74. Catriona

Confortablement installées dans le boudoir attenant à la chambre de Catriona, la jeune noble et sa demoiselle de compagnie partageaient une tisane en attendant que les servantes viennent leurs apporter leurs tenues de soirée.

— Je vois que Lord Byron a invité les clans les plus prestigieux de la noblesse écossaise, commenta Catriona en détaillant la liste des hôtes.

— Il a souhaité que cette fête soit somptueuse pour ton retour, expliqua Mairhead en se réservant d'un biscuit.

— C'est malheureusement ce que je craignais...

La jolie rousse lui lança un regard interrogateur mais avant qu'elle puisse poursuivre, les domestiques entrèrent dans la pièce, les bras chargés de magnifiques étoffes. La demoiselle de compagnie se leva aussitôt et contempla les vêtements d'un œil appréciateur.

— Celle-ci t'irait à ravir ! s'exclama-t-elle en désignant une robe couleur ivoire. Merci beaucoup, vous pouvez toutes les poser sur le divan, je m'en chargerai.

Les serviteurs prirent congé discrètement et refermèrent la porte derrière eux pour leur laisser de l'intimité.

— Est-ce que tu veux essayer cette robe ?

Catriona secoua la tête en signe de dénégation.

— Aucune ne m'ira.

— Pourquoi dis-tu cela ? protesta Mairhead, peinée.

— Tu n'as donc rien observé lors de mon arrivée ? Je suis loin d'être présentable.

Pour appuyer son propos, elle désigna les multiples écorchures et ecchymoses qui marquaient la peau de ses mains et de son visage.

— Regarde la liste ! reprit-elle en lui tendant la feuille. Il y aura Lord Abercrombie et dans mes souvenirs, ce n'est qu'un cuistre. Je n'ose même pas imaginer Evrard avec cet homme dans la même pièce.

Mairhead revint s'asseoir à ses côtés et leur resservi un peu de tisane dans un soupir las.

— Je pense qu'Evrard sera parfaitement capable de se maîtriser s'il venait à se retrouver face à Lord Abercrombie, déclara-t-elle.

Catriona fît une moue sceptique.

— Tu ne le connais pas aussi bien que moi. Evrard peut vite s'emporter lorsqu'il est confronté à des personnes qui le prennent de haut.

— J'ai eu une discussion avec lui hier après-midi, lui avoua-t-elle.

— De quoi avez-vous parler ? lui demanda-t-elle aussitôt.

— Je l'ai remercié d'avoir veiller sur toi. D'ailleurs, à ce propos...

Elle lui lança un regard amusé.

— Comment se fait-il que tu ne m'aies pas invité pour tes fiançailles ?

Catriona se trémoussa sur le divan et se mordit la langue, empruntée.

— Vois-tu... Nous ne le sommes point.

— Quelle stupéfiante surprise, ironisa-t-elle. Vas-tu enfin m'en parler ?

— Je ne pensais pas que ce mensonge allait prendre autant d'ampleur, je l'ai fait pour qu'il soit mieux intégré dans la noblesse écossaise.

— C'est malin, concéda-t-elle. Mais puis-je te demander comment tu comptes éclaircir la situation ?

— C'est la question que je me pose depuis notre arrivée, soupira-t-elle, découragée. Je crains que Lord Byron se doute de quelque chose. Evrard m'a avoué qu'il sait déjà que nous ne sommes pas fiancés.

— Mais il s'est tut sur sa véritable identité, n'est-ce pas ?

— Bien entendu. Je te rappelle qu'il est recherché dans tout le royaume de France. Même si Lord Byron a l'air de le tenir en haute estime, je crains qu'il ne le chasse s'il venait à découvrir son passé. Pire encore ; et s'il le livrait aux autorités françaises ?

Cette perspective l'inquiétait. Catriona ne voulait pas qu'Evrard soit jeté en prison et exécuté pour un crime qu'il n'avait pas commis. Fergus Byron était certes l'ami de feu Seumas Loveday, mais il demeurait aussi un homme de justice. S'il décidait de faire arrêter Evrard, la jeune femme ne pourrait l'en empêcher.

