Chapitre 24
« Sucette dans la bouche, du sang encore chaud sur les mains, je prends mon pied putain ! »
paroles de Marie
— Hayja, as-tu un rêve ?
L'envie et le désir. Hayja souhaitait des choses parce qu'elle ne les possédait pas. Elle se lovait d'ambition mais ne les atteignait pas. Hayja était comme ça, elle aimait mais ne s'emparait d'aucun plaisir.
— J'ai fait un rêve.
Il lui avait suffit de fermer les yeux.
— J'ai rêvé que la Mort m'aimait au point de m'empêcher de vivre. J'ai rêvé que ma famille m'aimait sans craindre que je ne puisse les nuire. J'ai rêvé que je souhaitai me réveiller.
Parfois, le rêve n'avait rien d'insensé. Parfois, le rêve se calquait à la réalité.
— J'ai rêvé d'un cauchemar et ce cauchemar était ma vie.
Mais tous les rêves ne sont pas à raconter. Tous les désirs, toutes les pensées ne sont pas à dévoiler. La demoiselle qui trouvait la Mort si belle n'apprit que trop à se taire et s'en aller, disparaitre pour ne plus jamais être aimée.
— Ne me demande de cesser de t'aimer.
— J'ai fait un rêve, tu en faisais partie.
Si elle fermait les yeux, ferait-elle le même rêve ?
Elle ferma les yeux, une larme fuyant en silence pour caresser sa joue glaciale. Le cauchemar ne pourrait jamais prendre fin puisque ce cauchemar était le sien. Un cauchemar si parfait qu'elle en souffrirait pour toujours, si détestable qu'elle ne pourrait que l'aimer à jamais.
— Hayja, de quoi as-tu rêvé ?
— J'ai rêvé que je pouvais aimer.
Si Hayja se tourne vers toi, que répondras-tu lorsqu'elle te demandera : « — Me raconteras-tu ton rêve ? ».
L'obscurité. Si paisible. Si réconfortant.
La nuit. Si calme. Si impatiente.
Son visage dressé vers la Lune, Strix inspirait profondément. Bientôt, très bientôt... Tout finirait enfin. Une fin de conte de fée. Son histoire.
« L'amour est un produit chimique, Strix. Ce sentiment ne te mènera à rien », lui avait autrefois rapporté son père, là où sa mère prétendait que les émotions étaient une opportunité à exploiter puisqu'elle affaiblissait les idiots. Mais Hell lui avait permis de comprendre le monde différemment.
Aujourd'hui, elle se présentait en désespérée. Demain, elle serait un ennemi. Mais à la fin, il ne resterait que du bonheur. Il n'y aurait qu'elle et Hell, éloignée du danger, à l'abris des êtres malfaisants, des individus malhonnêtes. Hell ne savait se méfier du monde, elle en était incapable parce qu'elle était persuadée être capable de le dominer d'un claquement de doigt. Mais à la fin, elle serait seule à souffrir de son erreur. A la fin, Hell n'aurait que le sol pour recueillir ses larmes et ses genoux lorsque effondrée, le monde lui aurait montré sa dure cruauté : même les plus puissantes créatures ne pouvaient être Roi indéfiniment.
Mais Strix était là. Qu'importe ce que la vie souhaiterait faire endurer à Hell, elle se tiendrait à ses côtés pour la protéger. Sa meilleure amie...
Elle baissa les yeux, les écartant de la Lune pour ouvrir sa paume. L'échange avec le Maître du Marché noir s'était déroulé sans problème. Dès qu'il eut réussi à obtenir le frère et la sœur, Oz lui confia sa Bête du Dieu de Bonté. Une jolie coccinelle, un bijou fait d'un matériel sacré. Originellement, une véritable coccinelle.
Avec ceci, le trèfle protégeant ce maudit n'aurait plus aucune importance.
— Tu es trop obsédée par cette fille, Strix.
Strix se tourna vers un homme qu'elle connaissait bien peu au final. Son père. Il fumait le cigare, comme à son habitude. Les cernes aux yeux, le visage sévère, l'homme impassible observa la Lune en sa compagnie.
— Un voyage astral ? devina Strix sans grande difficulté.
— Ta mère m'a appelé.
— Mensonge.
— Tu es tombée amoureuse, n'est-ce pas ?
— Je ne suis pas amoureuse.
