Épilogue

Plus les heures passaient, plus les choses devenaient claires dans ma tête. Et je me souviens combien ces ultimes jours à Gallerand furent à la fois merveilleux et douloureux...

Ludo, mon bel amour, ma moitié aux yeux bleus...

Ce soir-là, alors que tu dormais, Popcorn blotti contre toi, Morphée ne voulait pas de moi. J'ai fini par me relever.

Tandis que le jour se retirait et laissait place à la nuit, je suis allé me réfugier loin, de l'autre côté de l'étang. Assis dans le petit belvédère mangé par les glycines, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Adolescent fragile, adulte inachevé, ballotté au gré de mes sentiments irréconciliables, malmené par les événements, ce soir-là, mon amour, j'ai eu peur de te perdre.

J'ai eu peur qu'une fois séparés, tu tombes sur une fille gentille, belle et intelligente, qui me volerait ton cœur à tout jamais. Que tu tombes amoureux d'une autre. Que tu ne finisses par voir notre relation que comme un amour de vacances.
Peur aussi de rencontrer un autre garçon, d'éprouver des sentiments pour lui aussi. Peur de devenir une sorte de collectionneur, un gars qui additionnerait les aventures, sans pouvoir jamais être à toi, rien qu'à toi.

J'avais tellement envie de te dire à quel point je t'aimais...

Tellement de choses à te dire, et si peu de mots pour le faire que j'empruntais ceux d'un autre : « Doute que les étoiles soient feu, doute que le soleil se meuve, doute de la vérité même, mais ne doute pas que je t'aime. ».

Cette lettre, ce n'était plus Hamlet qui l'écrivait à Ophélia, c'étaient les mots que mon cœur jetaient au vent, dans le fol espoir qu'un jour, quand tu te sentirais seul et que je serais loin de toi, la brise vienne te les murmurer à l'oreille, te rappelant ainsi ce lien parfait qui nous unissait.

Dans ma tête, au cœur de la nuit noire, j'écrivais et je réécrivais chacune des lettres que je m'étais promis de t'envoyer. Hugo, Shakespeare, Corneille : tous ces auteurs qu'on m'avait contraint à lire quand j'étais plus jeune me revenaient à l'esprit, et me soufflaient les mots qui te tiendraient accroché à moi. Pourtant, je n'en trouvais pas d'assez forts pour me rassurer vraiment.

Au matin, dans la lueur rosée de l'aurore, je suis revenu me glisser près de toi, pour profiter encore un peu de ta chaleur, de ta présence. Je n'avais qu'une envie : te serrer contre moi, et ne plus jamais te laisser partir. Mais j'avais trop peur de te réveiller.

Quand j'ai senti tes lèvres sur ma joue, j'ai dû faire un effort pharaonique pour ne pas pleurer. Tu étais fort, et je ne voulais pas te laisser le souvenir d'un Romain faible et pleurnichard. Nos derniers baisers, nos derniers câlins...

N'en veux pas trop à Grand-Père : c'est moi qui lui ai demandé de ne pas t'emmener avec nous. J'avais juste assez de force pour ne pas pleurer devant toi, mais pas assez pour tenir jusqu'à ce que nous soyons à bord. Si tu étais venu avec nous à l'aéroport, je ne serais jamais monté dans cet avion.

Quand nous avons quitté le sol, j'ai compris que tu avais gardé mon cœur avec toi. Cette fois, j'étais rassuré : jamais il n'aurait pu être entre de meilleures mains. Et pendant que les moteurs de l'appareil avalaient les miles et les nuages, doucement, calmement, j'ai réussi à prendre sur moi. Je voulais que tu puisses être fier du Romain qui arrivait à Henlann.

Comme cette nuit-là, sous les glycines du belvédère, je sens une larme rouler sur ma joue. Mais je ne suis plus l'adolescent qui pleure de crainte et de désespoir. Je suis l'homme qui n'a plus peur de laisser rouler le long de sa joue une larme de joie.
Que d'années passées, que de chemin parcouru, que de changements dans nos vies !

Entre toi et moi, il n'y a qu'une seule chose qui ne changera jamais : je t'aime.

Et c'est bien tout ce qui compte.





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