83. Evrard
Il lui fallut quelques secondes pour que l'information atteigne son cerveau engourdi. Catriona n'était plus là. Où aurait-elle pu être ? Il ne s'était écoulé que quelques minutes depuis qu'il l'avait quitté, elle ne pouvait pas être bien loin !
Une peur sourde s'insinua lentement dans son cœur comme du poison. Il repensa à la conversation qu'il venait d'avoir avec Lord Byron. Jane n'aurait pas pu mettre la main sur elle sans qu'il ne s'en aperçoive, c'était incongru. Sans doute s'était-elle dit qu'elle allait se balader quelques instants avec sa demoiselle de compagnie...
Evrard quitta précipitamment la chambre, préoccupé. A chaque serviteur qu'il croisait, il lui demandait où se trouvait Catriona. Mais aucun n'était capable de lui donner une réponse satisfaisante. « Je ne l'ai pas revu depuis hier soir » « Il me semble qu'elle était avec Mairhead il y a peu » « Je crois l'avoir aperçu dans le couloir de l'aile nord ». Aucune de ces informations ne lui permettait de localiser précisément la jeune femme et cela l'inquiétait.
— Elle m'avait pourtant dit qu'elle m'attendrait ! pesta-t-il entre ses dents.
Où a-t-elle bien pu aller ?
Il regagna le hall d'entrée dans lequel Lord Byron l'attendait.
— Que se passe-t-il ? demanda ce dernier.
— Catriona a disparu, l'avertit-il d'un ton tranchant. Impossible de savoir où elle est allée !
Le visage de son hôte pali.
— J'ose espérer qu'il ne lui est rien arrivé de grave...
— Etes-vous certain que Jane D'Usez ne soit pas arrivée sur les terres de Catriona par un moyen inconnu de vos informateurs ?
— C'est peu probable...Mais cette femme est un vrai démon ! Qui pourrait dire si elle n'a pas contourné mes moyens de protection ?
— Je n'aurai jamais dû la laisser seule, se fustigea le Chevalier sans vraiment l'écouter. Où est-ce qu'elle a bien pu se rendre ?
Au même instant, les échos d'une dispute leur parvinrent depuis la cour. Les deux hommes se précipitèrent et aperçurent Arran et Cormag en train de se quereller.
— Que se passe-t-il ? gronda Evrard. Et qu'est-ce que lui fait ici ? ajouta-t-il en désignant le serviteur d'un signe de tête.
L'éclaireur s'adressa à son maître dans un gaélique beaucoup trop précipité pour que le Chevalier puisse comprendre quoi que ce soit. En revanche, en observant l'expression de Fergus Byron, il se douta qu'il n'était pas porteur de bonnes nouvelles.
— Arran a surpris Cormag non loin de la plage avec une bourse pleine d'or, lui répéta-t-il après avoir écouté le récit de son soldat. Arran trouvait que son comportement était très suspect, alors il l'a ramené.
La colère qu'Evrard tentait de contenir explosa alors. Il ne pouvait se l'expliquer mais son instinct lui dictait que le serviteur était mêlé d'une façon ou d'une autre à la disparition de Catriona. Il se jeta sur lui et l'attrapa violement par le col.
— Où est Catriona ? l'interrogea-t-il sans détour.
Comme à son habitude, Cormag le dévisagea avec mépris
— Je ne sais pas de quoi vous parlez.
— Vous n'avez rien à faire sur le domaine et Catriona a disparu. Je répète donc ma question : Qu'avez-vous fait d'elle ?
— Répondez Cormag, ordonna Lord Byron.
Pour appuyer ses propos, Arran tendit son arc et pointa la flèche sur la nuque du serviteur. Une brève lueur d'inquiétude brilla dans ses yeux, mais elle s'évanouit presque aussitôt.
— Je n'ai rien à dire à ce chien catholique honnis de la Reine, siffla-t-il entre ses dents.
La dernière goutte de patience qui restait à Evrard s'évapora. Il poussa un cri de rage et de frustration, empoigna sauvagement le serviteur et le traîna derrière lui. La fureur décuplait sa force et c'est sans le moindre effort qu'il le souleva de terre et le plaqua contre la margelle du puit.
— Où est-elle ?
— Allez vous faire forniquer.
