Chapitre IX
Figurez-vous que je n'étais pas vraiment pressé de me retrouver seul à seul avec lui. La simple idée qu'il puisse me repousser me terrifiait littéralement. Une fois dans la chambre, je pris grand soin de ne pas dire un mot, pour ne pas entamer une conversation dont je ne voulais pas. J'allai me brosser les dents, et je me mis au lit en boxer, en lui tournant ostensiblement le dos. Je me détestais d'avoir ce genre de comportement avec lui.
Faisant comme si de rien n'était, il traîna un peu dans la salle de bains, puis vint se coucher. Je gardai les yeux clos pour que lui non plus n'entame pas cette fichue conversation. Malgré mes efforts pour avoir l'air du gars qui dort profondément, les choses ne se passèrent absolument pas comme je l'avais souhaité : je le sentis venir se coller contre moi, et passer son bras autour de ma taille. Il me serra contre lui, m'embrassant doucement dans le cou en caressant doucement mon ventre. Puis il murmura dans mon oreille :
- Je ne sais pas ce qui se passe dans ta jolie petite tête, chaton... mais je vois bien que quelque chose ne va pas.
Je ne savais plus quoi faire... Il poursuivit son petit monologue, d'une voix posée et rassurante :
- On a traversé plein de trucs, toi et moi, ensemble, tous les deux. Tu as toujours été là pour moi, et moi je serai toujours là pour toi. Je sais que tu ne dors pas, et que tu fais semblant parce que tu n'as pas envie de parler... Je ne veux pas te forcer la main... On peut juste...
Il s'arrêta quelques secondes, comme pour réfléchir. J'eus l'impression que son silence ne prendrait jamais fin...
- Je...
Il sembla hésiter encore, un court instant.
- Je t'aime, chaton. Je sais que je ne t'aime pas aussi bien que tu m'aimes... Mais je te promets que je t'aime de tout mon cœur, et que je fais des efforts pour t'aimer encore mieux...
Comment voulez-vous résister à ça ? Je me retournai, et me blottis dans ses bras. Comme tout à l'heure dans le salon de musique, mes larmes se mirent à couler. Est-ce qu'il essayait de me faire comprendre qu'il savait ce que je ressentais pour lui ? Comment savoir ?
- Chaton ?
Je me lançai d'un coup, sans réfléchir plus : de toute manière, j'avais tout à perdre, et tout à gagner, dans cette histoire. Mais je ne pourrais pas passer une journée de plus à me poser la question :
- Je t'aime.
- Je sais.
- Non, tu n'as pas compris. Je t'aime.
Là... Il se pencha vers moi, et posa un délicat baiser sur mes lèvres. Je ne bougeais plus, priant pour que personne ne me réveille, et que ce rêve dure toujours. Pour que jamais il ne détache ses lèvres des miennes. Malheureusement... il avait décidé de poursuivre la conversation.
- Je sais...
J'essayai péniblement de rassembler mes idées, et de faire le point. Étant donné le foutoir monumental qui régnait dans ma tête, ça promettait d'être assez compliqué... Sans parler du goût sucré de ses lèvres, qui m'empêchait de penser de manière raisonnable. Il remarqua mon silence, et demanda d'une voix inquiète :
- Chaton, j'ai fait une bêtise ?
Instinctivement, je l'embrassai pour le rassurer... Oh ! Ce baiser ! J'attendais ça depuis tellement longtemps... Baptiste avait raison : j'attendais ça depuis toujours. À regret, je me détachai finalement de ses lèvres...
- Non, mais non, bien sûr que non...
- Mais tu ne dis rien...
- Je suis... choqué ?
- Parce que je t'aime ?
- Ben oui ! Enfin, non ! Enfin si, un peu quand même...
- Tu m'expliques ?
- Je vais essayer... Parce que même pour moi, là... c'est un peu flou.
