fin. praeteritum.
Ils s'étaient reculés un instant, se réunissant avec les gradés pour prendre une décision sur un angle d'attaque. Étrangement, tout le monde semblait écouter et respecter l'opinion de Namjoon. N'était-ce pas amusant de voir les plus hauts responsables de l'armée s'en remettre aux mains d'un autre lorsque leur responsabilité était envers tout un pays ? Des hommes payés et décorés pour prendre des décisions, assumer des responsabilités... En réalité, ils fuyaient la queue entre les jambes quand l'enjeu les dépassait.
Mais à cet instant précis, Bangtan n'allait pas s'en plaindre: écouter Namjoon était la meilleure chose à faire.
« Ok, on a deux options. Première option: on tente de gagner du temps et qu'ils restent en troupeau comme ça jusqu'à ce que la flotte arrive avec les torpilles et frappe dans le tas.
— Ils ne vont pas attendre sagement qu'elle arrive pour attaquer ou se déplacer.
— Et si on se montre offensifs avec des armes lourdes grande portée ? Pour les obliger à rester sur la défensive. Peut-être qu'ils attendront qu'on soit à court de munitions pour avancer. », tenta à nouveau Namjoon.
« On en a trop peu. Les hélicoptères lourds continuent de ramener les tanks mais c'est long. Et les obus ne sont pas assez puissants pour faire des dommages conséquents de leur côté.
— Un obus, ça se traficote. », répliqua Namjoon. « On peut les doper. Par contre on a un souci avec la portée. Ils ont un brouilleur très puissant, on nous a dit.
— Exact.
— Jimin ? Tu pourrais booster la portée des obus si on éloigne les chars et tire hors de portée du brouilleur ?
— Je pense.
— Ok. Par contre, il y a un risque qu'ils chargent plutôt que d'attendre sagement nos cargaisons de tanks quand on aura fini la première vague. Et il est capital que notre première vague leur fasse peur, on peut pas se contenter de deux ou trois obus.
— Trop risqué. Quelle est la deuxième option d'après vous ? », demanda le Général.
« On attend personne, on compte seulement sur nous-même et le matériel déjà présent. Grosso modo, l'idée initiale est la même, on profite qu'ils soient en paquet pour envoyer tous nos obus et faire un maximum de dommages sans toucher les nôtres. Il va falloir les envoyer à des points stratégiques pour qu'ils se dispersent.
— Pourquoi les disperser ?! », ronchonna le colonel Lee. « On a des hommes avec des mitraillettes, donnez leurs des lignes bien remplies et ils en feront du pâté !
— Parce qu'ils ont des atouts dans leurs manches, colonel ! », rétorqua Namjoon avec une pointe d'énervement. « Et le problème c'est qu'on est incapables de prédire quels genre de cartes ils se sont gardés mais... Attendez. »
Namjoon écarta la carte détaillée de la zone et tira une photo de la vision satellite.
« Regardez un peu. Vous voyez ce groupe de gunins, là ? Les autres les entourent, les protègent. Et pourtant je suis convaincu que ce sont les plus puissants parmi eux, ou du moins avec les pouvoirs les plus intéressants à transmettre aux autres.
— Un rapport avec la "clé de voûte" de votre rapport ?
— Totalement. Ils prévoient de se garder leurs pouvoirs de côté pour les transmettre à tour de rôle aux autres. Ce sont eux leurs "jokers". Si nos troupes foncent dans le tas alors que ces cartes-là ne sont pas tombées, c'est comme les envoyer à la boucherie. Mais on aura pas le choix. Il faut qu'on ait un passage et qu'on les élimine eux et la clé de voûte pour avoir une chance de vaincre les autres. Et même si nous on crève, ça laissera une chance pour se battre contre eux plus tard. »
Tout le monde se tût, silencieux. On entendait plus rien si ce n'était les éclats de voix des soldats, le bruit des chenilles et celui des hélicoptères qui ne cessaient leurs allées et venues.
Les regards des gradés s'étaient posés sur le Général Bomu qui se grattait son menton mal rasé.
« Donc, résumons... Ils sont trop forts parce qu'on ne sait pas quels jokers ils détiennent, alors on tente de les disperser comme on peut avec les obus, ensuite on fait une percée jusqu'au groupe.
— Oui. On sera dans la gueule du loup, mais une fois qu'on les aura tués, les choses seront plus simples.
— Des soldats vont mourir durant cette percée.
— Oui. On fera ce qu'on peut pour se serrer les coudes et éviter les pertes, c'est une chose que nous avons et qu'ils n'ont surement pas: cet esprit de solidarité. Mais n'espérez pas pouvoir faire le compte de vos soldats avec le sourire, général. Il y aura des coups de fils à passer à beaucoup de veuves et mères lorsque la bataille sera terminée.
