Chapitre 3
(Ejij)
Comme si j’allais rentrer maintenant qu’il est réveillé…Je reste en salle d’attente, on m’avait dit qu’il avait besoin de repos… mais je m’assoir en silence à côté de lui ne l’aurait pas dérangé. J’ai emprunté le téléphone de l’hôpital pour annoncer la nouvelle à Sing et Max. Ils m’ont emmené dans un restaurant pour fêter ça. J’avais accepté de manger. Je savais qu’il allait bien. Il était tard… Je ne le verrais que demain matin.
Sing : « Il a dit quoi en se réveillant ? »
-Il a dit… J’ai soif… je crois.
Il eut un pouffement de rire. Après le resto Sing allait s’occuper de prévenir le gang de Ash, ça allait leur faire plaisir. J’aurais voulu l’accompagner mais je tombais presque de fatigue. Maintenant que je sais que Ash est en vie j’ai l’impression que mes fonctions vitales reprennent un peu le dessus. Pour la première fois, je fis une nuit complète, sans rêve, sans tourment, sans cauchemar, une vraie nuit reposante.
A peine levé le lendemain matin je partais à l’hôpital. Vers dix heures je toquais à ta porte et je suis entré doucement.
-Salut. Comment tu vas depuis hier ?
Je te souris. Tu étais couché sur ton lit, regardant par la fenêtre. Tu étais éveillé, tu avais un air de malade certes mais c’était déjà un peu mieux que la veille.
(Ash)
-Je sais pas vraiment. Ça va, ouais. J’ai du mal à me dire que je suis là.. je crois que j’ai besoin d’aller dehors.
Par la fenêtre on ne voit rien d’autre que le bleu du ciel et un coin de nuage, toujours le même ciel, toujours là et toujours de la même couleur. Les vitres sont seulement translucides et on ne devine rien au travers, mais c’est ouvert en projection, on ne peut apercevoir que le dessus, le reste est verrouillé. C’est pour empêcher les patients de sauter, je suppose. Je ne le ferais même pas, je veux juste sortir, c’est trop oppressant, mais les infirmières ont dit que je devais rester encore un peu.
(Eiji)
Je viens prendre place sur le lit. Je te souris.
-Tu sais, ça fait des semaines que je regarde la vue de cette fenêtre. Tu as de la chance, il y a quelques nuages, j’aime bien regarder les nuages. Peut-être que… je peux demander à l’infirmière de service de nous autoriser à sortir dans la cour de l’hôpital. Je marche correctement maintenant donc je pourrais te pousser. Tu prendrais l’air.
J’avais également les cheveux légèrement plus longs. Je m’étais bien négligé ces dernières semaines.
-Max va se remarier avec Jessica. On attendait que tu sois de nouveau sur pied pour s’organiser.
Je tentais de lui donner quelques nouvelles positives du monde de dehors, en évitant les sujets… disons… sensibles.
(Ash)
Je le regarde toujours comme si c’était la première fois que je le voyais, je suis toujours aussi surpris qu’il soit là, scotché.
-Combien de temps je suis resté… comme ça ? Personne ne m’a rien dit.
Je prends les infos qu’il me donne avec calme, mon cerveau les traite avec la même efficacité qu’avant. Max va se remarier avec Jessica… ok. C’est cool. Je le pense vraiment. Je n’avais pas encore repensé à eux jusqu’ici, et c’est vrai, ça me fait du bien. Le bilan est plutôt positif, je ne pensais pas que c’était possible…
Et il marche.
(Eiji)
-Combien de temps… ? Je t’avoue que je ne comptais pas. Deux mois… Peut-être plus, mais deux mois de sûr, ils te faisaient l’examen complet tout les mois, et c’est arrivé deux fois. Je crois qu’on s’approchait d’une troisième. On est le 12 juillet dans tous les cas.
Je te souris en me sentant légèrement idiot de de pas pouvoir te répondre plus clairement.
(Ash)
-Ok.
Je le vois sourire et je crois que je souris aussi.
(Eiji)
-Ash…
J’ai tellement de choses à lui dire… que je n’arrive même pas à trouver le plus important. Et à la fois je ne veux pas le brusquer ni créer de tensions maintenant… alors… Qu’est-ce que je suis sensé dire ?
-Je ne repartirais pas au Japon. Je sais que tu voulais que j’y reste et que je ne revienne plus… Mais j’ai mieux à faire ici pour l’instant.
Allait-il s’énerver ? Me dire que je devais faire comme je voulais ? Être… heureux que je reste à ses côtés ? Je crois que j’aimerais que ça le rende heureux que je reste.
-Je veux rester près de toi.
(Ash)
-Je n’ai même pas eu le temps d’y penser. J’ai voulu, mais je n’ai pas pu. Quand je me suis réveillé, et que t’étais là, je m’y attendais pas, j’étais tellement surpris que je n’ai pas pu penser.