Je n'étais pas à l'aise pour discuter, et je le sentis se redresser pour se caler contre ses oreillers. Au lieu de m'asseoir moi aussi, je m'allongeai, et je posai ma tête contre sa cuisse. Je le sentis tâtonner dans le noir, avant de sentir sa main caresser tendrement mes cheveux. D'une voix douce, il m'encouragea à continuer :
- Vas-y, chaton, je t'écoute... Et prends ton temps...
- Oh ! D'une certaine manière, je crois que c'est simple... Mais...
- Eh, tu sais que tu peux tout me dire !
- D'accord... Je... suis amoureux de toi.
Oh vache ! Elle avait eu du mal à passer, cette phrase-là ! Je ne savais pas trop comment continuer, mais au point où j'en étais... Tant que je m'astreignais à parler français, il pourrait au moins suivre le cours de mes pensées.
- J'ai eu une discussion avec Baptiste.
- À quel propos ?
- À propos de toi.
Je sentis ses doigts se crisper dans mes cheveux, et il interrompit sa caresse. Voilà qui s'éloignait un peu brutalement de ce début plutôt prometteur... J'allais devoir naviguer serré...
- Et à propos de moi. À propos de toi et moi, plus exactement.
Il se détendit légèrement.
- Je suis amoureux de toi depuis longtemps. Mais je... Je ne sais pas si je ne m'en étais pas rendu compte, si je n'avais pas compris, ou si je me voilais la face... Mais Baptiste m'a dit que quand il nous voyait tous les deux, j'avais le regard d'un homme amoureux quand je te regardais...
Toujours aucune réaction... Il voulait me tuer, ou quoi ?
- Je crois que je suis tombé amoureux de toi sous le kiosque, au bord de l'étang...
- Comment ça ?
- Tu te souviens de ce jour-là ?
- Oui. C'est le jour où tu m'as dit que tu préférais les garçons.
- Et c'est le jour où tu m'as dit que tu m'aimais comme j'étais.
- Et que le reste, on s'en foutait...
Je sentis mes yeux piquer... Mais voilà que maintenant, j'avais peur de ce bonheur que j'entrevoyais, et des promesses qu'il portait avec lui : tout ça risquait fort de me claquer à la figure là, maintenant, dans les minutes qui venaient. Il n'avait pas enlevé sa main de mes cheveux, mais il n'avait pas non plus repris sa douce caresse. D'une voix que je trouvai dure, il me demanda :
- Et Baptiste ?
- Comment ça, Baptiste ?
Oh non ! Pas ici ! Pas maintenant !
- Toi et lui...
- Tu veux des détails ?
- Non.
- Qu'est-ce que tu veux savoir, alors ?
- Tu l'aimes ?
- Oui, mais pas comme toi.
- C'est-à-dire ?
- Aucun de nous deux n'a envie de faire sa vie avec l'autre. On est... on est amants. On n'est pas un couple.
- Ah...
C'était moi, ou il était soulagé ? Difficile, dans le noir, de se faire une idée en se basant uniquement sur la voix...
- Il y a autre chose que tu veux savoir, concernant Baptiste... ?
Je me mordis la lèvre. J'avais failli dire « concernant Baptiste et moi »... Et la dernière chose que je voulais, c'était qu'il nous voie comme un couple, et que cette image se grave quelque part dans son cerveau qui réfléchissait à mon goût beaucoup trop.
- Vous avez...
- Couché ensemble ?
- Oui.
- Oui.
Il soupira. J'étais presque déjà mort. Pourtant, à ma grande surprise, il recommença à passer sa main dans mes cheveux.
- C'est cool...
Première nouvelle !
- Et pourquoi ça ?
- Parce que ça devait se passer comme ça.
- Tu... ?
J'étais effondré... Cette fois, je craquai totalement, et je me mis à pleurer à chaudes larmes... Je ne comprenais plus rien... Pourquoi m'avait-il embrassé pour me repousser ainsi, à peine quelques minutes plus tard ?