— C'est votre meilleur plan ?
— Il n'est pas infaillible. On ne sait pas ce qui nous attend durant la percée. Mais je n'en vois pas d'autres.
— Alors nous passerons des coups de fils à autant de veuves qu'il le faudra, ce soir. »
Namjoon le regarda et acquiesça, le remerciant silencieusement. Mais les choses étaient trop belles et le colonel Lee tapa du poing sur la table.
« VOUS ENVOYEZ LES FILS DE NOTRE PAYS A L'ABATTOIR, GÉNÉRAL !
— Oh ? Et est-ce que vous avez un meilleur plan à nous exposer, Colonel ?
— N-non mais... JE REFUSE D'ÊTRE RESPONSABLE !
— Alors posez votre démission sur le champ et barrez-vous. C'est leurs vies ou celles de millions d'innocents, colonel. »
Namjoon soupira alors et s'approcha de Bangtan, resté légèrement à l'écart.
« Je vais bidouiller les obus pour qu'ils explosent sur des zones plus larges même si l'impact sera moins virulent. Dans 15 minutes on lance l'opération. Vous avez suivi le plan ?
— Yep. », soupira Hoseok. « Foncer, se faire prendre en étau, prier, crever. »
Le leader soupira alors et enlaça ses compagnons.
« Je sais ce que vous risquez. Je sais ce que tout le monde risque... Croyez-moi ça fait mal de vous envoyer là-bas vu nos chances de réussites particulièrement aléatoires...
— On sait qu'on n'a pas le choix, Joon. », murmura alors Yoongi. « On te fait confiance. »
Et silencieusement les autres acquiescèrent, soulageant Namjoon du poids de la culpabilité.
« Utilisez vos pouvoirs un maximum pour préserver la distance entre les gunins, vous, et les soldats. Laissez-les tuer ceux qu'ils peuvent avec leurs armes. Votre but premier est d'arriver au groupe de gunins 'noyaux' avec le plus de vivants possibles de notre côté pour empêcher les catégorie 3 de refermer l'étau sur vous et vous empêcher de combattre les autres. Observez ceux qui utilisent un pouvoir, ce n'est pas eux votre priorité mais la clé de voûte. Yoongi, la clé de voûte ne devrait pas avoir assez d'énergie en elle-même pour résister à ton arrêt dans le temps, si jamais il te prenait l'envie d'essayer.
— Compris, Joon. », murmura Yoongi avec la boule au ventre.
Jimin avait peur. Peur de retrouver là-bas un gunin qu'il n'aurait pas la force de tuer.
Il n'en savait rien. Peut-être était-il déjà au centre. Ou peut-être se trouvait-il parmi cette foule immense.
« Et moi ? », demanda soudainement Taehyung en levant la main.
« Je pense que l'armée ne verra aucun inconvénient à te prêter un char ou deux, ils ne peuvent pas les déplacer mécaniquement à cause du brouilleur. Laisse ton corps ici. Par contre ne t'arrête jamais, soit toujours en mouvement. Ne laisse pas un gunin puissant attraper ton engin où ça va faire mal.
— Compris, chef ! », fit immédiatement Taehyung en imitant un garde à vous plutôt bancal.
Namjoon sourit et le frappa amicalement sur l'épaule puis présentant son poing à ce petit groupe qu'il adorait, devant lui. Sa famille.
« Je suis sûr que vous allez tout déchirer. Bang...
— TAN ! », crièrent les garçons en chœur, cognant leurs poings à celui de leur Leader.
Jimin inspira l'air frais, la froideur de la brise sur son visage, faisant onduler ses cheveux. Le ciel était sombre, pourtant il ne s'était jamais senti si près de la liberté. Que ce soit la mort ou la fin de leur combat contre les gunins, aujourd'hui marquait une fin pour lui, et l'une ou l'autre de ces options lui convenait parfaitement. Pouvait-il de toute façon vivre en sentant cette deuxième partie de lui envolée ?
« LES OBUS SONT PRÊTS ! », hurla un soldat au loin.
Alors le blond inspira profondément.
"Envoyez-les" envoya-t-il par la pensée à tous ceux présents, n'ayant aucune envie de briser ce calme qu'il avait instauré autour de lui.
Alors il entendit les chars et tanks tirer dans son dos. Il ferma les yeux, se concentrant sur le vent. Puis il les rouvrit et vit que la portée naturelle des obus avait été atteinte. Alors il inspira, leva les bras et d'un geste vif, poussa ses mains contre la brise, vers les gunins, et tous les obus se redressèrent, ravivés, prenant une vitesse de pointe qu'ils n'avaient même pas réussi à atteindre mécaniquement.
Cette partie là semblait gagnée lorsqu'ils ralentirent dans le ciel, comme déstabilisés.
