75. Fun-gâcheur
— Ahem... On interrompt rien d'important, là, j'espère ?
Je réalise alors que pendant que nous nous chamaillions, nos pieds nous ont conduits d'eux-mêmes vers les locaux de l'escape game où Dorian et Sarah, mains dans la mains, nous dévisagent à présent avec des expressions amusées.
Gênés, Adam et moi détournons les yeux sans oser répliquer. Un petit blanc de quelques secondes s'installe, que Dorian finit par briser après s'être râclé la gorge :
— Hum, bon. Du coup, on entre ?
Soulagés, nous acquiesçons et le suivons à l'intérieur ; cependant, même une fois assis sur l'un des canapés en attendant notre heure de passage, le malaise reste palpable. Si bien que Sarah et moi nous trouvons à échanger des banalités sur nos tenues respectives, Dorian glissant quelques remarques par-ci par-là, tandis qu'Adam continue de bouder dans son coin.
Finalement, le petit-ami de Sarah tente de l'extraire de sa mauvaise humeur en lui demandant de lire le scénario de l'escape game qu'il a sélectionné. J'écarquille des yeux effarés en comprenant qu'il s'agit d'une thématique horrifique où nous incarnons une bande d'amis en road trip qui, suite à une crevaison, trouvent refuge au sein d'un ancien orphelinat.
— Mais quoi ? T'as choisi une thématique horrifique ? je m'écrie avec un timbre suraigu. Non, non, non, ça va pas être possible ! Je vais flipper ma mère, moi !
— Ben quoi ? me demande Sarah. Adam et moi on a choisi ensemble, on s'est dit que ce serait super fun !
— Il y avait un thème sur les pirates ! je m'exclame en pointant du doigt le dépliant. Pourquoi vous avez pas choisi les pirates ? C'est bien aussi les pirates ! Vous aimez pas les pirates ? Jack Sparrow, le rhum, tout ça...
— T'inquiète, Nat, Dorian et ses muscles seront là pour nous protéger ! pouffe Sarah en tâtant les deltoïdes de son copain.
Ce dernier se racle la gorge, mal à l'aise.
— Hum, à choisir, moi aussi j'aurais préféré les pirates. Je suis pas friand des trucs de fantômes et tout ça... Déjà, les films d'horreur, j'évite, alors...
— Han ! Genre tu vas flipper ? Je vais t'entendre pousser des cris de fillette ? le taquine-t-elle.
Dorian lui jette un coup d'oeil en biais :
— Ce qui arrive dans un escape game reste dans un escape game, okay ? lance-t-il en guise d'avertissement, sa voix déraillant sur le dernier mot.
— Et toi, Adam ? Tu vas baliser aussi ? s'enquiert Sarah.
— Non, marmonne-t-il, bras croisés sur le torse. Je crois pas aux fantômes ni à aucune de ces conneries.
Je fronce les sourcils.
— Et comment t'expliques tous les témoignages de gens qui disent avoir vu des trucs chelous ?
Il me décoche un regard en coin avant de déclarer de son habituel ton condescendant qui m'horripile :
— Ce qu'on nomme paranormal, c'est juste des choses que la science ne permet pas encore d'expliquer, c'est tout. Il y a plusieurs siècles les gens pensaient bien que les éclairs et le tonnerre étaient des manifestations divines, alors bon...
— Pff ! je siffle en plissant les paupières. Tu gâches tout le fun de la vie, tu le sais, Adam ? T'es un fun-gâcheur !
— Je suis juste une personne rationnelle, hausse-t-il les épaules.
Au final, malgré ses bravades, même Adam ne semble pas en mener bien large lorsque nous nous retrouvons confinés au sein de la première salle minuscule de l'escape game, laquelle s'avère plongée dans le noir complet, et fermée par un grillage donnant sur un long couloir obscur.
Personnellement, ce n'est pas tant les ténèbres qui m'effraient, mais la sensation d'être enfermée. Je réalise tout à coup qu'il n'y a aucun échappatoire et, surtout, que la pièce s'avère dépourvue de la moindre fenêtre ou autre source donnant sur l'extérieur qui permettrait de laisser l'air entrer. A peine ai-je formulé cette pensée que je me mets à suffoquer, les poumons comprimés par un point d'angoisse.