Visiblement, il ne s'attendait pas du tout à ma réaction :
- Chaton, qu'est-ce que tu as ?
Il ne pouvait pas en plus jouer avec moi, en m'appelant « chaton » comme si de rien n'était, après ce qu'il venait de me foutre dans la tronche ! Je me redressai, fixant dans le noir son visage que je ne pouvais que deviner :
- Dis, tu te fous de moi ? Tu... Tu trouves normal de m'embrasser, et cinq minutes après de trouver « cool » que je me sois envoyé en l'air avec quelqu'un d'autre ?
- Mais de quoi tu parles ?
- Hé, sois gentil, ne me prends pas en plus pour un con !
- Arrête.
- Non, je n'arrêterai pas !
- Écoute, je n'ai pas envie qu'on réveille les parents.
- Il fallait y penser avant !
- Arrête de parler aussi fort !
- Sinon quoi ?
- Romain ?
- Quoi ?
- Ta gueule.
Net. Précis. Posé au bon moment. Un peu direct, mais efficace : malgré moi, je me tus instantanément. Pourtant, je n'étais pas calmé, loin s'en faut ! J'attendais des explications, c'était le moins qu'il puisse faire. Il alluma la lumière, ce qui me fit cligner des yeux. Il braqua son regard bleu sur moi. Et dans ce regard, il n'y avait aucune douceur, mais toute la furie d'un océan déchaîné...
- Bon, maintenant, tu vas la fermer et tu vas m'écouter, avant de dire des choses que toi et moi allons regretter avant demain matin.
- Je...
- Écrase. Et vu que je sens que je vais encore devoir te dire de la boucler un bon paquet de fois, je ne m'excuserai pas avant d'avoir fini. Tu me fais « oui » de la tête si tu es disposé à m'écouter. Si ça n'est pas le cas, j'irai dormir sur le canapé.
Je n'en revenais pas ! Il était vraiment en rogne, sur ce coup-là ! Oui, mais bon, il n'était pas le seul. J'hésitai un instant. D'un côté... Mais de l'autre, je ne voulais pas qu'il s'en aille et me laisse là... Je ne voulais pas qu'il me quitte, même juste pour une nuit. Et surtout pas en étant fâchés. Je me contentai donc de faire « oui » de la tête, en faisant l'effort, pour une fois, de ne pas la ramener...
- Bon. Maintenant que j'ai ton attention... Oui, je t'aime. Et oui, je sais que tu es amoureux de moi. Depuis... depuis toujours, je crois bien. Le kiosque... tu n'as fait que confirmer ce que je savais déjà. Et figure-toi que ce jour-là, quand je t'ai dit que je t'aimais... je me suis fait peur. Non, tais-toi !
Je décidai de ne plus l'interrompre.
- Je me suis fait peur, parce que ce jour-là, j'ai su que je t'aimais bien plus que je ne m'en serais cru capable... et bien plus que je ne devais. Le truc, c'est que... C'est que je crois que je suis un hétéro qui est amoureux comme un fou de son meilleur ami... Ne me demande pas de t'expliquer ça mieux que ça, je suis perdu moi aussi. Et puis, secrètement, je me disais qu'avec un peu de chance tu rencontrerais un mec bien, qui te rendrait heureux, avec qui tu pourrais faire ta vie, être heureux... Parce que moi, là, je ne suis pas certain du tout d'être capable de tout ça, et que je ne veux pas, je ne veux surtout pas te faire souffrir.
Pour la première fois depuis que nous nous connaissions, il me dévoilait son côté fragile... Toute notre enfance, toute notre vie, il l'avait passée à être celui qui console, celui qui rassure, celui qui est fort pour deux... Et là, devant son cœur mis à nu, je me sentais presque honteux de ne jamais avoir compris que sa force était essentiellement une carapace qui masquait sa fragilité...