Le Chevalier le repoussa jusqu'à ce que Cormag perde l'équilibre et bascula dans le puit. Ce dernier poussa un cri de surprise et de peur. Le haut de son corps balançait dans le vide, alors que ses jambes étaient encore solidement maintenues sur les pierres.
— Soit tu me réponds, soit je te lâche, le menaça-t-il.
— Evrard, je vous en prie ! intervint Lord Byron. Il est inutile d'arriver à de telles extrémités...
— Restez en dehors de cela ! s'emporta-t-il.
La peur qu'il éprouvait pour Catriona était bien trop forte pour qu'il fasse dans la demi-mesure.
— Remontez-moi ! supplia Cormag depuis le puit.
— Pas avant de m'avoir dit tout ce que tu sais !
— Je ne sais rien, je vous le jure !
— Mauvaise réponse.
Il lâcha ses genoux et le serviteur glissa plus profondément en poussant un hurlement de terreur. Le Chevalier le rattrapa in extrémis à ses chevilles.
— Je compte jusqu'à dix et tu iras rejoindre notre Seigneur, l'avertit-il. Un !
— Je...je !
— Deux !
— Pitié !
— Trois, haussa-t-il le ton.
— Elle est avec Jane D'Usez ! chouina-t-il.
— Où ?
— Je ne sais pas !
— Pour ton mensonge, nous passons à huit.
— Mon Dieu !
— Evrard suffit. Neuf. Mordiable, tu vas parler ?
— Elles sont sur la plage, vers la crique !
— Quel est le chemin ? le pressa-t-il, irrité.
— Il y a une petite porte encastrée dans le mur et un sentier qui descend jusqu'au loch, intervint Lord Byron. Il vous faudra longer la plage sur votre droite. Comment va-t-elle ? ajouta-t-il en s'adressant à son serviteur.
— La Marquise m'a juste payé pour que j'y amène sa fille, je ne sais pas ce qu'elles sont en train de faire, mais elle m'a bien fait comprendre que la vie de Catriona était en sursis !
— Comme la tienne, asséna froidement le Chevalier.
Il le lâcha sans remords. Le serviteur chuta en hurlant et Arran se précipita pour voir s'il allait bien, mais Evrard n'attendit pas de savoir si Cormag avait atteint le fond du puit ou non. Il se précipitait déjà vers la porte.
— Appelez du renfort, ordonna-t-il par-dessus son épaule. Dieu sait sur quelle truandaille on pourrait tomber !
Dans son dos, il entendit vaguement Fergus Byron appeler ses hommes, mais peu lui importait s'il suivait le mouvement ou non. Sa priorité absolue était de retrouver Catriona et de la mettre en sécurité. Et de lui dire à quel point elle était stupide de sortir du domaine alors que sa mère pouvait lui tomber dessus à tout moment.
Sans hésiter, le Chevalier tira son épée et dévala le chemin en regardant en direction de la rive pour tenter d'apercevoir la jeune noble. Suivant les indications du Lord, il bifurqua sur sa droite et couru le long de la plage. Son cœur battait comme le jour où Catriona avait disparu dans le fleuve. La croire morte avait été l'une des pires sensations qu'il avait éprouvées et maintenant qu'il s'était enfin avouer ses sentiments, il ne pouvait plus imaginer une vie sans elle...
Le sable et les galets le gênait dans sa course. Devant lui, des sillons profonds étaient dessinés dans le sol irrégulier, comme si un corps avait été traîné...Il secoua la tête pour chasser cette pensée. Avec l'énergie du désespoir, Evrard accéléra l'allure en suivant les traces du regard.
Au loin, il crut distinguer une silhouette prostrée sur la plage, immobile. Il l'a reconnu instantanément.
— Catriona ! s'époumonna-t-il.
Si la jeune femme l'avait entendu, elle ne réagit pourtant pas.
Il franchit les derniers mètres qui le séparait d'elle, dérapa sur les galets et se précipita sur la jeune femme.
— Qu'est-ce qui vous a pris de partir de la sorte ? la fustigea-t-il, entre colère et soulagement. Vous ne vous rendez pas compte...
Le reste de sa phrase mourut dans sa gorge lorsque ses yeux se posèrent sur sa robe tâchée de sang et ses cheveux trempés du même liquide poisseux. Ses bras avaient enlacé ses genoux et son regard fixait un point invisible à l'horizon. L'attention du Chevalier se porta sur le cadavre allongé non loin et il ne put retenir un juron :
— Mordiable !