Sentant les prémices d'une crise de panique m'envahir, je tâche de me calmer et de la contrôler en apposant une main sur mon thorax et en prenant de grandes inspirations.
Du calme, Nat, c'est dans ta tête ; tu sais très bien que tu n'es pas vraiment enfermée, tu peux sortir quand tu veux, le monsieur de l'escape game nous l'a expliqué avant de commencer.
Soudain, un objet non-identifié roule vers nous jusqu'à percuter la grille en faisant un boucan d'enfer, nous arrachant à tous un cri de frayeur.
— Bordel de merde ! s'écrie Dorian. Ça commence bien !
Même si ma colère contre Adam ne s'est pas complètement dissipée à cause de tout à l'heure, je réalise que, en proie à l'affolement, je me suis cramponnée à son bras. Nous échangeons un regard surpris et je le lâche immédiatement, gênée. A cet instant, je remercie la pénombre qui nous enveloppe de lui dissimuler mes joues écarlates.
Une fois la peur passée, nous réalisons que l'objet en question n'est autre qu'un vieux cheval à bascule. Après m'être raclé la gorge, j'émets d'une petite voix la supposition suivante :
— Hum, la clef se trouve peut-être dessus ?
— Bah vas-y, glisse ta main à travers les barreaux pour vérifier, Nat ! On te laisse le champ libre ! me lance Sarah avec un rire nerveux.
— Y'a pas moyen que je mette ma main là-dedans ! je m'écrie d'une petite voix. C'est plutôt à toi ou Adam de le faire, c'est vous qui avez choisi un thème horrifique, j'vous signale !
Ce dernier, exaspéré, pousse un long soupir en marmonnant :
— C'est bon, j'ai pigé, je m'y colle !
Il s'accroupit au niveau de la grille et passe courageusement son bras au travers, tâtant à l'aveugle le cheval à bascule, puis déclare après quelques secondes :
— La clef est pas là.
— Fuck ! gémit Dorian.
— De toute façon, ç'aurait été trop simple ; les escape game, c'est basé sur des énigmes, en temps normal, explique Adam. Ils vont pas nous filer la clef comme ça gratos.
— Eh bien très bien, monsieur l'expert, on t'écoute, du coup ? je déclare en mettant les poings sur mes hanches. Une idée ?
Il soupire et se dirige vers l'unique meuble se trouvant dans la pièce : une table de chevet sur laquelle est posé un vieil appareil photo à soufflet. Sarah, de son côté, finit par trouver une lampe de poche attachée à un radiateur et, après quelques minutes de traficotage, elle et Adam finissent par comprendre qu'il faut utiliser la lumière de celle-ci afin de la refléter contre la plaque de verre à l'intérieur de l'appareil photo.
Nous explorons ainsi, via ce petit point lumineux, les abords du couloir, lequel, soyons honnête, est plutôt creepy. Nous comptons deux portes sur la droite et deux autres sur la gauche, et des murs bordés de tableaux en tous genres.
Au final, à force de tâter, la lumière finit par éclairer l'un d'entre eux, situé sur le mur en face, sur lequel apparaît celui qui fut autrefois le directeur de l'orphelinat, entouré d'enfants franchement louches. Ce n'est qu'une fois que le faisceau atteint les yeux du directeur qu'un déclic retentit et que la grille s'ouvre.
— Bon sang ! On vient de mettre quinze minutes rien que pour la première énigme... ça promet ! ronchonne Adam, dépité.
Lui en tête, nous pénétrons timidement à l'intérieur du couloir, collés les uns aux autres. A cet instant, nous n'y voyons pas grand-chose et n'en menons franchement pas large, je vous l'avoue.
Or cela ne s'arrange pas lorsque nous arrivons à côté de la première porte et qu'une lumière rouge inquiétante se met à émaner de l'embrasure, suivie d'un grand "boum" qui nous fait hurler comme des diables.
— Sérieusement ! peste Dorian une fois la frayeur passée. Mon coeur va lâcher avant la fin, je crois !
— Moi, c'est mon bras qui va lâcher, si Nat continue de l'agripper comme ça, déclare Adam d'un ton placide.