Ludo, mon Ludo, mon héros... Celui qui tant de fois m'avait prêté son épaule pour pleurer... Il était là, devant moi, sans carapace, sans artifice... Était-il possible de mourir d'amour ? Si c'était le cas, j'allais devoir faire attention à moi...
Je voyais ses yeux rougir, pendant que doucement, en silence, mon cœur se brisait face à tant de souffrance si longtemps dissimulée... Le désarroi dans son regard était le reflet de mon propre désarroi... D'aussi loin que je me souvienne, mon joli blond aux yeux bleus avait toujours été le miroir de mon âme. Mieux, il était mon âme sœur, j'en étais maintenant certain.
Étrangement, j'avais peut-être déjà trop pleuré, ou alors c'était à mon tour d'être fort... Toujours est-il que je puisais ma force dans sa faiblesse, et que je trouvai le courage de lui sourire, juste pour qu'il comprenne que j'avais compris. Il sourit aussi... Un sourire triste... Un sourire à jouer du Chopin...
Il poursuivit, la voix chargée de toutes ses émotions en train de refaire surface :
- Je n'ai jamais voulu sortir avec une fille, parce que je veux que tu sois ma première fois.
Malgré toutes mes belles résolutions, je sentis une larme rouler sur ma joue. Mais je le laissai continuer. Je ne voulais pas l'interrompre, alors qu'il avait mis si longtemps pour réussir à parler...
- Mais je ne sais pas quand je serai prêt pour ça. J'ai envie que toi et moi... J'ai envie de t'aimer comme un homme... Mais ça me fait un peu peur, tu sais... Je... J'ai peur d'être complètement ridicule, de te faire pitié... Et je ne pouvais même pas te dire ça, parce que je ne voulais pas que tu passes à côté de ta vie à cause de moi...
Il reprit doucement son souffle. Nous étions assis en tailleur sur le lit, l'un en face de l'autre. Pendant que nous parlions, nos mains s'étaient cherchées... et elles s'étaient trouvées. J'aimais ce contact de sa main chaude dans la mienne. Et je pense que ce contact le rassurait...
- Du coup, quand tu as commencé à parler de Baptiste... Je me suis senti... comme soulagé. Je me suis dit que c'était en bonne voie, et que tu allais... que tu allais devenir toi, quoi ! Je suis désolé d'avoir été maladroit tout à l'heure. Je ne voulais pas que tu penses que je profitais de ton histoire avec Baptiste pour te jeter. Parce que je t'aime trop pour ça...
Sa voix venait de se briser sur ces derniers mots. Comme moi, il était au bord de la rupture émotionnelle. Et si je continuais à l'écouter se rendre responsable de ma bêtise j'allais crever, étouffé par tous ces sentiments qu'il me mettait dans la tête, et par toute cette amertume de l'avoir laissé souffrir sans rien voir. Je devais absolument reprendre le contrôle des choses, et ne pas le laisser porter seul le poids de ces années de silence. Je m'approchai doucement de lui, et je tendis ma main libre pour sécher ses larmes.
- Mon ange, je suis là, et j'ai toute la vie devant moi... J'aurais dû savoir...
- Savoir quoi ?
- Que je t'aimais.
- Mais tu le savais !
- Oui. Mais je ne voulais pas l'admettre.
- C'est rien...
- Si, c'est quelque chose...
Je sentais ma voix sur le point de me trahir à son tour... J'étais tellement triste... J'avais laissé ma moitié, mon bel amour, vivre de douloureux moments seul, sans m'apercevoir de rien... Et tout ça, en plus, c'était uniquement de ma faute... Je me repris :
- C'est quelque chose, quelque chose que tu as subi à cause de moi.
- Mais non...
- Mais si ! Toi, tu as toujours su que je t'aimais, et moi je n'ai rien vu... Je n'ai pas vu que tu m'aimais ! Bordel, qu'est-ce qui pouvait bien être plus important que ça dans ma vie ?
J'avais presque crié... Je pris une profonde inspiration, et je baissai la voix :
- Tu n'as rien à te reprocher, mon ange.
