73. Non-rencard
— Salut, Nathalie.
Je me retourne et arque des sourcils étonnés en voyant Antoine déposer son pichet à côté du mien.
Pff, manquait plus que lui... Il a un sacré culot de venir me parler ! Je me demande bien ce qu'il me veut...
J'ai une furieuse envie de l'insulter de tous les noms et de l'envoyer paître. Cependant, lorsque j'ouvre la bouche, le seul son qui en sort est un banal :
— S-Salut.
— Tu vas bien, depuis la soirée ?
Tandis qu'il me parle, il veille à conserver les yeux rivés sur son pichet ; ses lèvres, quant à elles, remuent à peine. J'en déduis qu'il essaye de rester discret afin d'échapper aux regards de ses amis.
Voilà à quoi ressemblerait notre relation si on sortait ensemble, donc. Des moments d'échange discrets dans la journée, à craindre que ses potes ne nous découvrent ensemble.
J'ai un sourire amer en songeant que c'est à peu près ce que doivent ressentir Mattéo et Ilyès au quotidien. Sauf qu'eux, au moins, ils peuvent se fréquenter en tant qu'amis.
— A merveille, je réponds d'un ton plus sec que ce que j'aurais voulu.
— T'avais tout de même l'air bien contrariée, quand t'es partie. Et t'as répondu à aucun de mes messages ensuite.
Je pince les lèvres, agacée. Il est vrai qu'Antoine a essayé de me contacter plusieurs fois par la suite, mais j'ai suivi les conseils d'Adam et décidé de l'ignorer.
— Et là, pendant le repas, tu donnais l'impression d'être prête à assassiner le lycée tout entier, continue-t-il.
Je tressaille à ces mots.
— Ça se voyait tant que ça ? je grimace malgré moi.
— Ça se voyait pour qui sait regarder..., souffle-t-il.
Il me jette un coup d'oeil agrémenté d'un petit sourire en coin, et je sens mon coeur accélérer à ce simple échange.
— Je serais même pas surpris si j'entends qu'il y a une alerte intrusion demain parce que tu t'es pointée avec une kalash.
Même si cette plaisanterie est d'assez mauvais goût, je ne peux m'empêcher de pouffer bêtement. Le sourire d'Antoine s'élargit en entendant mon rire, et de vieux papillons que je croyais morts et enterrés se remettent à virevolter à l'intérieur de mon estomac — or, franchement, je les plains car vu la quantité de pommes noisettes que je viens d'avaler, ça doit être un véritable champ d'astéroïdes, là-dedans !
— J'avoue qu'en ce moment j'aimerais bien avoir un Death Note, j'admets à demi-mots.
— Un Death Note ? répète-t-il sans comprendre.
— Ça vient d'un manga.
— Ah, je lis pas de manga, désolé...
Je hausse les épaules, pas vraiment surprise par cette révélation. Le jour où je rencontre un beau gosse à la fois sportif et intelligent et qui, en prime, lit des mangas, je crois que je demande à l'épouser direct. Mais bon, quelque chose me dit qu'il se terre dans une autre histoire que la mienne...
— Et c'est quoi, du coup ? insiste-t-il.
— Un cahier dans lequel les gens dont on écrit le prénom meurent.
Antoine arque les sourcils.
— Hum, ça a l'air sympa, ouais, ironise-t-il. Du coup, t'écrirais qui, dedans ?
Il se tourne à demi vers moi :
— Le mien en premier, j'imagine ?
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? je fronce les sourcils.
— Hum, t'as pas l'air un peu remontée contre moi, ces jours-ci.
Je lui jette un regard en coin.
— Et ça te surprend vraiment ?
Il baisse les paupières, mal à l'aise.
— Non... Je suppose que je l'ai mérité, admet-il. Est-ce qu'il y a un truc que je pourrais faire pour me rattraper, du coup ?
Antoine affiche alors une petite moue qui transforme littéralement mon coeur en guimauve, et je détourne aussitôt la tête afin d'éviter de laisser transparaître mes émotions.
— Je crois pas, non, je marmonne.
J'appuie sur le bouton de la fontaine et décide de retourner en direction de ma table ; perdue dans ma conversation avec Antoine, j'ai laissé le pichet se remplir en quantité un poil trop importante proportionnellement à mon niveau d'habileté.
Néanmoins, retourner auprès du footeux afin d'en déverser quelques peu le contenu me semble au-dessus de mes forces, c'est pourquoi je décide à la place d'avancer prudemment en direction de Mattéo et des autres.
Je suis finalement surprise quand Antoine, qui m'a rattrapée en à peine quelques enjambées, se saisit avec fermeté et assurance de mon pichet.
— Donne, je vais le porter jusqu'à ta table, me souffle-t-il, un petit sourire compatissant aux lèvres.