Je tressaille en réalisant que, sur le moment, je me suis en effet à nouveau cramponnée à lui.
— D-Désolée, je bredouille en amenant mes mains derrière mon dos, confuse.
Il secoue la tête, blasé, mais n'a pas le temps de répliquer que les appliques murales situées à côté de chaque porte se mettent en route, nous éclairant d'une lumière verdâtre. Sarah fronce les sourcils en constatant :
— Il y en a une qui est pas allumée, vous avez vu ? Ça a sûrement un lien avec l'énigme...
S'ensuivent plusieurs minutes de fouille à la recherche d'un quelconque indice dans le couloir, pour finalement réaliser qu'il s'agit d'une énigme en lien avec les tableaux accrochés au mur. Au bout d'un moment, encore une fois grâce à Adam, nous parvenons à la résoudre, ouvrant la porte de gauche.
Là, nous nous trouvons au sein de ce qui ressemble à une chambre d'enfants, dotée d'une armoire, d'un lit superposé, et d'un coffre à jouets situé sous une fenêtre, seule source d'éclairage parmi la pénombre ambiante.
Cependant, mon sentiment d'oppression revient en comprenant qu'elle est fausse, et que nous sommes toujours enfermés dans une pièce sans aucun accès sur l'extérieur. A nouveau, je tâche d'apaiser ma suffocation à base de longues inspirations.
Pendant ce temps, mes compagnons réalisent que les murs et les meubles s'avèrent recouverts de plusieurs symboles, en forme de lunes, d'étoiles ou de têtes de morts, et comprennent qu'il est nécessaire de les compter afin de pouvoir ouvrir le coffre à jouet.
Alors que je m'accroupis à côté d'Adam qui tâche, en écoutant les conseils de Sarah et Dorian, d'ouvrir ce dernier, un grand bruit émane au-dessus de nos têtes lorsqu'une silhouette vient tambouriner contre la fenêtre.
Paniquée, je pousse ce qui doit être le plus grand hurlement de mon existence et viens instinctivement me blottir contre Adam, le faisant tomber à la renverse.
— Putain, Nat, tu fais chier ! s'énerve-t-il en me repoussant. T'es obligée de toujours te faire remarquer ?
J'ouvre la bouche pour répliquer, sauf que ma gorge s'avère complètement sèche ; à cet instant, j'ai de plus en plus de mal à respirer. Cette fois, c'est sûr : la crise d'angoisse s'est bel et bien déclenchée sans que je parvienne à la contrôler.
Affolée, je m'agrippe désespérément à Adam de sorte à lui faire comprendre mon trouble. Au début, celui-ci se dégage, agacé :
— A quoi tu j-
Puis son regard croise le mien et son expression renfrognée change du tout au tout.
— Nat ? s'inquiète-t-il. Tu vas bien ?
J'amène mes mains à ma gorge, essayant d'articuler :
— J'arrive plus... à... respirer...
— Quoi ? Qu'est-ce q-
— C-Crise... Crise d'angoisse...
J'en serais presque à remercier Tricia et tous les autres crétins qui m'ont harcelée ces dernières semaines ; car sans eux, je n'aurais jamais su ce qu'était une crise d'angoisse et aurait probablement paniqué en sentant l'air me manquer ainsi que ma vision se troubler.
En quelques minutes à peine, un employé de l'escape game vient me chercher afin de me faire sortir ; alors que je me lève difficilement pour le suivre, je suis surprise quand Adam attrape mon bras qu'il passe derrière ses épaules en déclarant :
— Je t'accompagne.
— T'es pas... T'es pas obligé, j'halète.
— Dis pas de bêtise, je vais pas te laisser seule ! me rabroue-t-il d'un ton sec.
— Je veux pas gâcher ton délire... T'avais l'air de bien t'amuser...
Il secoue la tête.
— C'est pas drôle si t'es plus de la partie.
Je sens mes joues s'empourprer face au faible sourire qu'il m'adresse en prononçant ces paroles.
— C'est vrai, enchérit-il, je vois aucun intérêt à continuer si je peux plus entendre tes petits glapissements de caniche apeuré !
