14. Catriona
Amaury et Catriona se baladaient main dans la main dans les jardins du château. Il faisait beau en ce début d'après-midi, les rayons du soleil réchauffaient leurs peaux et donnaient de la bonne humeur après ce printemps pluvieux. Le petit étang que la jeune femme avait vu était bien plus joli de ce côté du domaine, des bleuets et des camomilles s'ouvraient tandis que les magnolias s'épanouissaient avec une magnifique floraison allant du blanc au rose en passant par le pastel. Amaury en cueillit une et la glissa délicatement derrière l'oreille de sa fiancée, qui la fit rougir. Elle allait en adéquation avec sa longue robe blanc crème entièrement faite de dentelles finement ouvragées.
— Te sens-tu plus légère maintenant ? demanda-t-il d'un ton pétillant.
— Oui, mais je ne tiens toujours pas à rentrer au château. Ils me regarderont à nouveau de façon étrange.
Elle se tut un instant, sentant une larme lui monter aux yeux, mais se ressaisit rapidement comme une lady se devait de l'être.
— Si je pouvais tout effacer, je le ferais immédiatement, reprit-elle.
Rien que de repenser à cette histoire, Amaury devint nerveux et ses poings se serrèrent. Les sourcils froncés, son ton haussa sans qu'il ne s'en rende compte.
— Si tu crois que je peux pardonner de tels actes, tu te trompes, Catriona. François, son fils, et le Roi retrouveront qui a osé te faire cela et quand ils auront mis la main dessus ...
— J'espère qu'ils les retrouveront vite, le coupa-t-elle. Rien que de les savoir vivre leurs vies paisiblement me rend malade.
Le jeune homme prit une grande bouffée d'air pour se pousser au calme et laissa réapparaître un sourire rassurant.
— Ils vont payer pour ce qu'ils t'ont fait, jura-t-il en lui caressant délicatement la joue.
Alors que son fiancé s'éloignait d'elle, Catriona prit délicatement la fleur qu'il avait placée dans ses boucles et en huma le parfum enivrant avant d'observer sa dégaine. Sa longue veste bleu foncé presque noir, orné de dorures et de fils d'argent, laissait apparaître une chemise blanche ouverte en V sur son torse et descendait jusqu'à ses genoux. Ses pantalons serrés en cuir et ses grosses bottes à revers noirs paraissaient minuscules sous le tissu de soie du manteau.
Mais quand elle eût fini de le dévorer du regard, il était déjà à plusieurs mètres d'elle.
— Amaury !
Catriona courra à toutes jambes pour le rattraper, laissant tomber tous les protocoles, s'abandonna dans ses bras et noua ses mains autour de son cou avant de lui voler un baiser gourmand. Amaury avait les yeux brillants, apaisé par la chaleur du corps de Catriona lové contre le sien. Il sentit son parfum sucré qui émanait de ses cheveux, se détacha d'elle avant de l'embrasser tendrement sur le front.
— Est-ce vraiment ce que tu souhaites : Être avec moi ?
Elle fixait le blond de ses grands yeux marrons, surprise par sa question. N'avait-elle pas été assez concise dans ses gestes ?
— Bien sûr, c'est ce que je veux le plus au monde.
Son visage s'émerveilla devant sa réponse.
— Alors marions-nous au plus vite, proposa-t-il en lui tendant la main.
Sa voix trahissait toute son impatience.
— Pardon ? s'étonna-t-elle.
— Je compte t'aimer jusqu'à mon dernier souffle, alors pourquoi attendre ?
Le cœur de Catriona se remplit de bonheur. Amaury mis un genou à terre, souriant, et lui déclara :
— Epouse-moi.
Bouche-bée, Catriona noua ses doigts aux siens, avec une expression radieuse.
— Dis oui.
Elle accepta sans hésiter. Amaury, comblé, se redressa et prit son cou dans les mains avant de l'attirer à lui pour partager un long et tendre baiser. Catriona lui caressa la nuque du bout des doigts avant de se sentir soulevée, laissant échapper un petit couinement de stupeur. Ensemble, rayonnants, ils tournoyaient dans le jardin d'épices de la Cour.
— Répète-le moi, s'enquit-il en la reposant.
— Oui, c'est oui ! s'écrit-elle, enchantée.
