25. COORDONNÉES
𝐁𝐀𝐒 𝐋𝐄𝐒 𝐌𝐀𝐒𝐐𝐔𝐄𝐒
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chapitre vingt-cinq —— Coordonnées
« Que c'est rageant d'être si proche de la vérité sans parvenir à la découvrir. »
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Emilia sortit en trombe du café, talonnée de près par Kama. Elle jeta à nouveau un regard sur la localisation sur son téléphone, envoyée par Itona quelques secondes seulement après leur appel. Le cœur de la jeune fille tambourinait dans sa poitrine, elle se retrouvait le souffle court, peinait à réfléchir avec calme tant le stress et l'inquiétude la rongeaient à cet instant précis. Elle devait se calmer, ne pas se précipiter malgré son impatience.
Emilia avait du mal à se reconnaître, ce comportement ne la ressemblait pas. Elle qui agissait toujours avec précaution et méfiance, où était passée sa prudence habituelle ? Retrouver sa sœur était devenue bien plus important, elle ne pouvait pas attendre plus longtemps. Pressée, elle se dirigea à grands pas en direction de l'endroit indiqué sur son téléphone. A ses côtés, Karma la suivait, mains dans les poches, un air sérieux inhabituel au visage. Il observait les alentours avec méfiance, comme mal à l'aise. Emilia ne fit pas vraiment attention à son comportement, mais décida tout de même de garder un œil sur lui.
Les passants, les voitures, les autres vies autour de la jeune fille n'existaient plus. Les brouhahas habituels de la rue ne l'assourdissaient pas, au contraire, ils paraissaient loin, très loin d'elle, comme des petits piaillements d'oiseaux. La lumière l'aveuglait, l'air lui manquait, sa respiration devenait saccadée, ses mains tremblaient, ne parvenaient plus à tenir le téléphone correctement. Elle marchait de plus en plus vite, oubliait totalement l'environnement qui l'entourait tant son attention était concentré sur un minuscule écran. Elle devait aller plus rapidement, elle devait rejoindre les coordonnées. Qu'est-ce qui l'attendait là-bas ? Et si Adella l'attendait ? Et si un ultime indice l'attendait ? Et si...
— Emilia, calme-toi.
La voix posée de Karma fit écho en elle, comme si ce son était venu de loin. Elle se stoppa net dans son élan. Le monde réapparu autour d'elle en un battement de cil, les bruits de la vie quotidienne résonnaient dans l'allée principale. Emilia se sentait honteuse de s'être laissée emporter ainsi. Ses agissements, cette précipitation, ses sentiments qui prenaient le contrôle, tout cela ne lui ressemblaient pas. Elle ne faisait même plus attention à Karma, qui à la base, était là pour une sortie après les cours. Il se retrouvait mêlé à cette enquête contre son gré.
— Je sais pas ce qui m'arrive, bredouilla-t-elle comme unique réponse au garçon.
— C'est normal d'être impatiente, mais ça ne veut pas dire de te précipiter, poursuivit Karma, un sourire en coin. Mais il y a quelque chose qui cloche...
— Qu'est-ce qu'il y a ? C'est pour ça que tu agis bizarrement depuis qu'on est partis ?
Le collégien ne rétorqua pas et jeta un énième regard autour de lui, sûrement concentré au moindre bruit ou mouvement qui trahirait une présence. A quoi pouvait-il bien penser ? Qu'avait-il comme impression étrange ? En y réfléchissant bien, Emilia se sentait de plus en plus mal à l'aise, arrêtée sur le trottoir, à découvert. Sans savoir pourquoi, elle ressentit un frisson la parcourir, une paire de yeux se poser sur elle. A son tour, elle observa attentivement les alentours, son téléphone de plus en plus serré contre elle.
— Tu comprends ce que je veux dire maintenant ? insista Karma qui n'afficha plus aucun sourire sur ses lèvres. Et c'est comme ça depuis qu'on est partis du café, mais tu étais trop concentrée pour remarquer quoique ce soit.
— Tu penses qu'on est suivis, c'est ça ? questionna la jeune fille avec son sérieux habituel. Qui ça pourrait être ?
— On écarte l'hypothèse que ce soit un élève de notre classe. La présence est bien plus étrange et inquiétante. Peut-être tes admirateurs ?
— Je les ai côtoyé pendant longtemps, et je peux t'assurer qu'aucun d'eux ne puissent me faire autant stressée que maintenant.
Sans un mot de plus, ils reprirent tous les deux leur route. Emilia réfléchissait à toute vitesse sur l'identité des inconnus. Elle balaya rapidement l'hypothèse que ce soient des élèves, ainsi que son entourage. Qui trouverait l'intérêt de suivre deux collégiens ? A moins que ce ne soient des voleurs ou kidnappeurs. Dans le passé, la jeune fille fut déjà confrontée à une tentative d'enlèvement — qui se résuma en échec —, et l'inquiétude se retrouvait être la même qu'en ce moment-même. Pourtant, Emilia sentait qu'il y avait quelque chose en plus que lors de son kidnapping : une atmosphère étrange, un sentiment de malaise omniprésent, elle ne saurait dire exactement ce qu'il y avait de différent.
