Chapitre 21 - 1/2
« If you're a lover you gotta be a fighter. Because if you din't fight for your love, what kind of love do you have ? »
Keanu Reeves
Deux solutions immédiates s'offraient à moi. Aller prévenir Hunter ou bien trouver d'abord une solution. Les deux auraient sans doute été mieux. Mais pour l'instant, une idée m'empêchait de réfléchir à autre chose.
— A quoi penses-tu, sucre d'orge ?
— A sauver la peau d'un loup-garou qui mériterait pourtant que je l'écorche vif pour m'avoir trompé.
Ma tante se contenta de boire une gorgée de son thé, comme toujours. L'odeur aurait pu m'apaiser, ce ne fut pas le cas. Elle tourna sa cuillère, tapota légèrement sur le bord et la reposa dans la coupelle sur la table basse du salon.
— Et comment comptes-tu faire ça ? Le Destin n'est pas une force que l'on combat. On la subit.
— Je pourrai tuer Strix.
— Tu n'en seras pas capable.
— J'en ai tué d'autres.
— Dans une autre vie. Tu es devenue aussi inoffensive qu'une sale mioche de six ans.
— Pourquoi six ans ?
— Hella, n'élude pas cette discussion.
— D'accord, peut-être que je ne serai pas capable de la tuer. Mais ça n'empêche que j'ai bien un plan.
Intriguée, elle haussa un sourcil et se décida enfin à me donner toute son attention.
— Tu te souviens de notre petit voyage de quelques jours ?
— Comment l'oublier ?
En partant, j'avais mis à mal la santé d'un loup imprégné, inquiété la plupart de mes amis avant de revenir comme une fleur, avec une grande connaissance de la sorcellerie. Bien plus encore que je ne le laissais paraitre.
Cela n'était pas sans raison. Ma tante m'avait fait découvrir en une semaine ce qu'une sorcière apprendrait en plusieurs années.
Amusant et épuisant à la fois.
— Lors de notre séjour en France, nous avons rencontré un homme.
— Marianne ?
— Marianne ? répétais-je bêtement, ne me souvenant pas d'un tel individu.
— Le Meneux d'loup, prononça-t-elle avec un accent français trop exagéré pour ne pas être ridicule.
— Oh, tu veux parler d'Innocent ? Non, je te parle de l'autre.
Elle réfléchit un instant, fouillant dans ses souvenirs. Lorsque ses yeux s'écarquillèrent, que sa bouche s'entrouvrit d'une surprise faisant tomber sa mâchoire, ma tante secoua de la tête, énervée par une idée.
— J'espère que tu ne penses pas à ce que je pense.
— Tu sais très bien qu'il ferait n'importe quoi pour m'avoir. Même protéger Hunter du Destin en personne.
— Oui, et en échange il ne te demandera que ton âme.
— Pas toute, juste quelques morceaux.
Ma main contre ma poitrine, je me désignais pour lui rappeler le désir que je suscitais pour beaucoup d'individus.
— Méphisto souhaitait mon âme pour l'éternité, ne désirant que me dévorer encore et encore. Il ne me tuera ni ne me fera de mal, mon âme lui étant comme une sucrerie d'une grande rareté.
— Ce Diable est un sadique bandant du simple fait de voir les gens pleurer et souffrir le martyre.
— Quel vocabulaire ma chère, imitais-je les habituels propos de ma tante devenue soudain vulgaire sous la colère et l'inquiétude.
— Moi vivante, ma nièce ne vendra pas son âme au plus dangereux des Diables.
Encore un message de Lettie. C'était devenue ma petite habitude. Même aussi éloignée, je restais en contact avec mon amie. Hunter n'aurait pas cet honneur, je souhaitais le laisser mariner encore quelques temps. Ce n'était pas seulement pour m'amuser, mais aussi parce que rien de ce que je faisais ces derniers temps ne lui aurait plu. Et l'idée d'avoir gérer un Alpha accro à sa partenaire au point de l'empêcher de faire la moindre petite chose dangereuse ne m'enchantait pas.
— Tu vois le vieil homme ? Sur la banquette éloignée prêt de la fenêtre.
Mon regard se posa sur un vieillard barbue et trapu. Un grand et large manteau sur les épaules, il ressemblait davantage à un vieux vétéran sortit d'un film de guerre américain plutôt qu'à l'être redoutable qu'on m'avait promis. Il sirotait son café, jetant des coups d'œil par dehors.
