64. Go pex, noob

L'air confiant et satisfait qu'affiche Antoine s'effrite au fur et à mesure que le mien devient de plus en plus confus et paniqué.

— J'ai fait une gaffe ? s'enquit-il face à mes yeux terrorisés. Tu voulais pas ? Merde, merde, merde...

J'ouvre la bouche afin de répliquer, cependant, comme si mes cordes vocales avaient été sectionnées, ma gorge s'avère incapable d'émettre le moindre son. Je me contente alors de secouer la tête, éprouvant soudain des difficultés à respirer tandis qu'une vive chaleur s'empare de tout mon corps.

Du calme, Nat, du calme. Inspire et expire. Tu vas pas encore t'évanouir, hein ?

Cette fois, le footeux me dévisage d'un air franchement inquiet.

— Tu te sens bien ?

Bordel, je dois vraiment avoir une tête à faire peur !

— O-Oui ! je parviens à souffler du bout des lèvres. Ç-Ça va. Je m'y attendais pas, c-c'est tout.

Ça ne va absolument pas ! C'est une putain de catastrophe, oui ! Bon sang, voilà que je me remets à balbutier comme au chapitre un ! Reprend-toi, Lalie !

— C'est trop de pression, peut-être ? s'enquit-il.

Le problème n'est pas là. Si Aya avait été élue, je n'aurais éprouvé aucune appréhension à l'idée d'écrire cet article. J'ai suffisamment confiance en mes capacités et sais que je suis à la hauteur.

Non, le problème réside en la personne que je dois interviewer. Laquelle n'est autre qu'Antoine. Un individu aux chromosomes XY dont le charme ne me laisse pas indifférente. Or, je vais devoir me retrouver seule avec lui. En tête à tête. Juste lui et moi. Pire, même : je devrais mener la conversation en lui posant des questions !

Rien qu'à cette idée, je sens les battements de mon coeur accélérer et fais de mon mieux pour me maîtriser tandis que je mens en bafouillant :

— U-Un petit peu. Mais ça va aller, j-je pense...

Le visage d'Antoine se fend d'un sourire radieux.

— T'es d'accord alors ! Le premier conseil a lieu jeudi, donc je te propose de se retrouver le lendemain, à midi au CDI, pour faire l'interview. Ça te va ?

A cet instant, je domine de mon mieux mes instincts primaires, tâchant d'éviter de hurler que non, ça ne me va pas du tout et que je vais littéralement me déféquer dessus s'il continue de me dévisager de cette manière avec ses putains de fossettes qui rendent mon coeur aussi liquide que de la lave en fusion !

— Okay... V-Va pour vendredi.

Il confirme ce rendez-vous en levant le pouce puis, appelé par ses amis de la section foot, s'empresse de les rejoindre.

— Qu'est-ce que tu foutais en compagnie de Rateaulie ? le taquine Karim. Elle t'a tapé dans l'oeil ?

Je vois Antoine hausser les épaules mais n'entends pas sa réponse, les battements de mon coeur résonnant trop fort à mes oreilles. J'amène ma main sur ma poitrine et prends de grandes inspirations afin de me calmer.

👓 👓 👓

Lorsque le jour J arrive, j'ai du mal à contenir les battements de mon coeur en attendant la venue d'Antoine au CDI. Notre échange de l'autre jour n'a pas duré plus de deux minutes, or j'ai bien cru faire une crise d'apoplexie. Pourquoi ai-je accepté cette folie ? Comment moi, la timide et insignifiante Nathalie, vais-je pouvoir tenir un quart d'heure face à lui ?

Mattéo n'a pas été vexé que je me charge de l'article, au contraire : lui, Ilyès et Sarah n'ont eu de cesse de me charrier à ce sujet, augmentant d'un cran encore l'angoisse que je ressens. Cependant, le délégué demeurant dans son âme un preux chevalier, cela ne l'a pas empêché de m'aider à me préparer à cette interview, techniquement parlant j'entends. Psychologiquement, c'est une autre histoire !

Le footeux risque d'arriver à tout moment et je ne peux empêcher mes jambes de trembloter à l'idée de me retrouver seule en sa compagnie. J'ai pourtant essayé de convaincre Mattéo de rester, cependant ce sadique n'a rien voulu entendre !

— Il est temps que tu pex ta compétence "parler aux membres du sexe opposé", Lalie, m'a-t-il dit avec son air taquin.