— Ta sœur avait des ennemis ? Des gens qui ne l'appréciaient pas ? questionna subitement Karma, songeur.
— Non, elle m'en aurait parlé sinon, ou je l'aurais découvert moi-même, lui répondit Emilia.
— Je n'ai même pas envie de savoir comme tu l'aurais découvert... Enfin, on est peut-être pas les seuls à enquêter sur sa disparition, j'aurais dû y penser plus tôt.
— Comment ça ?
— Ta sœur n'est pas partie pour rien, et tu m'as dit qu'elle serait partie de son plein gré. Dans ce cas, soit elle a fait quelque chose de mal, soit elle a vu quelque chose qu'il ne fallait pas, tu saisis ?
— Ça voudrait dire que ces gens qui nous suivent en ont après ma sœur ? Alors ils savent qu'elle est toujours vivante. Mais comment peuvent-ils savoir qu'on enquête aussi ?
— J'ai l'impression qu'on ne va pas tarder à avoir des réponses... On continue d'aller aux coordonnées.
Il ne restait plus que quelques minutes avant d'arriver à destination. Les regards étaient toujours là, l'atmosphère pesante et le sentiment de malaise aussi. Emilia espérait de tout cœur qu'elle et Karma étaient simplement trop paranos ou inquiets pour rien. Malheureusement, son instinct ne se trompait que très rarement, et cette fois-ci, le danger semblait bien présent. Les deux collégiens pénétrèrent dans une petite ruelle sombre, écartée de l'allée centrale et à l'abri des regards. L'atmosphère était tout aussi inquiétante : pas un passant ni un bruit aux environnements, pas un corbeau ne croassait, pas un oiseau chantait.
Emilia sursauta au moment où son téléphone vibra, indiquant qu'elle était arrivée à destination. Par réflexe, elle s'était légèrement rapprochée de Karma. Après tout, il n'avait pas vraiment l'air effrayé à l'idée que des personnes malveillantes les suivaient, ou alors il cachait bien son jeu.
— Bah alors, on a peur ? se moqua Karma, comme si le moment était propice aux plaisanteries.
— Toi, tu sais te battre, pas moi, c'est normal que j'ai peur, se justifia l'intéressée en commençant à se détacher de lui et à avancer au centre de la ruelle.
— On doit chercher quoi, exactement ?
— Aucune idée, mais ça devrait être juste là...
Elle s'agenouilla un instant près d'une poubelle. Il y dégageait une odeur infecte, mais par-dessus tout, une odeur d'essence. Dans un bref mouvement, elle demanda à son ami :
— Tu sens aussi qu'il y a de l'essence, rassure-moi ?
— Oui, on dirait qu'il y en a partout par terre. Tiens, tu n'as qu'à regarder pour le constater par toi-même.
— T'as un briquet sur toi ?
Le garçon répondit d'un hochement de tête et fouilla quelques secondes dans sa poche. Une fois trouvé, il lui lança.
— Au cas-où, hein ? lui sourit-il, devinant aisément ce que pensait la jeune fille.
Celle-ci lui sourit à son tour et l'attrapa, qu'elle fourra immédiatement dans ses poches. Puis, elle reporta à nouveau son attention sur les coordonnées. Elles indiquaient directement la poubelle, il était évident que n'importe qui la fouillerait, mais pas Emilia. D'abord car le faire était dégoûtant — de toute façon, elle aurait demandé à Karma de le faire à sa place —, mais surtout car Adella n'aurait jamais mis un quelconque indice là-dedans, mais plutôt aux alentours. Et comme prévu, Emilia atterrit sur quelque chose, sous la poubelle. Elle le saisit aussitôt dans ses mains, et découvrit avec stupeur un téléphone sous pochette plastique.
Le véritable téléphone d'Adella.
— On s'en va, ordonna Karma avec précipitation.
Il s'approcha de la jeune fille et la releva avant même qu'elle n'eut le temps de le faire par elle-même. Ils tournèrent tous les deux les talons et s'apprêtèrent à repartir sur leurs pas, lorsque plusieurs silhouettes se dessinèrent face à eux au bout de l'allée. Ils se stoppèrent net, ne bougèrent plus d'un centimètre. Car ils pouvaient clairement apercevoir les armes de leurs poursuivants qui luisaient sous la faible lumière du soleil, pointés droits vers eux.
— Merde, c'est trop tard, murmura Karma.
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CHAPITRE 25 TERMINÉ
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