« DES ONDES INTERFÈRENT, CHIM ! REBOOSTE LES ! »
Jimin n'eut même pas le temps de se demander si ces ondes étaient les mêmes que celles qui avaient réussi à brouiller tous leurs appareils.
Il les raviva, sentant cette force s'opposer à lui, et se surprit à hurler sous l'effort, d'autant plus qu'ils n'étaient maintenant plus tout près.
Et au grand soulagement de tous, il réussit. Le laissant haletant alors que les obus tombèrent parmi les gunins dans des explosions sonores. Et les ondes cessèrent juste avant que les obus ne touchent le sol.
« DEUXIÈME VAGUE, CHIM ! »
Et aussitôt prévenu, les canons des véhicules lourds tirèrent à nouveau.
Il eut à peine le temps de souffler que le même scénario se reproduit. Encore, et encore, et encore... Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de munitions lourdes et que les mains du blond ne tremblent.
Mais il n'avait pas le temps de souffler. Les troupes bougeaient: il fallait y aller, foncer, profiter de l'impact des obus pour faire la différence.
Il sentit les doigts de Yoongi s'enrouler autour de son poignet, le traînant derrière lui alors qu'ils couraient aux côtés des soldats.
« Accroche toi, Jimin. Tu ne peux pas te permettre d'être épuisé juste après ça. »
Mais sûrement ne l'aurait-il pas autant été si ces foutues ondes ne contrariaient pas son pouvoir. Comme si envoyer simultanément une vingtaine d'obus à 2000m/s n'était pas déjà assez compliqué comme ça.
Il se souvint de cette fois où Jungkook lui avait demandé quelle était la limite de son pouvoir et sourit à cette pensée, regardant ses mains trembler. Comme s'il pouvait se permettre de repenser à lui en cet instant. Ils avaient un combat à livrer, et Yoongi avait raison: il commençait maintenant.
Alors ils se jetèrent dans la mêlée, protégés par les soldats et protégeant les soldats.
Jimin envoyait bouler les gunins, les écartant d'une vingtaine de mètres par vague alors qu'ils avançaient.
Puis soudain, quelque chose le frappa dans ce chaos: où étaient les corps des gunins morts sous les impacts des obus ? Où étaient ceux morts par balles ? Pourquoi avaient-ils des traces de sang sur leurs vêtements et pourtant bougeaient comme si tout allait bien ? Il y avait bien trop peu de pertes de leur côté pour que la situation ne soit normale. Pas avec tous les moyens déjà employés jusque là.
Tout était rendu flou autour d'eux, parce qu'ils courraient, parce que le bruit des armes et celui des semelles sur le sol les abrutissaient, pourtant il voyait maintenant très clairement ces gunins s'effondrer sous l'impact des balles se relever après à peine deux secondes de genoux à terre.
Son cœur se mit à battre fort dans sa poitrine, paniqué. Il força sur son pouvoir pour les faire tous reculer d'une cinquantaine de mètres autour d'eux et du maximum de soldats possible et porta ses doigts à son oreillette, l'activant.
"Joon ! Les gunins se relèvent ! Ils guérissent instantanément !
— Le plan reste le même, Chim ! Faites-vous un chemin ! Tuez la clé de voûte !"
Mais comment se frayer un chemin lorsqu'ils revenaient instantanément, les assaillants de tellement de types d'attaques différentes dépendamment de chacun d'entre eux, que Jimin en perdait le fil.
Les pensées des soldats apeurés résonnaient dans son esprit, quand bien même il faisait tout pour les repousser et se concentrer. Elles aussi, tel les gunins, elles revenaient inlassablement.
Il grimaçait sous toutes leurs souffrances, il n'en pouvait plus. Yoongi était maintenant devant, tentant d'aider aux mieux les soldats blessés, mais il y avait tant d'entre eux.
Jimin avait l'impression d'être dans une autre dimension. Les enfers, peut-être. Oui, ça devait être ça: tous ces cris que ses oreilles percevaient, toutes ces prières et appels à l'aide que son esprit recevait, c'était sûrement à ça que devait ressembler l'enfer.
Il n'en voulait plus. Il n'en avait jamais voulu. Il posa un genou à terre et resta un instant dans cette cohue, immobile, souffrant de la souffrance des centaines de soldats à proximité de lui. Des mains passèrent sous ses bras et le relevèrent.
« Tiens le coup, Chim ! Je t'en supplie, on a besoin de toi ! »
Mis sur ses jambes de force, il regarda l'homme derrière lui. Le visage de Hoseok était réellement suppliant, mais ses pensées étaient diluées dans celles de centaines d'autres.
Le rouquin pressa alors son oreillette.
"Joon, il faut que Jimin se repose !
— Les voix ?
— Je crois !