Maudissant ma faiblesse musculaire, et ayant conscience que de faire une scène maintenant ne ferait qu'attirer encore davantage l'attention, je hoche sèchement la tête tout en lâchant ma prise sur la anse.
Alors que nous continuons de marcher, Antoine se penche légèrement vers moi afin de me glisser à voix basse :
— Et si je t'invitais demain soir pour la Saint-Valentin, tu me pardonnerais ma maladresse ?
Mes joues se mettent à me chauffer en sentant son souffle sur mon cou, tandis que mon coeur, lui, bat la chamade à cause de ses mots. Néanmoins, je refuse de céder aussi facilement et demande d'un ton dur :
— Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai envie de passer la Saint-Valentin avec toi ? Je suis peut-être déjà prise, d'abord !
— Si t'étais déjà prise, t'aurais pas passé la semaine à fusiller tous les couples du regard.
Alors que nous sommes presque arrivés à ma table, Antoine s'immobilise un instant et me fixe droit dans les yeux en poursuivant :
— Écoute, Nat. Je sais que je t'ai vexée, la dernière fois, et je le comprends, même si c'était vraiment pas mon but. Mais j'aimerais au moins que tu me laisses une chance... Je te demande juste ça ; un rencard, une fois. Si ça passe pas, ou que tu veux toujours pas de moi après ça, j'insisterai plus, promis.
Les lèvres pincées, je lève timidement les yeux vers lui. Son sourire charmeur, ses fossettes, son nez légèrement empâté, son air rieur, ses lèvres charnues ; tout en lui pourrait me faire craquer, je ne le sais que trop bien. Au fond de mon estomac, les papillons se livrent à une véritable danse endiablée tandis que les battements de mon coeur viennent résonner jusqu'à mes oreilles.
Il est vraiment mignon. Et il veut sortir avec moi.
Consciente que je suis à deux doigts d'accepter, je détourne aussitôt le regard, lequel se perd au loin sur son groupe de potes, qui ont commencé à nous fixer avec insistance. Antoine l'a également remarqué car il s'écarte de moi.
— Hum, se racle-t-il la gorge, je dois y aller sinon ça va paraître suspect. Mais réfléchis-y, d'accord ?
Il dépose avec raideur le pichet sur notre table puis s'éloigne rejoindre ses potes d'un pas rapide. J'ignore quelle expression je dois avoir à ce moment-là, toutefois ça ne doit pas être très beau à voir car mes amis me dévisagent d'un air franchement soucieux lorsque je me rassois.
— Euh... Ça va, Nat ? s'inquiète Mattéo.
— J'avoue, t'es toute blanche ! enchérit Ilyès. Enfin... Plus que d'habitude. J'aurais jamais cru ça possible, d'ailleurs !
Son petit-ami lui met un coup de coude en l'entendant.
— T'es malade ? s'enquiert Adam en fronçant les sourcils.
Joignant le geste à la parole, il appose sa paume sur mon front et ce contact non désiré me ramène à moi.
— Mais non ! je m'agace en le repoussant. Vire ta main, Adam !
— Ah, on la reconnait bien, là ! rigole Ilyès. La furie est de retour !
— Me voilà rassuré..., sourit Mattéo.
Le chevelu ignore ma remarque et insiste :
— Il te voulait quoi, l'autre ? Il a encore dit de la merde ? Tu veux que j'aille le frapper ?
— Pff ! je m'esclaffe malgré moi. Comme si tu pouvais faire le poids face à Antoine !
Adam pince des lèvres vexées, aussi je décide de répondre à sa question afin de le calmer :
— Il m'a invitée pour la Saint-Valentin.
Cependant, cette révélation n'a pas l'effet escompté car les sourcils de mon interlocuteur semblent se froncer encore d'un cran.
— Et t'as refusé, bien sûr ?
Mal à l'aise, je me mords la lèvre inférieure sans répliquer.
— T'es sérieuse, Nat ? s'étrangle Adam. Tu vas pas accepter ? Le mec assume même pas de vouloir sortir avec toi ! T'es pas désespérée à ce point, enfin !
Plus il parle et plus ma contrariété s'amplifie. Sentant que les larmes sont sur le point de me monter aux yeux, je détourne la tête et me mets à fixer obstinément mon plateau.
— Eh bien, peut-être que si, figure-toi ! je lance d'un ton acerbe. Toi, tu t'en fous, t'as une copine ! Mais moi, j'ai personne et j'en ai plus que marre d'être célibataire ! Antoine m'a juste proposé un rencard pour voir si le courant pouvait passer entre nous, et je me dis que ça me coûte pas grand-chose d'essayer, finalement !
— Qu'est-ce que ça peut foutre que tu sois célibataire, Nat ? Tu trouveras bien quelqu'un un jour, stop te faire une montagne de tout ça ! C'est pas une raison pour accepter le premier venu à n'importe quelle condition !