— Abruti ! je fronce les sourcils.
Pourtant, je ne parviens pas à rester fâchée et m'esclaffe malgré moi. Le fait de rire décontracte mes muscles, me permettant de recouvrer peu à peu le contrôle de mes poumons. Si bien que je suis presque remise lorsqu'ils m'aident à m'asseoir sur le canapé du hall d'entrée.
— Ça va aller ? s'inquiète l'employé de l'escape game.
J'hoche timidement la tête et, après s'être assuré que je me sentais mieux, il finit par s'éloigner, me laissant seule avec Adam. Celui-ci s'accroupit à mon chevet tout en s'enquérant :
— Tu devrais peut-être boire, non ? Tu veux que j'aille te chercher un truc ?
— Un... Un diabolo menthe, s'il te plaît, je bredouille, mal à l'aise.
— Ça roule.
Je le regarde s'éloigner en direction du comptoir, sans parvenir à estomper les battements de mon coeur. J'ignore pourquoi mon corps réagit ainsi ; peut-être est-ce dû au fait que je n'ai pas l'habitude de voir quelqu'un se montrer si prévenant avec moi — et encore moins Adam.
J'ai beau essayer de me calmer, mes yeux sont attirés vers sa silhouette que j'observe attentivement. Tout comme moi, Adam est loin de correspondre aux canons de beauté habituels ; il n'est pas particulièrement grand, et sa silhouette longiligne cumulée à sa longue chevelure blonde ont tendance à le faire ressembler à une fille lorsqu'on le voit de dos.
Or, le fait qu'il tente de dissimuler sa minceur sous des t-shirt oversize ne le met pas davantage en valeur. Alors pourquoi mon coeur s'emballe-t-il en le regardant s'accouder au comptoir ?
Allons, Nat, ressaisis-toi ! je me fustige intérieurement. C'est Adam, juste Adam ; c'est ton ami.
Non, je n'ai pas de vues sur lui ; mon corps réagit simplement comme ça car il s'est montré attentionné avec moi dans un moment de vulnérabilité. Cela ne veut strictement rien dire. Rien du tout. Surtout qu'en plus, il a une copine. Une fille géniale, super sympa, et mille fois plus belle que moi...
Oui, mais elle habite loin.
Je m'efforce de chasser cette traîtresse pensée.
— Ah, ça suffit, oui, tais-toi ! je m'exclame en amenant mes mains à mon front.
— Hein ? Mais j'ai rien dit !
Je tressaille en entendant la voix d'Adam. Celui-ci, debout face à moi, se met à me dévisager bizarrement.
— Euh... Je parlais toute seule, je bredouille en acceptant le verre qu'il me tend.
Il secoue la tête puis s'asseoit à côté de moi, déclenchant un frisson le long de ma colonne vertébrale lorsque sa cuisse effleure la mienne au passage.
— Venant de toi, plus rien ne m'étonne..., marmonne-t-il.
Je me demande alors pourquoi il s'est installé aussi près de moi, car vu la taille du canapé, ce n'est pas l'espace qui manque ; cela dit, il ne me laisse pas vraiment le temps d'y réfléchir qu'il appose doucement sa main sur mon front en s'enquérant :
— Tu te sens mieux ?
En temps normal, j'aurais eu tendance à le repousser en le rabrouant, mais pas cette fois ; je sens mes joues s'empourprer malgré moi face à ce contact inattendu, et je dois admettre que sa soudaine sollicitude à mon égard ne m'aide pas trop à calmer mon rythme cardiaque.
— Je... Oui, je balbutie. Je... J'avais surtout besoin d'air, je pense...
Je le vois à regret ôter sa main pour la poser sur son genou, lequel se met à tressauter nerveusement. A cet instant, j'ai du mal à détacher mon regard de ses doigts ; je n'avais jamais remarqué à quel point ils étaient longs.
— Quand même... Ça t'arrive souvent, de faire ce genre de crise ?
La voix d'Adam me ramène à la réalité.
— Hum... Un peu moins depuis que Tricia a arrêté de venir en cours.
Il croise les bras sur son torse, la mine renfrognée. Peut-être est-il fâché à l'idée d'avoir été extirpé de son escape game à cause de moi.