— Ok... Ok... Alors... J'envoie Tae vous chercher. Montez sur son foutu char et foncez vers le noyau avec les soldats, créez vous un passage ! Que Jimin en profite pour fermer les yeux et faire le vide.
— Ça sera pas suffisant !
— On a pas le choix, Hobi !!"
Après un soupir du leader dans l'oreillette, il reprit.
"Yoongi et Jin sont devant. Ceux que Jin touchent ne se relèvent pas. Je pense que s'ils sont morts c'est définitivement game over pour eux.
— Il y arrive ?!
— Il aspire la moindre goutte de leur énergie vitale jusqu'à l'arrêt de leur cœur. Je pense que les pouvoirs de guérison du gunin qui nous pose actuellement problème ne sont pas fait pour... disons, ce genre de cas.
— Il est blindé ?
— Je l'ai jamais vu aussi vif. Il a dû en aspirer une bonne centaine, là. A ce stade il pourrait battre n'importe qui ! Gardez espoir ! Peu importe ce qu'il y a au bout de ce chemin, il y arrivera ! Souvenez-vous comment il était lorsqu'on l'a affronté la première fois !"
Et peut-être n'était-ce pas grand chose, mais c'était assez pour leur redonner espoir. Le tank, ou plutôt Tae, arriva au bout de quelques instants. Le rouquin aida Jimin à se hisser dessus et s'installa à ses côtés.
Le blond se mit alors en boule, fermement tenu par son ami, jambe contre son torse, yeux fermés, mains sur ses oreilles. Il fallait qu'il fasse le vide. le vide. le vide. le vide...
Il ignora les tremblements de leur avancée à toute allure, les corps qui passaient sous les chenilles: ils avançaient, et lui soufflait.
Du moins jusqu'à ce que la main de Hoseok ne tape doucement sur son épaule.
« Dans 100 mètres on y est, de ce que je vois ! Jin et Yoongi sont juste devant nous ! Sois prêt à sauter ! »
Alors Jimin retira les mains de ses oreilles et ouvrit ses yeux. Immédiatement, les voix revinrent, pourtant ils étaient juste à côté de leur but, et cette seule pensée lui suffisait à se focaliser sur son présent.
"RALENTISSEZ ! TOUS !" hurla la voix de Namjoon dans leurs oreillettes. "Il faut que les soldats vous suivent pour que vous puissiez vous concentrer sur VOTRE combat, vous avez oublié ?!"
« Rhaa, putain... », lâcha Hoseok.
"Ils sont un peu à la traîne, on va pas te le cacher...
— Jimin! Créer leur un putain de passage ! C'est VITAL qu'ils soient avec vous!"
Alors Jimin se redressa et Hoseok agrippa ses chevilles pour être sûr qu'il ne tombe pas.
Il inspira, ses paumes l'une contre l'autre devant lui, ferma les yeux. Puis il les ouvrit d'un coup, concentré, écartant ses bras.
Les gunins qui s'étaient relevés ou rassemblés derrière leur passage furent alors violemment écartés d'une cinquantaine de mètres sur les côtés, créant un chemin magistral pour les soldats qui les suivaient à quelques centaines de mètres derrière qui se mirent à accélérer pour les rejoindre.
« Je suis sûr que les apôtres se sont inspirés de toi pour écrire comment Moïse a écarté la mer rouge ! », plaisanta Hoseok sans obtenir de réponse de Jimin.
Ils devaient bien admettre qu'ils les avaient mal jugés, tous ces hommes prêts à se sacrifier pour leur patrie malgré la peur qui tiraillait leur ventre. Ils faisaient leur devoir, ils accouraient vers eux.
Et c'est ensemble qu'ils arrivèrent enfin au noyau. Taehyung s'arrêta au milieu et les soldats les encerclèrent, prêts à les défendre. La deuxième partie de l'opération avait fonctionné.
Le regard du blond balaya rapidement la scène.
Ces gunins étaient habillés de noir, presque élégants comparés aux accoutrement crèmes des autres qui se mêlaient mal avec la teinte pourpre du sang et le marron de la poussière qu'était devenu le sol de ce champ de bataille.
Il y avait une vingtaine de gunins dans le noyau, et au plus reculé, une femme, tenant la main à un jeune homme aux cheveux châtains qui ne bougeait pas, yeux clos, l'autre main tendu vers les troupes.
Le cœur de Jimin arrêta de battre dans sa poitrine alors qu'il détaillait la silhouette du châtain.
« Jungkook... », murmura-t-il du bout des lèvres, comme s'il pouvait l'entendre de là où il se tenait. Comme si même le fait de l'entendre aurait pu résonner dans ce qu'il restait de lui.
Mais ce n'était pas le cas.
Les premiers gunins du noyau avaient déjà commencé à se jeter sur eux, et bien que fébrile, Jimin sauta à pied joints du tank.
