60. Catriona

Le lendemain matin, les deux compagnons débarquèrent à Edimbourg. Les toits se découpaient sous les premiers rayons du soleil. Malgré l'heure matinale, les quais grouillaient de monde et d'activités. Des marins sortaient des cales des tonneaux, des sacs de blés, des paniers d'osiers empestant le poisson et des chèvres. Le percepteur était très occupé à noter sur son registre les marchandises des différents bateaux.

Catriona observait l'effervescence et les maisons alentours. Un pincement de déception la saisit lorsqu'elle constata que personne n'était venu l'accueillir. Elle espéra que sa missive était bien parvenue à Lord Byron. Tout en se demandant comment elle allait rejoindre Loveday hall, elle remarqua un échange entre Evrard et le capitaine.

— Le Petit Jean repart en début d'après-midi, l'informa-t-il.

— Et en quoi c'est important que je le sache ? répliqua-t-elle sèchement.

— Je repars à son bord.

La jeune femme conserva un visage impassible, mais elle bouillonnait intérieurement.

— Alors c'est ainsi ? gronda-t-elle. Votre décision est irrévocable ?

Il la dévisagea avec froideur.

— J'ai rempli ma part du contrat. Je devais vous conduire jusqu'à Edimbourg, vous y êtes. Nos chemins se séparent ici.

— Vous allez vraiment vous en aller de la sorte ?

— Si vous souhaitez que je m'incline devant vous, belle et Noble Dame, sussura-t-il.

Il esquissa une révérence moqueuse sous le regard condescendant de Catriona.

— Vous faites peine à voir, déclara-t-elle avec dédain.

— Raison de plus pour que je ne vous importune plus de ma présence. Nous sommes trop différents pour que cette histoire ne mène quelque part, inutile d'en souffrir davantage.

— Bien. Bonne chance. Je vous souhaite tout le bonheur avec Néline.

— J'espère que vous trouverez mieux qu'Amaury.

— Et mieux que vous. Ce ne sera en tout point pas difficile.

— C'est certain.

Evrard tourna les talons et rejoignit l'équipage qui s'était dirigé vers la première taverne en vue.

Elle ne le croyait pas quand il la menaçait de s'en aller. Et maintenant qu'il s'éloignait d'un pas traînant vers l'établissement, la jeune femme espérait qu'il se retourne. Juste une fois. Mais plus il avançait dans cette direction, plus elle se décourageait et plus le pincement qui avait saisi son cœur un instant auparavant le serrait, jusqu'à le tordre. L'idée de l'appeler lui traversa l'esprit, mais sa conscience, qui réfléchissait encore aux différentes possibilités, réagit trop tard. Evrard avait franchi la porte avec les marins et avait disparu derrière celle-ci.

Il n'avait pas daigné se retourner. Comme si elle n'avait été qu'une inconnue.

Catriona reprit sa route, la tête basse et le moral au plus bas. Jamais Evrard ne l'avait tant déçu. La colère s'insurgeait en elle en repensant à tous les mots cruels qu'il a eu à son encontre. Elle s'éloigna de quelques pas avant de réaliser que sa situation la rendait vulnérable. Elle n'avait aucune idée de la direction à prendre et à qui s'adresser pour l'aider. La seule personne en qui elle avait confiance venait de lui tourner le dos et disparaître de sa vie. Il lui était impossible de marcher jusqu'à son domaine compte tenu des nombreux dangers qui la guettaient sur les routes.

Le tintement d'un tambourin lui parvint aux oreilles et elle tourna la tête pour en deviner la provenance. Plus loin dans la rue, une petite foule s'était amassée autour d'un barde et d'un jongleur. Le premier chantait un air enjoué, louant les exploits d'un héros mythique du pays, tandis que le second faisait voler ces quilles de plus en plus haut dans le ciel sous les exclamations ravies du public. Catriona s'immisça dans le groupe pour mieux apprécier le divertissement.

Tandis qu'elle les observait, une idée lui vint. Peut-être pouvait-elle leur proposer de voyager avec eux. S'ils se rendaient à Stirling, le voyage en leur compagnie lui garantirait la sécurité, car les ménestrels se déplaçaient souvent en nombre et savaient se défendre.

— Excusez-moi, Milady, intervint une voix masculine dans son dos.

Elle sursauta et se retourna pour faire face à un homme d'âge mûr à l'allure modeste.

— Êtes-vous Catriona Loveday ?

La jeune femme fronça les sourcils d'un air méfiant, prête à détaller comme un lapin. Elle avait vécu suffisamment de mésaventures pour ne pas dévoiler facilement cette information.

— Qui la demande ?

— J'ai été envoyé de la part du Comte Fergus Byron. Vous ressemblez étrangement au portait qu'il m'a montré pour distinguer la femme que je recherche.

— A-t-elle autre chose qui pourrait certifier son identité ?

S'il mentionnait la chevalière, elle saura qu'elle pouvait lui faire confiance et qu'il était bien celui qu'il prétendait être.

— Certainement. Mon maître m'a parlé d'une chevalière frappée aux armoiries de la famille Loveday.

Par reflexe, Catriona porta la main à son bijou.

— A quoi ressemble-t-elle ?

— Un écureuil avec un gland en or entre ses pattes, Milady.

— Un écureuil comme celui-là ? demanda-t-elle en lui tendant sa main ornée de la bague.

Le serviteur plissa les yeux pour mieux la distinguer et son visage s'éclaira.

— Lady Loveday ! s'exclama-t-il, soulagé. Je suis rassuré de vous avoir trouvé. Je n'espérais plus votre arrivée. Cela fait des jours que j'écume le port à votre recherche.

— J'ai débarqué ce matin à Edimbourg.

— Vraiment ? Nous avons reçu l'annonce de votre arrivée depuis bien plus longtemps que cela. Mais peu importe ! Permettez que je vous accompagne jusqu'à votre carrosse.

— Je vous suis, sourit-elle, soulagée.

Ils longèrent une large rue bordée de maisons en pierres. Catriona devait faire plusieurs détours afin d'éviter des flaques de boue.

— Voyagez-vous seule, Milady ?

— Oui.

La jeune femme tenta de ne plus repenser à Evrard, en vain. Elle aurait voulu le savoir à ses côtés à cet instant, même si elle était en colère contre lui.

Un carrosse l'attendait plus loin. Le cochet et le valet s'inclinèrent devant elle. Le serviteur lui ouvrit la portière et l'aida à monter. Elle se retrouva dans un habitacle confortable bien que modeste.

— J'espère que vous n'êtes pas lassée de voyager, car nous avons encore beaucoup de route à faire.

— Quand arriverons-nous à Loveday Hall ?

— Nous irons au domaine de Lord Byron, Milady, corrigea-t-il. Il vous attend avec impatience.

— J'ai hâte de le revoir.

Un coup de fouet claqua et l'habitacle s'ébranla. Rapidement, il quitta l'agitation du centre, laissant place au calme de la campagne.

Catriona ne lança pas un regard en arrière, laissant son passé sur le bas-côté de la route.

Nikkihlous & kratzouille29

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