout d'un coup, il m'entoura de ses bras. Protégée. Je me sentais si bien auprès de lui, que ça en était presque effrayant. Il huma mon odeur alors que je restais figée. Je ne m'attendais pas à cet élan d'affection. Mais j'étais là. Dans ses bras. Près de son corps. Chaud et puissant.

« Je suis désolé de t'avoir fait mal, » souffla-t-il près de mon oreille.

Je retins ma respiration dès qu'il dit ces mots, puis expirai doucement. Je me détendis contre lui et osai mettre mes bras autour de lui. Je relevai la tête pour lui murmurer.

« Tu n'as rien fait de mal et je vais bien. Evite juste de te perdre pendant des heures dans la forêt. Raphaël est complètement crevée maintenant, » dis-je en le réprimandant doucement.

« Il t'a parlée de ça ? » demanda-t-il, étonné. « Et que t'a-t-il dit d'autre ? » Sa voix était plus dure et sérieuse.

« Pourquoi ? Pour que tu lui cries dessus ? Hors de question, » stipulai-je en m'éloignant de son corps. La chaleur, qu'il me procurait, s'évanouissait pour être remplacé par un froid dérangeant.

Gabriel me regarda, amusé, et non plus en colère ou triste. Sa possessivité était apparemment retombée. Je l'aimais bien mieux comme cela.

Mon âme-sœur déposa un baiser sur mon front, puis s'en alla vers le bureau de mon père, prétextant un travail à faire. Je regardai son dos. Je pouvais presque voir ses muscles travaillés quand il marchait.

« Il est pas mal, hein ? » demanda Raphaël en passant un bras autour de me épaules. Je lui jetai un regard assassin et lui pinçai la main qui pendait près de mon visage.

« Tu ne vas pas le rejoindre, toi ? » Il rit puis s'en alla.

« Raphaël, » l'appelai-je. Il se retourna. « Je te préfère comme ça. »

D'abord surpris, il prit ensuite un air coupable. « Désolé, si je t'ai effrayé. » Je secouai la tête.

« Tu es tout pardonné, » envoyai-je en souriant.

Heureusement que le personnel avait eu la décence de faire semblant de n'avoir rien vu concernant mon interaction avec Gabriel. Alors que je partis vers mon étage, Logan accourut vers moi.

« Hey soeurette ! Désolé de m'être emporté tout à l'heure. J'ai vraiment cru que... Bref, tu pourrais garder Claire ce soir ? El et moi allons sortir un peu, du coup... »

« Désolée, Logan, » dis-je coupable. « Je ne peux pas ce soir, je sors dîner avec un ami. »

« Un ami ? Damien ? » demanda-t-il, soudain très curieux.

« Non, pas lui. Un nouvel ami. C'est la première fois que je sors avec lui donc, ce sera encore un peu formel et tout, » expliquai-je en haussant les épaules, en espérant que mon frère arrête ses questions mais ce ne fut pas le cas.

« Et cet ami compte rester un simple ami ? »

« Bien sûr. Je ne compte pas avoir de petit-ami pendant quelques temps. »

« Combien de temps ? » demanda-t-il les bras croisés. Il faisait son impressionnant face à moi.

Le temps que je finisse ma mission, mais je ne pouvais pas le dire à voix haute.

« Le temps que je me fasse à l'idée d'avoir un petit-ami, » répliquai-je stupidement. Il haussa un sourcil, peu convaincu par ma réponse.

« Kelly, » soupira mon frère.

« Bon, ce n'est pas tout ! J'ai du boulot moi ! A plus ! Et vraiment désolée pour Claire. Demande à Maman de la garder, » envoyai-je, en m'engouffrant dans la cage de métal qui se refermait sur moi.

Je soupirai et continuai de travailler dans mon bureau. Après quelques heures, je me rendis compte qu'il y avait des papiers que je devais donner à mon père. Je remontai donc vers son bureau. C'était un déplacement assez habituel de ma part. Beaucoup de contrat sur les finances remontaient vers le directeur, mais contrairement à nombre de comptable, qui restaient près du bureau du chef d'entreprise, j'avais préféré rester à mon étage. Celui que j'avais occupé en commençant à travailler ici.

Les ragots sur l'entreprise circulaient pas mal quand on était au milieu des salariés même. Bien sûr, j'aurais trouvé de meilleures informations en étant à l'étage le plus haut de la tour de verre, mais mes missions et mes nombreuses conversations au téléphone voulaient que je reste à distance de mon père. Un Alpha.

Dossiers en mains, je marchai dans le couloir. Une fois devant sa porte, je voulus toquer mais le haussement de voix de Gabriel m'avait interpelée. Pourquoi était-il si énervé ?

Je m'installai dans la salle d'attente, non loin de son bureau et, reposai ma tête sur la table. Si une personne passait par là, elle croirait que je dormais. J'ouvris mon pouvoir. Mon ouïe. Je déployai ce sens pour écouter ce qu'ils se disaient à l'intérieur du bureau. Les yeux fermés, j'écoutai.

« Comment des chasseurs peuvent-ils se trouver ici ?! Nous ne les avons même pas sentis ! » cria rageusement la voix de mon père.