Son cœur était comme un tambour martelant un rythme lent qui résonnait dans sa cage thoracique alors le paysage semblait bouger au ralenti autour de lui. Ses yeux ne parvenaient pas à se dégager de Jungkook, jusqu'à ce qu'une voix ne le tire de ses pensées.
« JIMIN, RÉVEILLE TOI, PUTAIN ! »
Il regarda en direction de la voix et vit Hoseok, tentant d'utiliser la réverbération de la lumière pour aveugler les gunins alors que les soldats tombaient en masse sous les attaques.
L'un des gunins en noir qui ressemblait plus à une bête sauvage qu'à un humain bondit sur le rouquin, et Jimin eut tout juste le temps de le repousser, l'éclatant contre le sol.
La Bête avait les membres brisés, étalés dans des positions normalement infaisables. Puis un craquement. L'épaule bougea par elle-même, se remettant en place.
Jimin crispa sa mâchoire. Jin était leur seule solution, leur seule chance de victoire.
"JIN ! ATTAQUE LA FILLE, CELLE QUI BOUGE PAS ! JE PENSE QUE C'EST ELLE LA CLÉ DE VOÛTE" hurla la voix de Namjoon à travers les oreillettes.
Alors Jin se précipita vers elle, relâchant l'un des gunins avec lequel il était aux prises.
Mais elle comprit qu'elle était leur cible. Elle comprit qu'ils avaient compris. Alors elle relâcha la main de Jungkook, reculant d'un pas par réflexe, se plaçant derrière le corps du châtain. L'espace d'un instant, les balles tirées par les soldats ne se contentèrent pas de faire reculer les gunins qui les encerclaient: elles les tuaient. Enfin.
Jin y était presque. Il était à deux doigts de la toucher. Soudainement, l'atmosphère devint pesante. Comme si de puissantes ondes de choc le repoussaient.
Jin grimaça sous l'effort mais jamais sa main ne parvint à franchir le centimètre qui leur manquait pour assurer à l'humanité une chance de vaincre ce combat.
Il fut propulsé en arrière, et lorsqu'il se retourna il vit que tous, gunins comme soldats des deux camps, étaient genoux à terre, mains plaquées sur leurs oreilles. Tous ressentaient cette aura, ces ondes qui traversaient l'air, la terre, leurs corps, les oppressant.
Il n'y en avait qu'un de debout. Ce gunin habillé de noir qui jusque là n'avait rien put faire d'autre que prêter son pouvoir, immobile.
Il s'avançait lentement vers le groupe, comme ressortant de sa transe.
Chaque pas qu'il faisait provoquait le bruit d'un impact, des tremblements dans le sol qui remontaient jusqu'à eux, les immobilisant.
Ils entendirent des grésillements dans leur oreillette. Sûrement Namjoon voulait leur parler, mais de toute évidence ce n'était pas un brouilleur qui avait déréglé les appareils mais les ondes émanant du corps de Jungkook avant qu'il ne prête son pouvoir.
Il dégageait cette aura qui lui donnait un air inatteignable, mais sûrement n'était-ce pas qu'une simple impression.
Jin se redressa avec difficulté avant de nouveau être écrasé par les ondes.
Jimin avait beau tenter de pénétrer dans son esprit, l'implorant de revenir à lui, ses efforts étaient vains, et même s'il refusait d'abandonner, il savait que ça ne donnerait rien. Jungkook n'était plus.
Pourtant il était encore derrière, n'est-ce pas ? Comme Jin. Le Jungkook qu'il connaissait ne pouvait pas avoir disparu, il est juste loin. Trop loin pour qu'il ne le joigne.
« JUNGKOOK !! », hurlait Jimin jusqu'à avoir l'impression de s'arracher la gorge.
Mais Jungkook ne répondit rien. Il fit un pas de plus, les plaquant entièrement au sol, ne les autorisant même pas à bouger les doigts, coupant leurs respirations.
Les voix des soldats résonnaient dans son esprit: ils avaient peur à nouveau, ils sentaient leur fin arriver. Certains pensaient à leurs femmes, leurs enfants, d'autres plus jeunes à leurs parents, et d'autres encore ne pensaient à personne, seulement à la mort qui allait venir les cueillir et à la peur de souffrir.
Un nouveau pas. Le bruit des os qui craquent et se brisent. Les soldats hurlaient de douleurs, et parmi leurs hurlements, celui de Jin qui luttait encore pour se relever. Un nouveau pas. Les hurlements se turent. Leurs corps étaient broyés sur le sol. Certains gunins étaient morts, eux aussi, les autres étaient dans le même état que les héros.
« JIMIN ! », hurla Jin sous l'effort.
Il voulait de l'aide. Il avait besoin de son aide pour se relever, mais pouvait-il y faire quoi que ce soit ? Lui aussi n'en avait plus pour longtemps après tout. L'air venait à manquer.
« JIMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN. », hurla à nouveau le brun.
Et cette fois, la volonté dans la voix de son ami le tira de son désespoir. Il crispa son visage sous l'effort, ouvrit sa main, puis dans un hurlement, la referma, donnant au brun l'impulsion dont il avait besoin pour se jeter sur celui qu'il avait aimé.
Ses doigts frôlèrent Jungkook qui parvint à l'esquiver, mais l'espace d'un instant, les ondes avaient cessé de les maintenir au sol, déconcentré.
Alors Jimin bondit sur ses pieds et laissa à son corps le soin de reprendre ses réflexes vitaux, sa respiration, renouvelant enfin l'air dans ses poumons.
Jin allait bondir à nouveau alors, il joignit ses mains, se mordant la lèvre alors qu'il tentait d'immobiliser Jungkook.
Les larmes roulaient silencieusement sur ses joues à l'idée de devoir tuer "encore" celui qu'il aimait, une troisième fois. Quel genre de supplice était-ce là ? Quelle genre de personne était-il pour ne pas s'empêcher d'y penser alors que le corps des soldats reposaient sur le sol, morts.
Il n'avait plus le droit de se préoccuper de Jungkook. Alors pourquoi ?
Il n'aurait, en fait, pas dû se préoccuper de lui, car les ondes reprirent. Mais cette fois il refusait de laisser tomber, tentant de le garder immobile, se battant contre son pouvoir. Mais avait-il vraiment la puissance de gagner ?
Une douleur lui tira sur l'épaule, une douleur indescriptible. Mais il tenait bon, jusqu'à ce que son bras ne retombe contre son corps, comme inerte: son épaule venait de lâcher.
Il ne pouvait pas abandonner Jin. Son autre épaule pouvait bien se briser à son tour, il refusait de le laisser se battre seul.
Et ça fonctionna. Il ne pouvait pas retenir Jungkook entièrement, juste le restreindre un peu... Juste assez pour que Jin pose sa main sur son torse l'espace d'une seconde.
Un cri transperça l'air: celui de Jungkook, arrachant un sanglot au blond.
Était-ce gagné ? C'était ce qu'il avait cru l'espace d'une seconde, cette fameuse seconde où la paume de Jin tira l'énergie du châtain hors de lui-même. Cette seconde avant qu'une onde de choc plus puissante que n'importe laquelle jusque-là ne les balayent tous. Même le tank de Taehyung, jusque-là repoussé et retenu immobile par les ondes protégeant Jungkook, se renversa.
Puis le regard de Jungkook perça Jin qui se mit à hurler avant que du sang ne gicle à chacune de ses articulations.
Le cœur de Jimin tambourinait dans sa poitrine. C'était impossible. Il n'avait pas pu tuer Jin, n'est-ce pas ? Qu'on le sorte de ce cauchemar.
Mais ce cauchemar était loin d'être terminé.
Il regarda alors Hoseok dont le corps fit un bond, comme une unique convulsion avant que du sang ne jaillisse de sa bouche et que lui aussi ne cesse de respirer.
Puis il se tourna vers Yoongi. Le corps du blond était secoué par ses sanglots. Ses amis étaient morts. Sûrement Namjoon pleurait-il aussi de là où il était. Taehyung aussi, s'il avait cessé la possession du tank qui ne bougeait plus, bloqué.
"Pas Yoongi... Pitié..." implora Jimin dans un sanglot avant de lever son seul bras valide vers Jungkook.
« JUNGKOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOK », hurla-t-il de toutes ses forces alors qu'il tenait à peine debout.
Et Jungkook le regarda, laissant en suspens la mise à mort de Yoongi. Leurs yeux se rencontrèrent: ceux voilés et sans expression de Jungkook, ceux de Jimin déformés par la haine et la peine. La peine. Surtout la peine. Et la douleur.
La pression dans l'air s'envola l'espace d'un instant, un instant de doute ou de combat intérieur.
Et Yoongi claqua des doigts.
"Si jamais tu ressens le pouvoir de Yoongi sur toi lors d'un combat, ne le repousse jamais. Laisse-le faire. Il y a toujours une bonne raison.
[...]
— Ok."
Le monde s'arrêta de tourner autour d'eux. Jimin lança un regard à Yoongi qui lui sourit faiblement, tristement, comme si lui aussi se retenait de pleurer. Et Jimin comprit que Jungkook ne résistait pas, il le lisait en Yoongi, et cette simple pensée lui donnait l'impression que son cœur venait d'être écartelé.
Jungkook était encore là, quelque part, ils n'avaient pas réussi à briser totalement son esprit avant de lui implanter la puce. Mais qu'est-ce que ça changeait ? Elle était là, de toute façon. Il leur avait simplement offert une brèche.
