68. Colgate-boy
J'arrive pas à croire que je me sois laissée entraîner là-dedans.
Moi, la petite Nathalie timide et insignifiante, me retrouve à une soirée donnée par les footeux et autres gens populaires de seconde. Le genre de fête où je n'ai jamais mis les pieds, et n'aurais en aucun cas pensé être invitée un jour.
Je savais que venir ici était une mauvaise idée, que je ne serais pas encore prête à un tel challenge. Seulement, voilà, je vous explique. Suite à mon anniversaire, j'ai été quelques peu perturbée par les sentiments mitigés qui m'ont envahie en voyant Adam et Fiona s'embrasser. J'ai longtemps cogité là-dessus durant les jours qui ont suivi, et j'en suis au final arrivée à la conclusion suivante : à ce moment-là, j'étais jalouse.
Non pas de Fiona, mais bel et bien d'Adam. Je veux dire... Moi, qui fais un max d'efforts depuis le début de l'histoire afin de m'arranger et de me caser, j'ai essuyé le râteau du siècle, alors que cet espèce de geek boutonneux qui n'a rien pour lui, il pécho comme ça, oklm, sans lever le petit doigt ? Juste en... jouant à un jeu en ligne ?
Il n'a même pas cherché à s'arranger physiquement, le bougre ! Il est resté tel quel, avec ses longs cheveux gras, ses boutons d'acné, ses fringues trop grandes pour lui... Et malgré tout, il parvient à pécho une fille aussi jolie que Fiona ? Adam n'a jamais cherché à devenir un héros, et pourtant voilà qu'il a droit à sa petite intrigue clichée de geek moche qui se tape un canon, façon animé pour ados prépubères. Moi, je dis que l'auteure est injuste avec ses personnages. Il y a clairement du favoritisme, là.
Enfin, si Fiona et lui sont heureux ensemble, grand bien leur fasse ! Mais cela m'a permis de réaliser qu'il est temps que je reprenne les choses en main et que je poursuive ma quête de devenir une héroïne. C'est vrai, quoi, je l'ai un peu négligée ces derniers temps à cause de tous ces dramas...
Donc, Mattéo n'étant de toute évidence pas le héros de mon roman, j'ai décidé qu'il me fallait une nouvelle cible. Un mec qui serait à l'opposé d'Adam, évidemment. Car à part ses yeux bleus, le chevelu n'a vraiment rien du petit-ami idéal avec lequel l'héroïne que je suis dois finir.
Non, d'habitude, dans les histoires comme la mienne, la fille timide et insignifiante parvient à attirer l'attention de son total opposé. Autrement dit un beau garçon, de préférence musclé, populaire et sportif. Bref, en résumé, un mec comme Antoine.
C'est pourquoi je me retrouve à cette soirée après avoir assisté à son match de foot, dont j'ai été assez sympa pour vous épargner les détails, d'ailleurs, car il n'avait, ma foi, rien de fort intéressant. On se les ai caillés, les gens ont braillé, des mecs ont couru après un ballon pendant quatre-vingt longues minutes — sans compter les prolongations. Bref, du foot, quoi.
Le seul avantage étant évidemment, comme l'a souligné Sarah, de voir des mecs bien foutus en short et t-shirt moulant en train de suer sous l'effort — quoiqu'encore que, même là, ils auraient pu y mettre un peu plus du leur, selon moi, enfin bon, je ne suis pas entraîneuse, après tout.
Mes yeux balayent la salle tandis que je bois une gorgée de mon punch du bout des lèvres. Sarah et moi sommes actuellement chez Jérémy, l'un des schtroumpfs de ma classe.
Je n'étais jamais venue ici, vous vous en doutez sûrement, et j'ai été assez étonnée devant la taille de sa demeure, dont le salon est suffisamment grand pour accueillir deux tables de ping-pong portatives sur la gauche, tandis qu'une piste de danse a été improvisée en bougeant quelques meubles sur la droite.
Un buffet a également été dressé à disposition des invités, situé à l'autre extrémité de la salle, tandis que certains préfèrent squatter le bar de la cuisine ouverte. Une baie vitrée donne sur le jardin où l'on aperçoit une piscine, autour de laquelle les fêtes plus estivales doivent probablement se terminer d'habitude, mais qui est fermée ce soir au vu de la drache que l'on se tape — événement météorologique qui n'a rien de surprenant dans le Nord de la France.
— Ça va, Nat ? s'enquiert Sarah à côté de moi.
— Pourquoi tu me demandes ça ?
— T'as pas pipé mot depuis toute à l'heure, ce qui en soit est déjà inquiétant venant de toi. Mais le pire, c'est la façon dont tu scrutes tout le monde à droite et à gauche d'un air concentré qui fait un peu flipper, je dois dire. A quoi tu penses ?
