Chapitre 2
« Chante pour moi une mélopée si douce que Requiem pourrait l'entendre depuis sa vie trépassée. »
La Prescience
Les enterrements réunissaient la famille et les amis. Ils étaient l'occasion de rouvrir des blessures oubliées, de se disputer des biens qui avaient appartenus au défunt et d'oublier que la mort avait dévasté plusieurs vies. Ils étaient aussi l'occasion de commencer son deuil et d'exprimer son chagrin, bien que certains préféraient garder pour eux ces émotions malheureuses.
Alors bien sûr, même si personne n'était mort aujourd'hui, dans moins d'un an la mort frapperait. Les coups de fils se passaient pour être certain de ne pas posséder une arrière-arrière grande tante germaine qui aurait eu du sang royal. Même une gouttelette.
Et puis il y avait moi, qui ne connaissait presque rien de mon sang et qui ne possédait aucun proche susceptible de me renseigner sur l'histoire de mes ancêtres. Sauf peut-être Ruth.
« Oui, enfin ce ne serait vraiment pas de chance que je meurs cette année », me rassurais-je à ma façon. Quoique, d'un côté cela aurait signifié que je possédais du sang royal. Peut-être étais-je une reine en devenir ?
— Elle se réveille, renseigna Lettie.
Lorsque la Banshee avait perdu connaissance, chacun s'était occupé de son arbre généalogique. A l'exception de la seule personne n'ayant pas conscience de la gravité de la situation : Lettie. Sa réaction première avait été de se précipiter sur la pauvre fille en détresse. Après avoir appliqué les premiers gestes de secouriste, elle avait voulu appeler une ambulance et Hunter s'était chargé de l'en empêcher.
A présent, la pâtissière à l'aura angélique aidait la Banshee à se relever, lui proposant une chaise. Comme pour le lendemain d'une fête bien arrosée, elle se tenait la tête, râlant dès qu'un bruit un peu trop fort retentissait.
« Bon, qui ne tente rien n'a rien »
— Salut, qui va mourir ?
Elle leva son regard vers moi.
— T'es sérieuse meuf ? Vas-y, tu m'as trop saoulé.
Un vocabulaire digne d'une adolescente boutonneuse et une tenue vestimentaire de jeune rebelle, je commençais à brosser un portrait grossier et caricatural du personnage. La fille maquillée à la manière d'un panda me fusillait du regard avant d'accepter un verre d'eau. Elle reporta son regard sur Lettie.
— Une banshee ne révèle pas le nom de sa famille, me rappelait Hunter. Ne le prend pas personnellement.
— C'est pas une raison pour avoir un caractère de chien.
Il eut un sourire.
— Je te préviens que si tu es en train de penser qu'elle a le même caractère que moi, je t'interdis les visites au domicile de ta sorcière bien-aimée.
Il leva les mains en l'air, comme pour prouver son innocence alors que le contraire se lisait sur son visage. L'Alpha se pencha vers la Banshee emo.
— Combien de temps ?
Elle le jaugea du regard, grinça des dents alors que son visage blêmissait.
— Je crois que je vais...
Aussitôt, Lettie l'accompagna aux toilettes d'où on l'entendit vomir. Un moment très agréable qui rendit malade la totalité des clients encore présents, ne me donnant qu'une envie : rejoindre ces putains de plages habitées de créatures de la damnation, loin des problèmes qui semblaient commencer à pointer à l'horizon.
Puis la banshee sortit. Ses yeux devinrent vitreux et ses cheveux flottèrent autour de son visage. Lettie était apparemment restée aux toilettes.
— Demander la date de mort à une banshee est possible, m'expliqua Hunter. Cela la rend malade alors que la transe s'empare d'elle.
— Que le corps portant le sang des Rois se souviennent. Lorsque pointera le jour des morts, les dieux reprendront ce qu'ils ont donnés. Le Destin a parlé, la Mort se chargera de sauvegarder les secrets.
Et de nouveau elle-même, la banshee se précipita aux toilettes.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Lorsqu'une Banshee annonce la mort, rien ne saurait l'arrêter.
