[Bonus] La beauté intérieure [1/3]
NDA : Bonjour à tous.tes ! Comme je l'avais dit en NDA à la fin du dernier chapitre, voilà un nouveau chapitre bonus. Il est assez long donc je l'ai divisé en 3 parties... Prévoyez de le lire quand vous avez le temps, dans un moment tranquille, du coup. 😊
Comme le précédent sur Tricia, il sera raconté d'un pdv différent de celui de Nat... Je n'en dirais pas plus (même si la musique d'en-tête devrait vous donner un petit indice), si ce n'est que ça risque de vous changer de notre chère Lalie. 😅
CW : contient des allusions à caractère sexuel. Aucune scène explicite, rassurez-vous, nous restons dans du tout public, mais les personnages vont parler de sexualité, quoi ! Rien de bien choquant, je pense, mais je préfère vous prévenir.
Voilà, je m'arrête ici... Et vous souhaite une bonne lecture ! 😘
👑👑👑
J'ai beau tâcher de me concentrer, je vois les lèvres de Léa s'agiter sans parvenir à écouter ce qu'elle me raconte. Je sais, c'est pas ouf de la part d'une meilleure amie d'hocher la tête et de lâcher des "hmm" et des "ah" en faisant mine de s'intéresser à ce qu'elle raconte, mais que voulez-vous ?
Mon cerveau tourne au ralenti depuis ce matin car je n'ai rien dormi de la nuit. J'aimerais dire que c'est parce que j'ai joué jusqu'à pas d'heure, mais ce serait être une grosse mytho : ces derniers temps, je n'ai plus trop le courage de me connecter sur WoW.
Non, j'ai passé ma nuit à chialer sous ma couette en écoutant des musiques d'émo-punk comme une grosse mauviette. Putain, c'est officiel : être amoureuse, c'est nul à chier !
— ... na ? Nana ? Fiona ! Bordel, tu m'écoutes ?
La tape sur le front plus que le cri de Léa m'extirpe de mes pensées.
— Ah ! Désolée ! Désolée ! je m'écrie. Non, j'ai rien écouté !
Ces mots me valent un regard noir.
— Et en plus tu l'avoues ! s'énerve-t-elle. Tu pourrais au moins faire semblant de t'intéresser, putain, Nana !
— J'ai essayé, j'te jure, mais bon, je suis une mauvaise comédienne... Désolée, Léa, tu parlais de quoi ?
Ma meilleure amie prend une grande inspiration, et je comprends à son expression qu'elle tâche de garder son sang-froid.
— A quoi tu pensais ? A ton chevelu, encore, c'est ça ?
Je me mords la lèvre inférieure, et cette mimique s'avère plus parlante que des mots.
— Putain, Nana ! soupire-t-elle. Pourquoi tu restes avec si ça te rend si malheureuse ? On en reparle, de son coup foireux le soir de la Saint-Valentin, là ?
Elle secoue la tête d'un air désapprobateur avant d'enchérir :
— Franchement, à ta place, je l'aurais jeté direct après ça ! "Thank you, next" comme dirait Ariana !
— C'est ça, ouais ! je m'esclaffe. Tu dis ça car t'as pas de copain actuellement, mais on sait toutes les deux comment t'es quand t'es amoureuse, meuf. J'suis sûre que tu serais même capable de rester avec un gars qui te trompe tellement t'es une lavette !
Léa me jette un regard noir puis finit par se mordre la lèvre en admettant :
— Bah... Ça dépend du mec. S'il en vaut la peine, j'avoue que...
Je lève les yeux au ciel, dépitée, jusqu'à ce qu'elle reprenne :
— Mais là c'est pas le cas ! Adam habite loin, il t'a menti... Si au moins il compensait par son physique, j'dis pas... Mais lui, il est même pas beau !
Je tire sur l'une de ses grandes mèches brunes, mécontente, lui arrachant un vieux "Aïeuh !".
— Arrête de le critiquer ! je m'énerve. La beauté, c'est pas le plus important, j'te signale ! Espèce de meuf superficielle !
— J'suis pas superficielle ! s'offusque-t-elle. C'est juste que... Si t'étais super heureuse avec lui, je dirais rien, mais c'est pas le cas : je vois bien que t'es triste, ces temps-ci... Et je déteste te voir comme ça !
Je croise les bras sur ma poitrine et mens effrontément :
— Je suis pas triste.
— Fiona... T'as même pas mangé ton burger. Or, on sait toutes les deux que si Fiona Faure n'a pas d'appétit, c'est que ça va vraiment pas !
Je me retiens de grimacer car Léa marque un point, ici. Comme chaque mardi, nous nous sommes rendues sur notre lieu de prédilection préféré pendant le déjeuner, à savoir sur les marches de la statue se trouvant près de la station Grange Blanche, à cinq minutes à pied de notre lycée. Vu que mon moral est à zéro ces jours-ci, elle a même accepté de faire une croix sur son éternel régime draconien pour manger un McDo.
Et au final, je n'ai pas réussi à en venir à bout. Pourtant, le gras ne me résiste pas vraiment, d'habitude. Je baisse les yeux sur mon sachet, où mon menu Maxi Best Of semble me dévisager avec le regard triste du Chat Potté dans Shrek.
— T'as raison..., je soupire. L'heure est grave si j'arrive pas à finir ma malbouffe ! Même le compte de Floover a pas réussi à me remonter le moral ! Je suis au bout de ma vie, Léa !