— Tu comprends pas ! Si toi, tu t'en fous de tout ça, et bien c'est tant mieux ! Sauf que moi, je suis pas comme ça ! Moi, je... J'aimerais juste avoir l'impression d'être comme tout le monde, une fois dans ma vie. Et cesser d'être cette fille bizarre et socialement inadaptée !
Mattéo ouvre la bouche pour répondre, cela dit Adam le prend de court :
— Ça te tient à cœur à ce point-là de sortir le soir de la Saint-Valentin ?
Je hausse les épaules sans mot dire et le chevelu pousse un long soupir exaspéré.
— Putain, t'es grave, hein ! C'est juste un jour comme les autres, faut pas s'en faire tout un plat !
— Je veux juste pas être toute seule ce soir-là, je dis d'une petite voix. C'est si compliqué à comprendre ?
Il se masse les paupières un moment avant de lâcher à demi-mots :
— Bon, très bien. Dans ce cas, on a qu'à sortir ensemble, toi et moi.
Ilyès s'étouffe avec une de ses pommes de terre à ces mots et Mattéo s'empresse de lui tapoter le dos. J'avoue que je suis moi-même étonnée par ce que je viens d'entendre, c'est pourquoi je me mets à dévisager Adam d'un air franchement surpris.
— T'as dit quoi, là ? je m'exclame.
— Je t'ai proposé de sortir tous les deux demain soir, marmonne-t-il d'un air mécontent. Moi non plus, j'ai personne, vu que Fio habite loin ; comme ça, on se tiendra mutuellement compagnie dans le désert sentimental de nos vies affectives. On aura qu'à appeler ça un... un non-rencard.
Je me gratte l'arrière du crâne, de plus en plus gênée.
— Mais... Et Fiona ? Elle dira rien ? je m'enquiers.
— Bah non, pourquoi elle dirait quelque chose ? On a le droit de se faire une sortie entre potes, non ?
Je détourne le regard et me perds dans la contemplation de mon dessert inachevé, sans savoir quoi répondre à cette proposition soudaine.
— Moi, je trouve que c'est plutôt une bonne idée, intervient Mattéo après s'être raclé la gorge. Vous êtes tous les deux seuls demain soir, alors bon... Quitte à être seuls, autant que ce soit ensemble.
Il met un coup de coude à Ilyès qui s'empresse d'enchérir :
— O-Ouais, grave ! C'est toujours mieux que d'accepter de sortir avec l'autre mouton par défaut, Nat, franchement ! Si ce type est pas prêt à assumer votre relation, alors il te mérite pas !
Mattéo arque des sourcils ironiques à ces mots.
— Et c'est toi qui dis ça ? le nargue-t-il d'un air narquois. Vraiment ?
— Oh, c'est bon, Matt ! C'est deux situations complètement différentes !
A cet instant, je jette un coup d'oeil en direction d'Adam et remarque que celui-ci ne m'a pas lâchée du regard depuis toute à l'heure, attendant patiemment que je lui donne ma réponse.
— Alors... T'en penses quoi, du coup ? me demande-t-il à voix basse.
Je déglutis, mais le sourire rassurant qu'il m'adresse suffit à faire fondre mes dernières réticences.
— O-Okay, je souffle à demi-mots. C'est d'accord.
Je prends une inspiration et décide d'insuffler davantage de conviction dans mes mots en poursuivant :
— C'est parti pour un non-rencard avec toi, Adam !
Le sourire de ce dernier s'élargit à ces propos et nous scellons cet accord en tapant nos poings l'un contre l'autre.
Musique : 5 Seconds Of Summer - Valentine
https://youtu.be/CIvvitrK49Q
Hello ! Comment allez-vous en ce mois de novembre ? Perso, j'essaye de faire le Nano, même si j'avance + sur Insert Coin que Banale je l'admets 😅 Pas ma faute, la 3e personne c'est plus ma came 🤷 J'aime bien Nathalie mais être coincée dans sa tête me bloque pas mal. Dernière fois de ma vie que j'écris à la 1ere personne, je crois. 😆 D'ailleurs, pour ceux qui lisent IC, j'ai fait une petite ref au chapitre de lundi, l'avez-vous saisie ? 😏
Bref, ce chapitre est un peu plus long que d'habitude, j'espère qu'il vous a plu !
Qu'avez-vous pensé de la conversation d'Antoine et Nathalie à la fontaine ?
De celui-ci qui tente de se rattraper auprès d'elle ?
De son invitation ? Pensez-vous comme Adam que Nat doit l'envoyer se faire voir ? Ou qu'au contraire, elle devrait lui laisser sa chance ?
Et enfin... De l'invitation d'Adam à un non-rencard ? Vous vous y attendiez ? A votre avis, qu'est-ce que ça va donner ?
Bon, le prochain chapitre n'est pas terminé encore, mais j'espère bien qu'il le sera d'ici 15 jours. Vous verrez si je poste ou pas du coup 😆 En attendant, je vous fais des bisous ! 😘
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