- Mais...
- Mais rien du tout. Je suis un abruti. Et le pire, dans tout ça, c'est que je sais que tu ne m'en veux pas...
Il sourit :
- Tu lis dans les pensées, maintenant ?
- Et pour les tiennes, ça n'est qu'un début... Je veux juste que tu arrêtes de te prendre la tête à propos de toi et moi, et que tu ne te sentes aucune obligation.
- Comment ça ?
- Je... Pour cette fameuse première fois...
- ...
- Tu ne m'aides pas beaucoup, là...
- ...
- D'accord... Écoute, concernant ton... souhait...
Il me dévorait littéralement des yeux, et un petit sourire amusé était venu détendre son joli minois. Mais il ne paraissait pas pour autant prêt à m'aider à me sortir de cette demi-conversation pour le moins délicate. Je crois même qu'il prenait un certain plaisir à me regarder me dépatouiller...
- Bon, je ne vais quand même pas te la jouer film porno, et me déguiser en livreur de pizzas ou en plombier...
Il était à deux doigts de rire, là...
- Je veux juste que tu saches que... Que je serai ravi de répondre à ta demande, et que ça me touche infiniment.
- ...
- Et que c'est où tu veux, quand tu veux, et comme tu veux. Et que, quoi qu'il soit en train de se passer, à la seconde où tu dis « stop » tout s'arrête. Sauf toi et moi. Parce que je t'aime. Je t'aime comme tu es...
- Et le reste, on s'en fout ?
- Et le reste, on s'en fout.
Je me penchai pour l'embrasser... Je venais de comprendre que j'avais attendu ça trop longtemps. Même si je n'étais pas encore bien vieux, j'avais l'impression d'avoir attendu toute une vie. D'un autre côté, j'étais serein. J'aurais eu bien du mal à dire pourquoi, mais une véritable plénitude m'inondait peu à peu...
C'était comme si je retrouvais enfin une partie de moi que j'avais perdue depuis trop longtemps. Comme si, au cours d'autres vies, à travers d'autres existences et d'autres voyages, nous avions déjà été heureux ensemble. Comme si d'autres nous-mêmes s'étaient déjà donnés l'un à l'autre, totalement, sans retenue. Comme si rien ne pouvait nous séparer, pas même le temps qui passe. C'était une sensation assez étrange et même envoûtante. C'était une sensation tout simplement délicieuse !
Il répondait à mon baiser avec pas mal d'assurance. Il était sans doute bien plus prêt qu'il ne le semblait le penser ! Il avait peut-être juste besoin d'encouragements... Enfin, pas la peine non plus de le pousser trop : je savais qu'il ne dirait jamais « stop ». En tout cas, je savais que moi, je ne pourrais jamais lui dire « stop » non plus... Ça risquait d'être intéressant ! Alors que nous reprenions notre souffle, il éteignit la lumière. Je pris ça pour une envie de dormir...
Seulement voilà... Je ne voulais l'obliger à rien, et le simple fait de penser qu'il pourrait subir cette fameuse première fois sans rien dire... Je décidai de garder mes distances. Même si cette conversation que j'avais tant voulu éviter s'était avérée beaucoup moins violente que je ne l'avais cru, même si elle m'avait permis de découvrir l'amour incroyable que Ludo avait pour moi... Je ne voulais pas que ça vire au cauchemar pour lui en allant trop vite. Je pris donc soin de me mettre dans mon coin. Je n'osais plus le toucher : j'avais peur qu'il prenne ça pour... autre chose. Moins de dix secondes après l'extinction de la lumière, je l'entendis pester à voix basse :
- Putain, mais t'es où ?
- Ben... Je suis là !
- Ben on est pas aidés, moi je vous le dis !
Je le sentis se rapprocher de moi, puis je sentis ses doigts se poser sur ma peau.
- Mais qu'est-ce que t'as ? T'es au bord du lit, là !