— Parce que toi, Ilyès et Adam êtes des filles, peut-être ? ai-je répondu en fronçant les sourcils.

— Nous, on compte pas, on est des geeks. Les geeks sont toujours plus accessibles que le commun des mortels. On était le mode facile ; Antoine, c'est un sportif, donc là, tu entres dans le hard mode, ma petite.

— Bizarrement, rien de ce que tu me dis ne me rassure, ai-je roulé des yeux. Et puis, c'est idiot ce que tu dis : Adam est loin d'être un mec facile à aborder, j'te signale ! Tu veux que je te rappelle la tête de mule que ça a été au début ?

Mattéo a eu un sourire en coin à cette remarque, le même qu'il m'a adressé pendant le cours de SVT.

— Hum, c'est vrai. Je t'ai peut-être sous-estimée... Si t'as réussi à dompter l'elfe, tu devrais faire qu'une bouchée du schtroumpf.

Et il m'a laissée ainsi sur ces paroles énigmatiques.

Je pousse un long soupir, dépitée devant ma rechute soudaine. Moi qui pensais avoir vaincu ma timidité... J'étais bien naïve. Comme si on s'en débarrassait aussi facilement ! Je suis peut-être confiante lorsque je parle à mes amis, mais je reste toujours aussi nunuche face aux gens que je ne connais pas.

Alors que je suis sur le point de laisser mon dégoût de moi-même s'emparer de moi, je me remémore les paroles qu'Adam a prononcées il y a quelques jours : "Crois-moi... T'as plus rien à voir avec la petite Nat fragile du début d'année."

Ce souvenir me sert d'électrochoc. C'est vrai. Adam a raison. L'espace d'un instant, j'ai failli retomber dans mes vieux travers et laisser ma timidité reprendre le dessus... Mais je ne suis plus cette personne-là. Je ne suis plus une figurante inutile qui se tient en arrière-plan tandis que les autres brillent sur le devant de la scène.

Du moins, je refuse de l'être. C'est revigorée par cette pensée que je me redresse sur ma chaise et adresse un sourire rayonnant à Antoine lorsqu'il arrive. J'ignore si ce soudain accès d'assurance est réel ou feint, cependant je ne cherche pas à le savoir et tâche de ne pas m'en départir durant notre entretien.

Ces quinze minutes ressemblent à un véritable duel m'opposant à ma timidité, laquelle plane au-dessus de ma tête, menaçant de reprendre l'avantage à tout moment. Néanmoins, je tiens bon, quitte à rire de manière un poil trop forcée ou à faire des plaisanteries de bas-étage. Cela ne semble pas déranger ou surprendre le footeux plus que ça, lequel répond à mes questions avec entrain, de sa voix douce habituelle.

Lorsque nous avons terminé cet échange et que je pense avoir dégoté l'ensemble des informations nécessaires à mon article, je ne peux contenir un petit soupir de soulagement.

— C'était si éprouvant que ça ? me taquine Antoine en m'entendant.

— Non ! je rigole. Mais c'est pas naturel pour moi de parler autant.

— Pourtant, tu m'as parue du genre plutôt pipelette...

Je détourne les yeux, mal à l'aise.

— Hum, je parle toujours trop fort et trop vite quand je suis stressée ou enthousiaste.

— Et du coup, on était dans quel cas de figure, là ? s'enquit-il avec un sourire en coin.

Je réfléchis sérieusement à la question.

— Hum, un peu des deux, je pense...

— Je suis si intimidant que ça ? plaisante-t-il.

— Non, ça va... Tu sais mettre les gens à l'aise, en vérité.

Son rictus semble s'élargir en m'entendant dire ça. Tandis que nous parlons, nous avons commencé à ranger nos affaires et, après avoir dit au revoir à la documentaliste, quittons le CDI.

— Hum, je me racle la gorge. Bon, bah, je vais partir de mon côté...

— Ouais, moi aussi...

Un blanc de quelques secondes s'installe, durant lequel Antoine se gratte le crâne, gêné.

— Passe de bonnes vacances, du coup ! je lance d'un ton que je veux enthousiaste, maudissant mon timbre un poil trop aigu.

— Attends, Nat ! me retient-il par le bras. A-Avant que tu t'en ailles, je... J'ai un truc pour toi.

