67. Nianiania™

J'ai beau avoir joué les braves, je me sens quand même obligée de prendre une grande inspiration histoire de me donner du courage. Et pour cause : la dernière fois que j'ai été sur ce balcon, mon coeur a éclaté en mille morceaux.

A ce moment-là, j'étais encore amoureuse de Mattéo, j'ignorais qu'il était gay, et tous mes espoirs d'une éventuelle idylle avec lui semblaient encore possibles.

Aujourd'hui, tout cela est terminé. Mattéo m'a repoussée et j'ai appris qu'il sortait avec Ilyès.

Pourtant, loin de me faire de la peine, ces pensées me réchauffent le coeur. Même si tous ces souvenirs sont douloureux, je les chéris tendrement au fond de moi, car ils m'ont aidée à grandir. Je ne suis plus la même désormais : j'ai mûri, je ne vis plus dans un monde idéalisé, et j'ai gagné de véritables amis.

C'est sur cette pensée que je m'approche de la baie vitrée, un faible sourire au coin des lèvres, lorsqu'un écho de la conversation entre Mattéo et Adam, à l'extérieur, me parvient :

— T'es sérieux, tu me demandes des conseils à moi sur les préli avec une fille ? Je suis gay, je te signale. J'y connais que dalle. Pourquoi tu demandes pas à ton cousin, là, Andréa ? De ce que j'ai compris, il a l'air d'avoir pas mal d'expérience en la matière...

Je tressaille en entendant ça. Visiblement, je viens de surprendre une conversation un poil trop privée pour mes oreilles de pucelle fragile.

La raison me soufflerait de faire demi-tour ou de manifester ma présence afin de leur éviter de s'épancher davantage, cependant la part commère de ma personne décide de se plaquer contre le mur et de tendre l'oreille.

Oui, je sais, c'est mal. Ou plutôt, en l'occurrence... C'est mâle.

— Si je lui demande des conseils là-dessus, il va se foutre de ma gueule ! Il peut vraiment être chiant, parfois !

— Bah, ça doit être de famille, ça.

— Nianiania, marmonne le chevelu en guise de réponse.

— Stop imiter Nat. T'es pas aussi mignonne qu'elle quand tu fais ça.

Puis, après une pause, le délégué reprend :

— Vous êtes allés jusqu'où, déjà ? Vous vous êtes pelotés, genre ?

— Un peu plus que ça, quand même...

Mattéo ne répond pas immédiatement — le temps que l'information atteigne son cerveau, sans doute —, puis s'exclame :

— OMG ! Mon petit Adam a eu droit à sa première fellation ! Comme c'est mignon...

— Ça va, pas la peine de te la raconter, M.J'ai-Fait-La-Totale-A-Quatorze-Ans ! Tout le monde n'est pas aussi dépravé que toi.

— Pas la peine de te vexer, je me foutais pas de toi ! Et honnêtement, si je pouvais revenir en arrière, crois-moi que je changerais cet aspect de mon passé. Enfin, surtout la personne avec qui je l'ai fait...

Un petit blanc s'ensuit avant que le chevelu ne s'enquiert :

— Tu regrettes d'être sorti avec Raphaël ?

— J'aurais préféré découvrir tout ça avec Ilyès, ouais. Raph était... Pressé. Avec lui, tout était précipité. J'aurais aimé faire par étape, comme toi et Fiona. Et surtout, j'aurais voulu expérimenter ça avec quelqu'un qui m'aimait vraiment, plutôt qu'avec cet enfoiré. Quand je pense qu'il a été jusqu'à embrasser Nat pour me foutre en rogne... J'ai tellement envie de le démolir à cause de ça.

— Bah, tu l'as fait, j'te signale.

— Il mériterait que je le démolisse tous les jours. C'était son premier baiser, Adam, et ce connard le lui a volé ! A cause de moi. Sérieux, je me sens trop mal, j'ose à peine la regarder en face depuis cette histoire...

Les battements de mon coeur accélèrent à ces mots. Moi qui pensais que Mattéo évitait mon regard et m'esquivait à cause de notre dispute ! Mais en fait, non. C'était à cause de Raphaël, parce qu'il se sentait coupable...

Sans réfléchir, je m'avance sur le balcon puis demande d'une voix forte :

— Alors c'est pour ça que t'étais si distant ces dernières semaines ?

Les garçons, accoudés sur la barrière du balcon, sursautent et se retournent en entendant ma voix.

