[Bonus] La beauté intérieure [2/3]


👑👑👑

Au final, venir à cette soirée était une putain de mauvaise idée de sa maman la cheyenne. Sur le papier, ça s'annonçait pas trop mal : Léa et moi avions dégotté une minirobe rouge pétante moulant parfaitement mes formes ainsi que des escarpins.

Nous avons ensuite passé l'après-midi précédant la soirée à nous coiffer, nous manucurer et nous maquiller, avant de faire valider le résultat par Christophe, le petit-ami de mon père — mon nouveau modèle et mentor en matière de mode.

Seulement, voilà : cela fait bien une bonne heure que nous sommes arrivées, et Adam n'a même pas daigné jeter un regard aux messages que je lui ai envoyés. A quoi bon me décarcasser si le principal intéressé s'en tape complètement ?

C'est pourquoi, au lieu de m'amuser, je me retrouve plantée sur un canapé à fixer désespérément l'écran de mon portable. Mon coeur se serre dans ma poitrine en voyant les coches restées grises à côté de mes messages, signe que leur destinataire ne les a pas lus.

Auparavant, lorsque je me rendais en soirée, il me bombardait toujours de messages avant, pendant et après. D'une manière générale, je savais que je pouvais lui écrire à n'importe quel moment de la journée et qu'il me répondrait dans la minute qui suivait. A présent, ce lien qui nous unissait semble s'effilocher à mesure que les jours nous séparant de notre dernière rencontre s'allongent.

J'ai beau essayer de m'y accrocher de toutes mes forces, tenter de le raccommoder, c'est comme si je le voyais s'étirer peu à peu, jusqu'à ce qu'il craque.

Soudain, une voix m'extirpe de mes pensée :

— Ça alors ! Fiona Faure, la princesse de Saint Jude en personne, à ma soirée d'anniversaire !

Je fronce les sourcils en reconnaissant Clément ; celui-ci, un sourire béat aux lèvres et les yeux déjà bien injectés de sang, semble aussi éloigné que possible de la sobriété.

— Toi qui viens presque jamais d'habitude..., continue-t-il en s'asseyant lourdement à côté de moi. Que me vaut cet honneur ? Dois-je y voir un message caché ? Aurais-tu des vues sur moi ?

Je fronce les sourcils. Clément et moi, on ne s'adresse presque jamais la parole au lycée. Par contre, quand j'ai le malheur de me pointer à une fête, vous pouvez être sûrs qu'il vient toujours m'emmerder à un moment donné. Il doit s'imaginer qu'en jouant les forceurs il finira par m'ajouter à la liste de ses conquêtes...

Sans être particulièrement beau, il dégage un certain charme qui, je le sais, ne laisse pas les filles indifférentes. Du coup, comme tous les mecs qui ont du succès en temps normal, il a du mal à comprendre les sens des mots "non" et "pas intéressée".

— Te fais pas d'illusion, je rétorque d'un ton sec. C'est Léa qui m'a traînée ici.

— Hum, okay, répond-il avec une moue désappointée. Et t'as prévu un cadeau, hein ?

Mon expression doit parler d'elle-même car il a un sourire en coin tout en continuant :

— Si t'en as pas, c'est pas grave ; j'ai une petite idée de ce que tu pourrais m'offrir...

En même temps qu'il dit ça, il se saisit de mon menton et commence à s'approcher dangereusement de mes lèvres, si près que je parviens sans difficulté à humer son haleine, me certifiant qu'il n'a pas bu que de l'eau depuis que la soirée a commencé.

— Arrête tes conneries, Clément ! je lui lance entre mes dents tout en le repoussant fermement.

Loin d'être refroidi, il passe son bras derrière mes épaules et se met à me coller :

— Oh mais bordel Fio, ce que t'es coincée ! Tu sais pas t'amuser ou quoi ?

Alors que je suis à deux doigts de sortir de mon rôle de princesse de Saint-Jude pour lui administrer un bon vieux "broyage de noix no jutsu", une paire de main couleur chocolat viennent s'apposer sur ses épaules tandis que la voix de leur propriétaire s'élève derrière lui :

— Putain Clem, il est même pas minuit que tu te mets déjà à harceler les filles sexuellement ? Apprend à lâcher l'affaire quand une meuf te dit non, frère !

Le concerné lève la tête vers son pote et un sourire vient fendre son visage en deux :

— Oh, ça va, Maël ! Je la harcelais pas, je la draguais !

— Vu la tronche qu'elle tire, je pense pas qu'elle partage ton avis. Pas vrai, Fio ? Hein que t'as envie qu'il te foute la paix ?

Maël m'adresse un sourire compatissant, et j'hoche sèchement la tête en guise de réponse. Clément lève les yeux au ciel mais tend ses paumes à plat devant lui.

— Okay, okay, j'ai pigé ! Désolé si je t'ai gênée, Fio !

Il retire son bras de derrière mes épaules et s'éloigne de moi puis, oubliant complètement mon existence, demande à Maël en fronçant les sourcils :

— Au fait, t'as des nouvelles de Gab, gros ? Il est toujours pas là... Il m'a quand même pas planté pour réviser avec sa go, là, ce shlag ?

— Ça a failli, mais il a résisté. Il devrait plus tarder, là.

Comme si le fait d'avoir parlé du démon avait suffi à l'invoquer, c'est ce moment précis que le concerné choisit pour faire son entrée, accueilli par les exclamations de ses potes :

— Wesh, c'est pas trop tôt, mec !

— T'en as mis du temps ! T'étais où ?

Les gens affluent vers lui comme s'il s'était agi du nouveau messie, certaines filles s'empressent de lui faire la bise en minaudant. Clément n'échappe pas à la règle ; à peine l'a-t-il aperçu qu'il s'est levé histoire d'aller lui faire une accolade. Même si j'y suis habituée, j'ai du mal à ne pas lever les yeux au ciel face à ce spectacle.

— Encore désolé pour Clément, Fio...