Ma tante se leva, prête à le rejoindre. Je lui souhaitais bonne chance et commandais une nouvelle fois.
La porte du café s'ouvrit. Pour un tel lieu, rien d'anormal. Pas plus que les quelques regards étranges lancés à l'encontre des clients franchissant le pas. Nous étions dans un lieu réservé aux créatures, nombre d'entre elles pouvaient transporter son lot de rumeur et de notoriété. Pour autant, cela ne m'empêcha pas de jeter un coup d'œil curieux. Le groupe d'individus était entièrement déguisé. Aurait-ce été Halloween avant l'heure ?
L'un d'entre eux se démarqua des autres.
Un large sourire, des yeux maquillés et des cheveux mi-longs aux pointes colorées du même rouge que ses yeux lorsque ces derniers passèrent au vif. Ce genre de regard, je le connaissais.
Il était affamé, et la friandise désirée n'était autre que moi.
Voyant venir l'intéressé, je décidais de sortir une sucette de ma poche. J'étais occupée et déjà casée. Et si je possédais de nombreux défauts, d'indéniables qualités à mes yeux, l'infidélité n'en faisait pas partie. Ma mère avait bien essayé de m'apprendre l'art de la tromperie, ce n'était pas faute d'avoir tenté. Mais lorsque je promettais, lorsque je m'engageais, il m'était impossible de changer. Je savais tromper, je savais mentir. Ça ne signifiait pas pour autant que je le faisais en chaque instant.
— Bonsoir Lollipop.
Lollipop... Ce surnom m'arracha une esquisse amusée. L'homme déguisé en Capitaine Crochet continua sur sa lancée, ne se laissant pas déstabilisé par mon dédain.
— Je t'offrirai tout ce que tu désires.
Ah, ça on me faisait rarement le coup. Cela lui valut un peu de mon attention.
— Laisse-moi te dévorer.
Suçant exagérément ma sucette, la roulant dans ma bouche avant de finir par la retirer, je la lui présentais.
— Je pense pouvoir prendre davantage mon pied avec elle plutôt qu'avec toi, Cap'taine. Passe ton chemin et astique-toi de ton crochet.
La surprise n'eut pas d'impact sur les traits fins de son visage, l'individu se mettant à rire.
— Mon nom est Méphistophélès, et je suis...
— Un démon. Je sais.
Je pouvais le voir, grâce à ces yeux si particuliers que ma transformation en sorcière m'avait conféré.
— Tu es Hella, la petite sorcière venue chambouler les règles parmi nous autres, devina-t-il sans trop de difficulté. La rumeur te disait avoir disparu.
— Si la rumeur le dit, c'est que ça doit être la vérité.
Le démon se pencha vers moi, recueillant ma main pour glisser dans sa bouche ma sucette. Ses yeux enflammés ne me quittaient pas, cherchant la moindre faille, dérobant la moindre expression qui aurait pu trahir mes pensées.
Cet homme était dangereux.
— Les démons, qu'importent leur espèce, ont un point en commun.
— Vous vous nourrissez des âmes.
J'avais dû apprendre quelques trucs rudimentaires. Sans être une intello du niveau de Lettie, je me débrouillais et j'avais la méthode pour bien apprendre ainsi que la mémoire pour tout retenir.
— Et ton âme est particulièrement appétissante, Hella Doux. Sucré, charnue, tu es comme un oasis en désert de sable, un phare en pleine nuit.
Des métaphores. Si redondant...
— Un simple regard sur toi et me voici redevenu un jeune démon aux pulsions incontrôlables. Je suis affamé, impatient. Dis-moi ton souhait, je te l'accorderai d'un claquement de doigt.
— Pactiser avec un démon... Je ne suis pas de ces sorcières.
— Un Diable.
Un Diable. Ma tante m'avait mise en garde. Parmi les démons se tenaient une hiérarchie officielle mais également officieuse. Et un Diable...
Ne lâchant pas prise, sa main libre s'empara de mon visage, ses yeux se plongeant avec fascination dans les miens, cherchant, sondant les tréfonds de mon être pour en admirer mon âme. Etait-elle aussi particulière qu'il le prétendait ?
— Je t'offrirai tout ce qu'une sorcière pourrait souhaiter, mon petit Enfer. Cède-moi seulement ton âme.
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