-Juste avant, ta lettre, et tout ce bordel, j’avais compris un truc, que si tu restais ça finirais par te détruire et moi aussi en conséquence, même si ce qui m’importe c’est toi. Maintenant je crois que je m’en fous. T’es là, je veux pas y penser maintenant. J’ai besoin de toi.
(Eiji)
-J’aurais voulu… te voir arriver à l’aéroport ce jour-là. Mais j’avais aussi compris que c’était peut-être pour le mieux… C’est également pour ça que j’avais accepté de partir. Mais… en apprenant ton accident j’ai compris que je ne le supporterais pas … D’être loin de toi. J’irais où tu iras, car… j’ai aussi besoin de toi, Ash.
J’étais… heureux de savoir qu’il acceptait et que… qu’il me voulait aussi près de lui.
(Ash)
L’hôpital se trouve sur une grande avenue, je ne saurais pas dire laquelle, je n’y viens jamais d’habitude… (petite pointe de sarcasme dans cette pensée.)
Le personnel m’a finalement autorisé à sortir quelques minutes, il commence à être un peu tard, et j’ai préféré l’esplanade qui se trouve devant la porte principale à la cour intérieure, pour voir les voitures, les taxis, les feux rouges, les immeubles et les brancardiers qui fument leur cigarette, pour me prouver que la ville, elle, est toujours là aussi, qu’elle ne s’est toujours pas arrêtée de tourner, toujours pas endormie.
Eiji a une montre, il est précisément 8 :25 pm, heure new-yorkaise. Il m’a tenu par les épaules tout le long, on a pris l’ascenseur en silence. Le métal rouillé de la rambarde où je suis accoudé est froid, c’est bien. Ça me rappelle ce que ça fait d’être en vie, dans « le vrai monde ». Le vrai monde est dehors. On écoute la ville, toujours pas besoin de parler. Parfois les paroles sont superflues, elles rajoutent une gêne ou un vide dans un silence qui parle de lui-même. Je peux presque le dire, ouais, je suis bien. Il est ma seule raison valable d’être là, je suis toujours seul mais avec lui, je suis une version décuplée de moi-même, deux fois plus moi, trois fois plus moi. Et pas besoin de parler pour ça. Mais s’il parle, je l’écouterais ; je l’écoute toujours. Je n’ai pas grand-chose à dire, je crois, ce soir, là.
(Eiji)
Je parlais de tout et de rien, même s’il ne me répond pas grand-chose, il me répond, et c’est le principal. Je profitais de ce simple moment. J’évitais tout sujet sensible mais… Je ne pourrais pas les éviter à tout jamais…
-Ash. Tu comptes faire quoi après, quand tu seras sorti d’ici ?
J’aimerais lui demander d’arrêter… Arrêter ce mode de vie qui le tue à petit feu… Mais… j’ai peur de sa réaction si je lui demande clairement.
(Ash)
-Je sais pas vraiment, et maintenant que t’es là… Il faudrait que je réfléchisse, j’ai pas eu le temps de réfléchir. Je pensais calmer le jeu entre les différents gangs, calmer le jeu avec Chinatown … et couper définitivement les ponts avec la mafia corse, chinoise, et toutes les autres, ça n’apporte que des problèmes, ouais, je suppose que c’est ce que j’avais pensé faire. Mais maintenant que t’es là… Je sais plus. Je sais plus rien, en fait. Peut-être que c’est la pire chose à faire, et en même temps j’ai l’impression de ne rien savoir faire d’autre. IL faut que je revoie mes hommes, ça c’est certain, je peux pas les laisser en plan, ça doit être un bordel monstre, j’y avais pas pensé non plus… Merde, peut-être que je t’embrouille… Désolé, je parle beaucoup, je crois que je ne parle pas autant d’habitude, d’habitude c’est plutôt toi… J’avais pas encore réfléchi alors je réfléchis maintenant. Peut-être aussi que je voudrais aller voir ailleurs, je ne suis jamais allé ailleurs, jamais sorti des Etats-Unis, je crois que je rêve de partir loin, des fois… Est-ce que je peux, vraiment ?
Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, je n’avais rien à dire et d’un coup ça se délie, ça sort de moi comme de quelqu’un d’autre, les mots coulent de ma bouche à une vitesse fulgurante.
-Tu crois que je pourrais, partir ? Je n’ai jamais pris l’avion. Je voudrais voir chez toi… Guizmo ?
Le soleil disparaît derrière les immeubles et on a droit à un magnifique coucher de soleil digne d’une carte postale kitch, de celles avec une plage et au premier plan l’ombre d’un cœur formé avec des mains.
