12. inventa
Jimin bouillonnait à l'intérieur, faisant les cent pas devant la porte d'entrée. Il était aux environs de 20h15 et il était bien décidé à ne pas louper un Jungkook furtif.
Alors quand la clenche s'activa, Jimin réagit. Il laissa à peine le temps à la silhouette d'entrer, le saisissant par le poignet et le tirant à nouveau dans le couloir duquel il venait.
Hoseok et Yoongi se regardèrent alors depuis le sofa du salon et soupirent.
« 10000 Wons sur le décès de Jungkook ce soir.
— 10000 Wons sur ton décès à toi quand Jimin apprendra que tu as encore voulu parier dans son dos.
— Rhoo, ça va... »
Dans les couloirs de l'immeuble, Jungkook protestait. Il ne comprenait pas pourquoi le blond l'écartait ainsi du logement. Pourtant il se laissait traîner sans opposer de force, et Jimin avançait encore et encore sans daigner lui répondre, du moins jusqu'à ce qu'ils ne soient à l'extérieur et que les portes automatiques ne se referment derrière eux.
La pluie fine et les gouttes d'eau qui épousaient le sol de goudron faisaient une mélodie de fond, par delà les quelques bruits de klaxon et d'accélérateurs des gens pressés de rentrer chez eux après une journée de travail. Les lumières des lampadaires se réverbaient éphémèrement sur ces gouttelettes qui s'approchaient d'eux l'espace d'un instant puis continuaient leur course jusqu'à rejoindre les flaques.
Mais ni l'un ni l'autre n'apportèrent la moindre attention à tout ceci, un environnement commun, banal. L'un avait peur que l'autre ne se fâche, l'autre cherchait un moyen de lui parler sans l'effrayer. Alors les doigts du blond s'enroulèrent autour du poignet du châtain qui sursauta presque, surpris de ce contact doux alors qu'il n'attendait que des mots véhéments.
Et, en silence, Jimin le guida encore, ignorant la pluie qui s'incrustait dans leurs cheveux, dans les fibres de leurs vêtements, et ruisselait sur les parties de leurs peaux découvertes. Il l'emmena dans un parc où personne dotée de raison n'irait en cette soirée pluvieuse.
Le blond considéra le banc détrempé d'un regard alors que la douce voix de Jungkook l'interpella.
« Jimin..? Pourquoi m'avoir emmené ici..? »
Ses doigts se serrèrent alors davantage sur le poignet, et il inspira, recherchant du courage. La colère qu'il avait éprouvée était maintenant passée, et n'avait jamais été dirigée vers le châtain. Face à lui, il se sentait maintenant à court de mots, à court de pensées, même. Mais après quelques secondes de silence ponctuées par les sons environnants, enfin, il répondit.
« Reviens sur ta décision, s'il te plait...
— Ma décision ? Combattre à vos côtés ? Pourquoi devrais-je revenir dessus ? Vous vous battez depuis le début, vous. Je veux aider. Il n'y a rien de mal à ça.
— Tu n'as pas pris cette décision pour les bonnes raisons, Jungkook...
— Ne pense pas que je n'étais pas satisfait par le simple fait de te confier mon esprit, si jamais tu parles de ça... Mais je peux être utile bien plus que je ne le suis actuellement. Rien ne me retient. »
Chaque mot était prononcé sans hésitation. Il pensait que ce serait suffisant pour que Jimin abandonne. Pourtant lorsqu'il releva le visage, il vit les deux yeux sombres du blond sur lui, le fixant entre douceur et peine. Il ne comprenait pas ce regard. Il détourna les yeux. Au final, il ne voulait même pas obtenir une réponse, maintenant. Il voulait juste entendre "ok" et pouvoir rentrer, fuir cette conversation.
Mais ce mot ne vint pas. A la place, il sentit les mains humides et froides du blond repousser les cheveux de sa tempe avant d'y glisser deux doigts. Il sentait son visage si proche - trop proche - et sa respiration chaude.
« Tu as fait beaucoup d'efforts pour te convaincre toi-même. Tu n'aurais pas osé me mentir. », murmura Jimin les yeux toujours rivés sur lui.