Les genoux repliés sur ma poitrine, j'enfouis la tête entre mes bras.
— C'est quoi le souci, cette fois ? s'enquit-elle. Il a encore passé la soirée à t'ignorer ?
J'acquiesce d'un air grave en gémissant :
— Je lui ai envoyés plein de WhatsApp... Et j'ai à peine eu une ou deux réponses ! Il me saoule, sérieux, c'était pas comme ça, entre nous, avant ! On s'écrivait des vingtaines de messages par heure et on s'appelait tous les soirs en visio !
— Je te l'avais dit ou je te l'avais pas dit, que cette histoire d'amour longue-distance, c'était une très mauvaise idée ? continue-t-elle de m'accabler.
— Nianiania ! je marmonne, agacée, reprenant sans vergogne l'expression de Nathalie.
— Très mature, comme réaction, ça, Nana ! rétorque Léa en arquant un sourcil.
J'agite un poing menaçant à l'adresse de l'univers tout en vociférant :
— Ça y est, il a pris ma virginité et maintenant il me calcule plus ! Goujat ! Crapule ! Godelureau !
— Godelureau ! s'esclaffe Léa. Non mais alors toi et tes expressions qui datent d'un autre siècle ! Et puis, j'te signale que t'as pris la sienne, aussi, hein.
Je fais la moue en enfouissant ma joue dans ma paume.
— Ouais, je sais, j'exagère. Adam est pas ce genre de mec. Mais bon...
Ma meilleure amie m'adresse un regard compatissant.
— Pff, quand je pense que t'as perdu ta virginité avant moi ! déplore-t-elle en secouant la tête. Qui l'aurait cru, hein ?
Je hausse les épaules.
— On s'en fout, non ? C'est pas un concours... En vrai, ça s'est fait assez naturellement, tu sais.
— Tu regrettes pas ? Même si ça doit se terminer ?
— Je suis pas fleur bleue, je sais bien qu'on reste rarement ad vitam aeternam avec notre premier amour... Et, franchement, si je l'avais pas fait avec Adam... Je sais pas si j'aurais réussi à le faire avec qui que ce soit d'autre.
Même si en vrai, c'était assez malaisant comme moment..., je complète en pensées. Je me retiens de rire en y repensant : la galère que ça a été pour enfiler la capote, et l'érection d'Adam qui diminuait à cause de sa panique, panique contagieuse qui a fait que mon vagin s'est contracté à mort sous le stress et que le pauvre a galéré avant de réussir à me pénétrer.
Sans parler de l'acte en lui-même qui n'a rien eu d'exceptionnel, et qui était loin d'être agréable. Le seul point positif, c'est qu'Adam étant puceau, ça ne s'est pas éternisé plus que ça.
Depuis que j'ai raconté cet épisode à Léa, elle s'est mis en tête de se trouver un copain avec qui perdre la sienne à son tour. En vérité, j'ignore pourquoi elle fait une fixette là-dessus ; pour être honnête, je ne me suis pas sentie bien différente après l'avoir fait.
— Bon, je sais ce qu'on peut faire pour te remonter le moral : t'as qu'à venir à la soirée d'anniversaire de Clément, samedi ! s'exclame Léa, m'extirpant de mes pensées.
— Pff..., je soupire d'un air maussade. Les soirées, tu sais bien que c'est pas mon truc...
— Allez, s'il te plaît, Nana ! Tu te feras super belle et tu posteras plein de photos sur Insta pour rendre Adam jaloux ! Histoire de lui faire comprendre ce qu'il perd !
— La dernière fois que j'ai été à une soirée avec les gars du rugby, ils arrêtaient pas de me draguer ! je ronchonne. Moi, je viens pour la bouffe et la danse, et eux, ils me cassent les couilles tout du long !
Léa lève les yeux au ciel puis se pâme en une imitation grossière de ma personne :
— Regardez moi, Fiona Faure, princesse de Saint-Jude, si populaire auprès des mecs que je préfère éviter les soirées ! s'exclame-t-elle en adoptant un ton de mondaine ridicule, tout en jouant avec ses cheveux.
Je fronce les sourcils et lui donne une tape sur l'épaule.
— Abuse pas ! Tu sais bien que je suis pas comme ça ! C'est juste que... Je trouve ça chelou, en vrai, pourquoi ils se mettent à me tourner autour d'un coup ? Je suis sûre que y'a une espèce de jeu sordide derrière. Un genre de virginity game ou j'sais pas...
— Tu crois ? s'exclame Léa.
— C'est mon grand frère qui m'en a parlé, je hausse les épaules. Les mecs peuvent être très cons, parfois...
Ma meilleure amie amène la main à sa bouche.
— Putain ! T'aurais pu me le dire plus tôt ! Si ça se trouve, c'est pour ça que Kylian a pas arrêté de me coller l'autre fois... (Elle se frappe le front de sa paume.) Et moi, comme une conne, je l'ai sucé ! Putain de merde ! Pourquoi je suce toujours les mecs dès que j'ai bu ?
Je secoue la tête, dépitée.
— T'es sérieuse ? Kylian ? Ce mec a un pois chiche à la place du cerveau !
— Ouais, mais il est mignon, non ?
Je lève les yeux au ciel. Léa est désespérante, quand il s'agit des mecs.
— Au moins t'as pas couché avec, je soupire. C'est déjà ça.
