38. Catriona
Un bruit de fracas fit sursauter la jeune femme, paisiblement endormie. Quelqu'un tambourinait comme un sourd derrière la porte de la chambre.
— Dépêchez-vous ! hurla Evrard. Nous devons partir au plus vite !
Dans la panique, Catriona sortit du lit à la hâte et lui ouvrit.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle en haussant un sourcil interrogateur.
Evrard, la bouche semi-ouverte, n'avait même pas entendu sa question, comme happé par sa beauté, son regard se posa sur les courbes de la jeune femme, oubliant même sa hâte à quitter la ville. L'habit de la jeune femme était tout en transparence. La longue chemise en soie laissait distinguer l'aréole rosé et le relief de ses tétons, qui pointaient à travers le tissu noir. Sa culotte à Baptiste de la même couleur semblait ravir le Chevalier, qui s'y attarda longuement.
Comprenant l'engouement de son guide sur son corps, elle plaça ses bras contre sa poitrine, gênée. Son geste le fit aussitôt sortir de sa torpeur, il se racla la gorge.
— Pardonnez-moi, mais nous devons partir sur le champ, annonça-t-il. Habillez-vous.
Son comportement avait troublé la jeune femme, mais lui avait aussi beaucoup plus. Bien loin de ressembler à Florie, son corps lui avait pourtant fait de l'effet. Cette pensée créa une nouvelle sensation dans le bas de son ventre, et la fît rougir.
Plus le voyage avançait, plus elle se découvrait, et plus elle le discernait.
Toutefois, par pudeur, elle attrapa la couverture et la plaça autour d'elle, avant de glisser une main dans sa crinière encore indomptée.
— Pourquoi cette précipitation ?
Il se racla une seconde fois la gorge avant de prendre un ton grave :
— Rodolphe est de retour dans la région.
L'atmosphère changea immédiatement. L'annonce suscita la crainte chez la jeune femme. Revoir cet homme qui l'avait fait tant souffrir était inimaginable. Sa respiration s'accéléra, sa gorge se noua, comme si les mains du mercenaire avaient repris possession de son cou. Les images, dans sa tête, défilaient à une vitesse telle qu'elle dut se rattraper au cadre de la porte.
— Est-ce que vous allez bien ? s'enquit-il en voyant la pâleur de la noble.
Catriona ne cessait plus de hocher la tête. Ses mains agrippèrent ses cheveux, laissant tomber sur le sol la couverture sous les yeux du Chevalier qui resta perplexe devant son comportement. S'ensuit des vas-et-viens incessants dans la chambre, baragouinant des jurons, et pas des moindres. Un corps en mouvement tendait à rester en mouvement, et elle craignait, si elle s'arrêtait, de s'évanouir. Puis soudainement, elle s'immobilisa et observa les alentours.
— En êtes-vous sûr ?
Le guide s'adossa au chambranle dans un soupir exaspéré.
— C'est ce que dit la rumeur.
— C'est maigre comme information, commenta-t-elle.
— Croyez-moi, il faut toujours écouter les soldats.
Dans l'urgence, elle enfila le bas de sa robe, puis ce fût au tour du corset et se posta devant lui.
— Au lieu d'attendre bêtement, aidez-moi, cela ira plus vite ! exigea-t-elle.
Il haussa un sourcil, ne s'attendant pas à une pareille remarque.
— Non, je ne vous serai d'aucune aide, refusa-t-il, catégorique.
— Ne me dites pas que vous ne savez pas défaire des rubans, ce n'est pas ce que j'ai pu observer hier soir.
Evrard leva les yeux au ciel.
— Je sais les défaire, certes...
— C'est pareil, à l'inverse et ne me dites pas que vous ne savez pas faire de nœuds, vos bottes vous trahissent.
Catriona ne lui avait jamais montré cette facette autoritaire et cela semblait le charmer à tous les égards. Le sourire qu'il essayait de répudier de son visage en était la preuve. Bien que maladroit, il l'aida à lacer chaque partie scrupuleusement. Une fois habillée, elle roula toutes ses affaires en vrac dans le sac sans prendre le temps de coiffer ses cheveux.
Ils sortirent à la hâte de l'auberge, ne saluant et ne remerciant même pas la tavernière.
Evrard récupéra la jument et ils se dirigèrent d'un pas soutenu en direction de la sortie de la ville. Catriona percevait son inquiétude, il ne cessait de jeter des coups d'œil autour de lui, comme pour s'assurer que le mercenaire ne soit pas dans les parages. Ils parvinrent à franchir les murs d'enceintes et lancèrent leur monture au galop.
— Nous allons bifurquer vers l'ouest, lui annonça Evrard. Cela va rallonger notre voyage, mais je ne peux pas prendre le risque de remonter plus au nord.
— Pas question, nous avons déjà perdu trop de temps !
Alors qu'ils atteignaient le croisement des chemins, cinq cavaliers leurs bloquèrent le passage. Evrard poussa un juron et tira sur les rênes pour immobiliser le cheval.
— Guislain, content de te revoir, sourit Rodolphe. Tu as failli me filer entre les doigts une fois de plus.
— Pour une fois que tu es réactif, répliqua Evrard.