— Désolée de bousiller ta soirée, je souffle doucement.
Adam se tourne à demi vers moi, interloqué, et demande en se frottant nerveusement la nuque :
— Pourquoi tu t'excuses ? T'y es pour rien, enfin !
— Je sais pas, tu... T'as l'air contrarié, depuis qu'on est arrivés... Donc bon, je me dis que si ça se trouve, tu regrettes d'être venu ce soir et que t'en as marre de moi et...
— Arrête de dire des conneries ! me coupe-t-il.
Il plante ses yeux bleus dans les miens et déclare d'un ton beaucoup trop solennel pour mon petit coeur sensible :
— Je regrette pas d'être venu ce soir. Je suis juste inquiet pour toi, là. Tu m'as vraiment fait flipper, tout à l'heure...
Sentant mes joues s'empourprer, je baisse instinctivement la tête afin de dissimuler mon embarras sous mes cheveux.
— Même si c'est vrai que tu peux être sacrément pénible, quand tu t'y mets, ajoute-t-il d'un ton implacable.
Mortifiée, je relève la tête vers lui mais suis soulagée d'apercevoir un rictus moqueur fendre ses lèvres.
Il plaisante.
Malgré tout, je baisse à nouveau le regard sur mes cuisses, tortillant mes doigts en m'excusant :
— Si tu fais référence à ce que j'ai dit sur toi et Fiona... Je reconnais avoir dépassé les bornes. (Je pousse un petit soupir.) Au fond, c'est toi qui as raison ; je me comporte vraiment comme une gamine, parfois... C'est juste que... De mon côté... Le sexe, c'est... Je me sens tellement à des années lumières de tout ça, que... Je pense que j'ai réagi de manière un peu immature.
Je braque courageusement mes pupilles dans les siennes en continuant :
— Mais c'est pas parce que moi, je me sens pas prête pour ce genre d'expérience, que c'est forcément ton cas. Donc j'aurais pas dû te juger comme je l'ai fait. Désolée, Adam.
Il m'adresse un faible sourire :
— Excuses acceptées... petite pucelle.
Ce surnom lui vaut une tape sur l'épaule.
— Hé ! je m'insurge. Abuse pas !
— Désolé, c'était trop tentant..., s'excuse-t-il en se frottant le nez.
Je secoue la tête, amusée, avant de demander d'une petite voix :
— Le principal, c'est que toi, tu regrettes pas de l'avoir fait. (Je fronce les sourcils.) Et que vous vous soyez protégés, aussi !
Adam me dévisage un instant, surpris, avant d'éclater de rire.
— Je suis sérieuse ! j'insiste. C'est important !
— Ça va ! rigole-t-il. Puisque ça te tient tant à coeur de le savoir, oui, on a mis une capote. Voilà, contente ?
J'acquiesce vigoureusement.
— Et, hum..., je bafouille, intimidée. C'était... C'était bien ?
Je vois les joues de mon interlocuteur s'empourprer légèrement, lequel détourne la tête, gêné.
— Désolée, je voulais pas être indis-
— Non, non, t'inquiète. Ça va. Hum, oui, c'était bien. Enfin, même si je sais pas trop si Fiona a aimé ça, en vrai...
— Ah ouais ? Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
Il se mordille l'ongle du pouce.
— Bah, je sais pas, elle est restée assez silencieuse, et elle a pas trop voulu recommencer après, donc...
Devant son air penaud, je me sens obligée de dire quelque chose :
— En même temps, c'était votre première fois à tous les deux, non ? Je suis pas une experte, cela dit je suppose que ça peut pas forcément être fantastique du premier coup... Au moins, vous étiez amoureux, c'est le principal !
Adam me dévisage, les yeux écarquillés, puis m'adresse un faible sourire :
— Ouais, t'as sûrement raison. C'est le principal.
Il détourne la tête, et plusieurs minutes passent pendant lesquelles nous buvons chacun notre boisson en silence.
D'habitude, les blancs ont tendance à me mettre mal à l'aise ; la plupart du temps, je me vois atteinte de diarrhée verbale et me mets à parler en boucle, à chercher à combler le vide. Pourtant, je réalise tout à coup que lorsque je me trouve en compagnie d'Adam, ces silences ne sont pas gênants.