Je sursaute en entendant la voix de Maël près de moi ; tellement obnubilée que j'étais par Gabriel, je n'ai même pas remarqué qu'il avait pris place sur le canapé à côté de moi. Contrairement à Clément, il a la décence de respecter mon espace personnel.

— Il est pas méchant mais il vire gremlins dès qu'il a bu, continue-t-il.

— Hmm, je réponds d'un ton laconique en baissant à nouveau les yeux sur mon smartphone.

— J'ai bien vu qu'il te faisait chier alors c'est pour ça que je suis venu...

— Et donc ? je lance d'un ton sec. T'attends quoi, là, au juste ? Des remerciements de la demoiselle en détresse que t'as sauvée ?

Maël écarquille les yeux et son expression se rembrunit ; de toute évidence, ce n'est pas la réaction qu'il espérait. Il conserve le silence quelques instants puis finit par dire :

— Bon, visiblement, t'es pas dans de très bonnes dispositions, ce soir, alors je vais te laisser...

Bien que je ne fasse rien pour le retenir, il s'arrête de lui-même et me demande :

— Je peux te poser une question, avant ?

Il ne me laisse pas le temps de répondre qu'il enchaîne :

— Est-ce que j'ai fait ou dit un truc qui t'a déplu, pour que tu m'envoies bouler comme ça à chaque fois que je t'adresse la parole ?

Je tressaille malgré moi et lève les yeux de mon téléphone pour le dévisager.

— Comment ça ?

Il se gratte nerveusement la nuque.

— Bah... En début d'année, on se parlait bien. On a jamais été potes, mais on discutait, parfois. Seulement, depuis quelque temps, chaque fois que j'engage la conversation, tu m'envoies chier. Donc je me demandais où est-ce que j'avais pu déconner...

L'air penaud qu'il affiche me touche malgré moi, aussi je me vois contrainte d'être honnête :

— Non... T'as rien fait, j'admets à demi-mots. C'est pas toi le souci.

Mes yeux glissent malgré moi en direction de Gabriel, ce qui n'échappe pas à mon interlocuteur :

— C'est à cause de Gab, c'est ça ?

Je tourne à nouveau la tête vers lui, un peu gênée.

— Oui, entre autres, j'avoue à contrecoeur.

A ma grande surprise, il se met à pouffer.

— Qu'est-ce qui te fait rire ? je demande, vexée.

— Rien, c'est juste la première fois qu'une meuf refuse de me parler à cause de Gabriel. D'habitude, c'est plutôt l'inverse... Les filles ont tendance à vouloir sympathiser avec moi pour se rapprocher de lui.

— Bah, je suis pas comme les autres filles, alors, je marmonne.

— Ça, j'avais remarqué.

Il m'adresse un faible sourire et je sens mes joues rosir malgré moi.

— Pourquoi t'as une dent contre lui ? enchaîne-t-il, feignant d'avoir rien remarqué. Vous êtes sortis ensemble au collège et il t'a plaquée comme une merde ? C'est bien son genre, il sait pas rompre en douceur, il s'attire toujours les foudres de ses exs...

— Quoi ? Pas du tout ! je m'exclame. Et puis, si c'était le cas, tu serais au courant, non ? Le connaissant, il doit bien être du genre à se vanter de ses innombrables conquêtes !

Maël passe une main dans ses boucles brunes.

— Hum, non, c'est pas trop son style. En fait, aussi étonnant que ça puisse paraître, il est plutôt discret sur ses relations.

J'hausse des sourcils, un peu surprise par cette révélation tant elle s'avère éloignée de l'image que j'avais en tête. Le silence nous enveloppe quelques instants, puis je finis par m'enquérir :

— Moi aussi, je peux te poser une question ? Si tu savais que j'allais t'envoyer chier, pourquoi t'es venu me parler ?

Maël hausse les épaules.

— Ça fait un moment que je t'observe de loin, Fiona. J'ai bien vu que t'avais pas l'air dans ton assiette. D'habitude, en soirée, t'es toujours en train de t'éclater sur la piste de danse avec tes copines, ou à te goinfrer au buffet, voire même parfois, quand tu commences à être bien éméchée, à jouer au beer pong avec les gars du rugby. Mais ce soir, tu restes dans ton coin, les yeux rivés sur ton téléphone, et tu décolles pas du canap'.

Il tourne la tête vers moi et complète avec un faible sourire :

— Pour être honnête, j'hésitais à venir te parler depuis un moment, mais j'avais peur que tu me rembarres à nouveau. Alors, quand j'ai vu Clément qui te faisait chier, j'ai vu ça comme un beau prétexte pour venir t'aborder.

Je me mords la lèvre inférieure, gênée malgré moi à l'idée de m'être montrée si infecte envers un garçon qui a l'air, au final, plutôt sympathique. A cet instant, je me demande comment il peut être ami avec Gabriel tant leurs caractères semblent diamétralement opposés.

— Désolée, je souffle en baissant les yeux. C'était pas cool de ma part de me la jouer Reine des neiges avec toi juste à cause de ton pote...

Maël fait une grimace.

— Putain, me parle pas de ce dessin animé, je vais encore avoir Je voudrais un bonhomme de neige dans la tête !

J'ai du mal à me retenir de pouffer en l'entendant chantonner :

Je voudrais un bonhomme de neige... Oh, viens jouer avec moi ! Tu te caches on ne te voit plus, dis que fais-tu ? Tu n'es plus vraiment toi... ! (Il se prend la tête entre tes mains.) Voilà, ça y est, je suis foutu ! Je te hais !

— Ah ouais, genre tu connais les paroles et tout ? je m'esclaffe.

Il me jette un regard en coin et, gêné, se justifie :

— Va pas t'imaginer n'importe quoi ! C'est juste que... J'ai des petites soeurs qui m'ont forcé à le mater cent cinquante million de fois. Je suis pas gay, hein !