« Ce n'est pa-
— As-tu besoin que je te montre ? Où comprends-tu toi même quelle raison profonde t'a conduit à ce choix ? »
La mâchoire de Jungkook se crispa instantanément. Non. Il ne voulait pas. Il avait peur de la réponse, mais encore plus du fait que Jimin ne la connaisse. Alors il baissa le visage et attrapa les avant-bras du blond pour le repousser. Mais avant qu'il n'ait pu le faire, les doigts du blond glissèrent à nouveau sur son visage dans une caresse qui lui retirait toute volonté.
« N'aie pas peur, Jungkook... », murmura à nouveau la voix de Jimin presque inaudible derrière le chahut de l'averse. « Je ne t'en veux pas. Je ne m'en irai pas. »
Pourtant Jungkook ne voulait pas de ces mots. Il avait l'impression que sa raison profonde était une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Une épée dont il imaginait la forme. Et il ne souhaitait qu'une chose: qu'elle tombe enfin et le soulage de son ombre.
« Ce n'est pas la peine de me le montrer... Je sais...
— Alors tu comprends, n'est-ce pas..? Que je ne peux pas accepter que tu fasses tout pour me protéger en te mettant toi-même en danger...
— Les autres le font. Quelle différence y a-t-il ? »
Un éclair de panique bref passa dans les yeux de Jimin qui camoufla son visage contre le torse du châtain avant qu'il ne le voit.
« Tu n'as pas de pouvoirs... Tu pourras difficilement te protéger... Ce n'est pas pareil...
— Alors, si j'en avais, tu m'aurais accepté ? »
Le silence entre eux deux se prolongea alors un instant. Le temps d'hésiter. De réfléchir à une réponse. De peser le pour et le contre. La vérité et le mensonge.
« Probablement. Ça aurait été différent.
— Jimin... », soupira Jungkook devant la voix faible du blond étouffée contre son torse.
Il passa ses bras autour de son cou, le serrant contre lui, ses doigts se perdant dans les cheveux blonds trempés. Ils restèrent ainsi un instant. Ou une éternité. La notion du temps était parfois difficile à cerner. Puis Jungkook saisit délicatement ses épaules et l'écarta. Son corps suivit le mouvement et son front restait appuyé contre ce torse qui n'avait pourtant rien de chaud, en cet instant, comme une entité à part entière refusant de suivre le mouvement, comme un homme qui refusait de montrer son visage. Alors Jungkook passa ses doigts sous son menton et le redressa avec toute la douceur dont il était capable.
Leurs yeux ne se rencontrèrent pas, mais il faisait parfaitement la distinction entre les gouttelettes qui glissaient sur sa peau depuis ses cheveux et celles qui s'écoulaient silencieusement depuis ses yeux.
Pourquoi s'écoulaient-elles ? Il aurait voulu lui faire tant de choses à cet instant précis pour qu'elles s'arrêtent, pour dessiner un sourire sur ses lèvres. Il aurait voulu lui dire mille choses. Quitte à être insensé, il s'en foutait. Il détestait cette vision.
« Je ne suis qu'en cours d'entraînement... S'ils estiment que je ne suis pas au niveau, je ne viendrais pas. S'il s'avère que je ne peux pas me défendre moi-même, je te promets que je resterai simplement à tes côtés, sans chercher à plus.
— ... Alors tu as intérêt à pouvoir sacrement te défendre. Je ne veux pas être responsable s'il t'arrive quoi que ce soit...
— Est-ce que ça signifie que j'ai un genre de ... "permission" de ta part ?
— Tu en as besoin?
— Je préférerais l'avoir...
— Je suis navré Jungkook. Je n'ai pas pu te retenir, mais jamais je ne pourrais cautionner ça.
— Alors je te prouverai par moi-même que je mérite ma place parmi vous. Je ferai en sorte d'être suffisamment fort pour que tu cesses de t'inquiéter pour moi. Je te le prom-
— Arrête... Rentrons. »
[...]
Les jours qui suivirent furent un étrange mélange entre silence gêné et tension latente au sein du logement des héros. Et qu'importe les tentatives désespérées de Taehyung pour tenter d'y remédier: elles ne faisaient que s'intensifier.