Il avait raison. Quelques centimètres de plus, et je finissais ma nuit sur la carpette...
- T'as peur de moi, ou quoi ?
- Comme t'as dit que tu n'étais pas prêt...
- Non mais tu plaisantes, ou quoi ?
- Non...
Ça, c'était un petit, que dis-je, un tout petit « non ». Il rigola doucement.
- La vache, on n'est pas sortis de l'auberge ! Tu veux bien te rapprocher, s'il te plaît ?
Sans dire un mot, je me rapprochai de lui.
- Ben tu vois, c'est mieux, non ?
- Euh... oui.
- De quoi t'avais peur, alors ?
- Que tu ne sois pas prêt...
- Ça, j'ai cru comprendre. Écoute, je n'ai quand même pas envie que demain matin on se serre la main. Quand je dis que je ne suis pas prêt, ça veut dire...
Et là... il se mit à rire... Je ne pouvais plus l'arrêter ! Jamais je n'aurais imaginé qu'une conversation de ce style puisse virer au comique...
- Mon ange, tu veux que j'allume ?
- Non... ça va... aller...
J'en doutais fortement. Mais bon... Son fou rire dura bien cinq longues minutes, à la fin desquelles j'étais partagé entre l'agacement et l'envie de rire. Son explication m'aida à me décider :
- Je... Je suis prêt à plein de choses, mais je...
Reprise du fou rire... J'attendais la suite avec une certaine impatience :
- J'aimerais assez qu'on évite...
Et encore une, allez...
- ...qu'on évite d'approfondir tout de suite l'expression « dans le cul, Lulu »...
Il me fallut quelques secondes pour réaliser ce que je venais d'entendre... Mais cette fois, nous étions deux à rire... Planqués sous la couette, pour éviter de faire trop de bruit, nous étions tout simplement pliés. S'il avait voulu détendre l'atmosphère, il avait réussi ! Pourtant, j'aurais payé cher pour savoir comment il se sentait vraiment... Est-ce que cette excessive bonne humeur correspondait vraiment à son état d'esprit, ou n'était-ce qu'une façade pour me rassurer ?
D'un coup, je sentis ses lèvres sur mon ventre... Il était en train d'embrasser mes abdos, mais il s'arrêta net. Involontairement, par pur réflexe, je m'étais crispé. Cette nouveauté inattendue m'avait fait réagir de la mauvaise manière. Je passai délicatement ma main dans ses cheveux et, le repoussant doucement de l'autre main, je le mis sur le dos, écartant la couette de nos corps impatients. Je passai au-dessus de lui, et je me penchai pour embrasser son torse. Son cœur battait à tout rompre. Le mien aussi. Je l'embrassai, encore et encore... Je n'arrivais pas à me lasser de ses lèvres... Et il me donnait l'impression d'aimer ça.
D'un coup de rein, il inversa la situation : je me retrouvai sur le dos. Il quitta mes lèvres pour ma joue, mon cou, mon oreille... Il me murmura doucement :
- Je t'aime...
Dans un souffle à peine audible, comme si le moindre son avait pu briser l'enchantement qui l'avait poussé dans mes bras, je lui répondis :
- Moi aussi... J'ai l'impression d'avoir attendu ce moment toute ma vie...
Il se coula à côté de moi, et sans cesser de me caresser, il me surprit en répondant :
- Ça faisait longtemps, depuis notre dernière vie...
Lisait-il vraiment dans mes pensées ? Je ne savais pas, mais j'étais troublé. La découverte que je fis quelques secondes plus tard me troubla davantage encore.
Il s'était rapproché de moi et, comme souvent, je caressai son flanc. Je trouvais ça sensuel. Toucher quelqu'un sur le flanc avait quelque chose... de très intime. C'était un peu comme s'approprier la personne que l'on touchait. Mais cette fois, quelque chose de différent me fit m'arrêter net. Ma main n'était plus sur son flanc, mais sur ses hanches. Et pour la première fois, ma main n'était séparée de ses hanches par rien. D'habitude, là, il y avait là un boxer, qui couvrait ses hanches jusqu'en haut de ses cuisses musclées. Aujourd'hui, rien. Il était nu ! Mais quand donc avait-il...