Ses larmes tombaient sur la poussière du sol et les herbes martelées par les semelles, rejoignant le sang de son épaule, le sang des soldats et de ses amis. Il sanglotait alors qu'il saisit l'arme d'un soldat, la retirant de son corps mort.
Il la tira derrière lui, le bout du fusil rappant contre le sol, levant la poussière sur quelques centimètres avant qu'elle ne retombe.
"J-Jimin..?"
C'était la voix de Namjoon qui grésillait dans son oreillette. Le champ temporel de Yoongi n'avait pas accédé jusqu'au camp militaire.
Il était au bord des larmes, sa voix était brisée. Mais l'était-elle plus que Jimin en cet instant ? C'était impossible.
Il posa son corps contre celui de son amant et leva le fusil avec le peu de force qu'il restait dans son bras, plaquant le bout contre la tête de l'homme de sa vie.
"Il... Il a le pouvoir de régénérescence... en plus des ondes de choc..." commença le leader en essayant de ne pas faire entendre au blond ses sanglots. Mais tenter de les camoufler était encore pire. "Il faut que... Il faut que tu le tues proprement... Que ce soit... Sur le coup... Il ne faut pas qu'il est le temps de se régénérer lorsque Yoongi lèvera le champ..."
« Je sais... », murmura Jimin. Deux mots à prononcer. Deux mots qui avaient arraché sa gorge qui brûlait maintenant depuis bien trop longtemps de son envie d'hurler, tant il avait mal.
Il ferma les yeux, reniflant, et appuya son front contre l'épaule de celui qu'il aimait. Et dans ce chaos suspendu, il posa ses lèvres contre les siennes.
« Merci, Jungkook... Merci d'avoir tenu ta promesse... »
Et il appuya.
Le corps hors du temps resta debout, ignorant le trou béant dans son crâne.
Les mains du blond tremblèrent, laissant le fusil tomber sur le sol. Son corps était secoué de spasmes. Pourquoi était-ce si dur de se retenir de pleurer ? Pourquoi l'humain était-il fait ainsi, incapable de retenir ses émotions les plus fortes ? Il guida le corps de Jungkook, l'allongeant paisiblement contre le sol, posant sa tête sur ses genoux.
Il ne voulait plus se battre. Il ne pouvait plus. Ses larmes tombaient maintenant sur le visage de son amant alors que des cris de douleur transperçaient sa gorge, faisant écho jusqu'au camp militaire.
C'était la troisième fois que Jungkook lui était arraché. Mais cette fois ce n'était pas que lui. Jin. Hobi.
La clé de voûte s'était retirée lorsque les choses s'étaient corsées. Il n'y avait aucune victoire dans cette bataille, même la mort de Jungkook semblait être une défaite à ses yeux.
Et ça faisait si mal.
Ses pleurs, les autres dans le camp militaire et par delà, pouvaient-ils les entendre ? Car il ne contrôlait plus rien.
Jusqu'à ce que le corps de Yoongi l'enveloppe de son étreinte chaude. Il sentait ses spasmes dans son dos.
« Pars et lève le champ, Yoongi... Je... Je veux rester ici... »
Quelque chose d'humide se perdit dans son cou alors que Yoongi le serra encore plus fort dans ses bras.
« Te perdre, toi aussi ? Comme Hoseok ? Comme Jin..?
— Je refuse de vivre dans ce monde...
— Moi non plus... Mais... Ça ne veut pas dire que tu n'as pas le droit d'être heureux, Jimin...
— COMME S'IL ÉTAIT ENCORE POSSIBLE DE SOURIRE ! », hurla alors Jimin de douleur en se courbant sur le corps de Jungkook.
« Je te l'offre...
— ... Quoi..?
— Tu... », Yoongi se mit à pleurer à chaudes larmes dans son dos. », « Tu diras à tout le monde à quel point je les aime. Je t'aime, Chim... Sois heureux.
— YOONG-..! »
Et tout disparut derrière un écran blanc.
Lorsque la lumière revint, il était dans sa chambre de l'immeuble BH, ses doigts serrant les draps plutôt que le corps de Jungkook.
Ses pleurs se renforcèrent, laissant de nouveau cris de douleur lui échapper.
La porte de sa chambre s'ouvrit à la volée. Le corps chaud de Hoseok se pressa contre lui.
« Jimin, calme toi ! Qu'est-ce qui se passe...? », demanda-t-il d'une voix douce avant de se rendre compte que son ami était couvert de sang, de poussière, et que ses yeux étaient rouges à force d'avoir pleurer. « Qu'est-ce qu'il s'est passé..? », redemanda-t-il complètement hébété.
« Où est Yoongi..?