« Ils nous ont suivis jusqu'ici apparemment, » dis calmement Gabriel. « Nous avons perdu de nombreux guerriers à cause de ces chasseurs. »

« Oui, j'ai bien vu votre territoire. Ils ont presque tous détruit... »

« Et maintenant, ces enlèvements ! » gronda Gabriel. De quoi parlait-il ?

« On retrouvera les loups qu'ils ont capturé, Gabriel. Laissez-nous le temps de les repérer d'abord. Ils semblent utiliser un brouilleur d'odeur, » avoua mon père, en cognant son poing sur la table.

« Votre fille portait l'odeur des chasseurs, hier, » annonça Gabriel.

« Impossible. Ma fille n'est pas une chasseuse et elle n'a rien avoir avec eux, » grogna mon père. Je rectifiai. Je ne détestais plus mon père, je l'aimais vraiment.

« J'ai pourtant senti l'odeur d'un chasseur sur elle ! »

« C'est peut-être l'ami qu'elle va voir ce soir... » murmura la voix de Logan. Mon frère était aussi présent. Ça ne m'étonnerait pas que le Beta de Gabriel soit là aussi. Après tout, cette histoire de chasseurs mobilisait tous les loups-garous de la ville.

Par contre, j'étais en mauvaise posture. S'il pensait qu'Eli était le chasseur, il mettrait sûrement quelqu'un pour me suivre ce soir. Mais, vu qu'il ne voulait pas que je soupçonne quelque chose, ils se mettraient assez loin, ce qui les empêchera d'écouter ma conversation avec Eli.

« Raphaël pourra la suivre, » déclara Gabriel. Étrangement, mon père n'émit pas d'objection. Moi, qui aurais cru qu'il avait une plus grande possessivité vis-à-vis de ma part. J'étais déçue.

Je n'entendis pas la réponse de mon père, mais il avait sûrement dû hocher la tête. Ou peut-être lançait-il un regard perçant à mon Gabriel ? J'aurais aimé voir cela.

« Que faisons-nous pour les enlèvements ? Ces chasseurs continuent de capturer nos loups sans qu'on ne les voit arriver. On n'arrive même pas à les sentir. Je ne sais pas comment ils ont fait pour cacher leurs odeurs, mais les voir se promener aussi près de nous me met en rage, » gronda Logan.

« Tu as raison. Pour l'instant, nous ne pouvons que renforcer la sécurité de nos femmes et enfants... » annonça mon père. Un silence plana.

« Père, si Kelly a des amis chasseurs, il faut qu'on la fasse suivre H24. On pourra enfin mettre des visages sur nos ennemis, » suggéra prudemment Logan. Il semblait coupable de dire cela.

« Elle va m'en vouloir dès qu'elle se rendra compte que je la fais encore suivre, » répondis mon père d'une voix basse et triste.

« Je sais, mais c'est notre seul moyen pour tuer ces maudits chasseurs. La mettre en danger ne me plaît pas plus qu'à toi, mais l'odeur de chasseur qu'elle porte est notre seule piste pour l'instant, » plaida mon frère.

Je ne pouvais pas lui en vouloir. Il avait raison. Le fait de savoir que j'étais avec Eli, leur permettrait de suivre ce chasseur jusqu'à leur planque plus facilement.

L'hésitation traversa mon esprit. Peut-être que je devrais leur en parler. Peut-être que je devrais tout leur avouer concernant cette mission. Au final, nous voulions la même chose. Tuer ces chasseurs.

Plongée dans mes réflexions, je n'avais pas entendu la porte du bureau s'ouvrir.

« Kelly ? » appela mon père. Ayant toujours mon pouvoir activé, j'entendis sa voix plus forte qu'elle ne l'était réellement. Beaucoup plus forte. J'avais l'impression que mes tympans allaient exploser. Je me pris la tête, ou plutôt fermer mes oreilles à l'aide de mes mains, le temps que je réajuste mon ouïe sensible.

Gabriel s'était précipité vers moi. Je sentais sa chaleur particulière enivrer mes sens et mon corps. Pourquoi mon corps réagissait-il si vite à cet homme ? C'était presque énervant de me voir si dépendante à mon âme-sœur.

« Je vais bien, calmez-vous. C'était juste un mal de tête, » expliquai-je pour les apaiser.

« Que fais-tu ici, Kelly ? » demanda le directeur.

« Oh ! J'avais des papiers à te donner. Tu étais occupé, donc j'ai attendu dehors. Mais apparemment, je me suis endormie. »

Il hocha la tête. Je pouvais toujours sentir les regards de Gabriel et Raphaël rivés sur moi. Mais, je fis en sorte de ne pas croiser leurs yeux.

Je retournai sagement dans mon bureau. Ce soir, je dînai avec Eli et j'espérai en apprendre plus sur ses amis chasseurs. Cela serait un bon début s'il pouvait s'ouvrir à moi dès cette soirée.

Je devais aussi parler à Ethan à propos de ces enlèvements. C'était son affaire après tout. J'allais sûrement obtenir beaucoup d'informations en nous aidant mutuellement. Je devais juste éviter faire en sorte qu'il ne suspecte pas que les êtres enlevés n'étaient pas humains.

Je soupirai et partis de l'entreprise sachant que Raphaël me suivait comme mon ombre.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top