— Il ne ferait pas une telle chose, affirma Mairhead d'un ton encourageant. Evrard t'a sauvé la vie deux fois et il t'a ramené dans ton pays. Quelles que soit ses déboires judiciaires, Lord Byron ne les connais pas.

— Pas encore, rectifia-t-elle. Mais il finira par les découvrir, c'est un homme intelligent...

— Et comme tout homme intelligent, il sait parfaitement mesurer les circonstances et les raisons qui poussent ses interlocuteurs à agir d'une certaine manière et pas d'une autre, la rassura la jolie rousse avec patience.

— Lui peut-être, mais les autres ? Je dois protéger Evrard des clans dont Abercrombie fait partie. Je veux qu'ils le respectent et l'honorent comme ils l'ont fait pour mon défunt père.

— Est-ce qu'Evrard à un titre de noblesse autre que Chevalier ?

— Figure-toi qu'il est Comte.

— Comment cela, il est Comte ?

— A la mort de son frère, il a hérité du titre.

— Il avait un frère ? s'étonna la demoiselle de compagnie, interloquée.

— C'est une trop longue histoire, trancha Catriona d'un ton qui signifiait clairement qu'elle ne souhaitait pas s'étendre sur le sujet.

Même si elle faisait entièrement confiance à Mairhead, la jeune noble ne voulait rien lui révéler de la sombre histoire familiale d'Evrard et de Gauthier. Car cela signifierait qu'elle doive lui raconter toutes les horreurs qu'ils avaient dû traverser dans le domaine de la famille de Ferrand. Et si le Chevalier venait à apprendre qu'elle avait trahit son secret, non seulement il ne le lui pardonnerait pas, mais en plus il partirait définitivement.

— Quoi qu'il en soit, reprit la jolie rousse. Le titre de Comte est moins valorisant que celui de ton père. C'était pour cette raison que tu étais sensé épouser le Duc Amaury De Crozat.

Catriona se leva brusquement en la foudroyant du regard...

— Ne me parles plus jamais de cet homme ! s'enflamma-t-elle. Sais-tu qu'il a eu le culot de me poursuivre pour me récupérer ?

Après tout ce qu'il t'a dit ? s'offusqua la jolie rousse.

La jeune noble se leva et commença à faire les cents pas dans le boudoir pour évacuer la frustration qui commençait à naître en elle.

— Oui, approuva Catriona, le visage grave. Il m'a retrouvé dans une ferme quelques jours après mon départ et il m'a supplié de revenir avec lui à la Cour, mais j'ai refusé. Il a prétendu être toujours fou amoureux de moi.

— Il a osé ?

— En effet, mais j'ai vite compris que c'était des paroles en l'air, comme d'habitude. Il n'était venu que parce que ma mère lui avait donné l'ordre de me ramener. Sinon, il ne se serait pas déplacé pour moi.

— Ta mère est la personne la plus abjecte et détestable, odieuse, cruelle, irascible que j'ai l'infortune de rencontrer dans ma vie.

— Amaury n'est pas mieux, à s'être fait berner et manipuler par elle. C'est un couard. Tu aurais dû voir comment Evrard l'a rejeté en arrière lorsqu'il a voulu m'emmener de force, ajouta-t-elle sans pouvoir s'empêcher de sourire à l'évocation de ce souvenir. Amaury a perdu toute sa prestance lorsqu'il s'est trouvé dans la boue, aux pieds de ses hommes.

Mairhead éclata de rire.

— Je regrette d'avoir manqué cela ! Mais est-ce que tu as eu d'autres ennuis avec ta mère en cours de route ?

Catriona lui relata en quelques mots toutes les tentatives de sa mère pour l'empêcher de revenir en Ecosse. Les sourcils de sa demoiselle de compagnies se froncèrent au fur et à mesure de ses paroles.

— Elle recevra bientôt le sort qu'elle mérite, conclut-elle d'un ton féroce. Avec la lettre que j'ai remise à Lord Byron, si elle vient à Loveday Hall pour prétendre au domaine, elle se fera aussitôt arrêtée et jetée en prison pour tentative d'infanticide. C'est la peine de mort qui l'attend. Elle ne me fera plus jamais de mal.