Hell était sa meilleure amie, rien de plus...
— Je te connais plus que tu ne veux bien le croire, Strix. Et là, tu tournes à l'obsession. Vouloir détruire l'entourage de celle que tu aimes simplement pour l'avoir rien que pour toi ? Il s'agit du comportement d'une enfant.
— Je la protège, je ne l'isole pas.
Son père poussa un soupir ennuyé, laissant place à un silence de bien trop courte durée.
— Connais-tu l'histoire de Bambino et de Bambina ?
— Qui ne la connais pas ?
— Tu deviens comme Bambina, ma fille. Méfie-toi, tu pourrais connaitre la même fin et je ne pourrai pas te protéger.
— Tu ne sais rien.
Elle leva la main, son anneau dans son nez devenant une baguette dans sa main.
— Disparais, ordonna-t-elle d'un coup de baguette.
Aussitôt, son père s'évapora, son voyage astral prenant fin au moment où sa fille le chassa par magie. Elle n'était pas devenue une sorcière au service du Conseil pour rien. Elle possédait les qualités et la puissance pour. Une sorcière compétente, douée. Grâce à ceci, elle viendrait en aide à Hell, sa seule véritable amie. Grâce à ça...
Elle devait retrouver sa mère. Elle détenait à présent tous les ingrédients nécessaires pour mettre son plan à exécution.
***
Lettie ne parlait pas. Lettie ne bougeait pas. Lettie était simplement là et c'était suffisant. Pour l'instant. Ce qui devenait inquiétant c'était tout ce chocolat à ses côtés. Elle n'y avait pas touché.
Jord connaissait sa sœur. Il savait ce qu'elle aimait, il savait ce qu'elle détestait. Il pouvait anticiper ses réactions en différentes situations. Et s'il y réfléchissait suffisamment, il lui aurait été aisé de deviner ses mensurations. Mais comment l'aider ?
Elle ne mangeait pas, elle ne buvait que trop peu.
— Lettie, sais-tu qui je suis ?
Oz tentait sa chance.
— Sais-tu où tu te trouves ?
Mais il n'eut rien, aucune réponse. Lettie se contentait de regarder dehors. Par moment, son esprit s'évadait et son corps se figeait. C'était inévitable. Il pouvait la forcer à le suivre, mais pas à être consentante de la situation.
— Halloween approche, la grosse, reprit Jord. On doit regarder le dernier film d'horreur qu'est sorti la dernière fois.
Pas plus de réaction.
— Lettie, je suis là pour t'aider à être heureuse.
La nouvelle approche d'Oz serait un échec, sans aucun doute. Pourtant, ce n'était que la vérité, et Lettie aimait la vérité. Pour qu'un Oiseau de Joie puisse devenir immortel, un pic d'hormone, dont il ne se souvenait plus du nom, devait s'emparer de manière naturelle à tout l'individu. Oz essayait de découvrir ce qui rendrait heureuse sa sœur. Mais Lettie dirait tout sauf ce dont elle avait véritablement besoin.
— Je ne souhaite que ton bonheur.
Et soudain, Lettie tourna la tête. Il était parvenu à attirer son attention, à la sortir de sa bulle.
— Que sais-tu du bonheur ?
La question était du mépris, elle n'attendait aucune réponse.
— Oz, Archange du Gloriam Templi, autrement dit de la Gloire du Temple, un ordre de chevaliers religieux créés par les Templiers. Je sais qui vous êtes, Maître du Marché noir. Je connais votre Ordre et ses secrets. Je connais ce lieu que vous nommez le Temple. Vous êtes des Chevaliers de Lumières. Et je ne toucherai pas votre plume sacrée, parce qu'elle ne me procurera aucun plaisir ni aucun bonheur. La foi ne me permet pas d'être heureuse mais de ne plus craindre la mort.
Elle défia Oz du regard, et aucun des deux ne céda.
Jord, bouché bé, était à peine étonné après réflexion. Que sa sœur en sache autant sans avoir appartenue ni à ce monde ni au Gloriam Templi apparaissait normal au final. Lettie connaissait tout, parce qu'elle se renseignait de tout. Et elle avait côtoyé tant de fous qui n'avaient rien d'humain qu'il aurait parié sur un ancien patient lui ayant fait part des secrets du Gloriam Templi.