Le corps de Jane D'Usez, car cela ne pouvait être qu'elle, était défiguré et méconnaissable. Le Chevalier aurait été incapable de deviner les traits hautains de la marquise d'après son portrait, car son crâne n'était qu'un amas de chairs sanguinolent. Sa tête était presque fendue en deux, laissant apparaître des éclats d'os et des morceaux de cerveau. Son œil gauche avait complètement disparu, arraché de son orbite. Sa bouche était si abimée qu'il lui était impossible de différencier les dents des fragments de mâchoire brisés.
L'extrême violence de cette scène le rendit nauséeux. Non pas que la vision de ce corps puisse le choquer, il avait déjà vu pire sur les champs de batailles, mais que ce soit Catriona l'auteure de ce bain de sang l'interpellait.
Evrard comprit rapidement ce qu'il s'était passé, ou du moins ce qu'il pensait être l'hypothèse la plus probable : Catriona s'était battu avec sa propre mère. La lutte avait dû être d'une rare férocité et la jeune femme l'avait emporté sur Jane D'Usez. La pierre qui lui avait sans doute servi à son acte de folie reposait à ses côtés et teintait les autres d'une couleur écarlate.
Il n'était guère étonnant qu'elle se soit replongée dans une profonde léthargie pour échapper à cette brutale réalité. Le Chevalier allait devoir faire preuve de patience et de bienveillance pour la ramener auprès de lui.
Catriona, est-ce que vous m'entendez ? demanda-t-il d'un ton plus doux en s'accroupissant devant elle.
Son attitude cathartique lui rappela la fois où elle s'était sauvée et qu'il avait dû tuer Sauvage. Evrard sût tout de suite qu'il allait être difficile de l'en sortir.
— Etes-vous blessée ? insista-t-il toutefois.
Plus il l'observait, plus son état l'inquiétait ; elle portait d'affreuses traces violacés autour de son cou, comme si on avait tenté de l'étrangler. Mais avec tout ce sang, il était incapable de savoir si elle avait d'autres stigmates sur son corps. Dans son dos, des cliquetis d'armes et d'armures retentirent et Lord Byron se précipita à leur hauteur.
— Seigneur tout puissant, que s'est-il passé ici ? s'étrangla-t-il lorsque son attention survola la scène macabre. Qu'est-ce que cela signifie ? Evrard, ce n'est quand même pas vous qui avez fait cela ?
Un mouvement nerveux agita les hommes qui l'escortaient. Certains d'entre eux raffermirent leur prise sur leurs armes, comme s'ils s'attendaient à ce qu'il les attaque. Le Chevalier poussa un soupir las et se redressa pour que Fergus Byron puisse mesurer l'ampleur de la situation. Une expression d'horreur se figea sur son visage quand il aperçut l'état ensanglanté et atonique de la jeune femme.
— Catriona, s'exclama-t-il. Êtes-vous blessée ?
Elle est sous le choc, elle ne vous répondra pas, expliqua Evrard.
Le Lord s'approcha du cadavre avec une expression dégoûtée.
— Et elle...Est-ce Jane D'Usez ?
— Selon toute vraisemblance, confirma-t-il d'un ton lourd.
Lord Byron se détourna rapidement, écœuré par un tel carnage. Même certains de ses soldats masquaient difficilement leur répulsion.
— Je crois que Catriona en a vu assez comme cela, déclara Evrard. Je vais la reconduire dans sa chambre.
Suivant le geste à la parole, il passa un bras autour des épaules de la jeune femme. Mais contrairement à la dernière fois, elle réagit aussitôt à son contact et leva les bras devant son visage pour se protéger. Tout son corps était parcouru de tremblements incontrôlables.
— C'est moi, lui chuchota-t-il d'une voix apaisante. Je ne vous ferai aucun mal.
Il prit ses mains dans les siennes pour dévoiler ses yeux agars. Avec douceur, il caressa sa joue du bout des doigts et se pencha légèrement sur elle pour déposer un baiser sur son front. Ce contact sembla avoir un effet réconfortant sur la jeune femme qui passa ses bras autour de son cou et s'y agrippa de toutes ses forces.