Que je m'arrête semblait l'avoir mis mal à l'aise :
- C'est... c'est trop vite ?
Non, bien sûr que non ! J'étais surpris, pas apeuré ou dégoûté !
- Hé, mon ange, je ne suis pas encore parti en courant !
- Mais...
Je repris ma caresse, tant pour le rassurer que pour... en profiter.
- C'est très bien si tu le sens bien.
- Mais toi ?
- Moi ? Moi, je me retiens pour ne pas te sauter dessus !
- ...
- T'es tellement craquant...
- T'es sûr ?
- Que tu es craquant ? Bien sûr que oui !
- Non, pour...
- Ah, ça !? Attends une seconde.
Je m'écartai de lui, le temps d'envoyer valser mon boxer sur la carpette. Au moins comme ça, il saurait que je ne lui mentais pas. Nous venions de franchir un cap, en se livrant ainsi l'un à l'autre. Après avoir mis nos âmes à nu, il était logique que nous fassions de même avec nos corps. Et ça ne me déplaisait pas du tout !
Je me rallongeai, et je me rapprochai de lui. Je pris sa main et, doucement, je la posai sur ma hanche, maintenant elle aussi dénudée. Il hésita un instant, puis me caressa tendrement. Il enleva sa main et me poussa délicatement sur le dos, avant de se rapprocher de moi jusqu'à ce que nos torses se touchent... Il était pratiquement sur le ventre, appuyé sur moi. Je sentais la chaleur de sa peau contre la mienne. Il passa sa main dans mes cheveux, et il recommença à m'embrasser. Il embrassait divinement bien, et il aurait pu continuer ainsi durant tout ce qui nous restait de vie. À un moment, sans doute mal à l'aise à cause de notre position, il se rapprocha de moi encore un peu... et je le sentis contre moi. Il était chaud comme de la braise... et dur comme du bois ! Mon cœur s'emballa, et le sien également. D'une voix un peu gênée, il me murmura :
- Désolé... il y a des choses que je ne contrôle pas... Ça te dérange ?
- Seulement si ça te dérange que je te caresse... Parce que là, à un moment ou à un autre, je sens que je vais craquer...
Pour toute réponse, il posa sa main sur mon ventre, et sur un ton malicieux, il ajouta :
- Prem's !
Il déplaça sa main au creux de ma cuisse, et remonta lentement. J'étais un peu inquiet... Il caressa rapidement mes burnes, puis s'attarda sur mon membre raidi. Il lui appliqua un léger mouvement de va-et-vient, tout en continuant à m'embrasser. Il continua son mouvement de remontée, et sa main retrouva mon ventre. Je m'empressai de graver ce moment dans ma mémoire, pour ne pas en perdre une seule seconde.
Heureusement qu'il n'avait pas continué cette caresse trop longtemps : je ne voulais pas que cette première étreinte se termine de cette manière, alors que je ne savais pas encore si je pourrais le faire venir moi aussi. Pas question de jouer les égoïstes !
- Tu vois... Je ne suis pas prêt pour tout, mais certaines choses ne sont pas infaisables !
- J'aime bien cette idée.
- Tu sais, depuis le temps que tous les deux... Enfin, c'est pas la première fois qu'on est à poil dans le même lit, quand même !
- Dans cette position, si !
Il rit doucement :
- D'accord. Mais on s'est si souvent paluchés ensemble... L'autre jour, quand tu m'as demandé quelle serait ma réaction si j'avais été à la place de Baptiste...
- Ouais, je me souviens. Tu m'as bien embrouillé, au passage !