Jungkook partait tôt le matin. Rentrait tard le soir. Il avait appris qu'il ne servait à rien de rejoindre Jimin dans sa chambre pour l'entraînement: celui-ci dormait déjà, ou préférait faire semblant de dormir, et Jungkook n'avait pas le cœur à chercher ni conflit ni débat.
La vérité était qu'il ne le comprenait pas. Sur le fond, bien sûr, si. Mais l'importance de ça. Les larmes. Ça, il ne les avait pas compris. C'était si injuste que Jimin puisse lire en lui alors que lui ne le comprenait pas.
Jimin lisait son esprit. Avait-il également lu ses sentiments ? Il les avait forcément compris s'il avait voulu lui montrer 'la vraie raison' qui l'avait poussé à prendre sa décision.
Chaque pensée était pour Jungkook une prise de tête infinie dont il aurait préféré s'épargner. Mais grâce à l'entraînement intensif, ses pensées ne le hantaient que lorsque le sommeil venait le gagner.
Une semaine s'écoula dans ce contexte froid.
Ces derniers temps la météo qui annonçait l'automne s'était montrée plus clémente et les feuilles roussissaient tranquillement sous les rayons du soleil.
Et ce jour-là, il était aux environs de midi lorsque Jungkook rentra au logement, heureux d'avoir sa première après-midi de libre depuis le début des entraînements. Son corps était éreinté, mais son esprit l'était encore plus. Les causes en étaient plus que diverses, et le blond n'y était certainement pas étranger.
Mais aujourd'hui, Jungkook en avait marre. Ils allaient parler: telle était sa résolution.
Pourtant, dans le logement, aucune trace du blond. Ni de Yoongi. Namjoon était au sous-sol, sûrement encore en train de traficoter de nouveaux équipements. Seul Hoseok était affalé dans le canapé, une bière à la main.
« Hobi, est-ce que tu sais où sont les autres ?
— Tae est encore en train de dormir. Bonne chose que tu ne l'aies pas entendu s'esclaffer jusqu'à 4h du matin, devant ses jeux vidéos... », fit-il avec une moue et des yeux cernés témoignant de son manque de sommeil évident.
Jungkook rit alors, s'assit à ses côtés et s'étira.
« Je crois que rien ne pourrait me réveiller vu comment l'entraînement est rude..!
— Ça se passe bien? », fit-il avant qu'un petit 'pop' n'émane de ses lèvres aspirées par le goulot de la bouteille.
« Plutôt, oui. C'est juste... intensif, je dirais. Où est Jimin? »
Hoseok le regarda alors avec des yeux emplis de malice, et un petit sourire moqueur.
« Alors c'était ça que tu voulais savoir, petit chafouin ?! », il rit tout seul puis reprit son sérieux. « Ça fait un bail qu'il va tous les jours voir le gunin. Il rentre généralement tard.
— Ça avance ?
— ... Attends, tu n'es pas au courant..? »
[...]
Lorsque Jimin rentra, il salua à peine ses amis présents dans le salon et se dirigea machinalement dans sa chambre. Il balança son sac dans un coin de la pièce, et se laissa tomber sur son lit, poussant un soupir. La journée avait été longue. Dans une vie normale, il aurait surement fait partie de ces personnes ennuyantes qui klaxonnent et se dépêchent de rentrer chez elles, fatiguées.
Il s'étira, puis sursauta d'un coup lorsqu'un "BOUM" sonore résonna dans la pièce. Il se redressa, alarmé, et vit la porte se refermer, claquer, et une silhouette familière se tenant à côté. Une silhouette dont l'esprit ne transpirait qu'un sentiment de trahison, de tristesse et de colère.
« Jungkook ?
— Pourquoi tu fais l'étonné ? Tu savais que j'étais là, non ? Tu sais toujours tout. Et donc ? Pourquoi tu ne réponds pas à ma question ? Tu la vois, non ? Là-dedans. », fit-il en appuyant son doigt contre sa tête.
« Calme-toi, s'il te pl-
— Parle-moi. »
Jimin se recula quand la silhouette menaçante de Jungkook s'approcha de lui. Ça ne faisait que quelques semaines que l'entraînement avait commencé, pourtant il jurait déjà pouvoir lire les changements sur son corps. Plus large, plus musclé. Il ne le reconnaissait plus. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Ça ne l'avait jamais été.