Sharon venait de répondre partiellement à ma question. Elle posa son regard sur moi, aussi froid que de la glace, aussi pénétrant et douloureux qu'un pieu.
— Quelqu'un doit mourir et rien ne serait faire obstacle à ce destin.
Mais ça, c'était mal connaitre la Grande Hella, la sorcière badass qui se fichait du destin. Peu importe qui dans cette pièce portait une épée de Damoclès au-dessus de la tête, il n'était pas question que la mort vienne me pourrir la vie.
— Tantine.
— Oui sucre d'orge ?
— Apprends-moi à tisser.
***
Si une banshee connaissait la famille qu'elle protégeait, qu'elle connaissait les noms de ses membres même s'ils étaient des bâtards inconnus, elle ne révélait jamais rien. Parfois, la famille elle-même n'avait pas conscience de l'existence d'une banshee les protégeant.
Hella ne semblait pas encore avoir conscience des individus qui l'entouraient, ni même ce que son propre sang possédait en lui. Logan connaissait ces informations. Pour autant, la seule personne pour laquelle il s'inquiétait, c'était elle. Hella. Les Soverains n'avaient pas encore donné d'ordre d'exécution, ni même essayer d'entrer en contact avec elle pour tenter de l'amadouer. Mais qu'une banshee se manifeste maintenant...
Une banshee qui semblait lui être apparue en songe tant de fois déjà...
Non, ça ne pouvait pas qu'être une coïncidence. Alors il sortit son portable, restant dans l'ombre. Une rue un peu plus loin le cachait. Il s'était éloigné pour pouvoir assurer la sureté de ses paroles.
— Logan, se contenta-t-il de se nommer lorsque quelqu'un décrocha à l'autre bout.
— « Que se passe-t-il ? », questionna la voix d'un jeune homme.
— Une banshee a crié.
Un silence s'en suivi et la personne à l'autre bout raccrocha.
De l'autre côté, celui qui avait décroché lâcha un soupir. Logan venait de lui annoncer le cri d'une banshee. Et puisque ce dernier suivait Hella comme son ombre, il devait s'inquiéter du futur d'Hella. Alors il posa son portable.
— Un problème, Aza ? s'inquiéta faussement une jeune femme.
Les cheveux coupés en carré encadrait son visage de poupée aux lèvres fines, peintes en violet foncé. Elle sirotait calmement son chocolat chaud. La table était grande. Elle n'accueillait pas seulement cette femme magnifique, mais également d'autres gens tous aussi uniques.
Mais ce fut pour elle qu'il donna son attention.
— Juliette, qu'as-tu fait ?
— Comment va Logan ?
Aza décida de jouer le jeu. L'homme à l'apparence d'un adolescent s'amusa un instant avec la pierre dans ses cheveux.
Juliette voulait la couronne de la Soveraineté. En tant que Soveraine digne de ce nom, il était légitime que son ambition lui fasse faire des bêtises irréparables. Aussi, Aza ne tarderait pas à le lui rappeler. Même s'il ne portait pas la couronne, il lui restait supérieur.
— Bien que vos conspirations m'intéressent et m'intéresseront toujours, il est un sujet bien plus important à aborder, intervint un individu dans l'ombre.
Si les sept soverains de la Soveraineté se trouvaient autour de la table, il en était un qui restait ici, installé dans un fauteuil, près d'une cheminée. Il ne faisait pas froid, et l'hiver était loin de venir alors que l'été régnait encore sur les saisons en ce mois d'août.
— Juliette, un individu très important s'est échappé de nos prisons. Un lieu protégé par des enchantements de sorciers et des chants de bardes.
Aza eut presque pitié de la pauvre Juliette dont le corps se mettait à trembler. Malgré son expression impassible, elle avait peur. Comment ne pas craindre le Roi lorsque celui-ci était furieux ?
— Nous... Nous avons vérifié et il semble que toutes les protections magiques mais également les verrous n'aient pas été endommagés. Pour le moment, nous sommes sur la piste d'une Licorne. Elles sont des créatures impossibles à garder captives, sauf avec des objets et des sorts druidiques bien spécifiques.
