50. Catriona

L'atmosphère était chargée d'une envie de transgresser les barrières qu'ils avaient eux-mêmes instaurés.

Ses lèvres, éraflées par la colère des Hommes, l'appelaient, c'était indéniable, une vraie torture pour elle. Et quand sa tête s'approcha de plus en plus près... Si près qu'elle sentit son souffle chaud sur sa peau laiteuse et son index effleurer sa joue, elle crut perdre pieds.

Evrard semblait lutter, contre ces premières vagues de désir, contre cette tension naissante, cette situation si délicate. Mais alors que quelques centimètres seulement les séparaient, d'un mouvement hésitant, sa bouche effleura celle de la jeune femme.

Le bruit de sa respiration était trop excitant, les picotements fourmillaient partout en son fort intérieur et Catriona eût un frisson. Il referma sa main sur sa nuque, tandis que ses lèvres emprisonnèrent les siennes, créant une explosion de passion. Elle émit un cri étouffé, et il profita de sa bouche entrouverte pour y glisser sa langue.

Ses doigts fins se perdirent dans ses cheveux, le mouvement était si doux et si agréable que le Chevalier glissa sa main jusqu'au creux de ses reins pour la presser contre lui.

— C'est une folie, chochuta-t-il contre son oreille.

Elle hocha la tête, se mordant la lèvre inférieure. Elle savait qu'ils n'auraient pas dû commencer, qu'elle devait cesser immédiatement, mettre un terme à cet appétit impérieux, mais son sang tambourinait dans ses tempes. Et quand elle sentit son excitation contre sa cuisse, son corps s'embrasa une fois de plus.

Bien que son membre fût dressé dans son pantalon, il gardait un certain calme, comme s'il ne voulait pas la brusquer, ni la forcer à quoi que ce soit. Et cela la rassurait, tout son être se détendait dans son étreinte.

Délaissant sa bouche, il goûta la saveur légèrement salée de son cou en lui donnant des petits baisers suaves. Ses doigts parcouraient son décolleté, dessinaient un arc atour de son sein, mais comme s'il pensait qu'il allait trop loin, le dos de sa main remonta pour lui caresser doucement la chair de son cou et de sa joue.

S'enhardissant, elle glissa sa main sur sa nuque pour attirer son visage vers le sien.

— Embrassez-moi, lui intima-t-elle d'une voix pressante. Embrassez-moi maintenant.

Il sourit, vaguement perturbé, mais les mots qu'il prononça n'étaient pas pour ravir la jeune femme haletante :

— J'aimerais beaucoup, mais il faut que je sois certain que nous ne risquons rien pour la nuit.

A regret, il la souleva dans ses bras, puis la reposa sur le sol dans un soupir avant de se lever.

— Cela ne m'enchantes guère, croyez-moi.

Catriona fit une moue de dépit, ne voulant pas rester toute seule dans le noir, loin de lui. Elle sût que c'était sans espoir lorsqu'il sortit son couteau.

— Tenez, lança-t-il en le lui tendant. S'il y a quoi que ce soit, hurlez et j'accourais. Je ne serai pas long.

Elle acquiesça, légèrement inquiète.

— A tout à l'heure.

C'était étrange cette façon qu'il avait de la fasciner. Elle n'avait jamais rêvé à rencontrer un homme comme lui et encore moins à s'y attacher si fort que la pensée de vivre à deux naîtrait en elle. Catriona savait que ses sentiments étaient une mauvaise chose, que de tomber amoureuse n'était pas une option. Il n'avait rien à lui donner, songea-t-elle une fois de plus. Pourtant, elle ne pût s'empêcher de penser naïvement que « Loveday » était un nom qu'elle aurait volontiers partager si cela avait été faisable.

Quelques minutes après qu'Evrard soit parti, la jeune femme entendit un bruit au loin. D'une main tremblante, elle pointa le couteau dans la direction, mais après un instant qui lui parût des heures, aucun son ne ressortit à part le crépitement du feu et la pluie qui heurtait les feuilles des arbres avant de s'écraser sur le sol. L'arme solidement serrée dans son poing, ses bras entourant ses jambes, elle fixait les flammes orangées qui luttaient contre les gouttes qui parvenaient à s'inviter sous leur abri. Un tintement de pièces métalliques se frottant les unes contre les autres la fit sursauter.

Elle brandit le couteau et le pointa d'un geste qui se voulait menaçant contre l'homme qui venait de surgir de l'obscurité. Son accoutrement, misérable, dégoulinait, et un grigri pendait à sa ceinture faite de corde.

— Ne m'approchez pas ! hurla-t-elle, effrayée.

L'homme leva les mains en signe de reddition.

— Qui êtes-vous ? s'enquit-elle d'une voix agitée.

— Je ne vous ferai aucun mal, M'dame, je veux juste me réchauffer vers le feu, répondit-il avec assurance.

Elle hésita un instant, le scrutant de bas en haut. Il paraissait jeune et grelottait de tous ses membres. Ce miséreux avait sûrement dû être surpris par la tempête.

— C'est entendu, reprit-elle d'un ton froid. Venez.

— Merci.

La lame toujours pointée dans sa direction, tremblait dans sa main. L'homme s'accroupit vers le feu.

— Pouvez-vous arrêter de balancer ce couteau devant moi ?

— Je ne pense pas, non, rétorqua-t-elle. Je ne vous connais pas.

— Je ne vous veux aucun mal, M'dame, protesta-t-il.

— Si cela vous dérange, partez.