— Tu dis ça comme si être gay était la pire tare du monde, je remarque en plissant les paupières. T'es homophobe ou quoi ?

Il a un rictus amusé tandis qu'il répond :

— Non, mais quelque chose me dit que si une fille sur laquelle j'ai des vues s'imagine que je suis gay, ça risque de limiter mes chances avec elle...

Ces paroles m'arrachent un sourire malgré moi, et je ne peux m'empêcher de répliquer sur le même ton :

— Ça dépend, tu pourrais tomber sur une fétichiste fane de yaoi !

— De quoi ? fronce-t-il les sourcils.

— De yaoi, j'explique. Ce sont des mangas qui mettent en scène des relations homosexuelles entre deux hommes, avec parfois du contenu explicite. Et c'est souvent écrit par des femmes pour des femmes.

— What ? Genre y'a des meufs qui fantasment là-dessus ? Mais c'est hyper chelou !

J'hausse les épaules.

— Pas plus chelou que les mecs qui se branlent sur les lesbiennes dans les porno...

— Touché, admet-il avec un sourire en coin. D'ailleurs, tu sais que les lesbiennes ont râlé, à ce sujet ? La sexualité représentée dans ces porno est une sexualité fantasmée destinée à un public d'hommes hétérosexuels, et certaines militent pour avoir du vrai porno lesbien, du coup.

J'arque un sourcil et demande d'un ton malicieux :

— Oh, j'ignorais que je m'adressais à un spécialiste du sujet... Tu mates beaucoup de porno sur ton temps libre, Maël ?

Il tire sur son col en se raclant la gorge.

— J'avoue être plutôt un grand consommateur, admet-il avec une grimace. Mais c'est pas du tout une perversion ; tu vois, j'aimerais faire des études de cinéma, donc la pornographie est juste un pan comme un autre de ma passion...

— Hum, je vois. Tu fais ça dans un but purement scientifique, donc.

— Exactement !

Je sens mon sourire s'étirer encore et détourne la tête pour ne pas qu'il s'en aperçoive. Se faisant, je remarque soudain que Gabriel s'avance dans notre direction, probablement dans l'idée de venir saluer son pote.

— Bon, je vais me chercher un truc à boire, moi ! je m'exclame en me levant d'un bond.

Maël n'a pas le temps d'esquisser le moindre geste pour me retenir que je me suis déjà éclipsée, envolée dans un nuage de fumée façon shinobi. D'un pas rapide, je me dirige vers le bar où j'avale d'une traite un verre de mojito.

— Pff, tant de perfection, ça devrait être illégal, moi j'dis !

La voix de Léa, laquelle vient d'abandonner la piste de danse pour s'adosser au bar à côté de moi, me fait sursauter. Je suis son regard et comprends qu'elle parle de Gabriel, quand la façon lascive qu'elle a de se mordre la lèvre inférieure ne m'inspire rien de bon.

— Léa..., je gronde en signe d'avertissement.

— Quoi ? J'ai le droit de le mater, c'est pas interdit, ça ! Déjà que tu m'empêches de le draguer...

— Genre je t'en empêche ! Tu sais quoi, Léa ? T'as qu'à faire ce que tu veux, je m'en fous ! Mais s'il piétine ton petit coeur sensible, faudra pas venir chialer ! Or, crois-moi, il le piétinera ! Je sais de quoi je parle !

Ma meilleure amie hausse des sourcils perplexes face à ma réaction.

— Hé, ça va, j'irai pas lui parler, t'inquiète ! Pourquoi tu t'énerves comme ça ?

Je baisse les yeux sur mon portable ; cela suffit à lui faire comprendre l'origine de ma peine.

— Toujours pas de nouvelle d'Adam, c'est ça ? s'enquiert-elle d'une voix douce.

— Toujours rien..., je maugrée en lui montrant l'écran de mon smartphone. Il s'en balec total de moi !

Elle se mord la lèvre inférieure, confuse.

— Désolée... Il est peut-être juste occupé ?

— C'est ça, occupé à flirter avec Nathalie, ouais ! je lance d'un ton acerbe.

Je me masse les tempes, agacée par ma propre attitude.

— Pff, d'abord je m'en prends à toi, et maintenant je me mets à avoir des accès de jalousie ! Je me reconnais plus, Léa...

Ma meilleure amie passe un bras derrière mes épaules et m'attire contre elle en une accolade réconfortante.

— Allez, c'est tout..., me souffle-t-elle. T'es la fille la plus géniale que je connaisse, t'as pas besoin d'un mec pour être heureuse...

— Dixit la meuf qui tombe toujours amoureuse ! je rigole entre mes larmes.

— Mais moi je suis pas comme toi, Nana. Toi, t'es une force de la nature. Je t'admire tellement pour ça, tu sais...

Elle essuie mes larmes de ses pouces puis m'adresse un sourire chaleureux.

— Oublie ton chevelu pour ce soir et viens danser avec moi ! T'adores cette musique, en plus !

Je tends l'oreille et un rictus se dessine sur mes lèvres en reconnaissant Salt d'Ava Max.

— Une chanson assez appropriée, en effet, je plaisante. Tu me prendras en vidéo en train de danser dessus histoire que j'en fasse une story Insta ?

— Hum, t'entres en mode passive-agressive maintenant ? Tu penses qu'il comprendra le message ?

Je hausse les épaules.

— Bah, le connaissant, je suis sûre que non, mais tant pis !

Léa éclate de rire en m'entraînant sur la piste de danse. J'ignore combien de temps nous passons à nous déhancher, mais au final je parviens momentanément à ranger Adam dans un coin de mon cerveau pour ne me concentrer plus que sur la musique, l'ambiance, et l'euphorie qui me gagne au fur et à mesure des verres ingurgités.

Sauf que l'alcool agit sur moi comme des montagnes russes, entraînant mon humeur au sommet avant de la faire dégringoler de plus en plus bas. Le coup de grâce m'est finalement donné lorsque, en sortant des toilettes, je constate qu'Adam a bel et bien vu mes messages sans daigner y répondre pour autant.