— Moi aussi, je te dois des excuses, déclare-t-il soudainement. J'ai pas été super cool non plus. Et la façon dont tu l'as appris n'était pas géniale, je le reconnais...
— Ouais... On remercie Ilyès et sa délicatesse légendaire !
— Il a le don de mettre les pieds dans le plat, ronchonne Adam en se massant le front. Il me fatigue, parfois...
— Mais c'est comme ça qu'on l'aime.
— Mouais. Perso, je l'aimerais plus s'il réfléchissait davantage !
Je lui mets un coup de coude en pouffant :
— T'es pas sympa !
Une fois que j'ai recouvré mon sérieux, je décide d'être honnête sur mes sentiments et reprends, les yeux fixés sur mon verre :
— En vrai, je crois que j'ai été un peu vexée que tu me l'aies pas dit. Moi, je me confie souvent à toi, et toi, de ton côté, de savoir que tu te sens pas assez proche de moi pour me parler de ce genre de truc... Je pense que ça m'a fait de la peine. Même si bon, c'est vrai que ça reste quelque chose d'intime, au final, et que connaissant mon côté immature, je comprends que tu te sois senti gêné.
Je le fixe alors d'un air déterminé :
— Mais je te promets qu'à l'avenir, je garderais mes jugements à l'emporte-pièce pour moi et serais prête à t'écouter d'une oreille bienveillante !
Adam a un sourire en coin tandis qu'il réplique :
— Nat qui cesse de juger les autres en permanence ? Voilà une perspective terriblement triste, moi j'dis...
— Hé ! Il faut bien que je grandisse !
— Hum, pour ça, je pense que c'est foutu, tu resteras une naine toute ta vie, désolé.
En même temps qu'il dit ça, il s'amuse à comparer nos tailles en appuyant successivement le côté de sa main sur son front puis le mien. Je le repousse d'une tape sur le poignet en marmonnant :
— Nianiania ! Comme c'est original ! On me l'avait jamais faite, encore !
Son sourire s'élargit, puis il redevient soudain sérieux alors qu'il déclare :
— En vrai, si je me suis pas confié à toi, c'est pas parce que je me sens pas proche de toi, hein. C'est juste que... Comme tu l'as dit, je sais que t'as tendance à juger facilement, et j'avais vraiment pas envie de t'entendre me critiquer.
— Je sais, je peux être une sacrée chieuse, parfois ! je soupire.
— Non, tu te trompes.
— Quoi, je suis pas une chieuse ?
— Euh, si, t'es carrément une chieuse, même.
Cette remarque lui vaut un nouveau coup de coude.
— Hé ! je proteste, vexée.
— Mais c'est pas ça la principale raison, reprend-il, imperturbable.
Je lève la tête vers lui sans comprendre.
— Ah non ?
— Non...
Il se racle la gorge, hésitant, puis remet distraitement une mèche de cheveux tombée sur mon visage derrière mon oreille en soufflant d'une voix douce :
— Si j'ai peur de ton jugement, c'est parce que ton avis compte pour moi. Parce que... T'es quelqu'un d'important à mes yeux, Nathalie.
Mon coeur s'emballe à cette déclaration bien trop solennelle et mes joues, elles, se mettent à me brûler ; à cet instant, je suis à peu près sûre d'avoir viré écrevisse. J'ouvre la bouche sans qu'aucun son n'en sorte car, soyons honnêtes, je ne vois pas trop quoi répondre à ça, là, tout de suite !
Heureusement pour moi, mon salut se présente bientôt sous la forme d'un raclement de gorge suivi d'un :
— Ahem, on interrompt rien d'important, là, j'espère ?
Adam et moi sursautons en entendant la voix de Sarah ; elle et Dorian, enfin sortis de l'escape game, nous toisent avec des petits airs moqueurs. Mal à l'aise, le chevelu s'écarte de moi en se grattant la nuque, tandis que je feigne de boire une gorgée de mon diabolo — pour m'apercevoir presque immédiatement que mon verre est déjà vide.
— N-Non, je bredouille d'une petite voix. R-Rien du tout !
