— Alors tu t'imaginais pouvoir continuer à vivre ta petite vie tranquille, comme si de rien n'était ? Crois bien que je suis pas près de te pardonner, tu vas me payer très cher ce que t'as fait ! L'heure de la vengeance a sonné !

Je serre malgré moi les dents, appréhendant déjà ce qui va suivre lorsqu'elle brandit un verre d'eau d'un geste menaçant.

— Attends... je suis sûre qu'on peut discuter...

Trop tard : le contenu du verre se déverse de manière implacable, dans l'hilarité générale des gens attablés autour de la scène.

— Quand même, elles abusent grave, là ! commente Mattéo en face de moi. Tricia était pas censée être leur meilleure amie ?

Et oui : désolée si je vous ai effrayés, chers lecteurs, toutefois la personne qui se fait actuellement victimiser, ce n'est pas moi, mais bel et bien Tricia elle-même. Ironique, n'est-ce pas ? C'est, je crois, ce qu'on nomme communément le "karma", non ?

Oh je vous vois déjà venir en commentaire : nianiania Nat c'est pas cool, t'es pas gentille, c'est pas beau de se moquer du malheur des autres, et autres leçons de morale en mode Mère Thérésa. Et bah désolée, mais je vais être honnête et dire que là, tout de suite, j'éprouve absolument zéro empathie pour Tricia. Je jubile, même.

Vous connaissez le dicton, après tout : "Life is a bitch and so is Lalie"... comment ça c'est le dicton de l'autrice ? Oh et puis merde, je fais ce que je veux, j'ai le droit de le lui piquer, non ? Après tout, elle a bien laissé Gabriel et Fiona me voler mon "nianiania" dans Insert Coin, donc merde ! C'était MON nianiania, vous m'entendez les deux autres ? Le mien à moi. Nianiania™ by Nathalie Trombière ! Non je fermerai pas ma gueule Gabriel, c'est mon histoire ici, je dis ce que je veux ! Sors de ma tête !

...

Hum, bref, désolée pour ce moment d'égarement. Je disais donc : je jubilerai presque de voir Tricia se faire tourmenter depuis ce matin. Bon, d'accord, une petite pointe de culpabilité s'empare quand même de moi lorsque celle-ci, trempée et humiliée, se lève de sa chaise avant de s'enfuir du self en courant, en larmes, poursuivie par les rires moqueurs de nos camarades...

Une très légère pointe de culpabilité. Car si je suis parfaitement honnête, je dois admettre que le sentiment qui prédomine chez moi, là, tout de suite, c'est surtout le soulagement.

En effet : lorsque j'ai vu que Tricia était revenue, j'étais terrifiée à l'idée que le cauchemar recommence. Que mon ancienne tourmentrice — oui, je sais que ce mot n'existe pas mais je m'en fous — cherche à se venger et que, d'une manière ou d'une autre, elle parvienne à nouveau à retourner les gens contre moi.

Sauf qu'en réalité, Tricia est beaucoup trop occupée à se retenir de chialer entre deux brimades pour se permettre de comploter quoique ce soit. Et je n'ai qu'une chose à dire : cheh multiplié par trois.

Le pire dans tout ça, c'est que ses deux principaux bourreaux ne sont nuls autres que... Anaïs et Marina. Oui, je me doute que vous avez oublié qui c'était vu le temps que met cette feignasse d'autrice à publier ses chapitres, mais pour faire simple : il s'agit de ses anciennes "meilleures amies", ses toutous qui la suivaient partout depuis le début de l'histoire, les deux têtes restantes du Cerbère...

C'est bon, vous les remettez ? Cool. Et non je ne referai pas de description car 1) j'ai la flemme ; 2) je les ai en horreur ; 3) elles ne sont pas suffisamment importantes pour en mériter une. Imaginez-les comme vous voudrez, genre mettez-leur la tête de deux filles que vous ne pouvez pas voir en peinture, ça fera très bien l'affaire. Oh la la il faut que je me calme sur le brisage du quatrième mur dans ce chapitre !

Donc bref, Anaïs et Marina ont visiblement l'air d'avoir très mal pris les mensonges de Tricia ; je pourrais presque les imaginer en train de chanter Trahison, disgrâce du Roi Lion 2 au beau milieu du self, tandis que tout le reste des témoins attablés autour d'elles se mettent à entonner le refrain en choeur.

Ah bah ça y est c'est trop tard, à peine y ai-je pensé que je ne peux m'ôter cette vision de la tête, et voilà que la cantine se transforme en un véritable remake d'High School Musical, comme dans ces épisodes de séries américaines hyper gênants où les personnages se mettent à chanter sans raison, vu qu'à la base il ne s'agissait aucunement de séries musicales (oui c'est toi que je vise, Riverdale !).

Du coup ça donne à peu près ça :

Anaïs, bras croisés sur la poitrine : Trahison ! Disgrâce !

Marina, le dos de la main sur le front comme si elle allait s'évanouir : L'art du mytho est marqué sur sa face !

Le reste du self, secouant la tête en signe de désapprobation : Trahison ! (quel outrage) Disgrâce ! (et violence !)