— Hé ! s'offusque-t-elle. Okay j'ai envie de perdre ma virginité, mais pas au point de faire ça vite fait à une soirée avec le premier venu ! Mon critère numéro un : je veux que le mec ait de l'expérience, histoire d'éviter des moments gênants comme toi et Adam !
— Connasse ! je rigole malgré moi en lui envoyant des frites sur le visage.
Léa se marre mais ne riposte pas.
— En vrai, je suis à deux doigts de demander à Gabriel Martin, tu sais, dit-elle d'un ton sérieux.
Toute trace d'amusement disparaît instantanément de mon visage.
— Cet espèce d'enfoiré ? T'es ouf ! T'as pas intérêt !
— Bah, il joue les enfoirés de service la plupart du temps, mais askip, au pieu, il est super doux et attentionné...
— Doux et attentionné ? Gabriel Martin ? Mon cul, ouais !
Léa affiche sa traditionnelle mine mécontente du "j'aime pas qu'on me contredise".
— C'est pourtant ce que disent toutes les filles qui l'ont fait avec lui pour la première fois, objecte-t-elle d'un ton guindé.
— Y'en a tant que ça ? je m'étonne.
Ma meilleure amie réfléchit et se met à compter sur ses doigts ; elle en lève un, puis deux, trois, quatre, cinq, six, sept...
— Bon, ça va, j'ai pigé ! je m'exclame en baissant sa main. C'est abusé ! Qu'est-ce qu'elles lui trouvent toutes ?
— Arrête, Fio ! Toi-même tu dois reconnaître qu'il est grave BG ! (Un sourire en coin apparaît sur ses lèvres.) Et puis, apparemment il est plutôt doué avec sa langue...
Ces mots m'arrachent une grimace de dégoût. Je vois bien que Léa est obnubilée par Gabriel depuis qu'il a débarqué dans notre lycée. Mais bon, même si ça m'agace au plus haut point, il est difficile de l'en blâmer...
Je suis peut-être la seule du lycée à savoir quel genre de pourriture cache sa beauté extérieure. J'aurais pu profiter de ma nouvelle popularité pour baver sur son dos et pourrir sa réputation, vous me direz, mais voilà :
Premièrement, on parle quand même de Gabriel Martin et, franchement, j'ignore si ça aurait suffi vu que, peu importe à quel point il peut être con, les gens finissent toujours par le kiffer et le suivre. Deuxièmement, ça m'aurait abaissée au même niveau que lui. Et troisièmement, de son côté, il est le seul à savoir à quoi je ressemble réellement sans mon maquillage ainsi que tous mes apparats. Or, comme il a fermé sa bouche jusqu'ici, je ne vois pas de raison d'ouvrir la mienne.
— BG ou pas, on parle quand même du gars qui a démoli la jambe d'un autre à coup de briques en début d'année..., je fais remarquer. Tu te souviens, il avait les mains et la gueule en sang !
— Oh oui, je me souviens très bien..., soupire-t-elle d'un air rêveur. Justement, ce côté bad boy le rend encore plus attirant, tu trouves pas ?
— Euh... Non ? (Je secoue la tête, désabusée.) On est pas dans un de tes livres à la con où la gentille fille parvient à ramener le bad boy sur le droit chemin grâce à la force de son vagin magique, là, Léa, c'est la vraie vie ! Et dans la vraie vie, les mecs comme ça craignent un max ! Il faut s'en tenir aussi éloignées que possible !
Elle fait la moue.
— Dommage, je me serais bien transformée en Tessa s'il m'avait proposé d'être mon Hardin...
Je roule des yeux.
— Oh par pitié, non, pas encore After... J'en peux plus de ce bouquin ! Je suis même pas venue à bout du tome un !
— Normal ! plisse-t-elle les yeux. Toi, si ça parle pas de vaisseau spatial ou de dragon, aucun livre t'intéresse !
— Désolée d'avoir de bons goûts, très chère ! je m'exclame sur le même ton de fausse mondaine qu'elle a adopté quelques minutes plus tôt, le tout en faisant un mouvement ample à l'aide de ma chevelure.
Léa lève les yeux au ciel, exaspérée, sans pour autant pouvoir s'empêcher de pouffer.
— T'es con, quand même ! N'empêche, c'est quoi le souci avec Gabriel, au juste ? Chaque fois qu'on parle de lui, tu te braques, ou alors tu le trashtalk à mort ! Il s'est passé un truc entre vous, au collège, pour que tu le détestes à ce point ?
"T'y as vraiment cru ?"
La mine renfrognée, je chasse aussitôt ce souvenir refoulé que sa question a ravivé malgré moi.
Même si j'adore Léa, je n'ai pas encore assez confiance en elle pour lui avouer que j'étais une putain de victime à cette époque. Que j'étais un sale pâté avec des kilos en trop dont tout le monde se moquait. Que j'était bien différente de la princesse de Saint Jude que nos camarades admirent aujourd'hui.
Je n'étais rien qu'une pauvre fille moche et insignifiante, cible favorite des moqueries de ses congénères, avec à leur tête... Gabriel en personne.
Lorsque ce dernier a débarqué dans mon lycée, j'ai eu la peur de ma vie ; je croyais que le calvaire allait recommencer. Qu'il s'attaquerait à nouveau à moi, et que je redeviendrai une paria. Pourtant, étrangement, il n'en a rien fait. En vérité, il passe plus de temps à m'ignorer et à m'éviter qu'autre chose.