— Je me sens pas hyper à l'aise, c'est tout, je bredouille. Et toi ?
Mon amie hausse les épaules.
— J'ai déjà bu trois verres, alors ça va. J'aurais pensé être plus mal à l'aise mais c'est pas si mal, finalement.
Je l'envie ; en ce qui me concerne, je me suis vite retranchée dans un coin de la salle et il est clair que je n'oserais pas mettre un pied sur la piste de danse ce soir, pas même si, par miracle, les enceintes se mettaient à passer du Mika.
— Oh, voilà Antoine !
L'exclamation de Sarah ainsi que son coup de coude m'extirpent de mes sombres pensées. J'ai à peine le temps de comprendre ce qui se passe que le footeux se retrouve devant nous, un sourire si rayonnant aux lèvres que j'en regrette presque de ne pas avoir apporté mes Ray-Ban :
— Salut, les filles !
— S-Salut, je bredouille en sentant ma timidité étrangler mes cordes vocales.
— T'es venue, finalement, continue-t-il, sans cesser de nous éblouir de ses dents merveilleusement blanches et parfaitement alignées.
— Oui, j'avais rien de mieux à faire ! je laisse échapper d'une traite.
Ces mots me valent un coup de coude de la part de Sarah, tandis que l'air ravi d'Antoine s'efface aussitôt.
— Hum, le match était bien, sinon, j'enchaîne en espérant qu'il oublie mes paroles maladroites.
Colgate-boy retrouve son sourire.
— C'est vrai, tu t'es pas ennuyée ? Tu m'as dit que c'était pas trop ton truc, l'autre fois...
— Non, non, c'était... enrichissant. Félicitations pour votre victoire, d'ailleurs !
Antoine a un rire gêné.
— On a perdu, en fait.
J'ouvre des yeux si écarquillés que je crains de les voir tomber de mes orbites.
— Sérieux ? Vous étiez pas en blanc ? je m'exclame en amenant les mains à mes joues. Oh la la, je savais que le foot était pas mon truc, mais être nulle à ce point, ça mériterait presque une médaille !
Il éclate de rire, imité aussitôt par Sarah, et j'ai soudain l'impression qu'ils sont clairement en train de se foutre de moi.
— Alors c'est donc vrai qu'elle est hyper crédule ! pouffe le footeux.
— Ah, tu trouveras pas plus naïve que notre Nathalie nationale ! lui confirme mon amie avec un clin d'oeil.
Je fronce les sourcils, mécontente.
— Tu t'es moqué de moi, c'est ça ? je marmonne.
Antoine se frotte le nez et m'adresse un rictus.
— Désolé, c'était trop tentant. T'as raison, on était bel et bien en blanc et on a gagné. Mais je voulais voir ton expression gênée, t'es trop mignonne quand tu la fais !
— Hum ! s'exclame Sarah. Mon verre est vide, je vais me resservir !
Je jette un coup d'oeil au contenu de son gobelet et fronce les sourcils sans comprendre :
— Qu'est-ce que tu racontes ? Il t'en reste les trois quart, encore !
Sarah lève les yeux au ciel puis avale sa boissin cul-sec.
— Là, tu vois ? C'est vide ! J'étais juste en avance sur mon temps. Allez, je reviens !
La voilà qui s'éloigne d'un pas guilleret vers le saladier. Alors, un éclair de compréhension me traverse le cerveau lorsque je comprends ce qu'elle vient de faire...
May-day, may-day. Sarah m'a abandonnée avec un individu de chromosomes XY.
Or, une chose est sûre : je n'ai définitivement pas assez bu pour affronter une telle situation ! Heureusement ou malheureusement, je suis rapidement tirée de ce mauvais pas par les potes du footeux qui l'interpellent à l'autre bout de la pièce :
— Oh, Antoine ! Tu fous quoi ? Tu viens jouer ?
— Ouais, j'arrive !
Celui-ci m'adresse un petit sourire gêné puis s'excuse :
— Désolé, je dois y aller... Amuse-toi bien !
Les yeux ronds, je le regarde s'éloigner vers ses amis près de la table de ping-pong portative installée au milieu du salon.
— Tu foutais quoi encore en compagnie de Rateaulie ? Tu veux te la taper ou quoi ? j'entends la grosse voix de Karim lui demander tandis qu'il le prend par les épaules.
Cependant, le volume de la musique est trop fort et la voix d'Antoine trop douce pour que sa réponse parvienne à mes oreilles. Je pousse un long soupir d'exaspération. Décidément, j'ai du mal à le suivre, là. Il m'invite à son match et à cette soirée, tout ça pour me parler deux minutes et s'esquiver dès que ses amis l'appellent ? Les autres ont dû se tromper, c'était sans doute juste de la politesse, en fin de compte.
