26. Catriona

Le lendemain matin, Catriona se réveilla avec le chant du coq. Après un brin de toilettes, elle se faufila dans sa robe, se contorsionna pour attacher les rubans de son corset dans son dos et coiffa ses longs cheveux bruns avant de les attacher en une tresse sauvage. Elle enfila son manteau, prit son paquetage et descendit prendre son petit-déjeuner.

La surprise qu'elle avait devant ses yeux fit monter une colère telle qu'elle ne put la contrôler, son cerveau lista les mots les plus blessants de son vocabulaire, tandis qu'Evrard, concentré, jouait aux cartes avec un homme au visage crasseux qui paraissait tendu. Ses jambes parcoururent les escaliers aussi vite que possible pour lui dire ses quatre vérités bien méritées, mais lorsqu'elle se planta à ses côtés, une seule question sortit de sa bouche :

— Que faites-vous ici ?

Au même moment, son adversaire se leva brusquement et fit reculer la jeune femme.

— Tu triches ! s'écria-t-il.

— Bien sûr que non.

L'homme pointa du doigt le Chevalier.

— Tu t'en sortiras pas comme ça !

Fou de rage, il attrapa la table et la retourna, faisant voler les cartes et les pièces, et tomba sur les pieds d'Evrard qui grimaça.

Ce dernier empoigna son adversaire par le col, alors que la jeune femme avait retrouvé sa voix. Hystérique, elle hurlait à pleins poumons toutes les pensées qu'elle avait eu durant ses péripéties de la veille :

— Ivrogne !

Evrard colla son poing dans la mâchoire de l'homme.

— Charlatan !

Le client renifla de manière grossière, alors qu'une goutte de sang coula sur sa lèvre supérieure.

— Grippeminaud ! Ecoutez-moi quand je vous parle !

— Je suis un peu occupé, voyez-vous ! répondit-il en évitant de justesse un nouvel assaut.

Le tavernier s'avança vers la jeune femme.

— Voyagez-vous avec lui, Madame ?

— Je n'en ai aucune idée, s'enquit-elle en haussant les épaules. Êtes-vous toujours mon guide ? s'égosilla-t-elle pour être certaine que cela parviendrait à ses oreilles.

Evrard lui envoya un regard incrédule avant de coincer l'idiot entre une poutre et son bras.

— Evidemment ! Pourquoi suis-je ici sinon ?

— Si je ne m'abuses, nous n'avions pas trouver de terrain d'entente lorsque vous êtes parti !

— Sortez d'ici avant que cela dégénère encore plus ! se crispa de plus en plus l'aubergiste en voyant le mobilier se disperser et se casser au rythme de la bagarre.

— Oui, nous allons nous en aller, essaya-t-elle d'obtempérer en tentant de raisonner Evrard. Seigneur Dieu, arrêtez vos bêtises !

— Avec tout ce qu'il s'est rincé le godet, il me doit de l'argent !

— Pardonnez-moi ?

— Vous comptez payer ? reprit l'aubergiste, insistant.

Le Chevalier lui envoya un sourire triomphant, alors que son adversaire tombait étourdi sur le sol. Catriona soupira et sortit de mauvaise grâce quelques pièces qu'elle tendit à l'aubergiste, puis tira rudement Evrard par la manche de sa chemise pour rejoindre l'extérieur.

— Vous n'avez pas honte ? le réprimanda-t-elle d'un timbre plein de colère.

— De quoi devrais-je avoir honte ?

Il vacillait d'un pied à l'autre. Catriona massa ses sourcils en soupirant, puis, avec une détermination farouche, haussa le ton :

— En plus, vous êtes ivre !

— Et vous, qu'une idiote, répliqua-t-il en avançant avec peine vers les écuries. Et je ne suis pas complètement ivre.

— Diable ! Arrêtez de me rabaisser à chaque fois.

— Ce n'est pas moi qui vais m'enfermer dans une auberge en lisière de forêt alors que je suis recherché !

— Vous êtes mal placé pour me donner des leçons. Vous l'étiez aussi !

Sa voix partit dans les aigües et elle manqua de trébucher. D'un geste empressé, elle attrapa le bas de sa robe et rattrapa le Chevalier, qui semblait moins amusé de la situation.

