68. Catriona
Malgré son état vaseux et sa vue brouillée, Catriona distingua sans mal l'homme qui se tenait devant elle. Lord Byron n'avait guère changé au cours de ces huit dernières années. Son regard la contemplait toujours avec bienveillance. Sa moustache était devenue complètement grise, mais son sourire demeurait aussi radieux que celui d'un jeune homme. Catriona eût une pensée émue pour son épouse, Lady Byron, tragiquement décédée au couvent. En se remémorant leurs complicités fusionnelles, elle se demandait comment il avait tenu le coup à l'annonce de sa mort.
Alors qu'il s'approchait d'elle, Catriona fit un signe à Evrard pour qu'il la dépose à terre. Les deux pieds au sol, elle tenta d'exécuter une révérence mais n'eut pas la force. Heureusement, le bras de son compagnon de route la soutenait fermement.
— Lord Byron, salua-t-elle. Excusez ma tenue.
— Ce n'est rien ma chère, répliqua-t-il en serrant sa main dans la sienne. Seigneur, mais vous êtes glacée ! Avons-nous des vêtements chauds et secs à lui donner ? ajouta-t-il à l'adresse de ses serviteurs.
L'un d'eux s'engouffra dans le carrosse et revint avec une épaisse cape doublée de fourrure noire. Le Lord tendit le vêtement à Evrard qui l'enroula autour des épaules de la jeune femme.
— Mes condoléances pour votre épouse.
Un éclair de tristesse passa dans ses yeux mais s'estompa presque aussitôt.
— Je vous remercie, la gratifia-t-il. Cela remonte à si loin maintenant. L'annonce a été un tel choc. Je crois savoir que vous étiez présente lorsque c'est arrivé ?
— Oui c'est vrai, acquiesça-t-elle d'un air grave.
— J'espère que vous pourrez me raconter plus en détail ce qu'il s'est passé lorsque vous serez en meilleure santé.
— Bien entendu.
Catriona posa une main sur le bras d'Evrard et lui chuchota :
— Donnez-lui la lettre.
— En êtes-vous certaine ? demanda-t-il sur le même ton.
Elle hocha péniblement la tête et le Chevalier obtempéra. Il la fit s'asseoir sur un rocher et tendit la lettre au seigneur. Ce dernier la déplia et commença à la lire, les sourcils froncés.
— Est-ce bien ce que je crois que c'est ? s'exclama-t-il, incrédule.
— Oui, approuva Catriona d'une voix faible.
Elle devait lutter de plus en plus contre son propre corps, ses paupières papillonnaient pour tenter de garder une vision nette.
— C'est... ma mère qui l'a écrite.
Evrard dût sentir que son état se détériorait, car il se rapprocha au plus près d'elle et maintenait ses épaules entres ses larges mains. Une douleur aiguë revint subitement l'assaillir et ses oreilles s'étaient remises à bourdonner. Elle entendait vaguement la voix du meilleur ami de son père, mais sans comprendre ce qu'il disait. Catriona fût prise d'un violent vertige et sa vision se troubla. Elle se sentit vaciller, malgré le bras du Chevalier autour de sa taille pour la soutenir. Une boule se noua dans sa gorge et son ventre se crispa désagréablement. Malgré de grandes inspirations pour se forcer au calme, elle ne parvint pas à résister aux pulsions de son corps meurtri et l'obligea à se plier en deux. Sans retenu, elle vomit.
— Mordiable !
Le juron d'Evrard lui indiqua qu'il avait dû en recevoir sur ses bottes.
— Décidément, vous ne m'aurez rien épargné !
— Je...désolée, bredouilla-t-elle.
Il allait devoir se contenter de ça, car elle était incapable de prononcer un mot de plus.
— Donnez-lui de l'eau, exigea Lord Byron. Et de quoi se restaurer !
Des bruits de pas se rapprochèrent et une gourde rentra dans son champ de vision. Elle la porta à ses lèvres et bu quelques petites gorgées prudentes. Et ce fût à ce moment-là qu'elle se rendit compte à quel point sa gorge était sèche. Elle repoussa la bouteille contre le torse du Chevalier et attrapa le morceau de pain qu'on lui apportait. A nouveau, elle ne prit que quelques petites bouchées, par crainte que son estomac ne les rejette.
— Inspirez profondément, préconisa-t-il. Vous allez bientôt vous sentir un peu mieux.
Il avait raison : Elle recommençait à retrouver ses esprits.
— Nous devrions y aller, elle a besoin de soin. Ma soigneuse est une femme de grande connaissance et saura la rétablir.
Evrard lui prit les mains et plongea son regard dans le sien.
— Avez-vous la force de vous lever ?
— Je pense...
Il l'aida à se redresser et la soutint tandis qu'elle faisait quelques pas malencontreux en direction du carrosse sous les yeux interrogateurs du seigneur.
Nikkih & Kratzouille299
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