— Nathalie ? s'étonne le délégué. T'es là depuis quand ?

Mes yeux glissent malgré moi sur Adam, ou plutôt sur une partie précise de son anatomie or, j'ai beau me reprendre sur-le-champ, ce regard suffit à me griller auprès de mes interlocuteurs.

Pourtant, loin d'être gêné à l'idée que je sois au courant de ses expérimentations sexuelles, le chevelu croise les bras sur son torse en déclarant d'un ton placide :

— C'est pas beau d'écouter aux portes, vieille commère.

Je fronce les sourcils, piquée au vif.

— Je venais vous chercher pour le gâteau ! je rétorque. Votre conversation avait l'air sérieuse, je voulais pas vous interrompre, alors j'ai attendu le moment opportun, c'est tout ! Je m'en fiche de ce que tu fais ou ne fais pas avec ta petite-amie, Adam !

L'elfe a un sourire en coin.

— J'en crois pas un mot, mais soit.

— Oh, je t'emmerde ! De toute façon, c'est pas à toi que je parlais, de base...

En disant ça, je braque mes pupilles dans celles de Mattéo, soutenant son regard sans ciller.

— Moi qui pensais que tu m'évitais parce que tu m'en voulais encore... Mais en fait, c'était à cause de Raphaël, c'est ça ?

Mon interlocuteur se frotte l'arcade sourcilière, mal à l'aise.

— Ouais, admet-il. Je t'ai déjà dit que j'étais pas fâché contre toi, Nat. Je suis pas rancunier, hein. Mais je me sens coupable de ce que Raph t'a fait...

Je balaye cette remarque d'un revers de main.

— Dis pas de bêtise ! C'est pas ta faute si ton ex est un tordu, tu peux pas contrôler ses faits et gestes. C'est quand même pas toi qui m'as embrassée de force !

— Comme si ça t'aurait dérangée, si ç'avait été Mattéo ! ironise Adam.

— Oh, ta gueule ! nous lui répondons d'une même voix, le délégué et moi.

Le chevelu hausse les épaules et se détourne ostensiblement de nous, vexé. Pourtant, l'air mécontent de Mattéo se dissipe lorsqu'une idée semble jaillir dans son esprit :

— Si tu veux, je peux le faire, déclare-t-il soudain.

— Faire quoi ? je demande sans comprendre.

Il se gratte la nuque, gêné, avant de reprendre :

— T'embrasser. Te donner un vrai baiser, quoi, pas cette parodie de baiser que t'a imposé Raphaël. J'ai jamais fait ça avec une fille, mais si ça peut rattraper ce qu'il a fait...

En entendant ça, Adam sort alors de son coin afin d'émettre un commentaire :

— Pire idée de l'univers, m'est avis.

— Retourne bouder dans ta partie du balcon, toi ! lui rétorque sèchement Mattéo.

Je me racle la gorge, mal à l'aise, avant d'intervenir :

— Hum, il a pas tort, pour le coup. Mes sentiments commencent juste à s'estomper, alors évitons ce genre d'expérience, okay ? Et puis, j'espère bien que le prochain garçon qui m'embrassera aura des sentiments sincères à mon égard, cette fois-ci.

Le délégué se passe la main dans les cheveux.

— Ouais, t'as raison. C'était con, comme idée.

— Qu'est-ce que je disais ! s'exclame Adam en roulant des yeux.

— Nianiania, lui rétorque Mattéo.

Je fronce les sourcils.

— Stop me voler mon nianiania ! je m'insurge. C'est une marque déposée, j'vous signale : Nianiania™.

Tout en riant tous les trois, nous retournons finalement à l'intérieur où nous attendent le reste de nos amis. Ilyès fronce les sourcils et met ses poings sur les hanches avant de s'enquérir :

— Vous en avez mis du temps ! Vous foutiez quoi, sur ce balcon ? C'est louche, moi j'dis !

Adam hausse les épaules.

— Mattéo voulait embrasser Nathalie mais elle lui a mis un vent.

Ilyès écarquille des yeux choqués en entendant ça.

— Whaaaaat ? Mais ça va pas ? Cette bouche m'est réservée, wesh ! T'as pas le droit de la prêter à qui que ce soit ! Pas même aux filles !

Le délégué le toise d'un air sévère avant de rétorquer :

— Dixit le mec qui veut jamais qu'on s'embrasse devant les autres.