L'homme se contenta de hausser les épaules et ne bougea pas. Pendant un moment, ils se dévisagèrent à la dérobée. Derrière sa longue barbe, une cicatrice en forme de triangle avait été récemment tracée. Au vu du symbole, elle n'avait certainement pas été faite par hasard. Mais elle ne connaissait rien aux rites et coutumes du nord du royaume. Peut-être était-ce simplement un signe distinctif d'un membre agrée d'un village proche ? Avec ce qu'elle avait vu au village juxtaposant Amboise, cela pouvait tout à fait être plausible. Sentant son intérêt, l'homme rabattit le col de sa veste sur sa nuque.

— Vous êtes seule dans ces bois ? Ce n'est pas très prudent.

— Non, souffla-t-elle.

— Vous n'êtes donc pas une de ces nouvelles aventurières qui parcourent les forêts à la recherche de filtres et d'enchantements auprès de sorcières ?

Elle se contenta de secouer la tête, ne souhaitant pas approfondir la conversation avec cet inconnu qui se montrait très intrusif.

— C'est dommage, il y en a quelques-unes dans la région qui auraient pu vous vendre monts et merveilles.

— Je n'en ai pas besoin.

Un silence tendu s'installa entre eux.

— Est-ce que vous avez quelque chose à manger ? demanda-t-il avec espoir.

— Voyez-vous quoi que ce soit à manger ici ? répliqua-t-elle sèchement.

Au même moment, une voix grave gronda non loin.

— Mordiable ! hurla-t-il.

La main sur le manche de son épée, le regard furibond d'Evrard se balançait incessamment entre Catriona et l'inconnu.

— Eloigne-toi d'elle ! ordonna-t-il.

L'homme se leva brusquement et recula, les bras en l'air.

— Ne me tue-pas ! le supplia-t-il. Ne me tues-pas.

— Qui es-tu ? s'enquit le Chevalier, toujours la main sur le fourreau.

— Je voyage.

— Tu es un marchand ? demanda Evrard en tirant l'arme hors de son étui pour l'intimider.

— Voyez-vous un quelconque chariot rempli de trésors en tout genre ?

— Alors pourquoi voyages-tu ?

L'inconnu ne bougeait pas, alors que la pluie se déversait sur les deux hommes.

— Et vous ? répartit-il d'une voix qui se voulait provoquante.

Evrard soupira, dégoulinant.

— Réponds à ma question.

— Vous n'êtes guère avenant en braquant cette épée sur moi.

Catriona les observait dans leur joute verbale, le poing encore fermement serré sur le couteau. Elle était partagée entre le soulagement que le Chevalier gère la situation et l'agacement de la méfiance exagéré dont il faisait preuve envers l'inconnu.

— Depuis combien de temps nous espionnes-tu ?

— Vous espionner ? Non, je n'ai pas pu résister à la chaleur d'un bon feu.

— Ai-je une tête de Niot ? asséna-t-il rudement. Tu n'es pas là par hasard, avoue-le.

— Laissez-le tranquille, Evrard, intervint Catriona d'une voix lasse. Vous voyez bien qu'il ne fait que passer.

— Je ne souhaite qu'un abri, la pluie m'a prit au dépourvu, comme vous.

— Pas vraiment, puisque moi j'ai eu le temps de construire un abri et de faire un feu.

— Pardonnez ma maladresse, je ne voulais pas vous offusquer.

— Ta seule présence m'indispose, cracha Evrard.

— Dès que l'averse sera passée, je vous promets de ne plus vous importuner. Ayez pitié...

Le Chevalier le jaugea longuement et rangea son épée d'un geste sec.

— Soit, annonça-t-il sans détour.

L'inconnu revint s'asseoir auprès de Catriona sous l'abri. Evrard s'invita entre eux, lui lançant parfois des regards méfiants. Après un long silence, la noble se mit en quête de réponses.

— D'où venez-vous ?

— Est-ce que vous venez de Paris ? J'ai croisé bon nombre d'itinérants chargés de babioles en vue des grandes festivités organisées, répondit l'homme en éludant sa question.

— A qui as-tu prêté allégeance ? demanda Evrard d'un ton impérieux.

— Personne, riposta-t-il immédiatement. Je ne suis qu'un modeste habitant de ces bois.

— Est-ce pour cela que vous m'avez parlé de sorcières ? l'interrogea Catriona. Avez-vous déjà eu affaire à elles ?

— Leurs apparences sont trompeuses. Si j'en ai déjà vu, Dieu seul le sait.

— Mon ami ne croit pas en l'existence de ces créatures, objecta-t-elle, tandis que son compagnon se crispait davantage.

— Pourquoi n'avez-vous pas demandé aux lutins des bois de vous construire une cabane, plutôt que de nous ennuyer avec vos histoires ? riposta Evrard.

— Vous avez beaucoup d'humour.

— Mais pas beaucoup de patience.

La jeune femme préféra changer de sujet avant que la situation ne dégénère.

— Que représente cette cicatrice ? demanda-t-elle en désignant son cou.

— Un triangle.

Evrard se redressa brusquement.

— Quelle cicatrice ?

— Ce ne sont pas vos affaires, trancha-t-il d'un ton buté.

— C'est à moi d'en juger.

L'inconnu soupira et dégagea son cou pour leur montrer son stigmate avant de remettre son vêtement en place.

— Une malencontreuse rencontre aux abords des routes, précisa-t-il.

— Vous vous êtes fait attaquer par un gnome ? ironisa le Chevalier.

— Evrard ! protesta Catriona en lui donnant un coup de coude dans le bras.

Un silence gêné s'installa entre eux.

L'heure qui suivit était tendue. Et quand l'averse s'était enfin estompée, Catriona soupira de soulagement. Evrard somma l'individu de partir sans attendre, ce qu'il fit.

Et comme il était arrivé, il disparut dans la nuit.

Nikkihlous & Kratzouille29

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