Chapitre 16 - 1/2
« J'ai aimé deux sorcières. L'une était un rayon de Soleil, pure et parfaite, chaleureuse. L'autre était aussi douce et sucrée que dangereuse et perfide. Quel cœur se brisera de mon choix ? »
Paroles de Hunter
Avec le temps, certains souvenirs s'effaçaient, d'autres se modifiaient. Mais celui d'Agnès demeurait bien présent dans son esprit. Ou bien Anne, comme elle s'appelait à ce moment.
Une sorcière magnifique et particulièrement jeune mais d'une âme charitable et chaleureuse. Toujours présente pour aider son prochain, elle s'exposait sans vraiment le vouloir au mépris et méfiance du voisinage. De ce temps, la haine entre les espèces du monde surnaturel était plus forte et encré en l'esprit de chacun. Hunter n'échappait à cette règle, contrairement à Anne qui tendait sa main à n'importe qui. Et à lui, lorsqu'il en eu besoin. Il fuyait à la fois les griffes d'une mère souhaitant un avenir bien précis pour lui et les fusils des chasseurs humains de l'autre. Sans oublier les sorcières et autres créatures ne crachant pas sur la peau du Meneur de Loup.
Lui aussi était jeune. Certes, il n'était plus un adolescent de quinze ans mais l'écart de trois ans entre eux deux ne les dispensa pas de tomber sous le charme l'un de l'autre.
Il se souvenait être tombé amoureux de la jeune belge, sorcière solitaire ayant eu le courage de ne pas suivre le coven de son Mage. Tout comme il se souvenait de son impuissance lorsque celle-ci fut brûlée vive deux ans plus tard. Elle aurait pu se défendre, mais l'Eglise possédait bien plus de chasseurs qu'aujourd'hui.
Une image qu'il n'oublierait pas. Celle de la femme hurlant de douleur, les cheveux étincelants...
Le reste de sa mémoire demeurait flou, trompé par la douleur d'avoir perdu son premier amour.
Elle était supposée être morte. Et non seulement elle revenait plusieurs siècles plus tard, plus vivante que jamais, mais il avait fallu qu'elle revienne un jour où Hella se trouvait dans les parages ! Si jamais elle reparaissait un jour sur son domaine, ce ne serait pas pour l'étreindre mais pour le dépecer vivant.
Malgré ce qu'elle souhaitait montrer, Hella possédait en elle une jalousie dû à l'inquiétude. Elle avait perdu tant de proches, en aussi peu de temps...
Hunter aussi, mais le loup avait plusieurs siècles d'existence. Le deuil était fait. Mais plus celui d'Anne.
— Agnès...
— Anne, le coupa la jolie blonde en terminant de préparer son thé.
— Anne, reprit Hunter. Pourquoi maintenant ?
Elle bu une gorgée avant de plonger ses yeux dans les yeux. Un regard qui le mit aux aguets.
— Lorsque je suis morte, il m'a fallut inventer une nouvelle vie. Je suis devenue Anceline de Chantraine, puis Héloïse, Pauline, et bien d'autres encore. Des descendantes de moi-même. Mais le Convent a fini par comprendre, j'ai donc dû rester Agnès de Chantraine, sorcière immortelle sans coven et parmi les puissantes.
— Ce n'était pas ma question.
Elle reposa sa tasse, un sérieux sur son visage qu'il ne lui connaissait pas.
— Cette sorcière, Hella. Tu dois t'en éloigner. Elle ne t'apportera que la mort et le désespoir.
— Ce qu'elle est ne te regarde pas, Agnès, insista-t-il en exagérant volontairement la prononciation de son prénom.
— Hunter, même si tu refuses de croire en notre lien, ce n'est pas pour ça que je suis revenue. Je suis là parce que le Destin s'est remis en marche.
Même s'il n'était pas certain des raisons de sa venue, Hunter ne se tenterait pas à faire la sourde oreille. Si Agnès était la même qu'autrefois, alors ses liens avec celles que l'on appelait les Moires étaient avérés. Il ne prendrait pas le risque d'ignorer sa mise en garde.
— Tu es au courant pour la Banshee ?
— La... Non, avoua Agnès.
