47. Trahison ! Disgrâce !

La semaine s'achève un peu mieux qu'elle n'a débuté. Malgré mon coeur toujours en morceaux, ma réconciliation avec Aurore m'aide à aller de l'avant ainsi qu'à mettre mon chagrin de côté pendant un temps.

Malgré tout, ma cousine a, à son grand dam, du mal à me sortir de la maison, même si je cède quelques fois afin de lui faire plaisir.

La veille de son départ, le samedi soir, on décide de déplacer son sac de couchage à côté de mon lit histoire de passer la dernière nuit ensemble. Elle me pousse à lui raconter les aventures que j'ai vécues depuis la rentrée ; je finis par céder en dépit de mes réticences.

C'est ainsi que, pour la première fois en presque quinze ans d'existence, les rôles entre Aurore et moi s'inversent. C'est elle qui, allongée sur le lit, m'écoute lui narrer les dernières péripéties que j'ai traversées, un sourire rêveur aux lèvres.

Je fais le choix de ne rien omettre. En m'appuyant sur mon journal intime, je lui relate absolument tout ce qui m'est arrivé, y compris les moments gênants ou mes pensées les plus honteuses. Au fur et à mesure de mon récit, Aurore rit, pleure, est embarrassée en même temps que moi.

— Bah dis donc ! siffle-t-elle une fois que j'ai terminé. Il t'en est arrivé des choses ! On dirait l'un de ces personnages de roman coincés au milieu d'une interminable situation initiale... Puis soudain, un auteur débarque de nulle part et introduit un élément perturbateur pour pimenter leur existence !

— Ça alors, c'est fou ! C'est exactement ce que je me disais, figure-toi !

Aurore et moi passons la nuit à papoter ainsi, à rire ou se chamailler de manière amicale, jusqu'à ce que ma mère finisse par venir nous intimer de dormir au vu de l'heure tardive.

Malgré ce savon, nous continuons de discuter à voix basse jusqu'à cinq ou six heures du matin, trop contentes d'avoir tissé à nouveau un lien, plus solide que le précédent, entre nous.

Contrairement à ce que je pensais, évoquer mes souvenirs de ces derniers mois ne m'a pas abattue. Au contraire, cela m'a fait plaisir, me faisant envisager la rentrée de manière plus apaisée que je ne l'aurais cru...

... Du moins, jusqu'à ce que le jour de la reprise soit bel et bien là. Après une nuit passée à me tourner et me retourner sous ma couette, sentant l'angoisse me ronger morceau par morceau, j'ai la désagréable surprise de constater qu'un nouvel habitant a élu domicile au coin de ma lèvre inférieure.

Il est riquiqui, presque imperceptible à l'oeil nu, mais moi, je ne suis pas dupe ! Je reconnaîtrais cette sensation d'engourdissement et de démangeaison entre mille. Oui, messieurs dames, il semblerait que je fasse (encore) une poussée d'herpès !

Le pire c'est que, depuis le précédent bouton de fièvre, je n'ai pas eu le temps de retourner chez le médecin afin d'obtenir une ordonnance... Autrement dit, je suis condamnée à me contenter de la crème aujourd'hui, beaucoup moins efficace que les comprimés.

Pour couronner cette situation déjà assez merdique, il s'avère que mes yeux, beaucoup trop irrités à force de pleurer, ne tolèrent pas mes lentilles, m'obligeant à remettre mon horrible paire de lunettes.

C'est donc d'une humeur exécrable, en plus d'être taraudée par l'appréhension, que j'arrive à proximité de la salle de classe, constatant qu'hélas, la prof n'est pas encore là.

De fait, tous mes camarades sont adossés contre les murs du couloir à attendre. Je ne tarde pas à apercevoir Sarah parmi eux, un peu plus loin, laquelle se trouve en compagnie des trois geeks.

Même si j'ai fini par répondre aux messages de mon amie, je n'ai eu aucune nouvelle des garçons... J'ignore la manière dont je suis censée me comporter vis-à-vis d'eux. Naïvement, j'espérais que Sarah se rangerait de mon côté ; sauf que celle-ci a, semble-t-il, décidé de se la jouer Suisse en restant neutre.

Mon premier réflexe en les voyant est de me cacher derrière la carrure imposante de Karim, sauf que celui-ci finit par bouger afin de saluer Allison, sa petite-amie, me dévoilant aux yeux de Sarah.