*Tricia, en larmes, se lève et se dirige vers la sortie en courant.*

Karim, faisant un croche-pied à Tricia lorsqu'elle passe devant lui : Elle n'est que nuisance depuis le collège !

Le reste du self, toisant Tricia étalée par terre : Trahison ! (elle ne peut changer) Disgrâce ! (décadence !)

Bref, je vais pas vous refaire toute la chanson, mais vous avez saisi l'idée. Hélas pour moi, mon imagination débordante fait que je ne peux m'empêcher de pouffer quand Tricia tombe au sol (car oui, Karim lui a réellement fait un croche-pied), ce qui m'attire les foudres de Mattéo.

— T'es sérieuse à te marrer, là, Nat ? fulmine-t-il.

— Je me marre pas à cause de ça ! je proteste, écarlate. C'est juste que je me suis imaginé que...

Je m'arrête en plein élan : inutile d'expliquer à Ilyès, Adam et lui ce que je viens d'imaginer dans ma tête, enfin, sauf si je veux faire un aller simple pour l'asile psychiatrique.

— ... non, rien, laissez tomber.

Je plonge le nez dans mon assiette d'un air coupable en marmonnant :

— T'as raison, c'était pas cool de ma part de me marrer...

Mattéo frappe la table du plat de sa main, ce qui nous arrache à tous un sursaut tant nous sommes peu habitués à le voir s'énerver ainsi.

— Bien sûr que c'était pas cool ! s'emporte-t-il. Sérieusement, t'as pas honte de jubiler de la situation, là ?

J'écarquille les yeux sans comprendre :

— Hé ça va, c'est juste un réflexe de rigoler quand quelqu'un se casse la figure ! Ça veut pas dire que je jubile ! je mens effrontément.

Mattéo plisse les yeux de mécontentement :

— Pas la peine de jouer les innocentes ! siffle-t-il. Je te connais, Nat, assez pour savoir que tu dois grave kiffer la situation, là ! Je t'aime bien mais je sais que tu peux être une sacrée égoïste parfois !

Je fais un mouvement de recul tant la violence de ses paroles me fait l'effet d'une gifle. D'ailleurs, je ne suis pas la seule à m'en étonner car les réactions d'Ilyès et Adam ne se font pas attendre :

— Oh ! s'exclame le premier en secouant la main. Ça tire à balles réelles !

— Non mais ça va pas Matt ? intervient le second. D'où tu lui parles sur ce ton ?

J'admets qu'à cet instant, j'ignore ce qui, de la colère de Mattéo ou de l'intervention d'Adam, me surprend le plus. D'ailleurs, Ilyès semble aussi perplexe que moi car il enchérit :

— Et ben, l'heure doit vraiment être grave si même le taciturne Adam sort de sa léthargie habituelle pour défendre Nat !

Il lui donne une tape amicale sur l'épaule avant d'ajouter :

— Heureux de te retrouver parmi nous, mec !

Le concerné lui adresse un regard noir :

— Taciturne et léthargie ! ironise-t-il avec un sourire moqueur. Ça va, t'as pas trop mal au crâne après avoir employé un vocabulaire aussi complexe, Ilyès ?

Celui-ci en reste bouche bée mais Mattéo le coupe avant qu'il ne puisse répliquer :

— N'empêche qu'il a raison, Adam ! Si t'étais pas trop occupé à tirer la tronche ces derniers jours, t'aurais toi aussi capté que Nat se comporte comme une grosse égoïste depuis ce matin !

A cet instant, je sens mon coeur se serrer dans ma poitrine ; ce ne sont pas tant les mots de Mattéo qui me blessent, mais la personne dont ils proviennent. De tous mes amis, il était l'un des rares à être resté tolérant et bienveillant avec moi jusqu'ici, et j'admets que ce soudain revirement de situation me retourne l'estomac. Il ne me semble même pas qu'il était autant fâché contre moi le jour où je me suis ruée sur lui pour le frapper en cours d'EPS en apprenant qu'il était gay !

C'est, je pense, la raison pour laquelle une sensation que je n'avais plus ressenti depuis longtemps s'empare soudain de moi : ma vieille amie la boule de chagrin se met à obstruer ma gorge, tandis que les larmes me montent aux yeux. Sentant que je suis à deux doigts d'éclater en sanglots, je mords l'intérieur de mes joues pour me retenir de pleurer.

J'aimerais demander à Mattéo ce qui lui arrive, tout à coup, pourquoi le sort de Tricia semble lui importer autant, pourquoi il s'en prend à moi de cette manière, mais je sais que si j'ouvre la bouche pour articuler ne serait-ce qu'une seule syllabe, je vais craquer. Aussi, je me contente de le fixer d'un regard douloureux, les poings tellement serrés que je sens mes ongles pénétrer ma chair.

Heureusement pour moi, Adam, qui semble lire dans mes pensées, s'exprime à ma place :

— Putain mais c'est quoi ton problème, Matt ? Pourquoi tu te défoules sur Nathalie, là, au juste ?

