Chapitre 25


« Levons les mains et sautons pour atteindre le ciel, tournons pour ne plus ressentir que l'ivresse de la vie et vénérons le bonheur. Viens, rejoins-nous et dansons la Létitione pour louer la joie Eternelle. »

paroles des Oiseaux de Joie


Au cœur d'une forêt enchantée, protégé par des montagnes menaçantes et un sentiment incertain de terreur empêchant le Mal de s'y infiltrer, un lieu de bonheur regroupait ce qu'il se faisait de plus merveilleux en ce monde. Le Village, un territoire accueillant des Oiseaux de Joie du monde entier.

Ce matin, alors que la Lune n'avait pas encore cédé sa nuit pour le Soleil, Oz était venu pour une livraison toute particulière. Déjà quelques individus s'étaient éveillés, espérant pouvoir surprendre le levé du Soleil. Le bonheur se trouvait dans la joie de chaque petite chose. Individuel, collectif, on savait apprécier un sourire en ces lieux, tout comme les larmes et l'excitation des moments qui comptaient réellement.

Parmi eux-tous un homme se démarqua. La plupart en ces lieux était des hommes, les femelles se faisaient rares dans leur espèce. En costume d'une valeur monétaire sans doute élevée, il remonta ses lunettes sur son nez, observant les jumeaux avec intérêt. Deux Oiseaux de Joie dans une même fraternité. C'était exceptionnel.

— Monsieur Souri, voici Lettie et son frère Jord. Elle n'est pas une Immortelle.

Oz lui avait expliqué le problème. Une oiselle qui savait tout de son espèce mais qui continuait à dépérir. Il devait aider.

Le frère l'évalua d'un regard avant de se tourner vers sa sœur. Comme si chacun lisait les pensées de l'autre, il acquiesça.

— Je retourne auprès du vieux. Lorsque je reviendrai, tu auras intérêt à être devenue immortelle.

Oz se pencha vers elle.

— Monsieur Souri est un gentleman.

— Il ne l'est pas, désapprouva-t-elle.

Pour autant, ça n'empêcha ni Oz ni Jord de partir.

Avec un grand sourire, celui que l'on surnommait Monsieur Souri lui fit signe de le suivre. Elle n'était pas mince, elle n'était pas maigre. Bon signe. Elle continuait de lutter et de manger ce qui procurait du plaisir.

— Pour l'expliquer de manière plus savante, un Oiseau de Joie survit en sécrétant de la phényléthylamine, une hormone assez particulière. Le corps d'un être humaine n'en produit pas suffisamment et l'Oiseau de Joie se doit d'être immortel, ce changement permettant à son corps de produire suffisamment et de manière ininterrompue cette hormone.

— Pas seulement. Ce n'est là que l'élément principal connu de l'organisme d'un Oiseau de Joie. En terme bien moins scientifique, un Oiseau de Joie doit connaitre une explosion de bonheur soudain. Les contes de fées parlent du baiser d'amour pure. J'appelle ça une malédiction.

Elle continua de le fixer un instant avant de se tourner pour regarder les villageois. Ils se préparaient à accueillir le Soleil. Oz l'avait pourtant prévenu. Elle pourrait en savoir bien plus qu'elle n'y laissait paraitre.

— La mortalité est une bénédiction. Si la mort est effrayante, il faut apprendre à l'apprécier pour ce qu'elle est.

— Et qu'est-elle ?

— Je ne sais pas.

Etrange petit bout de femme...

— En revanche ce dont je suis certaine c'est qu'elle n'est pas la fin.

Ses doigts touchèrent une jolie croix argentée, en un geste presque nerveux. Ses lèvres laissèrent s'échapper un souffle, celui de la réflexion, d'une pensée gardée pour ne pas être révélée. Avait-elle conscience de ses mouvements, de sa manière de se tenir et de replacer ses cheveux ? Des gestes lents, un regard perdu, une élégance malhonnête. S'il n'avait pas été certain qu'elle ait été un Oiseau de Joie mortelle, il aurait sans peine cru avoir face à lui une Immortelle parmi ce qui se ferait de plus magnifique en terme d'Oiseau de Joie.