— J'irai voir le prêtre dès que la fête organisée par la princesse sera terminée, expliqua-t-il, marchant à reculant.
La brune, béate, l'attrapa par le poignet et les deux amoureux s'aventurèrent dans l'herbe.
— Demain, nous serons mari et femme.
Amaury l'attrapa par la taille et la tira contre lui.
— Tu seras ma femme, s'exclama-t-il, d'un air séduisant.
— Je serai ta femme, répéta-t-elle d'un ton suave. Et tu seras mon mari.
Son regard, aguicheur, se porta sur le blond, tandis qu'elle mit une main sur son torse.
— Mais pour le moment, nous avons promis à Elisabeth que nous irions à la fête, reprit la jeune femme, d'un ton plus sérieux.
Amaury fit une moue désenchantée, préférant sûrement n'être que les deux. La brune empoigna sa main et l'encouragea à la suivre avec un bref baiser. Tandis que les deux amoureux couraient dans l'herbe, les talons de Catriona se plantaient dans le sol, l'empêchant de courir aussi vite que son fiancé. Mais quand elle vit ses bras grands ouverts pour lui donner une étreinte, elle ne pouvait que se presser pour le rejoindre. Et comme une sorte de récompense, le jeune homme l'embrassa sur le front.
L'entrée de la grange était très colorée. Des voiles bleus et jaunes, accrochés aux poutres en bois, se balançaient paresseusement au gré du vent. Des bottes de paille étaient réparties ici et là sur lesquels divers instruments de musiques et fleurs séchées étaient accrochés. De petites lanternes pendaient et donnaient un aspect champêtre et chaleureux au lieu. Différents artisans vendaient leurs produits sur des petites tables rustiques. Catriona regarda plus en détail les capes en fourrures et les tissus soyeux d'une échoppe itinérante, mais elle se sentait oppressée par le regard froid et dédaigneux des nobles qui l'entouraient. Amaury lui apporta une coupe de vin, qu'elle remercia d'un sourire.
— A notre vie ensemble, lança gaiement le blond.
La jeune femme laissa échapper un petit rire maladroit avant de prendre une gorgée du nectar sucrée.
— Tout va bien ? reprit-t-il.
La noble demeura silencieuse quelques secondes avant de finalement l'avouer.
— Les gens n'arrêtent pas de me dévisager comme si j'étais une bête sauvage.
— Ne t'ennuie pas avec eux.
— Mais quand cela prendra-t-il fin ? répliqua-t-elle d'un ton sec qu'elle ne pouvait contrôler.
— Laisse-les parler – Il marqua une pause – Je pense que c'est maintenant qu'il faut que je te dise...
— Quoi ?
— Que je t'appartiens, que je suis à toi et à toi seul.
Ces mots ravirent la jeune femme qui rougit.
— Moi aussi, je suis à toi, vraiment.
D'un pas lent, le blond s'avança vers elle. Alors que sa main se posa sur sa hanche, les pieds de Catriona reculèrent à son rythme, comme une danse. Ses iris, happés par les siens, l'enveloppèrent. Sa bouche, d'un geste sensuel, s'entrouvrit avant de se mordre délicieusement la lèvre inférieure. Pendant que ses yeux balayèrent rapidement l'espace pour s'assurer que personne ne les regardait, son dos s'appuya contre le mur de bois et de pierres. Amaury avait trouvé un petit endroit bien caché.
— Est-ce que je peux t'embrasser ?
— Peut-être bien que je te repousserais cet fois-ci, nous sommes en pu...
Amaury prit le visage de Catriona entre ses mains et pressa sa bouche contre la sienne avec passion. Quand il arrêta ce doux baiser, les lèvres de la jeune femme en demandaient davantage, mais Mairhead fit irruption dans ce moment intime, semblant anxieuse.
— Cathie, il faut que je te parle, déclara la demoiselle de compagnie d'un ton sans appel.
— Oh d'accord, répondit-elle. Je te rejoindrais plus tard Amaury.
Il acquiesça et les deux jeunes femmes s'éloignèrent.
— Qu'est-ce qu'il ne va pas ?
— Oh Cathie, c'est horrible...
— Quoi donc ? demanda-t-elle, les sourcils froncés.
— Les gens parlent énormément à tout sujet.
La brune soupira.