— Parce qu'elle m'insupporte ! éclate-t-il. Parce qu'elle a pas arrêté de répéter toute la matinée à quel point l'acharnement des autres sur Tricia l'arrangeait car ça leur avait permis de passer inaperçus, Antoine et elle ! Donc désolé, mais quelqu'un qui se réjouit du malheur des autres parce que ça profite à sa petite personne, j'appelle ça un putain d'égoïste !

Je sens le rouge me monter aux joues. Je ne me souviens même pas avoir dit ça ! Pas que je traite Mattéo de menteur, je me doute qu'il n'a pas dû l'inventer et, tout bien considéré, ça sonne en effet comme un truc que j'aurais pu sortir...

— T'as vraiment dit ça, Nat ? s'étonne Ilyès.

J'ouvre la bouche mais me sens incapable de répondre, aussi je me contente de hausser les épaules.

— Evidemment qu'elle l'a dit ! s'agace Mattéo. Tu me crois pas ?

— Mais non ! Enfin si ! Bien sûr que je te crois, Matt, c'est juste que...

— Et vous savez ce que je trouve vraiment ignoble, dans cette histoire ? le coupe le délégué. C'est que tout ce qui arrive à Tricia, c'est de sa faute à elle !

Adam fronce les sourcils :

— Comment ça, sa faute ?

Mattéo lui jette un regard noir :

— T'es atteint d'une forme d'Alzheimer précoce ? ironise-t-il d'un air narquois. T'as oublié l'article que Nat a posté dans le webzine du lycée ? Tout est parti de là, j'te rappelle !

— Wow ! Mattéo vient d'entrer en mode enragé, tous aux abris ! siffle Ilyès.

Sa vaine tentative pour détendre l'atmosphère tombe complètement à plat car Adam ne lui accorde pas un regard tandis qu'il rétorque d'un ton dur :

— Tu pourrais pas déverser ta rage sur les vrais connards de l'histoire, à savoir ceux qui harcèlent Tricia depuis ce matin, plutôt que tes amis ? Et puis elle était passée où, toute cette colère, quand Nat elle-même se faisait emmerder, hein ? On t'a pas beaucoup entendu, à l'époque ! Nat a fait ce qu'elle pouvait pour se défendre...

De plus en plus contrariée par la situation, c'est sans contrôle aucun sur mon corps que je me vois taper des deux poings sur la table en me levant si brutalement que ma chaise en tombe à la renverse.

Ignorant les larmes qui coulent désormais à flots sur mes joues, je tâche de mon mieux d'articuler entre deux hoquets la phrase suivante :

— Puisque-e vous avez déci-i-idé de pa-a-arler de moi... c-c-comme si j'é-étais pas là-a... je vou-ou-ous laisse le cha-amp libre... c-ciao-o !

Et, sans leur accorder un regard, je tourne les talons puis, comme Tricia avant moi, quitte le self d'un pas rageur. 

Musique : Mika — Popular Song

https://youtu.be/c-a_7KkFATM

"Before the next time that you call him crazy, lazy
A faggot or that fugazi
Here's the one thing that's so amazing
It ain't a bad thing to be a loser baby"

Hello ! Vous allez bien ?  🤗

J'espère que ce chapitre vous a plu. Ceux.lles qui me suivent sur insta en avaient déjà eu plusieurs aperçus en story. 🤭

Comme vous le voyez, je me suis un peu lâchée niveau brisage de 4e mur, ça faisait longtemps que Nat avait pas joué les Miley Cyrus. 

Nat au début du chapitre be like : 

Mais bon, j'ai bien rigolé en écrivant la première partie de ce chapitre (pour tout dire, ça faisait longtemps que je m'étais pas autant amusée en écrivant sur Banale !). Bref, je suis contente de retrouver un peu l'humour barré de Nat du début. Et vous ? 

Vous vous attendiez à ce revirement de situation où Tricia devient la victime ? 😬

Que pensez-vous de Nat qui jubile ? Est-ce que vous êtes d'accord avec Mattéo à ce sujet ?

Celui-ci est vraiment contrarié de voir Nat manquer autant d'empathie, et sa colère finit par éclater pendant le repas. Étiez-vous surpris.e par sa réaction ? C'est vrai qu'on était plus habitué.es au Mattéo doux et bienveillant, mais il évolue lui aussi, et surtout, il ose un peu plus être lui-même avec Nat. Leur relation a changé, et comme ils sont devenus proches, il se lâche plus et met moins les formes... il a moins peur d'être complètement lui-même et de montrer ses mauvais côtés. Bref, comprenez-vous sa réaction ? 

Et enfin, qu'avez-vous pensé d'Adam qui sort enfin de sa léthargie pour défendre Nat ?

Et de la réaction de Nat à la fin ? Ça nous ramène un peu en arrière, mais pour le coup elle ne s'attendait tellement pas à ça, elle a été pris de court, et l'émotion l'a submergée comme au début de l'histoire. Du coup, elle a pris la fuite. Qu'auriez-vous fait à sa place ?

Des pronostics pour la suite ? 😊

En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à dans deux semaines pour le prochain chapitre (oui, il est déjà écrit) ! 😘