— Que font-ils ? s'étonna-t-elle, le sortant de sa torpeur.

Une musique s'élevait, les Oiseaux de Joie se mettant à jouer en ronde.

— Le Soleil se lève. Ils vont danser la Létitione.

— La Létitione ?

Elle ne connaissait pas.

— Une danse traditionnelle de notre peuple. Nous y louons la joie Eternelle.

On appela Monsieur Souri au loin et ce dernier retira sa veste, retroussant les manches de sa chemise blanche et retirant quelques boutons ainsi que sa cravate. Il tendit la main à Lettie.

— Une danse ?

— Je ne sais pas danser.

— Tu vas aimer, fais-moi confiance.

Et comme un mot magique, elle glissa ses doigts dans les siens, l'emmenant au milieu de ce cercle. Chacun attendait, et lorsque les pas rythmés résonnèrent ensemble, elle su suivre le mouvement sans difficulté. C'était dans son sang.


***


Les dieux ne se montraient pas d'une simple prière ou par le biais d'une invocation. Pour une sorcière, il était même difficile voire impossible de communiquer avec sa divinité. Alors les obliger à se manifester sans leur consentement ni en ayant aucun lien avec eux ?

— C'est facile. Enfin, pour moi.

— Parce que tu es une vierge avec beaucoup de chance ?

Ma tante avait étalé une couverture sur le sol, dessinant un cercle à l'aide de plantes séchées.

— Bien sûr que non, sucre d'orge. J'ai simplement consommé plus de drogue en une année que tu n'en aurais consommé dans tes délires d'adolescente rebelle.

Elle plaça ici et là des objets que je qualifierai du terme « ancien ». Dans sa main, elle levait un collier dont je connaissais le pendentif.

— Un attrape-rêve.

— Et pas qu'un seul.

Au centre du cercle, elle frappa dans ses mains, laissant une vibration étrange faire taire absolument tous les bruits. Comme frappée de cette attaque soudaine, ma tête se troubla, un sifflement de plus en plus fort s'imposant à moi. Elle frappa une deuxième fois, m'obligeant à m'asseoir sur le lit plus loin.

Soudain, sans que je ne puisse expliquer le comment du pourquoi, un son différent envahi la pièce. Un chant, des cris, des pleures...

Ma tante se mit à danser à la manière d'un rituel particulièrement effrayant qui sortirait d'un film d'horreur. Elle ressemblait de plus en plus à une sorcière, rugissant ses mots, chantant ses invocations dans une langue que je connaissais sans plus : du latin.

Son pied tambourina le sol, sa poitrine se souleva, son dos fit le pont et elle continuait ses mouvements incohérents. Quelques instants après, une fumée de magie sortit du sol, sous les pieds dénudés de ma tante, l'enveloppant avec lenteur, au rythme des battements de son corps.

Et soudain, en un mouvement brusque, elle arracha et lança son collier hors du cercle. L'attrape-rêve devint cendres, s'enflammant sans raison. Les cendres tombèrent au sol pour former ce symbole qu'il fut avant de brûler. Toute la magie disparu de ma tante, convergeant en ce pointe. La fumée prit forme, créant la silhouette d'une femme. Et la femme prit vie.

Elle observa l'attrape-rêve à ses pieds, fusillant ma tante Ruth du regard.

— Tu es difficile à convoquer, Fortuna.

Fortuna ne répondit rien, fière et furieuse.

Ma tante venait d'invoquer une divinité. Son corps n'était que fumée et cendres, mais elle était bien là, prouvant sous mes yeux l'existence des dieux.

— J'aurai besoin que tu changes pour ma nièce un destin.

La déesse jeta un œil sur moi, qui lui fit un petit signe de la main. C'était trop cool, et au moins une très bonne raison pour moi d'avoir foulé dans ma vie le monde de la sorcellerie.