A partir de là, la pièce se met à tourner autour de moi tandis que je me sens suffoquer. Ma température monte, mon estomac se noue, je suis pris de nausée et n'ai plus qu'une seule chose en tête : sortir à l'extérieur afin de pouvoir respirer à nouveau.


🔥🔥🔥

Rester sobre à une soirée, ça craint. Je me retrouve rapidement à déambuler parmi les invités, sauf qu'il est impossible d'avoir une conversation intelligible tellement ils sont tous défoncés. Et de mon côté, je suis pas assez déchiré pour entrer dans leurs délires. D'habitude, mon activité de prédilection, c'est d'humilier mes potes au beer-pong... Mais bon, quel est l'intérêt de jouer au beer-pong avec du Coca ?

Etant donné que je n'ai pas le droit de boire ou de fumer, la tentation est grande de me rabattre sur le dernier plaisir qui ne m'ait pas été interdit, à savoir la baise. Toutefois ce désir fugace passe aussi vite qu'il m'est venu en me souvenant que les filles de Saint-Jude sont trop prudes et qu'on s'éclate pas du tout au pieu avec.

Même Maël m'a laissé tomber sur ce coup-là, trop occupé qu'il est à danser collé-serré en compagnie de Jessica. Je retiens une moue de dégoût à cette vision tandis qu'un frisson de répulsion me parcourt l'échine. Comment peut-il avoir envie de se taper une rousse, sérieusement ?

Au final, plus mon regard se pose sur les gens autour de moi, et plus j'ai envie de me barrer d'ici.

Il n'y a que moi pour me trouver dans une pièce pleine de monde et toujours me sentir aussi seul.

Je secoue la tête afin de chasser cette pensée déprimante et décide de sortir prendre l'air sur la terrasse histoire de fumer une cigarette.

A cet instant, j'en suis limite à regretter Mathilde et sa physique. Non, en fait, je m'en fous de la physique, je regrette juste Mathilde. Aussi casse-couilles qu'elle puisse être, si elle avait été là ce soir, j'en aurais rien eu à faire de boire ou non ; avec elle, j'ai pas besoin de ça pour m'amuser.

Elle me manque, cette conne.

Dans un élan de sentimentalisme, je décide de lui en faire part par message et le regrette aussitôt en voyant sa réponse :

✉️Frodon Sacquet : Ptn tu fais chier Gaby, t'avais promis de rien boire ce soir ! 😠

✉️Sheitan 🔥 : Je suis pas bourré, je le pensais vraiment

✉️Frodon Sacquet : Ouais c'est ça, prends-moi pour une conne ! 🤷🏾

Elle a accompagné son message d'un GIF animé des Bisounours, ce qui a le don de me vexer.

✉️Sheitan 🔥 : Bah faudra plus te plaindre que je suis jamais romantique, alors, si quand je fais des efforts tu te fous de ma gueule !

✉️Frodon Sacquet : Tu m'as bien regardée ? J'ai une tête à vouloir qu'on m'offre des fleurs et qu'on me dise des mots doux ? Je m'en balec de tout ça Gaby, je veux juste qu'on 👉🏾👌🏾🍆🍑💦 🔞🔞

Je me pince l'arête du nez.

Putain, elle va encore revenir là-dessus. Quelle chieuse !

Mon portable vibre à nouveau et j'écarquille les yeux devant les photos aguicheuses qu'elle m'a envoyées.

✉️Sheitan 🔥 : T'es sérieuse ? Efface ça !

✉️Frodon Sacquet : Quoi, t'apprécie pas le spectacle ? Tu me trouves pas attirante ?

Si, et c'est bien ça le problème.

✉️Sheitan 🔥 : Je coucherai pas avec toi, Mathilde. T'es ma meilleure pote !

✉️Frodon Sacquet : On pourrait être plus que ça... 🙄

Je tire une nouvelle fois sur ma clope, agacé par cette conversation. Pourquoi Mathilde fait-elle une fixette là-dessus ces derniers temps ? Bon, okay, on a toujours eu une relation un peu ambigüe, elle et moi, et j'avoue que nos dernières séances de sexe oral étaient plutôt cool...

Et puis, vu sa libido débordante, y'aurait grave moyen de s'éclater au pieu ensemble, en vérité. Connaissant Math, 100% sûr elle accepterait de tester la sodo.

Un sourire pervers se dessine sur mes lèvres à cette idée, mais je la chasse immédiatement.

Non, stop rêvasser, là ! C'est ta meilleure amie. Juste ta meilleure amie. Tu la connais depuis la maternelle... Pense à elle comme... Comme une soeur, voilà !

A peine ai-je formulé cette pensée qu'un souvenir de son magnifique boule me revient malgré moi en mémoire, et j'éprouve la plus grande difficulté à l'en chasser de mon esprit.

Bordel..., je pense en me massant les paupières. Okay, définitivement pas une soeur, en fait. Mais c'est pas une raison ! Tu dois rester sage, Gab. Saaaaaage. Résiste à l'appel du cul !

Le pire dans tout ça, c'est que je sens bien qu'elle finira par m'avoir à l'usure, parce qu'elle est parfaitement consciente de l'effet qu'elle produit sur moi.

Putain de succube.

En vérité, j'ignore quel scénario m'effraie le plus : qu'elle perde sa virginité avec moi, ou avec un autre mec.

D'un côté, c'est la personne qui me connaît le plus au monde ; j'apprécie sa compagnie ; on partage les mêmes délires ; c'est peut-être bien l'être humain que je préfère sur cette foutue planète.

Et c'est précisément la raison pour laquelle on ne peut pas se permettre de basculer : j'ai trop d'estime pour elle pour la considérer comme un vulgaire plan cul, et je suis pas dans le trip des sex friends.