Je pensais être soulagée à cette idée, mais, au contraire, le fait qu'il fasse comme si je n'existais pas me blesse encore davantage, car cela me donne l'impression d'avoir tout imaginé. Comme si j'étais folle.
Au fond, j'ignore ce que j'attendais de lui ; des excuses, peut-être pas, on parle de Gabriel, après tout. Mais au moins... Je ne sais pas, qu'il reconnaisse mon existence. Je dois être un peu maso sur les bords, à souhaiter que mon ex-bourreau m'adresse la parole, non ? Pourtant, cela me confirmerait que tout est bien arrivé et que je ne suis pas juste complètement chtarbée.
— Pour rien, je mens finalement à la question de Léa. C'est un sale con et je peux pas me le blairer, c'est tout.
Léa pousse un long soupir mais n'insiste pas.
— Okay... (Un sourire taquin se dessine sur ses lèvres.) Du coup, si tu veux t'assurer que je couche pas avec lui samedi soir, tu sais ce qu'il te reste à faire...
J'arque des sourcils perplexes.
— T'es sérieuse ? je m'offusque.
— Ça va, fais pas cette tête ! Je déconne ! Mais franchement, Nana, ça te changerait les idées, tu crois pas ? Allez ! Je veux pas y aller toute seule ! S'il te plaît !
Je fais la moue mais finis par marmonner à contrecoeur :
— Bon, très bien. J'émets une condition, par contre... Tu dois m'aider à choisir une nouvelle robe ! Je veux être si canon qu'Adam s'en mordra les doigts !
Le visage de Léa se fend à deux à cette déclaration, tandis que ses pupilles, elles, brillent déjà d'excitation.
— Voilà ! s'exclame-t-elle. Ça, c'est le bon état d'esprit ! Méfie-toi, le chevelu : la queen Fiona est de retour !
🔥🔥🔥
Plusieurs constats s'offrent à moi lorsque j'ouvre les yeux : premièrement, je ne sens plus mon bras droit ; deuxièmement, il est huit heure du soir passées, troisièmement, le lit est envahi de bouquins, de feuilles de cours et divers polycopiés en tous genres portant sur la constitution de l'atome. Bref, j'ai connu des réveils beaucoup plus appréciables.
N'importe quel autre mec se serait réjoui de sentir contre son torse l'opulente poitrine de la jolie brune endormie à mes côtés, sauf que moi, ça me laisse de marbre tant j'y suis habitué. Et pour cause : la jolie brune en question, c'est Mathilde, mon amie d'enfance.
J'extirpe de mon mieux mon membre de sous son corps, ce qui lui arrache un grognement mécontent.
— Désolé, Math, mais j'aimerais récupérer mon bras, en fait ! je rigole en lui secouant doucement l'épaule.
Celle-ci ouvre des yeux embués de sommeil, et je me retiens de rire en voyant ses lunettes rectangulaires complètement de travers. Avec un rictus amusé, je les remets en place sur son nez.
— C'est quelle heure ? demande-t-elle en baillant.
— Huit heure et quart. On a dû s'endormir comme des merdes en révisant ta physique.
Je passe une main dans mes cheveux.
— Putain, j'arrive pas à croire que j'ai fait une nuit blanche pour étudier, je marmonne. Sérieusement, y'a que toi pour me faire faire des trucs pareils ! Je me demande bien pourquoi j'ai accepté...
— Parce que t'es le mec le plus gentil de l'univers, Gaby ! s'exclame-t-elle en m'enlaçant.
Je la repousse avec une moue de dégoût.
— M'insulte pas, wesh. Je suis jamais gentil !
— Mytho ! pouffe-t-elle. Tu l'es toujours, avec moi !
— Ouais, bah le répète pas à tout le monde. J'ai une réputation de connard à tenir. Bon, allez, bouge !
Sauf qu'au lieu de s'écarter, elle s'accroche encore plus fort à moi.
— Sérieux, Math, tu fanes ! je soupire en me laissant retomber sur le lit, exaspéré.
— Pas ma faute si ton torse est confortable ! Hum, t'as encore pris du muscle, non ?
Joignant le geste à la parole, elle se met à tâter allègrement mes pecs ; cette fois, je vire ses mains sans ménagement.
— Vas-y tu fous quoi ? Est-ce que je te pelote les bzez, moi ? T'es ouf ou quoi !
— Tu pourrais le faire, ça me dérangerait pas, me répond-elle avec un sourire taquin.
Tout en disant ça, ses doigts descendent de plus en plus bas le long de mon ventre, jusqu'à commencer à les glisser sous mon jogging en me susurrant à l'oreille :
— J'ai grave envie de te sucer...
Okay, j'avoue que pendant une fraction de seconde, j'ai un moment de faiblesse et manque de céder face à cette proposition alléchante — sans mauvais jeu de mot. Cela dit, je me reprends assez vite et la repousse pour de bon.
— Pas question ! je rétorque en la faisant basculer sur le côté. Je t'ai déjà dit qu'il fallait qu'on arrête de faire ça.
— Qu'on arrête de faire quoi ? lève-t-elle les yeux au ciel, agacée.
Je nous désigne tour à tour de l'index en rétorquant :
— Le sexe oral. Entre nous. C'est terminé ! Terminado ! Finito ! Over !