— Je ne puis changer aucun destin.

— Nous savons toutes les deux que ce n'est pas tout à fait exacte. Une banshee crie lorsque tu nous fais un caprice qui aura des répercussions sur un Roi.

Fortuna poussa un soupir, tendant sa main vers ma tante qui, aussitôt, sortit de son sac un morceau de bois. La déesse s'en empara et le bois devint une sorte de tablette.

— Quel destin ?

— Celle du Roi Loup.

Elle fronça les sourcils, nous regardant toutes les deux sans comprendre.

— Le chien ? Je ne comprends pas, il n'est pas censé mourir tout de suite.

Des symboles se gravèrent sur la tablette en bois, faisant blêmir Fortuna. Elle me lança de nouveau un regard.

— Je ne peux rien faire.

— Fortuna, ne joue pas à ça avec nous.

— Sorcières, je n'ai pas ordonné l'avancement de ce destin-ci. Ce chien a énervé une autre puissance que la mienne, je n'ai pas la main mise dessus. Mais soyez certain que ce geste ne restera pas impuni. Maintenant, brise ce piège, Trompeuse. Tu ne souhaites pas que la colère de Fortuna te retombe dessus.

Ruth s'apprêta à briser le cercle mais je l'en empêchais.

— Non ! Vous allez changer le destin de mon mec ou je peux vous jurer que vos petits pouvoirs de divinité ne vous...

— Tu ne feras rien, parce que tu n'es rien.

Ma tante brisa le cercle. Fortuna disparu en poussière, ne laissant aucun indice de sa présence.


***


Depuis le tout début, une seule personne avait semblé porter de l'intérêt à sauver Hunter et défier le destin hurlé par la Banshee. Et cette personne se trouvait dans un endroit que je n'aurai jamais pensé revoir un jour.

Le Conseil.

Leur QG ne se composait pas seulement d'un tribunal mais également de prison. Les visites n'étaient pas autorisées mais lorsque l'on était la petite-fille d'un Siège, beaucoup d'avantages apparaissaient pour nous faciliter la vie.

Le sorcier gardien qui m'accompagnait dans les couloirs de cette prison particulière ne cessait de me jeter des regards intrigués. « Oui, je suis Hella, la sorcière la plus canon du monde et qui sera bientôt la plus puissante de l'Histoire, alors maintenant regarde devant toi ou je te change en mouche ». Il finit par s'arrêter devant une cellule qu'il ouvrit à l'aide de sa baguette magique. La porte disparue, réapparaissant dès que je fus entrée.

— T'as pas l'air en forme, constatais-je.

— Il s'agit d'une prison, pas d'un hôtel. L'Inquisition avait plus de pitié. Il suffisait de se repentir pour être pardonné.

Agnès n'était pas blessée physiquement mais elle restait très pâle, un air fatigué, épuisé sur le visage.

— Qu'est-ce que tu me veux, Hella ?

— Tu aimes Hunter.

Un rire lui échappa, accompagné d'un sanglot retenu dans la voix. Les larmes aux yeux, elle tourna le visage.

— Sais-tu ce que l'on fait subir aux prisonniers ici, Hella ? On te fait regretter de ne pas avoir embrassé la mort. L'avantage avec la magie c'est qu'elle ne laisse pas nécessairement de blessures physiques.

— Tu l'aimes.

— Et voilà où ça m'a mené.

Elle essuya une larme avant que celle-ci n'ait eu le temps de rouler le long de sa joue. Tentant au mieux de reprendre le contrôle sur ses émotions, la sorcière me fit face.

— Qu'est-ce que tu attends de moi ? Tu m'as déjà tout pris, je n'ai rien de plus à t'offrir.

— Tu es la seule qui semble vouloir se battre pour sauver Hunter.

Elle reprit son calme, s'installant pour enfin discuter avec moi.

— Je ne plaisantais pas, Hella. Tu es la raison de sa mort. Romps avec lui et fais en sorte qu'il ne soit plus attaché à toi.