Devant le silence de Jimin, le châtain ne faisait que s'approcher de plus en plus, jusqu'à l'acculer contre le mur. Il aurait été aisé pour le blond de mettre une barrière ou le repousser par télékinésie. Mais pas contre lui, pas contre Jungkook. Alors il se contentait de garder la tête basse, de se mordre la lèvre.
« Avant tu me disais tout ! Chaque avancée, chaque difficulté ! Je faisais partie de tout ça ! Qu'est-ce qui a changé ?! Qu'est-ce qui se passe pour que tu m'écartes alors même que des putains de changements se passent ?!
— Je comptais te le dire ! Je comptais même te le dire ce soir-là dans le parc si les choses n'avaient pas tourné comme ça ! Oui, Jungkook! Grâce à toi j'ai réussi à communiquer avec lui ! On a réussi à se parler ! Et depuis 3 jours, il s'est réveillé ! C'est ce que tu voulais entendre, alors pourquoi tu n'es pas plus heureux, maintenant ?!
— COMMENT TU VOUDRAIS QUE JE SOIS HEUREUX ?! JE FAIS TOUT ÇA POUR TOI, POURTANT J'AI L'IMPRESSION D'ÊTRE PLUS SEUL QUE JAMAIS! »
Le blond laissa alors échapper un rire mi-moqueur mi-nerveux et regarda enfin Jungkook dans les yeux.
« Comment peux-tu être étonné de ne pas me voir t'encourager ? Quelle naïveté, Jungkook. Tu étais prévenu. J'étais contre. Tu n'as pas besoin de faire ça pour moi. Tant que tu resteras sur ta position, je te demanderais de quitter cette putain de chambre. »
Le ton de Jimin glaçait le sang de Jungkook autant que l'énervait. Pourquoi ne comprenait-il pas que sa sécurité passait avant une question de responsabilité quelconque ?
« Donc tout ça, c'est juste un chantage affectif ? On en est là ?
— Considère-le comme tu veux mais n'espère surtout pas ma gratitude.
— Je comprends pas, Jimi-
— Ce que tu ne comprends pas, c'est que je pourrais t'écraser contre ce mur d'un claquement de doigts. Ce que tu ne comprends pas c'est que tu laisses tes sentiments te faire prendre des décisions stupides malgré mes avis. Je n'ai pas besoin de toi sur un champ de bataille, Jungkook. »
Les mots étaient durs et le regard du châtain s'assombrit aussitôt.
« Tu dis ça sans connaître mes capacités. Tu dis ne pas avoir besoin de moi mais je me souviens de ce gunin qui se jetait sur toi. Es-tu sûr que tu n'avais pas besoin de moi, ce jour-là ? Je t'avais promis de ne pas être inutile. Laisse-moi au moins essayer.
— Non.
— POURQUOI TU ES AUSSI BUTÉ, PUTAIN ?! »
Le poing de Jungkook s'abattit contre le mur avec rage, à seulement une dizaine de centimètres du visage de Jimin qui ne cilla pas.
« Sors. de cette. chambre. Tout de suite. »
Et n'importe qui aurait obéi devant ce ton autoritaire. Tout le monde savait de quoi Jimin était capable. Mais pas Jungkook. Lui qui n'avait eu que sourires et caresses.
« POURQUOI TU FAIS CETTE PUTAIN DE FIXETTE SUR MOI ? TU AURAIS ACCEPTÉ N'IMPORTE QUI D'AUTRES DANS CES CIRCONSTANCES, SOIS HONNÊTE ! TU AVAIS DIT 'PEUT-ÊTRE' SI J'AVAIS EU DES POUVOIRS MAIS TU ES UN PUTAIN DE MENTEUR, JI-! »
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une force invisible le repoussa jusqu'à la porte d'un battement de cil, ne lui laissant pas le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer. Ce ne fut que grâce à ses réflexes qu'il se rattrapa et évita de justesse d'être mis à la porte.
Il se redressa et rit d'un ton moqueur.
« Si c'était ça que tu appelais "m'écraser contre le mur", sache que je peux encaisser bien plus qu'une misérable attaque comme ça !
— Je n'ai même pas claqué des doigts. Et je te conseille de partir avant que je ne m'énerve vraiment.
— Essaie donc. »
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