Il joua du trèfle dans ses mains. Quand exactement Hella reviendrait-elle ? Il ne pouvait pas croire qu'elle partirait pour toujours. Sans doute préparait-elle un maléfice de vengeance à son encontre ou bien un moyen d'éliminer la concurrence imaginaire ayant germée en son esprit ? Ni l'une ni l'autre des propositions ne le réjouissaient mais s'il n'y avait que ça pour la faire revenir, il était prêt à subir sa fureur. Sa jalousie craintive.
Juste pour qu'elle revienne...
Les mains d'Agnès se posèrent sur ses épaules, glissant à la manière d'une amante douce et délicate pour l'enserrer dans ses bras.
— Tu sembles désespéré, et je te comprends. Mais tu dois oublier cette femme. Elle ne laisse que la mort dans son sillage. Je peux la voir.
— Que vois-tu exactement ?
Elle se pencha à son oreille, se plaçant dans son dos pour ajouté à son charme naturel un semblant de mystère intriguant. Mais son message n'avait rien d'aussi enchanteur :
— L'ombre de la Mort plane au-dessus d'elle.
***
Tous les ingrédients étaient réunis. Elle y avait veillé, avait fait tant d'effort pour réussir. Tout ça pour que le final ne soit pas à la hauteur de ses attentes !
Sa mère, les sourcils froncés, ne parvenait pas à avouer la vérité.
— Tu as échoué.
— Non, ce sort est à la portée de n'importe quel nécromancien.
Pourtant, le fait était que son maudit sort ne fonctionnait pas !
Strix brisa l'un de ses ongles si beaux et peint en noir. Ces derniers temps elle ne pouvait s'empêcher de les ronger de manière excessive. Une chose qu'elle n'avait encore jamais fait.
Souvent, les jeunes enfants buvaient au biberon, parfois très longtemps, suçaient leur pouce ou bien sentaient leurs doigts. Des gestes aussi rassurant que celui d'avoir un nin-nin à ses côtés. Une tétine peut-être. Et bien sûr, se ronger les ongles.
Des alternatives, un moyen d'apaiser un enfant ayant aussi peur du noir que du monde et des monstres dans le placard. Celui sous le lit ou derrière le rideau seraient tout aussi terrifiants.
Strix avait eu une toute autre arme, un autre moyen de ne pas avoir peur : la sorcellerie. Elle n'avait jamais sucé son pouce ni même eu de peluche. Elle ne les aimait pas, contrairement à Hella pour laquelle il lui était arrivé d'en acheter. Pour lui faire plaisir. Le sourire d'Hella était la plus belle des récompenses, son bonheur une friandise addictive. Une fois qu'il se reflétait dans ses yeux, il devenait impossible de se détacher de la jolie sorcière.
Aussi, c'était la première fois qu'elle détruisait ainsi sa manucure. Habituellement, lorsque quelque chose la dérangeait ou l'angoissait, elle le supprimait ou bien réalisait des cérémonies. La magie n'était pas nécessairement tournée pour être usée envers autrui. On pouvait s'en servir pour soi.
Potion de rajeunissement, de modifications physiques ou bien des sorts d'invisibilité par exemple.
Mais là, rien n'aurait su être efficace contre sa colère.
— Tu m'avais juré ! s'énerva-t-elle contre sa mère.
— Quelque chose bloque mon sortilège, Strix ! Un sort de protection sans doute. Peut-être une marque. Trouve ce qu'il ne va pas, supprime-le et le sort se mettra en marche.
La nécromancienne aussi maternelle qu'un mort prit sa fille par les épaules, tentant un sourire chaleureux dont elle était incapable. Mais jouer la comédie était une spécialité chez cette maudite femme !
— Je t'ai promis de sauver ta petite sorcière. Fais-moi confiance.
— Même plongée dans le plus profond des désespoirs, jamais je ne te ferai confiance. Même Kochtcheï serait plus digne de confiance qu'une nécromancienne.
Elle se dégagea de cette étreinte stupide, sortant de ce domaine de la mort pour retrouver le jardin de sa maison. En mission pour le Convent, on lui avait fait emménager dans l'une des nombreuses demeures de l'organisation. Dont la jolie maison de campagne chevauchant les frontières de deux territoires. Celui des loups et celui de sorcières de la grand-mère d'Hella, sa Mage.
Furibonde à cause de son incapable de mère, elle entreprit de mener à bien cette seconde mission. Mener l'enquête sur ces maudits sorciers surpuissant incapable de rester tranquilles et enfermés dans leur coin.
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