— Je vais vous ramener au château, lui souffla-t-il à l'oreille.
Il passa sa main sous ses genoux et la souleva de terre. Il se tourna vers Lord Byron et ses soldats :
— Je me charge de la mettre en sécurité, annonça-t-il. Pourrais-je vous demander de vous occuper du corps ?
— Nous allons faire le nécessaire, répondit Lord Byron, la mine pincée. Mais j'espère avoir une bonne explication à tout ceci.
— Je suis certain que Catriona vous la fournira quand elle sera disposée.
Sans le moindre regard en arrière, Evrard transporta la jeune femme jusqu'au domaine. Tout le long du chemin, il lui murmura des mots qui se voulaient rassurants. Il n'avait pas beaucoup d'espoir de l'extirper de son état de cette façon, mais peu importait. Cela prendrait le temps qu'il faudra. Catriona était vivante, c'était tout ce qui comptait à ses yeux.
Il traversa la cour sans accorder un regard à Arran qui s'échinait encore à extirper Cormag du puit à l'aide de la corde du seau. Il entendit vaguement l'éclaireur jurer en gaélique mais il ne lui proposa pas son aide, étant bien trop préoccupé par Catriona.
— Mairhead ! s'époumona-t-il en franchissant la porte d'entrée. J'ai besoin de toi !
Il monta les premières marches de l'escalier et croisa enfin une servante qui se précipita à sa rencontre.
— Fait venir Mairhead dans sa chambre, lui ordonna-t-il. Et appelle la soigneuse. Tout de suite !
La jeune fille obtempéra immédiatement et repartit en courant dans les couloirs en appelant la demoiselle de compagnie.
Evrard poussa la porte de sa chambre d'un coup d'épaule et déposa délicatement Catriona sur son lit. Lorsqu'il voulut se redresser, Catriona le serra dans ses bras pour l'empêcher de s'éloigner.
— Inutile de m'étouffer, je reste près de vous.
Il tenta de se dégager mais elle resserra sa prise sur lui, comme si sa vie dépendait de son étreinte.
— Cela suffit Catriona, s'agaça-t-il d'un ton plus sec. Je vous promets que je en vous abandonnerai pas et que je reste auprès de vous, mais vous devez vous faire examiner ! Relâchez-moi.
Son coup de sang n'eut aucun effet sur elle. Evrard secoua la tête en soupirant.
« C'est pas gagné... »
Résigné, il s'assit à côté d'elle tout en la maintenant fermement contre lui. Il caressa son dos d'un geste qui se voulait rassurant tandis que son autre main glissait dans ses cheveux encore humides. La vue et l'odeur du sang ne le dérangeait pas, en revanche, il ne savait pas si c'était uniquement celui de Jane D'Usez ou si Catriona était également blessée.
La porte s'ouvrit à la volée et Mairhead se précipita vers eux, le visage marqué par l'angoisse.
— Mon Dieu, Catriona ! s'écria-t-elle. Qu'est-ce qui s'est passé ? Est-elle blessée ?
— Inutile de hurler, elle ne te répondra pas, la réprimanda le Chevalier.
Il ne voulait pas que les cris du feu follet alertent Catriona et la plonge dans un état de panique. Mais sa seule réaction fut de resserrer sa prise et d'enfouir son visage dans son cou.
— Elle s'est faite attaquer par sa mère, poursuivit-il dans un murmure. Je n'ai pas tous les détails, mais la marquise est morte.
Mairhead le contempla, effarée.
— Et...c'est Catriona qui l'aurait fait ? balbutia-t-elle.
— Apparemment, oui.
La demoiselle de compagnie posa une main sur sa bouche, profondément choquée.
— Est-ce que tu peux apporter de quoi la débarbouiller ? demanda-t-il avant qu'elle ne l'assaille de questions. Et j'ai déjà quémandé une soigneuse pour l'ausculter.
Mairhead acquiesça et quitta précipitamment la pièce.
Elle revint quelques minutes plus tard avec une bassine d'eau et des serviettes. Le Chevalier se redressa pour lui faciliter la tâche, mais lorsqu'elle voulut prendre le bras de la jeune noble pour le laver, Catriona eut un geste de recul en gémissant. Mairhead insista à nouveau mais cette fois, Evrard sentit ses ongles se planter dans sa nuque.