J'illustre cette interdiction en formant un signe de croix avec mes avant-bras.
— Mais pourquoi ? gémit-elle d'un ton plaintif.
— Parce que je veux pas que notre relation dérape !
— Ah bah oui parce qu'après le soixante-neuf de la dernière fois, notre relation a pas déjà assez dérapé, selon toi ? lance-t-elle d'un ton sarcastique. Le sexe, c'est pas juste un pénis dans un vagin, Gabriel !
— Merci, j'suis pas teubé, je rétorque d'un ton acide. Et c'est justement la raison pour laquelle on doit pas recommencer !
Je marque une pause mais ne parviens pas à m'empêcher d'ajouter d'un air accusateur :
— Surtout que tout ça, c'est ta faute, de base... Madame voulait que je lui apprenne à faire des fellations car elle avait peur de pas savoir s'y prendre avec son keum.
Je lève les yeux en y repensant : à l'origine, le deal, c'était qu'elle s'entraîne sur mes doigts. Sauf que, de fil en aiguilles, les choses ont légèrement dérapé et, avant que je ne comprenne comment ni pourquoi, elle s'est retrouvé avec mon sexe en bouche. A présent, je réalise à quel point l'entièreté de cette idée était complètement débile.
C'était clairement un guet-apens et moi, je me suis fait avoir comme un puceau, sa mère la pute !
— Je m'en souviens, merci, c'est à cause de ça qu'il m'a quittée, j'te signale ! lâche-t-elle avec amertume, m'extirpant de mes pensées.
— Genre ça t'a surprise ? je m'esclaffe. C'est bizarre, hein, mais en principe les mecs kiffent pas trop que leurs meufs aillent sucer d'autres gars, Mathilde.
Elle balaye ma remarque d'un revers de main.
— La monogamie, c'est passé de mode, t'façon, marmonne-t-elle, mécontente. Et puis bon, c'est toi qui as enchaîné sur un cunni, j'avais rien demandé, moi !
— J'admets m'être quelque peu laissé emporté sur le moment, c'est tout, je réponds d'un ton guindé. Mais maintenant, faut qu'on arrête nos conneries, alors stop faire ta s...
— Ma quoi ? s'offusque-t-elle. Vas-y, va au bout de ta pensée, Gaby !
— Ta succube ! je m'emporte en me levant d'un bond. T'es une putain de succube, Math, tu me rends dingue, sérieux !
Cela me vaut d'être fusillé du regard :
— Ouais bah mon côté succube te dérange pas quand il s'agit d'éjaculer dans ma bouche, enfoiré !
Je me mords le poing de frustration. Est-il possible d'à la fois adorer et détester une personne ? Lorsqu'il s'agit de Mathilde, la réponse est indubitablement "oui".
— C'est précisément ça le problème, banane !
Assise en tailleur, elle affiche une moue boudeuse tout en lançant d'un ton plaintif :
— Donc quoi, ça veut dire que t'accepteras jamais de coucher avec moi ? Je t'ai déjà dit que je voulais que tu sois mon premier !
— Et moi je t'ai déjà dit que c'était mort, meuf.
Elle enfouit son menton dans ses poings.
— Pourquoi tu veux pas ? gémit-elle. Allez, Gaby ! T'es le mec en qui j'ai le plus confiance ! Tu préférerais que je le fasse avec un type que je connais à peine ? Franchement, t'as accepté de faire ça pour des filles de ton nouveau lycée, là, et avec moi tu veux pas ? Qu'est-ce qu'elles ont de plus que moi ?
Je me pince l'arête du nez, de plus en plus agacé par cette conversation.
C'est justement parce que je tiens à toi que je veux pas qu'on couche ensemble, bécasse !
— Putain, Math, j'ai ni l'envie, ni le temps de me prendre la tête à ce sujet avec toi ! je m'agace en enfilant mon sweat-shirt.
Son visage se décompose à ces mots.
— Comment ça ? s'exclame-t-elle. Tu vas où ?
— Sérieux, tu m'écoutes quand j'te parle des fois ? T'es au courant qu'autour de mon phallus, y'a une personne entière qui existe ?
Elle lève les yeux au ciel mais ne peut contenir un petit éclat de rire malgré elle.
— T'es con, putain ! pouffe-t-elle en amenant la main à sa bouche. C'est l'anniv d'un de tes potes du rugby, c'est ça ?
— Ouais, Clem.
En même temps que je dis ça, je m'accroupis pour fouiller les tiroirs de sa table de nuit, à la recherche de mes clefs.
— Mais t'avais promis de m'aider à réviser ! proteste-t-elle avec une moue boudeuse.
Je suspends mon geste et tourne la tête vers elle.
— T'es sérieuse dans ton délire, là ? J'ai fait quoi hier soir ? On a quasi pas dormi de la nuit pour bosser tes cours ! J'ai même séché un entraînement de rugby exprès cette aprem, le coach va me défoncer ! J'suis le demi d'ouverture, j'te rappelle !
Je me passe nerveusement une main dans les cheveux avant de reprendre d'un ton adouci :
— En vrai, tu devrais m'accompagner, ça te ferait pas de mal, une petite pause. C'est bien aussi de laisser reposer son cerveau entre deux sessions de révisions...
Comme je m'y attendais, elle croise les bras sur sa poitrine, obtuse.
— Je vais pas aller à une fête de ton lycée de pète-culs ! Je connaîtrais personne !