Donc qui dit sexe dit relation et qui dit relation dit rupture et après ça, ce sera terminé, je la perdrais pour toujours. Je le sais car c'est à chaque fois le même schéma, avec moi : sur le moment, mes copines sont à fond et puis après, quand c'est fini, à les entendre je deviens la pire des sous-races...

Or, autant j'en ai rien à foutre d'être détesté quand il s'agit de meufs random, autant je supporterais pas que ça se produise avec Math. Car pour être honnête, j'ignore dans quel état je finirais si elle disparaissait de ma vie. J'en ai eu un aperçu l'année dernière et c'était vraiment pas beau à voir...

Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de rencontrer quelqu'un qui ait fait le tour de votre être jusqu'à vous connaître entièrement, y compris vos vices les plus cachés, quelqu'un qui ait vu les aspects les plus sombres de votre personnalité et qui, pourtant, vous aime toujours et demeure à vos côtés ? Et bien, c'est ce que Mathilde représente à mes yeux. Or, un lien si spécial, c'est beaucoup trop rare et beaucoup trop précieux pour le gâcher par du sexe.

✉️Frodon Sacquet : T'as peur de me perdre, en fait, c'est ça ? 😟

Je tressaille en lisant ce message. Décidément, elle me connaît un peu trop bien.

✉️Frodon Sacquet : Je compte pas disparaître de ta vie, Gaby, si c'est ce qui t'inquiète. Même si on se sépare, je suis sûre qu'on restera amis quoiqu'il arrive ! 🤞🏾

✉️Sheitan 🔥 : Comment tu peux en être aussi sûre, au juste ? Je savais pas que t'avais une boule de cristal, madame Irma ! 🔮🙄

✉️Frodon Sacquet : J'ai pas besoin de boule de cristal. J'ai juste confiance en nous.😊❤️

— Va te faire foutre, Adam Devos !

Ce cri hystérique m'arrache à ma conversation. Je relève la tête pour voir une tempête de cheveux blonds en escarpins débouler à l'extérieur tout en vociférant face à son smartphone. Dos à moi, celle-ci ne m'a pas vue, trop occupée qu'elle est à hurler des insultes entrecoupées de hoquettements.

— Tu sais pas ce que tu rates, espèce de geek boutonneux de mes deux ! Regarde-moi bien ! Si tu veux me larguer, dis-le moi franchement au lieu de m'ignorer, espèce de salaud !

Amusé par la situation, j'enclenche la caméra de mon téléphone pour enregistrer cette scène, me demandant déjà si j'irai jusqu'à la diffuser au reste du lycée. En même temps que je filme, mes yeux se fixent sur son postérieur parfaitement moulé par sa minirobe rouge pétante.

Elle est peut-être tarée mais je taperai bien dans son cul quand même, je songe avec un sourire en coin.

La folledingue continue sa diatribe pendant au moins cinq bonnes minutes puis finit, dans un geste rageur, par jeter son smartphone dans la piscine.

Un moment de flottement s'ensuit et j'arque des sourcils étonnés en la voyant pester puis envoyer valser ses chaussures avant de commencer à retirer ses collants.

Wesh elle fout quoi cette ouf ?

Ce n'est qu'une fois qu'elle a enlevé sa robe que je comprends son intention. A ce moment-là, mes jambes bougent d'elles-mêmes et je la retiens en encerclant sa taille avant qu'elle ne saute à l'eau.

— Hé mais ça va pas ?

La chtarbée de service se débat vivement entre mes bras en criant :

— Lâche-moi ! Je dois aller le récupérer !

Alors, nos regards se croisent et j'écarquille les yeux en reconnaissant Fiona Faure. De son côté, elle affiche la même expression avant de laisser échapper dans un souffle :

— Gabriel putain de Martin... le fils de Satan !

Fils de Satan ? je répète, amusé. On me l'avait encore jamais faite, celle-là...

Cela ne suffit pourtant pas à la dérider car ses traits se durcissent et elle se met à me matraquer de coups de poings.

— Me touche pas, espèce d'enfoiré de sa maman la cheyenne ! Connard ! Salaud !

A ce moment-là, l'idée de la pousser moi-même à la flotte histoire de la calmer me traverse l'esprit ; puis les préceptes de ma mère concernant les filles bourrées me reviennent en mémoire et m'empêchent de passer à l'acte.

L'espace d'un instant, je délibère intérieurement en me demandant si lesdits préceptes s'appliquent à un spécimen tel que Fiona Faure qui, techniquement, se rapproche davantage de l'ogresse que de la jeune femme.

Puis j'en arrive à la conclusion que même en tant qu'ogresse, elle reste une femelle et que je ne peux décidément pas la laisser dans sa merde. Sans compter que plonger dans une piscine à une soirée pour aller y repêcher une Fiona Faure bourrée, c'est un truc dont je me passerais volontiers.

C'est pourquoi je lui administre à la place une tape sur le crâne tout en la secouant un bon coup.

— Oh, tu vas te calmer, oui ? Je vais pas te laisser sauter à l'eau alors que t'es complètement jetée ! Tu sais à quoi ressemble le cadavre des gens qui meurent noyés ? C'est vraiment pas beau à voir, crois-moi !

Visiblement, une once de raison semble subsister quelque part dans son cerveau atrophié car elle cesse de gesticuler. Son regard assassin se transforme en une mine attristée qui me rappelle de mauvais souvenirs et, très vite, la voilà qui appuie son visage sur mon torse afin d'y déverser ses larmes.

Voilà où j'en suis, donc : au bord de la piscine, tenant contre moi une Fiona Faure bourrée, en sous-vêtements, en train de chialer à grosses gouttes. Mon pote Maël aurait probablement donné n'importe quoi pour se trouver à ma place, mais moi, tout ce qui me préoccupe, à cet instant, c'est l'idée qu'elle soit en train de ruiner mon polo Lacoste à coup de mascara et de morve.

Pas d'alcool, pas de beuh, pas de baise, et maintenant ça... Vas-y, c'est officiellement la pire soirée de l'univers !