— D'habitude, c'est dans d'autres circonstances que vous me griffez, asséna-t-il en grimaçant.
La demoiselle de compagnie leva les yeux au ciel, ulcérée.
— Laissez Mairhead, je vais le faire.
Elle lui tendit le matériel et il tenta à son tour de retirer les mains de Catriona. Lorsqu'elle refusa de se détacher, il lui attrapa les poignets sans ménagement et les repoussa.
— Cela suffit ! gronda-t-il d'une voix forte.
La jeune femme sursauta et le regarda avec de grands yeux ronds.
— Restez tranquille et laissez-moi vous débarbouiller, poursuivit-il.
Sans attendre sa réaction, il nettoya ses mains du sang séché. Elle était devenue aussi inexpressive qu'une poupée de chiffon, obéissant docilement aux injonctions du Chevalier qui essuya son visage et ses bras. Il s'attarda quelques instants sur sa nuque, observant avec vigilance les traces de doigts qui marquaient sa peau laiteuse. A part quelques égratignures et stigmates, il ne lui semblait pas que son état soit alarmant.
— Est-elle...morte ?
Sa voix s'était enfin élevée, dans un murmure à peine audible.
— J'ai rarement vu quelqu'un survivre à plusieurs coups de pierre dans la tête, commenta-t-il en essorant une nouvelle fois la serviette ensanglantée.
Il se gifla mentalement pour ce manque de tact.
— Evrard...
— Je vous écoute ?
— Je crois...que j'ai perdu le contrôle.
— Pas qu'un peu. Mais vous vous êtes défendue. Et vous êtes vivante, c'est le plus important.
— Êtes-vous...en colère contre moi ? demanda-t-elle avec appréhension.
Evrard hésita brièvement.
— Un peu, avoua-t-il avec franchise. C'était vraiment une erreur de jugement que de quitter l'enceinte du château.
Après avoir éprouvé tant d'affolement à sa disparition et un soulagement indicible en la retrouvant en vie, il ne pouvait à présent empêcher la fureur de grogner dans son ventre. Suite à ce qu'il lui était arrivé avec Rodolphe, Evrard lui avait juré, sur son honneur, que jamais il ne la laisserait se retrouver dans une situation similaire.
— Mais je suis surtout en colère contre moi, poursuivit-il en baissant les yeux sur la serviette rouge sang qu'il tenait entre ses mains. J'ai failli à la promesse que je vous avais fait et je n'étais pas là pour vous protéger. Cela n'aurait jamais dû arriver.
Catriona tressaillit, mortifiée.
— Je suis désolée, s'excusa-t-elle. Je ne pensais pas que Jane D'Usez parviendrait à atteindre Loveday Hall alors qu'elle était recherchée...
— Vous ne pouviez pas le savoir. En réalité, j'étais censé vous l'annoncer lorsque vous aviez disparue, répliqua-t-il avec un sourire amer. C'est pour cela que Lord Byron m'a fait demander.
— Oh...et bien, je l'ai découvert à mes dépends.
Il lui serra la main en signe de réconfort.
— Moi aussi, je regrette, assura-t-il en essuyant son front.
Elle planta son regard dans le sien.
— Est-ce que vous m'aimez encore ?
Sa voix contenait des tremblements angoissés.
— Vous avez déjà tué Rodolphe, je ne suis plus à un mort près, répliqua-t-il avec un sourire sarcastique.
— Donc, c'est un oui ? insista-t-elle.
— Si vous me promettez que je ne suis pas le suivant.
Un sourire soulagé naquit timidement sur ses lèvres et elle se permit même de lui donner un petit coup de poing affectueux sur l'épaule.
— A condition que vous ne commettiez pas d'impair.
Evrard hésita une seconde.
— Comme jeter les serviteurs dans le puit ? s'enquit-il.
Elle se redressa vivement en écarquillant les yeux, stupéfaite.
— Qu'avez-vous fait ? s'alarma-t-elle.
— J'ai lâché Cormag dans le puit, répondit-il en haussant les épaules. Aux dernières nouvelles, Arran tente encore de l'en sortir. J'avais vaguement espéré qu'il se noie, mais j'ai été un peu trop optimiste. De toute manière, je ne vais pas m'en assurer ; je serai capable de couper la corde.