L'instant d'après, elle retourna dans son état méditatif, prenant au passage quelques chocolats pour les manger tout en regardant dehors. Seulement, quelque chose dérangea Jord. Sa sœur...
— Merde, t'es en train de répondre à des prières ?
Aussitôt révélé, Oz posa sa main devant les yeux de sa sœur, s'approchant de son oreille.
— Lettie, tu deviens bien vilaine. J'essaie de t'aider, alors cesse de montrer notre emplacement à tes amis.
Avec l'aide de Jord, ce dernier banda ses yeux.
— J'ai compris. Si nous ne sommes pas capable de t'aider...
— Où voulez-vous emmener ma sœur ? grogna Jord en se plaçant sans vraiment le maitriser devant elle comme pour faire bouclier.
— Au Village.
***
Pas de garce briseuse de couple, pas de banshee briseuse d'espoir, pas de soveraineté briseuse de couilles. Juste moi sous un splendide soleil ardent d'automne. Moi et ma tante. Deux femmes en train de prendre un bain de soleil en maillot de bain.
— La Floride, c'est trop cool.
— La Floride c'est trop cool, répétais-je comme un perroquet.
— Mais la Côte d'Azur, c'est le Paradis.
— Amen.
Et à deux, nous poussions un soupir de béatitude.
— Au fait, comment fait-on pour...
— Ma très chère nièce adorée. Pourrais-tu seulement profiter en silence de l'incroyable invention du balais magique de sorcière qui te permet de te rendre partout sans payer des sommes indécentes ?
— J'aime dépenser des sommes indécentes. Hunter possède suffisamment pour m'entretenir toute ma vie, mon Mage peut avoir tout pour me permettre de vivre en divinité jusqu'à ce que la mort nous sépare. Mais le balais ça reste sympa.
— Demande-leur un jet privé pour ton anniversaire.
— Mon anniversaire est le lendemain de la mort d'Hunter. J'ai prévu d'être en deuil et de pleurer pour toujours ce jour-là.
— Un emploi du temps de ministre.
— Je suis une femme tellement occupée.
Puis le silence retomba. Le bruit des vagues, le bruit des enfants sur la plage, des jeunes s'amusant, des familles... Et des hommes venus nous draguer.
— Salut, ça vous dit de vous amuser avec nous ?
Nous relevions nos lunettes de soleil. Ils étaient mignons, et franchement appétissants.
— Ma tante a de l'arthrose.
— Et ma nièce est sous traitement pour une vilaine MST.
Il n'en fallut pas davantage pour les faire fuir.
— Une MST ? Vraiment ?
— Un petit conseil mon sucre d'orge. Les femmes ayant dépassé les quarantaines, et d'autant plus lorsqu'elles sont des sorcières, n'apprécient pas les sous-entendus sur leur âge.
— Espèce de vieille sorcière aigrie. Es-tu satisfaite ?
— Totalement.
— Alors maintenant aide ta nièce adorée et dis-moi comment briser la fatalité d'une Banshee.
— On ne peut pas.
Comme prévu...
— Enfin je suppose.
— Comment ça, tu « supposes » ?
— Oh, aurais-je omis de te dire que le Destin était une divinité aux noms multiples ? Il te suffit de l'invoquer et de la supplier.
Mon cœur ne fit qu'un tour en entendant ces mots qui auraient pu être révélés depuis bien plus longtemps pour m'éviter autant de peine et de recherches inutiles !
Inspirant profondément, il me fallut un effort considérable pour ne pas m'énerver.
— Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
— Tu ne m'as posé la question, sucre d'orge. Et je n'aime pas les loups-garous.
Ma tante et Strix devaient s'être liguées contre Hunter. Ça ne pouvait pas être possible autrement.
— Bon, et comment je parle à une divinité ?
— Es-tu vierge ?
— J'ai l'air d'être une sainte-nitouche ?
— La question était inutile. Est-ce que tu as de la chance dans la vie ?
— Autant que le Coyotte cherchant à tuer Bipbip.
Ma tante se releva, rangeant nos affaires.
— Retournons à l'hôtel. Ta tante adorée va t'apprendre l'art d'être une connasse devant les dieux tout puissant.
— Un hôtel ? Nous avons une chambre dans un hôtel ?
— Je pensais passer la journée de demain au casino alors je nous ai réservé une chambre à Monaco.
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