Son interlocuteur perd derechef son air taquin au profit d'une mine gênée.

— Bah, tu sais bien que j'assume pas..., bredouille-t-il en se grattant la nuque.

— Que tu veuilles pas qu'on le fasse en public, je le comprends. Mais là, ce soir y'a que nos amis, hein. Ils s'en foutent qu'on se roule des pelles devant eux.

Ilyès croise les bras sur son torse. Ses pupilles s'agitent dans tous les sens tandis qu'il cherche quelque chose à répliquer, paniqué, jusqu'à ce qu'elles finissent par se poser sur moi.

— C'est à cause... De Nat ! s'exclame-t-il. C'est vrai, quoi, tu lui as mis un râteau, je veux pas la blesser en faisant ça devant elle.

Je lui adresse un sourire narquois pendant que je rétorque :

— Inutile de te servir de moi comme prétexte, Yéyé. Je suis passée à autre chose, alors en ce qui me concerne, vous pouvez vous embrasser autant que vous le voulez, je m'en fiche !

Je vois la mine d'Ilyès se décomposer en m'entendant parler. Mattéo arque un sourcil et le nargue :

— Alors, c'est quoi ton excuse, maintenant ?

Pendant qu'ils discutent, je retourne m'asseoir sur le canapé à côté de Sarah, et me mets à clamer en choeur avec celle-ci et Fiona :

— Ouais ! Le bisou, le bisou, le bisou !

Ilyès se gratte le cou, gêné, puis se penche timidement vers Mattéo avant de déposer un petit baiser sur ses lèvres, sous nos acclamations. Adam, consterné face à ce spectacle, lève les yeux au ciel et vient s'installer auprès de sa petite-amie, passant un bras derrière ses épaules.

Alors que le bouclé y met fin aussi vite qu'il l'a initié, faisant déjà mine de s'écarter, le délégué le retient par le t-shirt d'une main puis fait pression sur sa nuque de l'autre afin de l'attirer à lui, dans un baiser bien plus langoureux que le premier.

Mon coeur rate un battement à cette vision et Sarah me jette un coup d'oeil inquiet.

— Ça va, Nat ? Ça te fait vraiment rien de les voir tous les deux ?

Etrangement, non. Je tâte virtuellement l'intérieur de mon corps, à l'affût de la moindre trace de chagrin. Je pensais ressentir un petit pincement au coeur ou quelque chose du genre...

Mais finalement, telle l'attaque trempette de Magicarpe, rien ne se passe. Je suis simplement heureuse pour eux, heureuse de les voir heureux. Un sourire se dessine sur mes lèvres à cette idée.

Cependant, tandis que je me tourne vers mon amie afin de lui partager cette bonne nouvelle, celui-ci s'efface aussitôt.

Non pas en voyant Ilyès et Mattéo s'embrasser... Mais en constatant que, derrière Sarah, en arrière-plan, Adam et Fiona se sont mis à les imiter.

Alors, tout à coup, sans que je ne m'explique pourquoi, ce n'est non pas un pincement que je ressens dans ma poitrine : c'est une véritable douleur. Une douleur cuisante et, surtout, incompréhensible. 


Musique : MIKA — Dear Jealousy

https://youtu.be/5AbE5M6tHLk


Hey ! J'espère que vous allez bien en cette dernière semaine d'Août. Quel temps fait-il chez vous ? Chez moi, on est passés de la canicule à l'automne en quelques jours, c'ay abuseeeey. 🌧😩

J'espère que ce dernier chapitre sur la soirée d'anniversaire de Nathalie vous a plu, sinon. C'était l'occasion d'en apprendre un peu + sur la relation Adam/Fiona, grâce aux oreilles indiscrètes de Nat. 🤭 Même si ceux qui lisent Insert Coin ne seront pas vraiment surpris. 

Qu'avez-vous pensé de Mattéo qui regrette d'avoir été trop vite avec Raphaël ? 

De la culpabilité qu'il ressent vis-à-vis de Nat au sujet du baiser que ce serpent lui a volé ?  🐍

De son idée d'embrasser Nat pour se "rattraper" et de Nat qui lui met un "vent" ? 

De sa façon de pousser Ilyès à s'assumer un peu +, au moins en présence de leurs amis ? 

Et de la réaction de Nat à la fin ? 🤭

Des pronostics pour la suite  ? 😁

En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à jeudi prochain ! 😘

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