En temps normal, je l'aurais probablement repoussée. Ou je me serais foutu de sa gueule. Voire les deux à la fois.

Sauf que là, il s'agit de Fiona, et l'expression chagrinée qu'elle a affiché quelques secondes plus tôt m'a renvoyé à ma propre culpabilité. Or il est vrai qu'après tout ce que je lui ai fait subir à l'époque du collège, ce serait un peu gonflé de ma part de râler pour un simple vêtement, aussi cher fut-il.

Le problème, c'est que je manque cruellement d'empathie envers les êtres humains ; du coup, quand je vois quelqu'un souffrir, j'ai plutôt tendance à vouloir l'enfoncer qu'à compatir ou à lui prêter mon épaule pour pleurer.

En revanche, j'en ai à revendre quand il s'agit d'animaux. Montrez-moi des images d'une ville ravagée par la guerre, ça ne me touchera pas une seconde ; par contre, des vidéos d'animaux maltraités ou abandonnés, ça, ça me fout les nerfs.

C'est pourquoi, à cet instant, je fais marcher mon imagination à fond, essayant de duper mon cerveau en lui faisant croire qu'il ne s'agit non pas de Fiona Faure, mais d'un petit chiot attristé qui a besoin de mon réconfort.

Cette méthode a une efficacité assez relative, pourtant je parviens à me faire violence pour encercler sa taille d'un bras, lui caressant maladroitement les cheveux de l'autre, et finis par demander avec un rire nerveux :

— Qu'est-ce qui t'arrive ? Ton père a reviré hétéro et a décidé de retourner vivre avec ta mère, c'est ça ?

Oh putain, ta gueule, Gab, sérieux, je songe en grimaçant.

De toute évidence, niveau empathie et compassion, ma marge de progrès est encore large. Pourtant, à ma grande surprise, au lieu d'être vexée ou peinée, la voilà qui se met à pouffer bêtement.

— Pff ! T'es con ! lance-t-elle en s'essuyant les yeux.

— Peut-être, mais au moins je t'ai fait rire, je dis avec un faible sourire. Bon, je peux te lâcher, tu me promets que tu vas pas sauter ?

Elle acquiesce en même temps qu'elle s'écarte de moi. Avec un soupir, je pars à la recherche de ses vêtements qu'elle a semés partout façon petit poucet.

— Quelle idée de te foutre à oilp comme ça, sérieux, je ronchonne en l'aidant à remonter la fermeture éclair de sa robe.

— Je voulais pas mouiller mes fringues en allant chercher mon smartphone, marmonne-t-elle.

— Y'a d'autres façons d'aller le récupérer, hein. Genre, une épuisette, par exemple, ça te parle ?

— Dans ma tête, je me disais que si je le sortais de l'eau assez vite, il serait pas foutu...

Je fronce les sourcils à cette déclaration.

— C'est débile. Qu'il y soit resté trente secondes ou trente minutes, à partir du moment où il a pris la flotte, c'est fini, tu sais.

Elle hausse les épaules.

— J'ai pas réfléchi...

— Ouais, j'ai vu ça. Je sais même pas pourquoi ça me surprend encore ; réfléchir, ça a jamais été ton fort, petit pâté.

Je m'attends à ce qu'elle me foudroie du regard ou qu'elle s'écrie "m'appelle pas comme ça !" ; mais rien de tel ne se produit. A la place, elle se contente de me lancer un vieux :

— Nianiania !

J'arque des sourcils perplexes, néanmoins je n'ai pas le temps de répliquer qu'elle enchaîne dans un murmure, la mine assombrie :

— Tu comprends pas ! C'est mon père qui me l'avait offert... Avant qu'il quitte ma mère et que toute ma vie parte en vrille...

Je grimace en voyant ses yeux s'humidifier.

Par pitié, faites qu'elle se remette pas à chialer...

— Je vais voir ce qu'on peut faire pour le récupérer, okay ? je souffle avec un sourire rassurant. En attendant, fais-moi plaisir et éloigne-toi de cette piscine.

Je passe mon bras derrière sa taille et l'entraîne en direction de la table de jardin.

— Enfin, le principal, c'est que personne t'ait vue en sous-vêtements, je marmonne en secouant la tête.

— Ouais ! ricane-t-elle. Surtout que je suis même pas épilée, c'est trop la honte !

— Grave ! je ne peux m'empêcher d'enchérir. Faudrait pas que les gens apprennent que t'es une fausse blonde !

Elle s'immobilise afin de me jeter un regard effaré :

— Oh non, t'avais remarqué mes jambes poilues ? s'écrie-t-elle en amenant les mains à ses lèvres.

Le petit diablotin au fond de moi est tenté de lui dire que oui histoire de l'emmerder, mais devant l'air sincèrement contrarié qu'elle affiche, je me ravise.

— Mais non, je mens. J'ai dit ça pour te taquiner, mais en vrai, j'avais même pas fait gaffe. J'ai pas besoin de ça pour savoir que tes cheveux sont décolorés, Fiona, je te connaissais brune, hein ! Et puis, même sans ça, tes sourcils sont suffisants, hein !

J'illustre mon propos en pointant l'index vers eux.

— Ouf, soupire-t-elle, soulagée. J'aurais eu trop honte que tu les aies vues...

Je me frotte la nuque, un peu perplexe, ayant du mal à comprendre pourquoi elle fait une fixette sur un sujet aussi anodin.

— Bah, je m'en fous, hein. C'est juste des poils. J'en ai plein les jambes, moi aussi, tu sais. Et ils sont sûrement plus longs que les tiens.

Elle me lance un regard appuyé.

— Pas la peine de me prendre pour une idiote, tu sais très bien ce que je veux dire ! D'habitude, quand les mecs voient une meuf avec des poils, ils font les choqués et disent que c'est dégueulasse !

— J'ai pas douze ans, hein. Je suis pas choqué pour si peu ! je hausse les épaules. Même, je te comprends, d'une certaine manière...

