70. Catriona
Un doux chatouillement parcourut sa joue pâle, lacérée de petites plaies qui commençaient à cicatriser. Catriona ouvrit les yeux et pencha légèrement la tête vers Evrard, qui avait un sourire rassurant sur les lèvres.
— Nous sommes arrivés, indiqua-t-il.
Catriona se redressa péniblement et regarda à travers les rideaux.
En face de la calèche, un petit pont de pierre s'élançait au-dessus d'un ruisseau. Au loin, une gigantesque maison fortifiée formait une masse compacte et imposante dans le paysage. Des murs épais de pierre et de hautes meurtrières faisait office de fenêtres. De la fumée s'échappait des cheminées disséminées sur le toit de tuiles foncés et assombrissait le ciel. La porte de l'enceinte était juste assez large pour laisser passer le carrosse. La cour était parsemée de graviers, des pots de fleurs rouges et jaunes décoraient ce petit terrain pittoresque, ainsi qu'un puit et un banc en bois sur lequel une sculpture de loup était gravée.
Le cocher tira sur les rênes et la calèche s'arrêta sous le renâclement des chevaux.
— Bienvenue à la maison, entonna Lord Byron, qui descendit le premier de la voiture.
Catriona, contente d'enfin revoir un lieu familier, se releva, mais elle fît prise d'un violent vertige et retomba lourdement dans le siège, les mains sur ses tempes.
— Laissez-moi vous aider, se proposa Evrard en lui donnant le bras.
La jeune femme lui lança un regard attendri et prit appuie sur lui. Ils sortirent du carrosse à leurs tours et très vite, un petit groupe d'enfants curieux les encercla. Le plus courageux d'entre eux s'approcha d'Evrard et voulut poser un doigt sur son épée, mais le Chevalier fit un pas en arrière si brusque que le garçon sursauta comme s'il s'était fait piqué par une guêpe et s'empressa de se cacher derrière le Lord. Ce dernier passa une main dans ses cheveux châtains pour le rassurer.
Une voix stridente résonna depuis l'entrée de la bâtisse.
— Je crois que ma surprise a hâte de vous revoir, ma chère, sourit-il.
Catriona releva la tête et aperçu une chevelure rousse et sauvage apparaître à la porte.
— Mairhead ?
Sa fidèle demoiselle de compagnie releva le bas de sa robe pour accourir au plus vite auprès d'elle.
— Tu es vivante ! s'écria-t-elle. Tu es vivante !
Exaltée, des larmes de bonheur perlant au coin des yeux, Mairhead se jeta dans les bras de la noble en bousculant Evrard au passage qui céda sa place. D'abord éberluée de revoir son amie, Catriona céda à la joie de l'instant et lui rendit son étreinte. Mais cette dernière fut si étroite qu'elle peinait à retrouver son souffle et il lui fallut plusieurs tentatives pour pouvoir remettre une distance convenable entre les deux jeunes femmes.
Les yeux de la rousse se figèrent sur Evrard comme si elle venait de remarquer sa présence et l'examina des pieds en cape d'un air perplexe.
— Que fais-tu ici ? demanda Catriona alors qu'elle s'agrippait fermement au poignet du Chevalier pour ne pas vaciller.
— J'ai apporté moi-même ta lettre au Lord, ma chère, clama-t-elle en jaugeant toujours le guide.
— Toute seule ?
— Grand Dieu non, reprit-elle en levant les yeux au ciel. Un des gardes personnels de la princesse Elisabeth m'a accompagné. Nous en discuterons plus en détail au moment opportun.
— Est-ce qu'Aileas est avec toi ?
— Malheureusement non, elle est restée en France... Pour assurer nos arrières, chuchota-elle sur la fin comme si elle ne voulait pas qu'Evrard l'entende. Mais elle m'a assurée qu'elle nous rejoindrait bientôt, lorsque le moment sera venu.
— Je l'espère...vous m'avez tant manqué toutes les deux.
— Nous nous sommes beaucoup inquiétées pour toi, reprit-elle en lançant un nouveau regard noir à Evrard, comme si c'était lui le fautif.
La demoiselle de compagnie semblait ouvertement hostile à son compagnon de route mais ce dernier demeurait impassible.
— Je suis heureuse que tu sois enfin arrivée à destination...mais dans quel état ! s'effraya-t-elle en la dévisageant. Tu as une mine épouvantable.
— Ton compliment me va droit au cœur, ironisa-t-elle.
Mairhead écarquilla les yeux, décontenancée.
— Le plus important est que tu sois là. Viens avec moi, nous allons nous occuper de toi.
Catriona lâcha Evrard pour la suivre, mais rapidement prit d'un étours, elle sentit ses jambes se dérober sous elle et de grands bras s'enroulèrent autour de sa taille pour l'empêcher de tomber. Mairhead s'empressa à son tour pour empêcher la cape et la couverture de dévoiler son corps nu.