— Remettrais-tu mon intelligence en question ? s'offusqua l'homme sur son fauteuil alors que Juliette décrivait son raisonnement en donnant des informations sur une créature qu'il connaissait.
— Jamais je n'oserai ! Je suis vraiment désolée.
Aza connaissait suffisamment bien le Roi pour savoir que celui-ci prenait surtout son pied à mener en bourrique la jeune Soveraine.
— Ce n'est pas une Licorne qui a délivré notre Dragon, Juliette.
Il y avait de cela quelques jours, un absent était apparu dans les prisons réputées comme étant les plus sécurisées du monde. Les prisons de la Soveraineté. Celle du Convent possédait une réputation semblable, à l'exception faite que l'évasion récente dans les cages de la Soveraineté venait de donner davantage de notoriété auprès des sorciers.
D'autant que ce n'était pas une petite créature qui s'était échappée, mais un monstre sanguinaire et puissant qui n'avait pas vu le monde depuis plusieurs siècles. Un Dragon, sans doute le dernier de son espèce. Sa cellule était la mieux protégée depuis toujours.
— Mikail, aurais-tu une idée ? demanda Aza, sachant pertinemment que sa façon de s'adresser au Roi était à la limite de l'impolitesse.
Et Mikail se tourna enfin vers le reste des Soverains dirigeants, offrant son visage parfait à chacun. Les Soverains attiraient naturellement les êtres vivants à eux, les asservissant sans jamais forcer les pensées et les désirs. Mais Mikail était d'un niveau bien supérieur. De longs cheveux lilas, partiellement tressées, tombaient de son épaule, quelques mèches de sa frange dégradée encadrant son visage à la peau cristal. Il avait une apparence douce et charmeuse, un homme charismatique que l'on commettrait l'erreur de croire paternel et bienveillant. Plus sadique et cruel se trouverait difficilement ailleurs. Son sourire trompait son monde, contrairement à certains regards. Des yeux au gris tirant vers le bleu, virant au mauve si typique des Soverains.
On ne devenait pas roi en faisant preuve de clémence.
— Bien plus qu'une idée, je sais ce qui a été capable de tromper les protections de Juliette.
Et Juliette se détendit, comprenant qu'elle ne serait pas punie pour sa négligence.
— Qu'est-ce donc ? insista Aza.
Et Mikail profita de nouveau de son feu, son sourire ayant disparu.
— Une maudite prière.
***
Le monde recelait d'une magie invisible. Cette énergie aussi unique que le serait les ombres de la nuit et du jour emplissant l'univers tout entier, ne demandait qu'à être vue dans son art le plus magnifique. En de multiples couleurs, possédant même parfois des teintes non connues, inobservées dans la réalité que chacun connaissait, elle parcourait tous les recoins possibles à combler.
Mes doigts remontaient le long de mon corps, les fluides de lumière commençaient déjà à se montrer, se créant autour d'eux pour à leur tour s'enrouler. Ils ne touchaient jamais mon corps, bien que la tentation ait été si forte. Même pour moi, la sensation apparaissait encore étrange.
Je pouvais me souvenir de ces exercices, de ces mouvements à la « gym chinoise ». Strix avait essayé de m'apprendre, en vain. A l'époque, me concentrer sur des choses que je ne comprenais pas avait représenté une mission impossible.
— Ton don oculaire te permet de voir ce qui est invisible. La Tisseuse peut toucher ce qui n'existe pas.
Le murmure de Ruth était là pour me guider. Sa main se posa sur la mienne, guidant mon geste.
— Tisse, Hella.
Elle s'éloigna, me laissant prendre les commandes pour aller chercher un objet qu'elle me présenta. Une boîte un peu particulière. Je pouvais le voir autour d'elle, cette aura sombre...
— Ruth, qu'est-ce que c'est ?
— Les humains appellent ça une boite à Dibouk.
— Un démon se trouve à l'intérieur ?
— Pas exactement. Je veux que tu brises le sort.
— Je ne suis pas une conjureuse.
— Non, tu es destinée à être une tisseuse.