Inquiète, Catriona resserra son étreinte autour de son torse et elle sentit la main de son guide effleurer la sienne dans un geste qui se voulait rassurant.
Cet échange n'échappa pas au mercenaire, qui ricana.
— Je vois que ta charmante amie supporte toujours ta présence.
— Mais elle ne supporte pas la tienne. Aussi, si cela ne t'ennuie pas, nous allons continuer notre chemin.
Rodolphe secoua la tête d'un air faussement navré.
— Cela m'ennuie, bien au contraire. Vois-tu, tu es très attendu et je n'ai pas l'intention de te laisser me faire faux bond une fois de plus.
— Tu devras me rattraper, le provoqua-t-il.
— Inutile ; Gabriel a une arbalète et il sait très bien viser. Ce serait dommage qu'un carreau vienne se loger entre les omoplates de ta douce amie, susurra-t-il.
Catriona sentit Evrard se raidir sous la menace. Elle-même regardait avec appréhension l'arme pointée sur eux.
— Que faisons-nous ? murmura-t-elle à son oreille.
— J'ai bien peur que nous n'ayons pas le choix.
— Je n'ai pas toute la journée, Guislain ! s'impatienta le mercenaire. Descend de ce canasson et rejoins nous avec ta belle.
Lorsqu'Evrard obtempéra, son regard croisa celui de la jeune noble et lui fit un imperceptible signe de tête, comme pour lui signifier que tout allait bien se passer. Ils rejoignirent les hommes de Rodolphe et l'un d'eux lui arracha les brides des mains.
— Pour éviter une tentative de fuite, expliqua Rodolphe en adressant un clin d'œil à Catriona.
— Pour aller où ? répliqua-t-elle sèchement.
— Vous manqueriez un superbe banquet. Gauthier a hâte de revoir notre cher Chevalier destitué.
Si Catriona fût autorisée à rester en selle, Evrard, quant à lui, dût continuer la route à pied, les mains solidement attachés dans le dos, encadré par les hommes de Rodolphe. Le dénommé Gabriel pointait toujours son arbalète sur sa colonne, le décourageant de la moindre ruse pour s'échapper.
Durant les quelques heures qui suivirent, le trajet fût extrêmement pénible, tant pour Catriona qui devait subir les regards et les sourires lubriques de ces hommes, que pour Evrard qui endurait leurs commentaires cruels et leurs railleries.
Soudain, le mercenaire immobilisa sa troupe. Une grande roche taillée indiquant l'entrée sur le domaine de la famille De Ferrand leurs faisait face. Rodolphe se retourna sur sa selle pour lancer un regard moqueur à Evrard qui marchait derrière lui.
— Est-ce que tu t'imaginais revenir dans la région autrement qu'entre quatre planches ?
Evrard, le visage grave, ne répondit pas. Catriona percevait sa colère et sa nervosité.
— Connaissez-vous les De Ferrand, ma douce ? ajouta le mercenaire en s'adressant cette fois-ci à elle.
La jeune femme secoua la tête, négative.
— C'est une puissante famille normande, l'informa-t-il. Il vaut mieux ne pas la contrarier, n'est-ce pas, Guislain ? Gauthier possède les terres, la fortune, l'influence, les...
— Que comptez-vous faire de nous ? le coupa-t-elle d'une voix anxieuse.
Un rire sardonique sortit de la bouche du mercenaire.
— En ce qui vous concerne, je l'ignore. Vous n'étiez pas prévu au programme, même si Gauthier se fera une joie de vous rencontrer, insinua-t-il en coulant un regard vicieux sur elle.
Elle eut un frisson de dégoût et baissa les yeux sur l'encolure de sa jument.
— Ne prenez pas cet air contrit, la réprimanda Rodolphe, agacé. Vous n'avez rien à craindre tant que vous suivez scrupuleusement les règles...ce que vous ferez, n'est-ce pas ?
Dans son dos, l'arbalète émit un cliquetis menaçant, la glaçant d'horreur. Elle ignorait avec quelle famille elle se retrouvait ainsi mêlée, mais cela n'augurait vraiment rien de bon.
— Cesse de l'importuner, Rodolphe, soupira Evrard. A part toi-même, personne ne veut t'écouter.
Les quatre hommes éclatèrent de rire tandis que le mercenaire serrait les poings avec colère.
— Avant que tu ne montes sur l'échafaud, je vais demander à pouvoir te trancher la langue, feula-t-il.
Devant eux, une grande porte en fer forgée se dessina. Le Manoir derrière celle-ci était imposant et austère, flanqué de quatre tours identiques. La bâtisse était étonnamment symétrique et équilibrée, tandis que la porte fortifiée ressemblait à la façade d'une église catholique. En observant l'édifice, Catriona remarqua un blason taillé dans la pierre, au-dessus de la porte, représentant celui de la famille De Ferrand ; un ours se dressait sur ses pattes arrière avec la gueule ouverte. Un sentiment de malaise s'insinua dans ses veines lorsqu'elle aperçut un homme sortir du château, la démarche fière comme celle d'un coq.
Il regarda Evrard en ouvrant les bras avec un sourire moqueur.
— Bon retour à la maison, petit frère, lança-t-il.
Nikkih & Kratzouille29
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