— Pff, mais genre ! C'est vrai, j'avais oublié que t'étais d'une timidité maladive qui t'empêchait de t'intégrer partout où tu vas !
Mon sarcasme parvient à lui arracher un sourire, qu'elle efface en secouant la tête avant de persister en grosse têtue qu'elle est :
— Je peux pas me permettre de me bourrer la gueule ce soir ! Les profs ont dit que je devais remonter ma moyenne de physique sinon j'irai jamais en S ! (Elle me lance un regard accusateur.) Et t'avais promis de m'aider, j'te signale...
Ayant enfin retrouvé mon trousseau, je l'enfouis à l'intérieur de ma poche et me rasseois sur le lit.
— Math..., je soupire en me saisissant doucement de ses épaules. T'es prête, là, sérieux, arrête de te mettre la pression comme ça. Si tu t'es chié dessus, la dernière fois, c'est justement parce que t'as perdu tes moyens. T'es la meuf la plus intelligente que je connaisse, aies un peu confiance en toi, bordel !
J'appuie mon front contre le sien avant de poursuivre :
— Écoute, voilà ce que je te propose : je vais à l'anniv de Clem ce soir, et demain je reviens dès l'aube pour t'aider, okay ?
— C'est ça, ouais ! se moque-t-elle. Tu vas débarquer complètement déchiré et tu vas cuver sur mon lit toute la journée ! Voilà ce qui va se passer ! Je te connais, Gaby !
— Je boirai pas une goutte d'alcool, promis.
— Et tu fumeras pas de beuh non plus ! fronce-t-elle les sourcils.
Putain, quelle casse-couilles, sérieux.
— Ouais, ouais, je fumerai pas non plus. Je serai un vrai petit ange, à la hauteur de mon prénom. Voilà, t'es contente ?
Elle se mord la lèvre inférieure puis finit par acquiescer.
— Bon, allez..., je souffle avec un faible sourire. Faut que je file, maintenant, Clem habite à l'autre bout de Lyon et je dois encore me doucher et me changer. J'peux pas débarquer là-bas en mode balec, avec mon sweat et mon jogging de crasseux !
— Moi, j'aime bien ton sweat SNK ! pouffe-t-elle en caressant le blason du bataillon d'exploration situé sur mon pectoral gauche. Qu'est-ce qu'il y a, t'as peur que ta réputation en prenne un coup si les gens découvrent ton statut d'otaku ?
Je la toise avec condescendance tandis que je lance :
— Meuf, tu me connais pas ou quoi ? La classe, c'est inné, chez moi. Je pourrais me pointer au bahut déguisé en Super Saiyan que je serais toujours aussi cool ! (Je secoue la tête.) J'aime juste être bien habillé, c'est tout.
Une fois sur le pas de sa porte, je détache ma chaîne en argent de mon cou pour l'attacher autour du sien, à la place.
— Tu me prêtes ta chaîne ? s'étonne-t-elle.
— Te fais pas d'illusion, je proteste derechef. C'est juste histoire de me motiver à venir demain si jamais j'ai changé d'avis et que j'ai la flemme.
— Enfoiré ! s'énerve-t-elle en me repoussant.
Je rigole à sa réaction puis lui pince affectueusement le nez.
— Allez, à demain, l'intello !
— Tu peux parler ! fronce-t-elle les sourcils. J'te signale que quand on allait au bahut ensemble, t'avais de meilleures notes que moi ! Et puis, de nous deux, c'est pas moi qui vais dans un lycée privé huppé de pète-culs !
Je lui adresse un sourire narquois.
— Hum, ça sent le seum par ici, non ? Je me repais de ta jalousie ! (Je désigne mon visage avec mon index avant d'ajouter : ) Tu vois cette tête ? C'est celle d'un futur chirurgien ! Alors qu'en face de moi, là... Se trouve une future caissière de Carrefour !
Je ponctue ma phrase d'une pichenette sur son front, ce à quoi elle réplique par un coup de pied dans mon tibia en vociférant :
— Connard ! Je serais pas caissière ! Je vais intégrer l'INSA, je deviendrai ingénieure alors que toi, tu finiras en prison après avoir buté un mec dans une bagarre qui aura mal tourné !
— T'es malade ? J'suis pas violent, comme gars !
Elle croise les bras sur sa poitrine.
— Ah ouais ? Et on en parle, du type à qui t'as détruit la jambe à coups de brique, l'autre fois ?
Je grimace malgré moi en me remémorant ce funeste épisode qui m'a valu une sale réputation dans mon nouveau bahut.
Remarque, le point positif, c'est qu'on me fout la paix, depuis.
— Il l'avait cherché, aussi ! Il m'avait frappé au visage ! Personne touche à mon visage sans en subir les conséquences ! (Je croise les bras sur mon torse.) Et dans une bagarre, n'importe quel objet qui passe sous ma main devient une arme, point.
— Est-ce que vous-même saviez pourquoi vous vous battiez, au moins ? arque-t-elle un sourcil sceptique.
Je réfléchis un instant, puis finis par hausser les épaules.
— M'en souviens pas. Sûrement un regard de travers, une connerie du genre...
Mathilde se passe une main sur le visage, dépitée, avant de lâcher d'un ton sarcastique :
— Bon, allez, casse-toi, va ! Tant de virilité risque de me faire tomber sous ton charme !