— Je sais, pas plus tard que tout à l'heure, je disais à Amaury que les gens me regardaient comme une bête sauvage.
— Ils pensent que tu n'es plus pure, souffla-t-elle en prenant un verre de vin.
— Quoi ?
— Ils t'accusent de ne plus être ... vierge, chuchota son amie.
— C'est impossible.
La noble avait la gorge serrée.
— J'ai appris que ce sont les dames qui t'accompagnaient qui ont lancé la rumeur.
La rousse baissa les yeux d'un air désolé. Amaury revint avec un petit bateau dans les mains, coupant court à leur discussion. Catriona reprit rapidement ses esprits, masqua les émotions qu'avait provoquées la nouvelle et lui sourit poliment.
— Je l'ai acheté pour nous. Il nous reste plus qu'à écrire sur le bout de papier nos regrets et de les faire voguer dans l'étang, expliqua-t-il.
— Je vous quitte, annonça Mairhead avant de faire une rapide révérence et s'éloigner.
Les trompettes retentirent pour annoncer le lancer. Les deux tourtereaux s'empressèrent d'écrire à l'aide d'une plume leurs pensées sur des petits bouts de papier et les attachèrent à la poupe du navire.
— Quels sont tes regrets ? demanda Catriona.
— Si je le dis, peut-être qu'ils ne s'en iront finalement pas comme il était prévu.
— Dans ce cas, il est préférable qu'il en soit ainsi.
Ils le laissèrent aller au gré du vent, s'éloignant avec la vingtaine d'autres petits bateaux en bois.
Catriona avait énormément de regrets, le premier étant d'être sortie du château pour accompagner la Reine, celui-ci semblait avoir un impact tragique sur elle et sur sa réputation, qui l'espérait-elle encore, allait s'effacer avec le temps. Ensuite vint la perte de son père, mort du choléra alors qu'elle n'avait que six jours et bien sûr, ce manque cruel de relation avec sa génitrice. Jane n'avait jamais été une mère pour Catriona, qui préférait s'occuper du domaine de son défunt mari plutôt qu'elle. C'était sa gouvernante, Lady Byron, qui lui avait appris à monter à cheval en amazone et à jouer du piano, mais elle aussi s'était éteinte alors qu'elle était au couvent, emportée par la fièvre.
— Catriona, est-ce que tu viens au bal masqué ? demanda Aileas, la rejoignant, légèrement essoufflée.
— Je ne pense pas.
— Il y a de magnifiques costumes mis à disposition par Elisabeth.
Sans lui laisser le temps de réfléchir, elle déploya un nouvel argument :
— En plus, cela te ferait du bien de t'amuser un peu.
— D'accord, je viendrai, se contenta-t-elle de dire.
Aileas sauta de joie.
— Je vais prévenir Mairhead.
La blonde ne remarqua pas l'air contrarié de son amie, trop excitée à l'idée du bal costumé.
— Je dois comprendre qu'on se revoit ce soir, constata Amaury, le regard posé sur l'horizon tandis que le soleil se couchait.
— Oui, c'est ce qui m'en a tout l'air.
Le jeune homme lui embrassa la main.
— Cela ne m'enchante pas, mais il faut que je t'abandonne, j'ai un prêtre à aller voir, l'informa-t-il avant de s'éclipser derrière un mur.
La jeune femme reprit le chemin jusqu'au château. Ses demoiselles de compagnie s'étaient réunies dans un attroupement de bonhommes et dames qui cherchaient des déguisements dans une énorme malle. Dans un soupir, Catriona rejoignit ses amies Mairhead et Aileas, qui avaient déjà choisies leurs costumes ; en lutin des bois et en fantôme.
— Tu veux vraiment t'habiller en fantôme ? demanda la rousse. Il y a des robes plus somptueuses les unes que les autres !
— Oui, c'est mon choix. Tu sais que je n'aime pas me compliquer la vie.
— Bien, je ne te contredirai pas.
Quant à Catriona, elle opta pour une déesse nordique, Freya, qui apparaissait dans une lecture qu'elle avait particulièrement appréciée étant enfant. Un ouvrage qui n'avait pourtant pas sa place dans un couvent et sur lequel elle s'était toujours questionnée de la manière dont il s'était retrouvé là.
Nikkih & Kratzouille29
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