S'il s'était agi d'Ilyès, celui-ci aurait certainement profité de l'occasion pour nous charrier jusqu'à ce que mort — de honte — s'ensuive. Toutefois, il s'agit de Sarah, et même si je vois à ses yeux rieurs qu'elle ne ratera pas la moindre occasion de me taquiner à ce sujet dans un futur proche, sur le moment, elle a la délicatesse de ne pas insister.
A la place, elle décide d'interrompre le malaise en s'asseyant lourdement entre Adam et moi alors qu'elle et Dorian, qui prend place sur le fauteuil d'en face, se mettent à nous raconter la fin de l'escape game.
Pendant qu'ils parlent, mes yeux sont malgré moi attirés vers Adam, et je tressaille en m'apercevant qu'il regarde lui aussi dans ma direction. Je détourne derechef la tête, honteuse qu'il m'ait surprise en train de l'observer.
Je décide de me concentrer sur le récit de Sarah tandis que mon petit coeur chamboulé tâche de retrouver son calme. A cet instant, je ne parviens pas à décider si je me sens soulagée ou bien déçue qu'elle et son copain aient interrompu ce moment de proximité.
Puis, après avoir jeté un nouveau coup d'oeil à la dérobée en direction d'Adam, mes doutes se transforment en certitude : des deux émotions, celle qui l'emporte, c'est définitivement la déception.
Musique : La Belle et la Bête — Je ne savais pas
https://youtu.be/QvHBsX5iBKQ
"Il y a quelque chose qu'hier encore n'existait pas..."
Hello et bonne année 2021 ! J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes, toussa toussa. Et non, je n'ai pas été enlevée par des extraterrestres comme une personne très polie et respectueuse m'a demandé en com hier. Merci de vous inquiéter comme ça pour ma santé, vraiment, j'apprécie tant de sollicitude. 🥰
(Comment j'imagine les gens qui ne commentent que pour demander "la suiiiite" sans un bonjour ni merde. 😒)
Plus sérieusement : je suis désolée pour le temps que j'ai mis à publier ce chapitre, mais la motivation n'est pas très au rdv en ce moment niveau écriture. En plus, il s'agit de chapitres centrés sur ce que je déteste écrire, à savoir les rencards, ce qui n'aide pas du tout.
Donc bref, c'est pour ça que malgré sa longueur (4k mots), je vous l'ai posté en entier ; je me suis dit que vous alliez m'étriper si je postais un chapitre trop court après toute cette attente ! Enfin bon, ne me demandez pas quand sera postée la suite, j'en suis encore au point mort donc voilà, je ne sais pas du tout quand le prochain chapitre sera écrit. 😫
Pour info ce ne sont pas les idées qui manquent, mon plan est écrit jusqu'à la fin de l'histoire, mais juste... J'ai vraiment beaucoup de mal à me reconnecter à Nathalie. 😅 Mais je veux vraiment terminer cette histoire, donc j'essaye d'écrire des petits bouts tous les jours pour avancer quand même.
J'espère que ce chapitre vous a plu du coup, et que vous avez réussi à me suivre dans les descriptions de l'escape game. Je remercie A_Nevro au passage qui a accepté de lire le premier jet pour me donner son avis à ce sujet. 🤗 Pour l'anecdote, il s'agit d'un escape game qui existe réellement et que j'ai fait IRL, il y a un peu moins d'un an, juste avant le confinement. Comme Nat, j'ai des tendances claustro donc j'ai un peu suffoqué au début, mais ça va, j'ai réussi à le finir, quand même !
Qu'avez-vous pensé du rapprochement entre Adam et Nat à la fin du chapitre ? Les sentiments de Nat sont en train de changer, même si elle se voile la face pour l'instant. 🤭 En tous cas, j'ai bien aimé les voir échanger en toute honnêteté et, pour une fois, sans que ça se termine en chamaillerie.
Des pronostics pour la suite ? 😏
En attendant de vous lire, je vous fais des bisous (enfin, à ceux qui sont polis et patients) et vous dis... euh... à bientôt pour la suite ! 😘
P-S : J'ai déjà posté cette infographie sur mon insta, mais je la remets ici pour les autres :
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