— Putain mais tu vas arrêter avec ça ? T'as qu'à attendre que je meurs si tu veux te le taper !

— Je suis sérieuse, il ne s'agit pas d'un désir égoïste ou de la demande d'une gamine jalouse que son petit-ami soit partit avec une autre.

— Laisse tomber. Si tu ne peux pas m'aider, je vais aller conclure un pacte avec un Diable.

— Un démon, même s'il est un Diable, ne pourra rien pour toi lorsqu'il s'agit du destin.

— Je ne vais pas rompre avec Hunter.

Elle poussa un soupir exténué devant mon entêtement.

— D'accord, dans ce cas fais-moi sortir de là. J'ai peut-être une autre idée.


***


Comment faire sortir une sorcière prisonnière du Conseil ? Une excellente question. Steve McQueen n'aurait pas été capable de m'aider pour faire s'évader une sorcière d'une prison aussi sécurisée que celle-ci. Alors même si je n'aimais pas ça, il m'avait fallu passer par la voie de la légalité. Seulement, n'y connaissant absolument rien en droit, encore moins en droit sorcier, je m'étais tournée vers une technique que je maitrisais bien mieux : les négociations.

— Comment as-tu fait ? s'interrogea tout de même Agnès en mangeant son steak comme si sa vie en dépendait.

— J'ai offert mon miroir.

Le jolie miroir de la Méchante Reine de Blanche-Neige avait été troqué contre la liberté de cette sorcière.

— Il vaut mieux que je n'ai pas eu à faire un tel sacrifice pour rien, Agnès.

Elle ne fit pas attention à mes menaces implicites.

— Tu as un autre plan ? s'arrêta-t-elle tout de même un instant.

— Tuer Strix.

— Ton amie n'est pas le problème. Elle est tarée, mais ce n'est pas de sa faute. Tu es la seule responsable, mais te tuer n'arrangera pas la situation. et les vermines de ton genre son increvable de toute manière. Tout comme dans un film d'horreur tu trouveras un moyen de revenir.

Elle finit son plat, attendant l'arrivée de son dessert.

— Je te préviens, je ne te paie pas le resto.

— Je suis une grande fille, je ne me fais pas entretenir par mon petit-ami ou mon mage.

Le pic lancé, elle sortit son portable pour envoyer quelques textos.

— Bon, et quel est ton plan ?

— Docteur Grim.

— Un docteur.

Une blague. J'avais sacrifié le miroir de Jalil pour une mauvaise plaisanterie.

— Le Docteur Grim n'est pas un simple médecin, Hella. C'est le Médecin des Miracles. Elle connait tout du monde surnaturel et de l'anatomie même des créatures disparues.

— Elle ?

Le carillon du petit restaurant retentit, laissant apparaitre une femme à l'allure discrète. De longs cheveux pâles, un chapeau sur la tête cachait son visage. Son long manteau en cuir claqua lorsqu'un coup de vent rabattit la porte.

Elle n'était pas humaine, mais ce qu'elle était...

Son visage se leva, révélant un reflet tandis qu'elle s'approchait de notre table.

Elle s'installa au moment où la serveuse servait le dessert. Agnès le donna à son invité dont les yeux mauve, lilas, ne me quittaient pas.

— C'est elle ? demanda-t-elle en me pointant de sa cuillère.

— Oui.

— Mignonne.

— Hella, je te présente le Docteur Grim.

— Appelle-moi Aneira, ce sera plus simple.

— Et en quoi un docteur pourrait aider mon petit-ami à échapper à la mort ?

Elle prit une nouvelle bouchée, un sourire aux lèvres.

— Tout simplement parce que je suis la fille de la Mort.


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Bonjour tout le monde ^^

Alors, de mon côté j'ai fini depuis bel lurette d'écrire ce tome 2. Au total, 28 chapitres et un épilogue. Je vous propose donc soit de continuer un chapitre par semaine, soit deux ^^

Dites-moi et j'aviserai ^^

Bye Bye ^^


PS : Désolé pour le retard ^^'


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