Je mets ma casquette sur mon crâne et lui adresse un dernier clin d'oeil :
— Pas la peine de faire style, on sait tous les deux que tu l'es déjà !
Des sifflements m'extirpent de mes pensées lorsque j'arrive aux abords de mon immeuble. Je lève la tête pour apercevoir Hamza et Eden qui, fidèles au poste, sont occupés de zoner sur un banc en fumant des joints.
— Wesh, Gab ! Tu reviens de chez Math ?
— Tu te l'es faite, ça y est ?
J'accorde pour seule réponse un doigt d'honneur à leurs questions indiscrètes et entre à l'intérieur du bâtiment, montant les escaliers à grandes enjambées, pressé de filer sous la douche. Cependant, à peine ai-je ouvert la porte d'entrée que des cris émanant du salon me parviennent :
— Oui ! Oui ! C'est trop bon ! T'arrête pas !
Je me fige en comprenant que ma mère a encore ramené son mec du moment. Non sans soupirer, je referme la porte aussi discrètement que possible puis descends retrouver Hamza et Eden, à qui je taxe d'office une taffe de leur joint, ignorant les protestations du premier. Je sais que j'ai promis à Mathilde de ne rien consommer, mais j'estime qu'au vu des circonstances, j'ai mérité compensation.
— T'as oublié tes clefs ? s'étonne Eden.
— Nan, je réponds en expirant la fumée. Ma mère est en train de baiser, j'attends qu'elle ait terminé.
— Ah, merde. T'as pas peur que ça dure trop longtemps ?
— Aucun risque. Le record de son keum en durée coïtale s'élève à cinq minutes montre en main. Pourquoi tu crois que je l'ai surnommé Lucky Luke ?
Ma remarque déclenche leur hilarité.
— Ah putain ! s'esclaffe Hamza. Gab et ses surnoms, voilà un truc qui me manque, sérieux ! Ça m'fait penser... Vous vous souvenez de la meuf qu'on victimisait au collège ?
— Mais grave ! enchérit Eden. Miskina, on l'a tellement fait chier qu'elle a arrêté de venir à la fin !
Comprenant à qui ils font allusion, j'amène machinalement ma main à mon cou pour jouer avec ma chaîne en un tic nerveux, puis je me souviens que je l'ai prêtée à Mathilde et laisse retomber mon bras le long de mon corps. Étant donné qu'ils galèrent à retrouver son prénom, je finis par le lâcher du bout des lèvres :
— Fiona.
— Oh mais oui ! Fiona le petit pâté ! se marre Hamza. Putain, je me demande ce qu'elle est devenue...
— Elle est dans mon nouveau bahut, je laisse échapper après avoir tiré une taffe.
— Sérieux ? La poisse !
Je hausse les épaules.
— Bah, je m'en fous d'elle, moi ! je proteste.
— Non, pas la poisse pour toi, la poisse pour elle ! se corrige Eden. J'veux dire, tu te souviens du sale coup que tu lui as fait en troisième ? Elle a dû chialer sa mère en revoyant ta gueule d'ange débarquer !
— J'avoue ! Nous on restait sur des trucs classiques, à base de bousculade, de boulettes de papier envoyées dans les cheveux, de plateau renversé à la cantine... Mais toi, frère, t'as été loiiiiiiiin ! enchérit Hamza en secouant sa main.
— Obligé il va cramer en enfer après ça !
— Ce mec, c'est le Sheitan !
Grimaçant intérieurement, je dois admettre qu'ils ont raison. Une vie entière de rédemption ne suffirait pas à rattraper ce que j'ai fait subir à Fiona, à moins peut-être de me faire prêtre...
Mais bon, entre une vie réelle sur terre sans sexe et une hypothétique vie de tourments éternels... Le choix est vite fait. Tant pis pour la rédemption, du coup, j'opte pour la damnation.
— Ça va, je lui fous la paix, en vrai, je marmonne, agacé. J'allais pas recommencer à l'emmerder, je suis pas un monstre non plus...
Mes interlocuteurs, hilares, se mettent alors à raconter quelques anecdotes des misères qu'ils lui ont fait subir à l'époque, face à quoi j'affiche un sourire de façade sans partager le moins du monde leur entrain.
Inutile d'expliquer à ces deux idiots que je regrette amèrement ce que j'ai fait, et que parfois la mine attristée de Fiona revient me hanter la nuit dans mes cauchemars.
Désolé, petit pâté, je t'ai vraiment pas épargnée.
Le claquement de la porte de l'immeuble m'extirpe de mes pensées et j'hausse les sourcils en reconnaissant Lucky Luke. Ce dernier m'aperçoit et m'adresse un petit signe poli de la main, ce à quoi je réponds par un doigt d'honneur.
— C'était le keum de ta mère ?
— Ouais, encore un mec marié qui promet qu'il va quitter sa femme et qui le fera jamais.
— Audrey n'a aucun goût en matière d'hommes ! rigole Eden.
Je hausse les épaules.
— Je crois surtout qu'elle a tellement peur de finir seule qu'elle saute toujours sur le premier venu.
Mon coeur se serre à cette pensée car je sais qu'en vérité, sans moi, elle serait casée depuis longtemps.
— Bon, allez, je déclare en rendant son joint à Hamza. Je m'arrache, j'ai une soirée et je suis déjà à la bourre...
— Tu veux que je demande à mon reuf de te prêter sa caisse ? me propose-t-il.
