66. Catriona
Dans la pénombre, une douleur aigue lui traversa la colonne vertébrale et irradia son corps, qui réagit d'un spasme flagrant et réveilla la jeune femme. Son cœur tambourina dans ses tempes et il lui semblait qu'il allait s'échapper de sa bouche, alors que ses paupières étaient encore lourdes. Une main brûlante, rassurante, se posa délicatement sur sa clavicule et un cheveu lui chatouilla le nez. Alors que Catriona ouvrit un œil, elle sentit l'étreinte se resserrer autour d'elle. La tête de son compagnon se glissa dans son cou et sa barbe naissante effleura sa nuque et lui provoqua un frisson délicat. Il fût vite remplacé par un mal de crâne lancinant, à tel point qu'un gémissement plaintif franchit ses lèvres gercées, elles aussi sensibles.
— Ne bougez pas, lança-t-il dans un souffle.
Rêvait-elle ?
— Evrard ? chuchota-t-elle.
— Je suis là. Ne vous inquiétez pas.
Contre ses indications, la jeune femme se tourna sur le dos dans un couinement de souffrance. La migraine lui procurait un inconfort qu'elle avait du mal à supporter. Lorsqu'elle arriva enfin à ouvrir les yeux, ils plongèrent dans ceux de son guide, embués et épuisés. Son visage transpirait l'inquiétude, l'émoi, mais un sourire naquit malgré tout sur ses lèvres et sa paume caressa doucement sa tempe parsemée par de mèches de cheveux humides.
— Je suis bien content que vous soyez encore parmi nous.
La jeune femme tenta de se redresser sur ses coudes.
— Restez tranquille.
— Ça va aller, marmonna-t-elle. Je suis... juste un peu étourdie... c'est tout.
Mais ses bras cédèrent sous son poids et sa tête atterrit lourdement sur le sol.
— Il vous faut du repos et du calme.
Elle étouffa quelques protestations, mais la jeune femme se rendit vite à l'évidence que toutes les parties de son corps lui faisait endurer un véritable supplice.
— La lettre ? s'inquiéta-t-elle en se massant la tempe de ses doigts tremblants. Où est-elle ?
La jeune femme s'agitait dans l'étreinte d'Evrard et finit par lui faire face.
— Je l'ai, dit-il en la sortant de sa bourse. Je l'ai, répéta-t-il inlassablement jusqu'à ce que l'information daigne lui parvenir au cerveau.
Elle arracha la missive de ses doigts dans un soupir de soulagement.
— Pourquoi est-elle si importante ?
— Elle comporte les éléments dont j'essayais de vous faire part sur le bateau, asséna-t-elle, comme si un regain d'énergie l'avait foudroyé. Mais vous n'avez pas voulu m'écouter.
— Je n'étais pas en état d'entendre quoi que ce soit.
Sa voix était devenue plus dure et froide, comme s'il ne lui avait toujours pas pardonné son comportement. Elle ne pouvait plus le supporter.
— Je suis désolée de ce que j'ai pu dire et faire, je ne voulais pas mettre le feu à votre domaine, croyez-moi, s'excusa-t-elle en affichant une mine grave. Et encore moins que Néline perde son enfant.
Le Chevalier se tourna sur le dos en soupirant et se gratta la nuque quelques secondes, le regard perdu sur la cime des arbres.
— Elle est forte, elle s'en remettra, certifia-t-il suivant une brève hésitation.
— Je l'espère.
Après un long moment de silence, Evrard glissa une main sur son cou et attira son visage contre son torse, lui offrant un peu de confort.
— Quels éléments sont mentionnés dans ce pli ? la questionna-t-il.
— Elle a été rédigée par ma mère.
— Qu'a-t-elle écrit ?
Catriona usa de ses maigres forces pour déplier la lettre.