Je hausse les sourcils, surprise. Il fouille à l'intérieur de son sac et me tend des tickets en papier cartonné.

— C'est, hum... Des billets pour le match, dans deux semaines. On en a tous reçus et, euh, je me disais que tu pourrais venir, si tu veux. Et puis, on fait une soirée juste après avec les gars de l'équipe et d'autres gens de la classe.

Je le dévisage d'un air vide, ne comprenant pas où il veut en venir. Puis, devant son regard scrutateur, je me sens obligée de dire quelque chose, et opte donc, une fois n'est pas coutume, pour une ânerie plus grosse que moi :

— Euh, bah c'est gentil, mais, euh... Le foot, c'est vraiment pas ma tasse de thé, en fait. Tu devrais filer ça à quelqu'un que ça intéresse.

Tout en disant ça, je lui tends les billets à nouveau, puis comprends à ses pupilles arrondies que j'ai manqué de tact. J'ai bien envie de me frapper moi-même face à ma propre bêtise. Je suis tellement débile, des fois ! Je viens de dire à un footeux que son sport m'ennuyait ! Evidemment que ça l'a vexé !

J'ouvre la bouche afin de me rattraper, cela dit Antoine ne m'en laisse pas le temps. Il repousse ma main et me dit avec un faible sourire :

— Garde-les. Au cas où tu changerais d'avis.

— T'es sûr ?

— Certain, acquiesce-t-il. J'ai personne d'autre à inviter, de toute façon.

Sans me laisser le temps de répliquer, il tourne les talons et s'en va d'un pas plus rapide qu'à l'ordinaire. Moi, je reste bêtement sur place à le regarder s'éloigner, envahie d'un immense sentiment de perplexité.

Sourcils froncés, j'éprouve la désagréable impression d'avoir loupé quelque chose. Mais ne parviens pas à mettre le doigt sur ce dont il s'agit. 


Musique : DJ Snake — Turn Down for What

https://youtu.be/QFy0hQ3lY-w


Hey guys ! J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous a plu ! 🤗

Au final, Nat a pris son courage à deux mains et décidé de faire cet article, même si c'était pas gagné... Ce chapitre était un peu un parallèle avec le 6e, quand elle s'évanouit face à Mattéo. Ici elle a bien failli recommencer, mais elle s'est finalement reprise. Etes-vous fier(e)s d'elle ? 😁

Qu'avez-vous pensé du conseil que lui donne Mattéo, à savoir qu'il est temps pour elle d'apprendre à parler aux garçons sans bafouiller ? 😏

De sa façon de mener l'entretien ? J'ai essayé de décrire de la manière la plus juste ce que l'on ressent, en tant que timide, lorsqu'on cherche à surmonter notre timidité. En tant qu'ancienne grande timide, je sais qu'on ne s'en débarrasse pas du jour au lendemain et qu'on est parfois obligés de feindre un peu notre assurance, jusqu'à ce qu'elle devienne plus naturelle. Bref, j'espère avoir réussi à retranscrire cette sensation de lutte contre nous-même que l'on ressent dans des moments comme celui-ci. 

Et enfin... Qu'avez-vous pensé de l'invitation d'Antoine, et de Nathalie complètement à côté de ses pompes qui n'en comprend pas la subtilité ?🤭 Pour l'anecdote, c'est inspiré d'un épisode de ma vie, en fait. 

Instant #3615mylife : j'étais en 1ere année de licence et déjà casée, et un mec de ma promo avec qui j'avais discuté genre trois fois depuis le début de l'année a voulu m'inviter à une soirée poker avec ses potes. Sauf que bah comme je le connaissais pas plus que ça et que j'aimais pas le poker, j'ai répondu bêtement "Euh c'est gentil mais j'aime pas le poker" et je me suis cassée. C'est finalement mon copain de l'époque qui m'a expliqué qu'il cherchait tout simplement à se rapprocher de moi... Oups ! 😬 Bref voilà, fin du #3615 my life. 

Je trouvais ça marrant de le remettre ici, dans le cas de Nathalie qui, étant peu habituée au fait de se faire aborder par un garçon, passe elle aussi à côté du truc. Pauvre Antoine, en tous cas ! 😆

Bref, voilà, c'est tout pour aujourd'hui. J'espère que ça vous a plu. Je vous fais des bisous et vous dis à la semaine prochaine pour la suite ! 😘


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