J'hésite un instant, repensant à mon dernier aquaplanning qui a failli nous tuer ma passagère et moi, puis finis par secouer la tête en signe de dénégation.
— Nan, mauvaise idée. (Je me frotte le menton, songeur.) Je crois que je vais attendre d'avoir le permis avant de conduire à nouveau, en vrai. Ça me semble plus raisonnable.
— Mais genre ! rigole-t-il. Le permis, c'est dans deux ans, c'est trop loin ! Et puis ça va, t'es pas mort...
— J'ai pas perdu la vie, ouais..., j'acquiesce. Juste ma meuf.
— C'est chelou, hein ? se moque Eden. Quelques minutes avant t'étais en train de la soulever sur la banquette arrière, puis ensuite tu manques de la buter en voiture et hop, c'est fini, elle te plaque !
Un rictus se dessine au coin de mes lèvres.
— Grave, il leur en faut vraiment pas beaucoup ! j'enchéris. Et puis, elle arrêtait pas de chialer, c'était relou. Alors qu'elle avait rien, en plus ! (Je lève les yeux au ciel.) Incompréhensible !
Mon sarcasme les fait déjà bien rigoler, mais j'en remets une couche en adoptant un timbre suraigu :
— "M'approche plus jamais, Gaby ! Je veux plus rien avoir à faire avec toi, espèce de salaud !" C'est toujours le même disque, wesh !
— Au moins, tu peux pas dire que tu leur fais pas d'effet ! ricane Hamza.
Je secoue la tête, dépité, en admettant qu'il a raison. Avec moi, il y a rarement d'entre-deux ; c'est soit les meufs me kiffent, soit elles me détestent. Le deuxième cas de figure se produisant souvent quand je les largue — bizarrement.
Mais bon, pour ma défense, je suis bien obligé de jouer les connards une fois que c'est terminé, sinon mes exs ont la fâcheuse tendance à s'accrocher comme des tiques.
Je comprends pas pourquoi elles font ça, sérieux. Elles ont cru que c'était parce qu'elles se mettaient à chialer et à me supplier de les reprendre que j'allais changer d'avis ? Elles ont aucune race ou quoi ?
Déjà, de base, je suis pas du genre à revenir sur mes décisions. Et puis, en plus, une meuf qui chiale avec de la morve plein le nez, ça n'a rien de très attirant, hein. Un peu de fierté, bordel ! Leçon numéro un : on ne revient pas en rampant vers une personne qui vous a jeté. Point barre.
Une fois chez moi, je claque ostentatoirement la porte en criant que je suis rentré, histoire que ma mère finisse de se rhabiller au cas où elle serait encore à moitié à poil comme ça m'est arrivé, une fois, quand j'étais en cinquième.
Situation déjà bien malaisante de base, mais ajoutez à ça le fait que j'avais eu la bonne idée, ce jour-là, de ramener des potes et vous comprendrez pourquoi ma mère, jeune trentenaire pesant dix kilos de moins à l'époque, a gagné son statut de MILF. Et non, je ne considère pas ça comme un putain de compliment.
Heureusement pour moi, elle porte tous ses vêtements lorsque j'arrive dans le salon ; assise au bar en train de boire un café, elle arque des sourcils surpris en me voyant.
— Tu dormais pas chez Mathilde, ce soir ? s'étonne-t-elle.
Traduction : "je pensais avoir l'appart pour moi toute seule et tu viens niquer mes plans, espèce de merdeux à la con".
— T'inquiète, je passe en coup de vent me changer, j'ai une soirée, tout à l'heure ! je réponds après avoir mordu dans une pomme. Tu pourras ken autant que tu veux avec ton éjaculateur précoce.
Cette remarque me vaut une tape à l'arrière du crâne.
— Non mais dis donc ! Respecte Hervé, espèce de merdeux à la con ! C'est pas de sa faute s'il a des troubles de l'érection... Tu devrais pas trop te marrer, ça t'arrivera peut-être, avec l'âge !
Un rictus apparaît sur mes lèvres à ces mots, et je ne peux m'empêcher de la provoquer encore une fois :
— C'est ça aussi d'aller les chercher dans les EHPAD...
Cette remarque me vaut une nouvelle frappe.
— Ferme-la, petit con ! Va donc te doucher au lieu de me pourrir la vie !
— Moi aussi, je t'aime ! je réponds avec un sourire narquois en fermant la porte de la salle de bain.
Lorsque j'en ressors, une fois propre, habillé, et parfumé, ma mère en profite pour m'administrer son éternel sermon pré-soirée :
— Et souviens-toi, Lou : si jamais une fille est bourrée, on...
— On en profite pas, j'achève avant elle. Je suis pas teubé, hein.
— Et quoi d'autre ?
Je lève les yeux au ciel.
— On la laisse tranquille et on s'assure qu'elle puisse décuver quelque part en sécurité.
Un sourire vient fendre sa bouche en deux tandis qu'elle cherche à passer une main dans mes cheveux.
— Brave garçon. Voilà au moins un pan de ton éducation que j'ai pas complètement foiré.
J'intercepte son poignet avant qu'elle ne me décoiffe et rétorque avec un sourire moqueur :
— Ouais, on peut pas en dire autant du reste, par contre !
Elle plisse les yeux mais ne se départit pas de son air satisfait.
— Allez, file, va, espèce de merdeux !
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