— Dans sa chambre..? »
Alors Jimin se précipita. Son cerveau ne parvenait plus à lui envoyer la moindre information. Ses semelles tachaient de sang et de poussière le sol du logement alors qu'il courait et se rattrapait aux murs de justesse. Il titubait jusqu'à se laisser tomber contre la porte de la chambre de son vieil ami, qui s'ouvrit sous son poid.
Yoongi était là, allongé. Son téléphone dans sa main, faisant dos à la porte. Jimin renifla, tentant de taire ses sanglots. Il avait réussi. Yoongi avait réussi. Sa tristesse se mua en une joie infinie, l'espace d'un instant, juste le temps de se jeter sur lui pour le prendre dans ses bras et réaliser que ce corps ne réagissait plus. Le temps de murmurer son nom sans obtenir de réponse. Le temps de chercher à se connecter à son esprit mais finalement de ne rien trouver. Yoongi n'était plus qu'une coquille vide. Un corps privé de vie.
Yoongi était mort, et Jimin ne pouvait maintenant plus qu'enlacer son cadavre, le serrant aussi fort qu'il le pouvait dans l'espoir vain d'apaiser sa douleur.
Les autres arrivèrent alors à leur tour dans la pièce, les cartes de leur partie qu'ils faisaient jusque là tranquillement dans le salon encore dans leurs mains.
Le blond aurait eu tant de choses à leur demander : s'ils connaissaient Jungkook, s'il les avait déjà rejoint, en quelle année étaient-ils, quel mois, quel jour ? Mais sa voix ne parvenait pas à franchir ses lèvres, trop occupées à retenir ses pleurs.
[...]
Il était dehors, devant une université, une cigarette pendant entre ses lèvres. Les voix des étudiants enthousiastes, libérés de leurs cours de la journée, faisant des plans ensemble pour se retrouver à un café quelconque, les voix de ceux surpris de voir le nouvel Héros parmi eux, le pointant timidement du doigt. Le vent doux du printemps qui caressait ses cheveux dorés.
Il avait rapidement compris où Yoongi l'avait renvoyé, bien qu'il n'ait sûrement pas été en mesure de contrôler grand chose.
Bangtan venait tout juste d'être formé. Quant à Jin, il vivait encore sa vie paisible, il n'avait pas été kidnappé. Pas encore.
Jimin avait parlé de ce sous-marin gigantesque et indétectable, et la chose avait été prise très au sérieuse par Bang Si-Hyuk qui avait ordonné des fouilles manuelles de toute la mer jaune jusqu'à ce qu'ils ne le retrouvent, appuyé par le gouvernement. Chose faite, l'armée avait alors envoyé des missiles nucléaires pour la réduire en bouillie. Les militaires avaient fouillé les ruines de l'épave, récupérant ce qu'ils pouvaient de leur technologie. Les médias quant à eux, avaient estimé le nombre de morts dans cette attaque à environ 4000 personnes qui auraient vécues dans ce complexe gigantesque: environ 2100 gunins et gunins en devenir, des innocents, avaient péris ce jour là, tout comme 900 employés de l'organisation dont 700 gardes, le reste étant des génies scientifiques.
Des spéculations avaient couru: quel était le but de cette organisation ? La plus probable était que certains scientifiques voulaient pousser la race humaine dans l'évolution et sauver la planète par la même occasion. Ils visaient une société moins nombreuse et plus savante, davantage à leur image.
Des idées banales comme on en retrouvait souvent dans les films de science fiction pour justifier le mal, car sans eux il n'y avait pas d'héros, donc pas d'histoire.
Mais la notion du bien et du mal était différente selon les individus. Les scientifiques pensaient sûrement qu'ils représentaient le bien, et que le bien justifiait d'utiliser ce genre de moyen. Jimin n'en savait rien. Il préférait ne plus y réfléchir, il voulait tout oublier. Il voulait retrouver son meilleur ami et l'amour de sa vie. Mais l'un était possible, l'autre non.
Il releva les yeux de sa cigarette à cette pensée, et vit à quelques dizaines de mètres de lui un châtain qui le regardait avec autant d'admiration que d'incompréhension.
« Kook ! Dépêche ! On va à la soirée de Sana, faut qu'on se prépare !
— Oui, euh... Je vous rejoins. »
Le cœur de Jimin battait avec allégresse dans sa poitrine alors que l'étudiant s'approchait de lui. Il était en vie. Il avait envie de pleurer, de le prendre dans ses bras, de l'embrasser, de lui dire qu'il l'aimait.
Mais ils ne se connaissaient pas, n'est-ce pas ?
Le châtain s'arrêta devant lui, confus et bredouillant.
« Est-ce que... Est-ce qu'on peut prendre une photo ? J- Je suis un grand fan de vous... »
Les yeux du blond s'humidifièrent et il se mordit la lèvre avant d'acquiescer.
« Seulement si tu m'accordes un peu de ton temps... »
Fin.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top