- Ben... Tu m'as fait un peu peur, à vrai dire... Je ne sais pas trop pourquoi... Mais bon, maintenant tu sais pourquoi je m'étais déjà posé la question...
- C'est pas faux.
- Bref. J'ai repensé à cette discussion plus d'une fois. Je crois que j'aurais fait le mec qui dort... ou que je t'aurais sauté dessus.
- Tu déconnes ?
- Non ! En fait, je me suis dit qu'on était déjà allé très loin tous les deux. On s'est paluchés ensemble, on a pris des douches ensemble, on a dormi ensemble... Se toucher, c'était naturel, tu vois. Un peu comme passer à l'étape suivante. J'avais juste peur de ta réaction.
- Moi ?
- Dis, je te rappelle quand même que de nous deux, celui qui pète régulièrement une pile, c'est pas moi !
- C'est pas faux.
- Tu m'énerves !
- Pourquoi tu dis ça ?
- T'arrête pas de dire « c'est pas faux ». Ça devient lourd...
- C'est pas... Enfin... Ouais, bon, si tu veux. Mais je suis content que tu te sentes un peu prêt quand même. Parce que sinon, je ne sais pas trop comment on aurait fait...
- C'est pas faux...
- ... ??!
- Quoi ?
- Tu te fous de ma gueule ?
- C'est pas faux...
- Je te déteste !
Bien évidemment, il n'en était rien. Je le poussai sur le dos, et je caressai doucement l'intérieur de sa cuisse. Pour m'assurer que nous étions raccord, je fis un ultime point sur la seule règle qui régissait nos travaux d'approche :
- Tu te souviens du mot magique ?
- Euh... « S'il te plaît » ?
- ...
- Ah, oui, pardon ! « Encore » ?
- T'es désespérant...
- Oh, ça va, ne râle pas !
- Si tu râles.
- Non, je
- Stop !
- ???
- Ça y est, tu n'as plus le droit de râler.
Et dire qu'on se prenait pour des adultes ! Je lui volai un nouveau baiser, particulièrement langoureux celui-là, pendant que je faisais remonter ma main. Mon cœur battait à tout rompre ! Je voulais graver ce moment-là aussi dans ma mémoire : il irait rejoindre toutes mes autres premières fois avec Ludo...
Je remontai lentement, sensuellement jusqu'en haut de sa cuisse. Le dos de ma main frôle ses burnes, et à ce moment-là je sentis sa respiration s'accélérer. Lentement, en lui laissant tout le temps nécessaire pour mettre fin à ce qui allait se passer s'il le voulait, je glissai ma main le long de sa hampe durcie. Comme il l'avait fait pour moi, j'entamai un léger mouvement de va-et-vient. J'avais peur de lui faire mal, et je me sentais un peu idiot à cause de ça. Ma main revint sur son ventre, et maintenant, c'était à mon tour d'être posé contre lui. Encore un baiser, mais celui-ci était différent. Il avait un je-ne-sais-quoi qui le classait très à part des autres. Cette fois, nous avions tous les deux franchi une limite qui, jusque-là, était restée inviolée. Il n'y avait plus de retour en arrière possible. Il me poussa un peu, et vint se blottir contre moi.
- Chaton ?
- Oui mon ange ?
- Je suis bien, là.
- Moi aussi...
- Chaton ?
- Oui mon ange ?
- Comment on fait, pour les parents ?
- Tu veux leur en parler ?
- Oui...
- Si tu veux, je serai là.
- D'accord.
- Bon, pour les grands-parents...
- Je sais, chaton.
Je soupirai.
- Chaton ?
- Oui mon ange ?
- Pourquoi tu soupires ?
- Pour rien, mon ange, pour rien...
Il redressa la tête, et déposa sur ma joue un petit baiser d'amoureux.
- Chaton, un jour, si tout va bien, on sera tous les deux, et tout le monde sera au courant.
- Tu crois ?
- Oui, je crois.
- D'accord.
- Et le reste, on s'en fout...
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