Inspirant profondément, je jouais avec mes doigts pour les faire craquer, comme si ce geste pouvait m'aider d'une quelconque façon. Pianotant un peu, et après quelques mouvements d'échauffements stupides, je me concentrais. L'énergie apparaissait devant moi. Mes doigts touchèrent et aussitôt l'énergie sombre, en plusieurs filaments, vint se nouer autour de moi.
— Oh, je ne pense pas que ce soit bon signe ça !
— Tout va bien Hella, ton but n'est pas de conjurer mais de dénouer.
Les conseils de ma tante en tête, je pris un fil, le retirant pour le laisser hors de moi. A mesure que mon travail avançait, la boite se libérait de ses liens avec lesquels je formais un genre de pelote de laine, à l'exception faite qu'il ne s'agissait pas de laine et que j'étais la seule à la voir.
— Hé Tantine, regarde ! l'attirais-je avec ma magnifique pelote qui semblait se durcir pour prendre cette apparence que je voyais et qu'à présent Ruth aussi pouvait observer.
— Ta première pelote.
Et la boite s'ouvrit...
La joie retomba très vite, quelque chose d'assez impressionnant sortant de cette prison. Une masse noire qui prenait forme pour devenir... une femme. De courts cheveux rouges et une peau caramel, elle posa ses yeux dorés sur nous. Non, pas exactement doré. Il s'agissait d'un mélange entre l'alliage de l'or et de l'argent. Surnaturel, magnifique.
Lorsqu'elle vit ma tante, un sourire élargit ses lèvres.
— Ruth, comment vas-tu ?
— Nour, bienvenue dans le monde réel.
Les deux femmes se connaissaient et elles se serrèrent dans leurs bras.
— Comment t'es-tu retrouvée là-dedans ?
— Un rabbin.
— Tu te ramollis. Autrefois, pas même un sorcier n'aurait su te faire flancher.
— Et toi, comment m'as-tu trouvé ?
— Sur Internet. Ton nom s'est inscrit sur la boite en hébreu.
Nour observa ce coffre dont elle était sortie puis acquiesça.
— Tu sais lire l'hébreu ? me tournais-je vers ma tante.
— Pas toi ?
— Merci de m'avoir aidé, nous interrompit Nour.
Elle regardait ma tante alors que j'avais fait tout le travail.
— C'est ma nièce que tu dois remercier.
— Oh, je me disais aussi que ce n'était pas vraiment dans tes capacités de délier une prière. Alors comme ça tu es une tisseuse ? me demandait Nour.
— Une prière ?
— Les prières sont souvent plus puissantes que les sortilèges lorsqu'elles fonctionnent.
— Nous n'aurions eu qu'à ouvrir la boite.
En entendant mes mots, Nour pointa ma pelote pour me la prendre des mains.
— Ceci est une croyance, ma p'tite. Si tu avais ouvert la boite, ce n'est pas un Djinn que tu aurais rencontré mais un Dibouk. Je t'aurais conduit à ta perte à cause de cette énergie que tu as dénouée. Les prières ne sont pas toujours fastes.
************
Hey !!!
Alors, alors, comment allez-vous ??
Alors comme j'ai un retard de... Je regarde mon horloge affichée sur mon ordinateur parce que la mienne ne fonctionne pas, ce qui est normal puisque je n'en ai plus depuis pas mal d'année (un jour elle est tombée du mur, et depuis elle ne s'est plus jamais relevée...Paix à son âme).... Ah, j'ai un retard de 30 min (puisque je publie le vendredi normalement ^^').
Alors pour reprendre, comme j'ai un retard de 30 min, j'ai décidé de ne pas scinder le chapitre en deux (ça et aussi le fait qu'il est plutôt court ^^).
Du coup, qu'est-ce que vous en avez pensé ????
Les Soverains sont enfin apparus, Hella a créé sa première pelote (et pas belotte, c'est pas la même chose) et la Mort a posé son rendez-vous le jour des morts ^^
Que nous réserve l'avenir ?? Pour le savoir, rendez-vous vendredi prochain ^^
Bye Bye ^^
PS : J'ai modifié trois fois les minutes pour qu'elles correspondent aux vraies minutes de retard ^^
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top