— Je l'espère.

Pour se changer les idées, la jeune noble se dirigea vers les robes et en prit une pour la contempler de haut en bas. Elle avait un col haut qui recouvrirait son cou et de longues manches évasées aux poignets. Le buste était entièrement brodé de perles blanche et le jupon se terminait en une traîne en dentelle.

— Crois-tu qu'elle plaira à Evrard ? demanda-t-elle d'un ton songeur.

— Depuis quand te soucies-tu de son avis pour tes toilettes ? se moqua gentiment Mairhead.

Catriona sentit le rouge lui monter aux joues.

— C'est purement pour être en accord avec sa tenue à lui, après tout, je suis sa future épouse, gloussa-t-elle.

— Parce que tu sais ce qu'il va mettre ce soir ?

— Le connaissant, quelque chose de sobre. Alors cette robe noire sera parfaite.

— Depuis quand tu connais ses goûts vestimentaires ?

— De ce que j'ai pu observer, il ne semble pas vraiment se prêter à ce genre de détails, répliqua-t-elle avec impatience. Aide-moi à l'enfiler au lieu de me harceler de questions !

La demoiselle de compagnie obéit et s'appliqua à la revêtir.

— Tu es magnifique, la complimenta-t-elle. Evrard sera ravi d'avoir une fiancée aussi sublime à son bras.

— Je l'espère, souffla Catriona.

Du coin de l'œil, elle la vit sourire.

— Entre nous, cela te plairait bien si tu étais vraiment sa future femme, n'est-ce pas ?

— Oui...enfin non ! Je voulais dire...A toi, je ne peux pas te mentir, mais... oui. Oui, j'aimerais que ce soit le cas.

— Je le savais ! s'exclama-t-elle avec un sourire triomphant. J'ai tout de suite senti que tu en étais éprise. Est-ce que c'est réciproque ?

— Je pense, déclara Catriona, incertaine. Lorsque je lui ai fait part de mes sentiments hier soir, tout ce qu'il a trouvé à faire, était de m'embrasser. Ce n'est pas la première fois que je tente de lui faire avouer ce qu'il ressent pour moi et pourtant, à chaque fois il répondait par un baiser.

— A chaque fois ? répéta-t-elle en écarquillant les yeux. Il y a eu d'autres moments de ce genre durant votre voyage ?

— Plusieurs fois, oui. J'ai failli me compromettre à de multiples reprises...

Mairhead se redressa brusquement, alarmée.

— Ôtes moi d'un affreux doute ; es-tu toujours vierge ? Parce que si vous l'avez déjà fait, le prêtre ne pourra pas te bénir à ton mariage, tu portes peut-être déjà son enfant et s'il t'abandonne pour repartir en France ? Sans possibilité de l'avertir... Nous devrons élever cet enfant dans la honte.

— Oui, je suis toujours vierge, la rassura-t-elle d'une voix apaisante. J'ai résisté avant que cela aille trop loin.

— Trop loin, c'est-à-dire ? Cela lui a traversé l'esprit de te déshonorer ?!

— Souvent. Il m'a même boudé la dernière fois.

— Et combien de fois a-t-il tenté ?

— Est-ce que les remarques suggestives comptent ?

— Ne me réponds pas, finalement, je ne veux pas savoir, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel.

— Cette façon qu'il a de me regarder, de me séduire, de me toucher, cela a toujours été vraiment passionné... et il a fait monter en moi des envies qui ont été très difficile à contrôler. Dans ces moments-là, je voyais une autre facette de sa personnalité, plus subtile et indiscernable.

— Est-ce que cet homme te rendrait vraiment heureuse ?

— Oui, je confirme, c'est l'homme avec qui je veux partager ma vie.

— Alors dans ce cas, confronte-le sur ses sentiments.

Catriona approuva d'un signe de tête, mais elle savait déjà que cette discussion allait être compliqué à aborder avec le Chevalier. Elle craignait sa réaction et qu'en insistant, qu'il ne décide de s'enfuir. Mais en même temps, elle ne pouvait pas laisser le doute la dévorer.

Nikkihlous & Kratzouille29

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