La jeune femme secoua la tête en soupirant :
— Il m'a livré à ma mère sans le moindre scrupule, une mauvaise chute serait donc une mort bien trop douce pour un homme comme lui.
— Je rejoins votre point de vue.
— Avez-vous remarqué à quel point nous nous sommes accordés depuis notre première rencontre ? commenta-t-elle d'un ton plus léger.
— Cela n'a pas toujours été facile ; vous êtes une vraie mahoun !
— Est-ce un compliment ? demanda-t-elle avec intérêt.
— Vous êtes une forte tête et vous avez un sacré caractère.
— Vous n'étiez pas non plus exempt de tout défaut. Dois-je vous rappelez que vous m'aviez fait les yeux doux pour de la bière ?
— Je pourrai recommencer, souligna-t-il. Mais cette fois-ci, ce serait pour vous demander quelque chose qui m'est bien plus précieux que l'alcool.
Une telle chose peut-elle réellement exister ? ironisa-t-elle.
Evard lui rendit son sourire et posa une main sur sa joue.
— Bien sûr.
Il se pencha doucement et effleura son oreille de ses lèvres, la faisant délicieusement frissonner.
— Pòs mi, souffla le Chevalier.
Le corps de Catriona se tendit contre le sien. En se redressant, il croisa son regard incrédule. Ravi de son effet, il se leva du lit et commença à nettoyer les serviettes imbibées de sang dans la bassine.
— Est-ce bien ce que j'ai cru comprendre, ou vous vous êtes trompé dans la traduction ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils, soudain méfiante.
— Ce sont des mots que j'avais envie de vous demander depuis quelques temps. Et je sais qu'ils se prononcent ainsi en gaélique.
La jeune femme ouvrit la bouche, sidérée.
— Est-ce une demande en mariage, Evrard ?
— J'ai pourtant été très clair ! répliqua-t-il, vexé
— Vous n'y mettez pas vraiment les formes non plus ! protesta-t-elle.
Il arqua un sourcil ouvertement narquois :
— C'est cela qui vous perturbe ? A votre guise !
Le Chevalier se rapprocha du lit et prit sa main dans la sienne.
— Lady Catriona Loveday, vous me feriez un grand honneur si vous acceptiez de devenir mienne, déclara-t-il du ton le plus solennel qu'il le pouvait. Pòs mi !
La jeune femme ouvrit lentement la bouche, les yeux écarquillés.
— Etes-vous sincère ?
— Mordiable, Catriona ! jura-t-il, irrité. Je ne vais pas vous le demander quarante fois à genoux ! Voulez-vous m'épouser ou dois-je encore...
Il ne put terminer sa phrase car elle enroula ses bras autour de son cou et captura ses lèvres dans un baiser passionné. Evrard présuma que c'était sa réponse et il en fut profondément soulagé et exalté. Satisfait, il lui rendit son étreinte avec un sourire triomphant.
Après quelques délicieux instants, Catriona enfouit son visage dans son cou, inspirant lentement son parfum. Il ferma les yeux avec paresse, glissant sa main le long du dos de la jeune femme. Ses frêles épaules furent soudain secouées, comme si elle pleurait. Il lui jeta un regard inquiet, mais il constata qu'elle riait silencieusement.
— A quoi êtes-vous en train de penser ?
— Oh, rien, gloussa-t-elle en rougissant légèrement. C'est simplement que pour le mariage, comme il s'agit d'une cérémonie officielle...il est possible que vous soyez obligé de porter le kilt.
Devant le regard effaré qu'il lui lança, elle ne put contenir son hilarité et fut prise d'un fou-rire incontrôlable.
Evrard secoua la tête en poussant un profond soupir dans ses cheveux :
— Mordiable, Catriona...Jusqu'au bout, vous ne m'aurez rien épargné...
FIN
Kratzouille29 et moi-même vous remercions d'avoir suivi l'histoire de Evrard et de Catriona. Nous espérons qu'elle vous aura plu, même si cela reste un premier jet. Après une courte pause, nous nous remettrons au travail pour la réécriture. N'hésitez pas à participer à cette réécriture en nous partageant dès à présent votre avis, vos questions, votre vision et vos ressentis.
Merci de nous avoir suivi tout du long, de nous avoir lu, de nous avoir soutenu jusqu'à la fin <3<3<3
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