(Ejij)
Je t’écoutais attentivement, j’étais… heureux de savoir que tu avais décidé petit à petit de couper les ponts, je ne supporterais pas de te perdre… J’espérais tellement tout ça.
-Au sujet de tes hommes, Alex a pris la tête du gang en attendant tes ordres. Sing a su gérer les conflits entre les Chinois et vous. Alex a été assez coopératif avec lui, donc tout va bien en ce moment.
Je n’en savais pas plus. Je ne devais pas me mêler encore à tout ça. Et j’étais plutôt pas mal occupé.
-J’aimerais que tu viennes avec moi au Japon, quand je suis rentré j’ai parlé de toi à ma sœur, elle aimerait te rencontrer. Et puis… je veux te montrer qui je suis et d’où je viens, ça ne sera pas très passionnant mais… je veux te montrer tout ça. Oh et on voyagera aussi. J’ai pas beaucoup d’argent mais on s’en fera. J’aimerais beaucoup aller en France un jour.
Je souris, je suis en train d’imaginer un avenir commun à ses côtés et ça me rend heureux.
(Ash)
Il me parle de tout ça et moi je pleure. Je n’avais pas pleuré jusqu’ici, mais c’est comme un contrôle technique pour vérifier que tout fonctionne dans mes yeux. Peut-être surtout parce que j’ai des images qui me viennent, et que je reste convaincu dans le fond que ce n’est qu’à moitié possible, à moitié réalisable. J’ai du mal à me dire que de telles idées puissent se concrétiser un jour. Mais, irrémédiablement, je suis bien.
-J’aimerais beaucoup rencontrer ta sœur aussi.
Irrémédiablement, je souris, et irrémédiablement, les larmes continuent de couler sans bruit… c’est comme le soleil et la pluie dans mes yeux, je me demande s’il y voit un arc-en-ciel.
(Eiji)
Est-ce que… ? Il… pleure. Je viens m’agenouiller devant toi pour pouvoir te regarder.
-Tu sais, quand je lui ai tout raconté, elle a cru que je mentais, puis je lui ai montré quelques photos, une vraie ado qui avait l’impression de regarder une série. Mes parents aussi veulent te rencontrer, même si je crois que ma mère risque de te botter les fesses pour m’avoir mis en danger. Mais ne t’en fait pas, elle n’est pas méchante.
Te voir ainsi me mis également les larmes aux yeux. Je veux vivre tout ça avec lui.
-Ash tu as le droit de vivre heureux maintenant.
(Ash)
Je ne dis rien pendant quelques secondes.
-Personne ne m’a jamais dit ça avant. Je sais que c’est toi, mais des fois j’ai encore du mal à me dire que c’est vrai, que quelqu’un me souhaite du bien gratuitement, et veuille bien de moi, sans rien attendre en retour.
Mon regard se perd au loin, dans les nuages orange et dans les reflets des pares-brises immobiles, et j’essaye de ne pas penser à ce que veulent dire mes propres paroles. Ça m’épuise, parfois, ça me détruit de fatigue, toutes ces saloperies de valises mentales que je traîne derrière moi. Même si dans l’ensemble tout ce que j’ai vécu m’a rendu plus fort, plus résistant, plus préparé à n’importe quelle situation. Mais des fois je suis fatigué.
(Eiji)
-Tu sais, je ne sais pas si c’est juste ça. Mais mon bonheur passe par le tien et je sais à quel point je serais heureux de te voir… heureux aussi.
Je ne sais pas si c’est égoïste comme sentiment ou pas. Mais je veux son bien et c’est tout ce qui compte.
-On est encore jeunes. On a le droit de rêver.
C’était ce qui définissait le mieux la jeunesse en temps normal… le rêve. Mais est-ce que Ash a déjà imaginé un futur heureux où il réaliserait ses rêves ? Je n’en sais rien… Mais j’aimerais lui donner cette possibilité. Je viens prendre ta main.
-On à toute la vie devant nous Ash. Faut juste que tu y crois.
(Ash)
Ouais, je suppose que je veux être heureux d’une certaine façon, peut-être, et peut-être, d’une certaine façon, que c’est ce que tout le monde veut, être heureux, je suppose.
Mes mots sont un peu bancals, ils tanguent autant que mes pensées, j’en ai presque le mal de mer ; je veux juste profiter de cette minute éphémère avec lui, l’étirer à l’infini, la prolonger jusqu’à la perte de mémoire. Il a pris main depuis quelques secondes, je ne bouge pas. Je ne veux pas bouger, encore.
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Voici le troisième chapitre ! En réalité il s'agit du trois et quatre que j'ai décidé de les rassembler car les deux étaient plutôt court. Certain chapitres risquent d'être un peu plus court par la suite. Bon pour le moment je sais bien que personne ne lit j'espère que ça viendra peu à peu. Bisous
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