Histoire d'augmenter encore plus mon sentiment de loose intersidérale, c'est ce moment que choisissent Allison et ses minions, aka "le club des pétasses de 2nd3", pour passer soudain à côté de moi en me balançant une remarque sarcastique :
— Alors, on prépare déjà son prochain râteau ?
Et les autres de ricaner telles des hyènes. Elle a lâché ça comme ça, sans même prendre le temps de s'arrêter à mon niveau, juste en marchant devant moi avant de rejoindre le groupe d'Antoine et ses potes.
Je ne suis même pas assez importante pour qu'elles prennent le temps de venir me provoquer en face à face. Tout ce à quoi j'ai droit, c'est un petit commentaire passif-agressif en passant, comme ça, vite fait.
Malgré moi, leurs paroles m'atteignent plus que ce que je ne voudrais l'admettre. Je secoue la tête. A quoi je m'attendais, au juste ? Les mecs comme Antoine ne s'intéressent pas aux filles comme moi. Pas dans la vraie vie !
J'ai envie de rire jaune de ma propre bêtise. Moi qui pensais avoir évolué, voilà que je retombe dans mes vieux travers, à idéaliser mon existence. Il est temps que j'arrête de croire que je suis l'héroïne d'un roman, à la fin. Encore faudrait-il que je sois l'héroïne de ma propre vie, déjà.
— Alors ? Ça a été avec Antoine ?
Le regard dépité que je lance à Sarah semble répondre à sa question.
— Ah, merde..., grimace-t-elle. T'as encore gaffé ?
— Non, j'en ai même pas eu le temps ; il a rappliqué au pas de course dès que Karim l'a sifflé !
J'ai dit ça d'un ton plus amer que ce que je voulais, ce qui n'échappe pas à mon amie. Celle-ci soupire et me tend un verre de mojito.
— Tiens, ça te fera pas de mal, je crois. Je me doutais que t'aurais besoin d'un remontant, mais bon, je pensais que vous alliez discuter un peu, quand même. Désolée, Nat.
— C'est rien, je fais en remuant mon verre sans conviction. Je sais même pas pourquoi je suis encore déçue, en vrai. J'ai eu tort de vous croire, l'autre soir ! C'est évident que les mecs comme lui s'intéresseront jamais aux filles comme moi !
— C'te mood ! pouffe Sarah malgré elle. C'est pas très grave, si ? C'est juste un garçon. Il y a pire dans la vie !
Je lui retourne son faible sourire. J'envie son éternel optimisme, parfois.
— Enfin bon, puisqu'on est là, autant s'amuser, non ? Tu viens danser avec moi ?
— J'oserais jamais...
— Bois ton mojito, après tu verras que t'oseras ! Allez, Nat ! En plus, c'est Boys de Lizzo, j'adore cette chanson !
Bien qu'une telle idée ne m'enthousiasme pas des masses, je ne veux pas casser le délire de Sarah et, après avoir vidé mon verre d'une traite, la laisse m'entraîner vers mon enfer personnalisé, à savoir... Une piste de danse.
Musique : Lizzo — Boys
https://youtu.be/XplzAs0El2Y
Hey ! Vous allez bien ? Comment se passe la reprise, pour ceux qui ont repris ? De mon côté j'ai un peu de mal à reprendre le rythme, mais bon, ça va aller !
J'espère que ce chapitre vous a plu, et que vous n'avez pas été trop perturbés par l'ellipse temporelle une fois de plus. On quitte la soirée d'anniversaire pour attaquer un autre genre de fête... ! 😬
Qu'avez-vous pensé de l'analyse de Nat concernant ce qu'elle a ressenti en voyant Adam et Fiona s'embrasser ? Etes-vous d'accord avec elle ? 🤔
De sa décision de repartir en quête d'héroïsme, et de jeter son dévolu sur Antoine ?
De son échange avec ce dernier ? Perso je suis un peu du genre à gaffer comme Nat quand je suis mal à l'aise, et à balancer des phrases gênantes de ce style. Je suis vraiment pas douée pour faire la conversation parfois, je me sens en décalage avec mes interlocuteurs... 😞C'est ce genre de malaise et de maladresse que j'ai voulu faire transparaître ici. Ça vous arrive aussi ?
De la façon dont ce dernier s'esquive dès que ses potes l'appellent ? Comment interprétez-vous son attitude ? Des théories à ce sujet ? 🤔
Et enfin, de la réaction de Sarah face à celle, mélodramatique, de Nat ? C'est elle qui a raison en vrai, moi j'dis ! C'est juste un mec, balec et viens danser, Lalie ! 😁💪
Vos pronostics pour la suite de cette soirée ?
En attendant de vous lire... Je vous fais des bisous et vous dis à la semaine prochaine ! 😘
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top