— Je vais vous aider, déclara-t-il simplement.
Catriona hocha vaguement la tête. Evrard glissa son autre bras sous ses cuisses et la souleva de terre. Enlacée contre son torse, elle entoura sa nuque de ses mains sous le regard stupéfait de Mairhead qui n'émit pourtant pas le moindre commentaire et les entraîna à sa suite.
La jolie rousse appréhenda le premier domestique très rapidement.
— Dites à Olga d'apporter une chemise de nuit dans la grande chambre, ordonna-t-elle.
Pendant qu'ils marchaient dans une suite d'interminable couloirs, Mairhead ne cessait d'aboyer ses indications à tous les serviteurs qu'elle croisait.
— Amenez une bassine d'eau chaude et le nécessaire pour soigner ! lança-t-elle à un autre.
Après avoir monté un grand escalier en pierre, elle les fit entrer dans une pièce très vaste, avec un lit, deux tabourets et, surtout, un grand feu de cheminée. Evrard déposa Catriona sur le fauteuil qui faisait face à l'âtre et l'enveloppa délicatement dans un épais couvre-lit. Mairhead sortit la tête par l'embrasure.
— Ça vient ? beugla-t-elle dans le couloir avant de regarder Evrard. Votre présence n'est plus nécessaire, trancha-t-elle avec défiance. Laissez-nous.
— Puisque c'est demandé si gentiment, susurra-t-il d'un ton narquois.
Il esquissa une révérence moqueuse devant elle et quitta la chambre sans un regard en arrière.
— Pour qui il se prend ? fulmina la demoiselle de compagnie.
— Ne sois pas aussi désobligeante, rétorqua Catriona.
Au même instant, deux servantes entrèrent dans la chambre et se joignirent à elles. L'une d'elle avait une grande bassine et des sachets de gaze remplis d'herbes et de bandelettes déchirées dans un vieux drap de lin. L'autre transportait deux sceaux d'eau bouillante à bout de bras et donnait l'impression que ce n'était pas plus lourd qu'une plume.
— Merci Olga, déposez-la devant la cheminée, poursuivit Mairhead, satisfaite.
Alors qu'elles quittèrent la chambre d'un pas rapide, son amie versa l'eau dans la baignoire et ajouta quelques herbes.
— Est-ce de la consoude ? reconnut Catriona à l'odeur.
— Oui et de l'écorce de cerisier. Depuis quand tu connais les plantes ?
— Depuis que je côtoie Evrard.
Mairhead eût un sourire en coin, mais ne fit aucun commentaire. Elle aida son amie à se relever et retira les étoffes qui la couvrait avec une infinie précaution. Le tissu collait aux blessures, arrachant les croûtes de sang séché et créant des petites perles rougeâtres qui sillonnaient sa peau laiteuse.
— Je suis désolée, s'inquiéta-t-elle en voyant grimacer Catriona.
La noble esquissa un sourire chétif. Finalement, le dernier bout de couverture glissa sur son corps dans un soupir de soulagement commun. Nue, elle fût aidée par Mairhead à plonger dans la bassine.
— Comment t'es-tu fais toutes ces blessures ?
— C'est une très longue histoire...
— Je veux tout savoir.
Alors, la jeune femme expliqua longuement l'attaque du carrosse, le meurtre du cocher et des serviteurs, sans oublier son départ tumultueux de Dunkerque.
— Cela devait vraiment être terrifiant pour toi. Mais cela n'est qu'une partie de l'histoire, n'est-ce pas ? Comment se fait-il que tu sois si proche de ce criminel ?
— Je t'interdis de parler de lui ainsi. Je ne serais jamais arrivé ici s'il n'avait pas été là, gronda-t-elle farouchement.
Mairhead battit aussitôt en retraite.
— Je suis désolée, je ne voulais pas être irrespectueuse.
— Tu l'es.
— Je ne comprends pas, balbutia-t-elle, choquée par son comportement. Qu'est-ce qui t'arrives ?
Catriona poussa un soupir, se sentant un peu coupable de voir des larmes embuées les yeux de son amie.
— C'est juste qu'il s'est passé beaucoup de choses depuis mon départ d'Amboise, avoua-t-elle. Je ne suis plus tout à fait la même. Et Evrard n'est pas du tout celui que tu crois.
— Il n'a jamais violé de femmes ?
— Bien sûr que non. Ce n'est pas ce genre d'homme.
— Quel genre est-il dans ce cas ?
— J'ai appris à le connaitre durant notre périple. C'est quelqu'un de fiable et d'honnête. Il est tellement plus que ce qu'il laisse apparaître au premier regard. Il est profond et authentique.
— Vu avec quelle passion tu prends sa défense, j'en conclue que c'est un homme bien.
— Je lui confie ma vie sans hésiter.
Nikkihlous & kratzouille29
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