Elle arque un sourcil, étonnée, et je ne peux m'empêcher de la taquiner :

— Bah ouais, vu les températures qu'on se tape en ce moment, je comprends que tu veuilles garder ta fourrure de wookie pour te tenir chaud, Chewbacca !

Je lui pince le nez en disant ça, ce qui me vaut une tape sur le poignet.

— M'appelle pas comme ça ! siffle-t-elle en me repoussant.

Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres.

— Quoi, tu préfères "petit pâté" ?

Elle me jette un regard noir et lance entre ses dents :

— Crétin !

En même temps que nous parlions, nous sommes arrivés près de la table d'extérieur. Fiona s'empresse de s'y asseoir afin d'enfiler ses collants, l'air franchement contrariée au vu de ses sourcils froncés et de ses lèvres pincées.

Loin de me sentir coupable, mon rictus s'élargit de plus belle face à cette vision. Fiona réagit toujours au quart de tour, et c'est précisément la raison pour laquelle je ne résiste jamais à l'envie de la titiller. Néanmoins, préférant éviter de la fâcher complètement, je change de sujet :

— Bon, sinon... Elle est où ta pote ? Celle qui tire toujours la tronche, là...

Fiona s'immobilise pour me fixer sans mot dire.

— Tu vois de qui je parle ? j'insiste. Comment elle s'appelle, déjà ? Lisa ? Lucie ? Laurène ?

Mon hésitation a raison de sa mauvaise humeur car elle se met à pouffer tout en me corrigeant :

— Léa ! Elle s'appelle Léa !

Cette fois, c'est à mon tour d'être vexé de la voir se moquer de moi.

— Pourquoi tu te marres ? je demande en croisant les bras sur mon torse. T'as cru que je connaissais tout le monde au bahut ?

— Non, c'est pas ça, mais... Ça me fait juste rire que tu saches même pas qui c'est alors qu'elle est en kiffe sur toi.

Je hausse des sourcils étonnés.

— Sur moi ? je répète sans comprendre. Mais je lui ai jamais parlé de ma vie !

— Depuis quand les filles ont besoin de te parler pour avoir un crush sur toi ?

Touché.

J'amène la main à mon cou puis me souviens que ma chaîne n'est plus là.

— Tu lui as pas dit que j'étais un gros connard ?

Les yeux clos, l'esprit de Fiona semble déjà divaguer tandis qu'elle répond de façon décousue :

— Si, mais elle s'en fout, visiblement... Elle veut perdre sa virginité avec toi.

— Ouais bah qu'elle prenne un ticket, y'a une liste d'attente ! je marmonne d'un ton amer en repensant à Mathilde.

Je marque une pause puis ajoute avec un air taquin :

— Elle sait que je fais payer cent euros le déflorage ?

Fiona ouvre un oeil en m'entendant.

— Ha-ha ! J'étais sûre que t'étais un gigolo !

Un sourire se dessine sur mes lèvres.

— Bah, on fait c'qu'on peut pour survivre, ma p'tite dame ! je plaisante. C'est toujours mieux que dealer de la drogue, non ?

Elle a un petit rire qui s'avère bientôt contagieux.

— Bon, je vais essayer de la trouver. Bouge pas de là, okay ?


Je me faufile du mieux que je peux à l'intérieur du salon et finis par trouver Maël, assis sur le canapé, Jessica installée à califourchon au-dessus de lui, la langue profondément enfouie dans sa gorge.

Un rictus satisfait se dessine sur mes lèvres à l'idée d'interrompre leur baiser tandis que je secoue l'épaule de mon pote.

— Hé, t'aurais pas vu Lucie ? Euh, non... (Je réfléchis un instant.) Léa ? Ouais, c'est ça, Léa !

Un prénom de peste pour une meuf à la gueule de peste, je vois pas pourquoi j'arrive pas à le retenir.

— La grande brune qui tire toujours la tronche, là ? me demande Maël.

— Tu l'as loupée, elle est montée avec Kylian à l'étage, répond Jessica. Pourquoi, elle t'intéresse ?

Je fronce les sourcils.

— Non, les maigrichonnes, c'est pas mon truc. "Si t'as pas d'fesses, t'as walou" comme dirait un grand poète !

— C'est ça, ouais ! ricane-t-elle. Dis plutôt que tu te cherches une nouvelle meuf ! Ça fait quoi, trois semaines depuis ta dernière copine ? Ça te ressemble pas de rester célibataire si longtemps, Gaby !

Piqué au vif, je sais que Maël va me détester pour ça mais je ne peux m'empêcher de répliquer sur le même ton :

— T'as toujours le seum que j'ai refusé de te baiser, Jess ? C'est pas ma faute si j'aime pas les rousses ! (Je me tourne vers mon pote et ajoute : ) A ta place je la laisserais pas me sucer, frère, elle risquerait d'absorber ton âme au passage !

Son visage se décompose à mes mots et elle se relève d'un coup.

— Va te faire foutre, Gabriel ! me lance-t-elle avant de s'éloigner d'un pas rageur.

Maël me jette un regard noir.

— T'es sérieux, Gab ? s'énerve-t-il en se mettant debout. T'as qu'à retourner voir Math si ça te fait chier d'être ici, mais c'est pas une raison pour niquer les coups des autres ! C'est déjà la deuxième fois ce soir, merde !

J'arque des sourcils sans comprendre.

— Comment ça, la deuxième fois ?

— Tu t'en es pas rendu compte ? s'étonne-t-il. Tout à l'heure, quand t'es venu me dire bonjour, je parlais avec Fiona, mais elle s'est barrée dès qu'elle t'a vu rappliquer !

Ah, c'était avec elle qu'il discutait ? J'avais même pas fait gaffe... C'est pour ça qu'il m'a fait la gueule toute la soirée ? Putain, des fois il est pire qu'une meuf !

— Tu lui as fait quoi, pour qu'elle te déteste à ce point ? continue-t-il. Je pensais que tu te l'étais tapée mais elle m'a dit que non...