— Ici, elle demande aux hommes qui nous ont attaqué à Dunkerque de me tuer contre une grosse somme d'argent, indiqua-t-elle au Chevalier, qui l'écoutait avec attention. Elle a signé de sa main, et son sceau est encore visible.
— C'est donc la preuve de sa culpabilité ?
— Exactement, approuva-t-elle en levant les yeux vers lui. Si nous la présentons à Lord Byron, il l'apportera à la régente qui prendra acte que ma propre mère a tenté de me faire assassiner. L'infanticide est un crime qui vaut la peine de mort.
— Donc si elle pose un pied sur le territoire écossais, votre mère serra immédiatement arrêtée ?
— Et même la Cour de France ne pourra rien faire pour la sortir de là.
Catriona voulu esquisser un sourire triomphant mais qui ressemblait davantage à un rictus douloureux. Ses oreilles recommençaient à bourdonner, lui faisant fermer les yeux quelques instants.
— Quelque chose ne va pas ? s'enquit-il
La jeune femme se massa les tempes en cercles concentriques, sans parvenir à effacer les élancements de sa tête.
— J'ai la tête lourde, soupira-t-elle.
— Reposez-vous, décida-t-il aussitôt.
— Non, il faut que vous entendiez ce que j'ai à vous dire.
— Cela peut attendre.
— S'il vous plaît, c'est important.
Elle ne voulait pas sombrer avant qu'Evrard ne sache toute l'histoire.
— Les hommes qui ont attaqué le carrosse sont également des hommes de mains envoyés par ma mère.
— Comment pouvez-vous en être sûre ?
— Ils se sont disputés et je les ai entendu parler de leur commanditaire. Cela ne peut être que Jane D'usez.
— Si elle ne cherchait pas sans cesse à vous tuer, j'éprouverais presque de l'admiration pour sa détermination.
Catriona s'éloigna de lui, écœurée.
— Vous ne voulez pas terminer le travail pendant que vous y êtes ? La récompense pour ma tête vous permettrait enfin de vous acheter votre lopin de terre !
— Je préfère quand votre tête reste sur vos épaules, même si parfois elle est très bruyante.
— Puisque je jacasse trop à votre goût, je vais donc me taire, répliqua-t-elle froidement en lui tournant le dos.
— Est-ce qu'un jour vous arrêterez d'être susceptible ?
— Si cela vous dérange autant, passez votre chemin, vous l'avez déjà fait. Deux fois.
— Il n'est pas exclu que je recommence.
— Dans ce cas, ne vous gênez pas, je suis parvenue à échapper à mes assaillants.
— Un exploit que je souligne, commenta-t-il. Comment vous vous y êtes prise ?
Catriona lui fit face
— J'ai semé le doute entre eux. Je leur ai fait croire que ma mère allait les tuer.
— Mais visiblement, ce ne fût pas suffisant.
Les yeux de la jeune femme s'embuèrent.
— Malheureusement pas, cela m'a toujours permis de les distraire le temps que je me jette dans le fleuve. J'ai tenté de garder ma respiration aussi longtemps que possible... Je crois qu'ils me pensent morte.
— Et c'est bien mieux ainsi, approuva Evrard. Votre idée était périlleuse, mais c'était la meilleure solution qu'il fallait prendre. Puisqu'ils croient que vous avez périt, nous disposons d'un avantage considérable.
— Pour l'instant, tout du moins, objecta-t-elle. Mais ils découvriront la vérité lorsque...
La jeune femme ne pouvait finir sa phrase. Elle avait failli dire « nous », alors que le Chevalier l'avait abandonné.
— Est-ce que vous comptez rester ? risqua-t-elle.
— Il semblerait que je ne puisse pas vous laisser seule sans qu'une catastrophe vous tombe sur la tête.
Sa remarque lui arracha un petit rire, mais rapidement, elle se tint les côtes en grimaçant.
— Au moins, je l'ai sur les épaules.
Nikkih & kratzouille29
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