— Pouvez-vous arrêter d'hurler ? Vous me faites mal à la tête.

— Vous vous fichez de moi ? Ce sont les barriques de bières que vous avez ingurgité et que j'ai dû payer qui en est la cause.

Sa réponse était saccarique, mais il n'était visiblement pas prêt à capituler. Il fit mine de réfléchir un instant, avant de rétorquer d'un ton ironique :

— Sachez seulement, jeune Damoiselle, que si vous n'aviez pas été là, je n'y serai pas non plus. De ce fait, c'est de votre faute.

— Pardon ?

Il disparut dans la grange. Il avait eu le dernier mot et elle en avait horreur. Ses pensées fulminaient, imaginant toutes sortes de répliques percutantes et cinglantes pour son retour.

Evrard revint avec Sauvage, lui donna les rênes et rejoignit sa jument.

— Vous n'êtes qu'un...

— Silence, coupa-t-il dans un soupir las.

Son pied valsa autour de l'étrier tandis qu'il jurait sous le regard offusqué de la brune. Le Chevalier mit un temps considérable à se hisser sur sa selle, si reprenant à cinq reprises avant de réussir. Catriona, qui était prête depuis un bon moment, hésitait entre l'amusement et l'agacement que son guide inspirait.

— Vous n'êtes pas ivre, dites-vous ? Vous faites peine à voir.

Pour toute réponse, Evrard lui tourna le dos et talonna sa monture pour s'éloigner d'elle. Catriona le rattrapa au petit trot.

— Vous ne me parlez plus ? demanda-t-elle tout sourire en arrivant à sa hauteur.

— À quoi bon, rétorqua-t-il, alors qu'il lançait sa jument au galop.

— Vous êtes d'un susceptible ! cria-t-elle, essayant de se faire entendre par-dessus le martèlement des sabots.

Irrité, il remit son cheval au pas et la foudroya du regard.

— Vous avez l'air d'un merlan frit.

— Vous êtes aussi assommante qu'une bécasse.

— Quelle idée de boire autant, le réprimanda-t-elle.

— Chacun ses faiblesses. L'avantage avec l'ivresse, c'est que quand elle disparait, je retrouve toutes mes capacités mentales, ce qui n'est pas votre cas.

— En attendant, je n'ai pas mis un temps considérable à monter sur un cheval.

— Il a grandit entre temps, j'arrivais plus à monter dessus.

— Quand est-ce que vos capacités mentales reviendront ? ironisa-t-elle.

— Quand vous cesserez de me parler.

— D'ailleurs, pourquoi avez-vous changé d'avis ? reprit-elle.

— Nous avons passé un marché, non ?

La jeune femme acquiesça d'un signe de tête.

— J'ai donné ma parole, ajouta-t-il. Je vous amènerais en Écosse.

Ses mots la touchèrent et un petit sourire timide s'empara de son visage. Mais la petite voix dans sa tête qui lui jurait que ce n'était pas la vraie raison accompagna sa curiosité en quête de réponses.

— N'y a-t-il vraiment rien d'autres ? Vous êtes simplement un homme de parole ? Permettez-moi d'en douter.

— Comment me voyez-vous alors ?

— Comme un profiteur, lâcha-t-elle cruellement. Hier encore, me réclamiez-vous pas un lopin de terre ? N'est-ce pas pour cela que vous êtes parti ?

Son ton frôlait l'impolitesse. Evrard tira sur les brides et arrêta le cheval.

— Je ne demandais pas grand-chose, une terre à cultiver et un endroit où j'aurai pu vivre tranquillement. Vous m'avez ri au nez et traité comme un lépreux.

— Je ne suis pas en mesure de vous promettre quoi que ce soit, car je ne sais pas moi-même ce qu'il reste. Mon père n'était qu'un petit seigneur sans envergure.

Il soupira bruyamment et baissa la tête sur l'encolure de sa monture.

— Vous mentez, affirma-t-il.

— Pourquoi dites-vous cela ? Croyez-vous qu'une lady mentirait ?

— Quel que soit notre rang, nous avons tous des secrets.

Mal à l'aise, Catriona garda le silence. Evrard haussa les épaules.

— Qu'importe, une meilleure vie m'attend en Ecosse.

Nikkih & Kratzouille29

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