— Va savoir ! j'élude en haussant les épaules. Peut-être que je lui ai foutu un râteau quand on était en cinquième, un truc du style... Les filles ont la rancune tenace, parfois.

Maël me toise d'un air sceptique, aussi je décide d'enchaîner pour ne pas le laisser creuser davantage la question :

— Bon, bah ça tombe bien, du coup, je vais pouvoir me rattraper... (Je lui adresse un grand sourire : ) J'ai une bonne nouvelle pour toi !

— Comment ça ?

Mon rictus s'élargit à sa question ; et puis, un regard plus attentif sur son allure me fait changer d'avis.

Finalement, c'est peut-être pas une bonne idée de confier une meuf bourrée à un gars tout aussi déchiré qu'elle.

Maudissant une énième fois ma mère et ses fichus préceptes, je me ravise :

— Non, en fait, oublie, je marmonne en lui tapotant le buste et tourne les talons.

Le cri de Maël me parvient tandis que je m'éloigne :

— Putain, t'es un sacré emmerdeur, tu le sais ça ?

— Je sais, c'est ce qui fait mon charme, paraît-il ! je réponds par-dessus mon épaule.

Je balaye la salle du regard et finis par apercevoir Clément, torse-nu, en train de hurler sa joie après avoir gagné au beer-pong. A peine me voit-il arriver qu'il me donne une accolade en s'exclamant :

— Wesh, Gab ! T'as raté un truc ! Je viens de mettre la misère à Clarisse !

— En même temps, pas compliqué d'éclater Clarisse, je rétorque en haussant un sourcil.

Le principal concerné s'offusque :

— Je m'appelle Romain, les connards ! Clarisse, c'est mon nom de famille !

— Ta gueule, Clarisse ! nous lui répondons d'une même voix.

— Sérieux, tu fais chier, Gab ! Tout ça c'est ta faute ! Depuis que t'as commencé à me surnommer comme ça, tout le monde s'y est mis...

Clément se penche vers moi afin de me chuchoter en fausse aparté :

— Y compris son jumeau, askip.

Je décoche un sourire narquois à Romain.

— Ah ouais ?

— Fais pas le malin ! s'énerve-t-il. Vas-y ramène-toi, je vais te défoncer au beer-pong pour la peine !

Je secoue la tête en signe de négation :

— J'peux pas, j'ai promis à Math de rester sobre, je retourne l'aider à réviser demain...

— Sérieux ? Et tu t'y tiens ? s'étonne-t-il.

— Hein qu'il est ouf ? enchérit Clément. Moi j'dis, c'est se donner beaucoup de peine pour une meuf que tu baises même pas !

Je lève les yeux au ciel en marmonnant :

— Ouais, bah c'est pas la seule meuf que je baise pas et pour qui je me casse le cul, ce soir...

Je l'entraîne alors un peu à part afin de lui chuchoter à l'oreille la situation "Fiona Faure". Clément écarquille des yeux étonnés, et l'excitation que je lis dans son regard ne m'inspire rien de bon lorsqu'il me demande :

— Attends, quoi... T'es en train de me dire que Fiona Faure est complètement déchirée sur ma terrasse ? (Il me tape vivement le buste du dos de sa main.) Mais mec, faut trop en profiter !

Je fronce les sourcils sans comprendre.

— Profiter de quoi ?

— Bah, faut que je remonte dans le classement, et si j'obtiens une fellation de Fiona, ça me fera deux cent cinquante points cash !

Putain, j'avais complètement zappé leur jeu à la con. Encore une bonne idée de Kylian, ça... Sérieux, des fois je me dis que le père de ce mec aurait mieux fait de se retirer le jour où il a baisé sa mère.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? marmonne-t-il, vexé. Tu voulais te la garder pour toi ?

— Je touche pas aux filles bourrées.

Clément m'adresse un sourire narquois.

— Bah t'as tort, man ! Car soyons honnêtes : y'a pas moyen que Fiona me suce autrement qu'en étant saoule, hein...

Je le toise un moment en silence, attendant qu'il percute de lui-même son level de connerie. Mais loin de comprendre, celui-ci a un petit rire gêné.

— Quoi ? Pourquoi tu me fixes comme ça ?

Je me frotte le menton en essayant de le faire réfléchir :

— Bah j'sais pas, frère, tu viens d'admettre de toi-même qu'elle te sucerait jamais en étant sobre, et là qu'elle est pétée tu veux en profiter. T'en conclues quoi ?

Il se tapote la tempe de l'index avec un large sourire tout en répondant :

— Bah... Que j'suis super intelligent de pas rater une occas' pareille ?

Cette fois, je ne peux plus me retenir ; le coup part tout seul et Clément se retrouve plié en deux.

— Non, la bonne réponse c'était que ce serait un putain de viol, espèce de teubé !

— Aïe ! Mais t'es ouf ou quoi ? Un viol, tout de suite les grands mots ! C'est pas moi qui lui ai dit de se bourrer la gueule ce soir, hein, elle a qu'à pas boire autant ! Et puis t'as vu comment elle est habillée, aussi ?

Dépité, je me masse longuement les paupières en faisant appel à tout mon sang-froid pour ne pas le frapper à nouveau. Moi qui pensais que ma mère était une putain de casse-couilles avec son sermon à la con, je comprends à présent son insistance, et me dis que certains mecs auraient bien besoin de l'entendre à leur tour.

Finalement, c'est pas plus mal que Mathilde soit pas venue ce soir, car la connaissant, elle aurait émasculé tous mes potes un par un et se serait fait un collier avec leurs couilles.

— Bon, tu sais quoi ? je déclare après un long soupir d'exaspération. On va mettre ça sur le compte de l'alcool que t'as bu ce soir et prétendre qu'on a jamais eu cette conversation, hein ? Maintenant, par pitié, ferme ta gueule et file-moi ton épuisette ! 

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