Cette dernière agite d'emblée le bras à mon attention, de manière beaucoup trop enjouée pour être naturelle... Grâce à sa discrétion, les garçons me remarquent à leur tour. Mon regard croise celui de Mattéo, lequel a une mine attristée lorsqu'il m'adresse un faible signe de la main.

Paniquée, je ne sais pas du tout comment réagir et ne trouve rien de mieux à faire que de couper le contact visuel en me plaquant contre le mur, tétanisée.

— Eh bien quoi Boulalie, tu t'es disputée avec tes amis ? m'apostrophe Tricia, qui n'a pas raté une miette du spectacle. Oh tiens, t'es redevenue binoclarde ?

— Elle a abandonné l'idée de devenir jolie ! ricane Marina.

— Ouais, elle a dû réaliser l'ampleur de la tâche ! enchérit Anaïs.

Voir ces trois pestes balancer leurs piques les unes après les autres m'évoque soudain l'image de Cerbère, le gardien des Enfers dans la mythologie grecque. Telles les têtes du chien tricéphale, elles aboient tour à tour sans me laisser une seconde de répit !

J'ignore de mon mieux leurs moqueries. De toute manière, je suis arrivée à un tel stade de lâcheté que je préfère entendre le trio se foutre de moi plutôt que de devoir adresser la parole au délégué.

Même si je commence à avoir l'habitude d'encaisser les railleries, je suis soulagée en voyant Mme Simon arriver, laquelle se confond en excuses à cause de son retard. J'attends que mes anciens amis soient entrés tous les quatre avant d'aller m'installer à côté d'Adam.

Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais ce petit espoir au fond de moi que le chevelu, lui, m'adresserait la parole, qu'il tenterait de faire le premier pas afin de briser la glace... Sauf que mon voisin de classe reste dans son coin, la mine renfrognée, sans daigner m'accorder ne serait-ce qu'un regard.

J'en conclue qu'il a eu vent des méchancetés balancées à son pote et qu'il me fait la gueule à cause de ça. L'ambiance est donc assez pesante durant les deux heures de Français, avec à ma gauche un Adam boudeur, et derrière moi une Tricia s'amusant à donner des coups de pied dans ma chaise histoire de m'énerver.

Lorsque sonne l'heure de la récréation, je me dépêche de ranger mes affaires puis cours me réfugier aux toilettes. Sauf que je n'ai pas réussi à esquiver Sarah, laquelle vient toquer à la porte des toilettes quelques instants après que je l'ai verrouillée.

— Nathalie ? Je sais que t'es là-dedans... Écoute, c'est ridicule, tu vas pas te cacher jusqu'à la fin des temps ! Il faudra bien que t'affrontes Mattéo tôt ou tard, vous allez pas arrêter de vous fréquenter à cause de ça !

— Je veux pas te parler ! je fulmine. T'as choisi ton camp ! Trahison ! Disgrâce !

— Je rêve ou tu viens de citer Le Roi Lion 2 ?

— Et alors, t'es de la police des dessins animés ?

Je l'entends pousser un long soupir d'exaspération.

— Bon sang, t'es vraiment impossible, des fois ! s'agace-t-elle. Je t'ai pas trahie, et j'ai choisi aucun camp ! Je veux juste que les choses redeviennent comme avant !

— Tu penses que c'est facile ? Tu crois que je vais réussir à gommer mes sentiments en un coup de baguette magique ? Je m'appelle pas Nathalie Potter !

— T'as bientôt fini tes références bidons ? En plus, y'a aucun sort qui permette d'effacer les sentiments dans Harry Potter, renseigne-toi avant de raconter des conneries !

— Tu me dis de redevenir pote avec Mattéo alors qu'il m'a mis un râteau et c'est moi qui dis des conneries ?

Avant que mon amie ne puisse répliquer, on entend une nouvelle voix intervenir au milieu de notre conversation :

— Quoi, Mattéo a mis un râteau à Nathalie ?

Je tressaille en reconnaissant la voix nasillarde d'Anaïs. Bordel de merde, pourquoi fallait-il que ce suppôt de Tricia se trouve aux mêmes toilettes que moi, juste quand je parle de ça ?

— Ta copine pensait qu'elle avait ses chances ? demande-t-elle à Sarah. Elle est encore plus conne que ce que je croyais !

Elle part ensuite en un grand éclat de rire puis quitte rapidement la pièce.

— Merde..., gémit mon amie de l'autre côté. Maintenant que cette commère le sait, tu peux être sûre que la classe entière sera au courant d'ici la fin de la matinée ! Nous voilà bien !

Nous ? je répète en ouvrant la porte. Y'a pas de nous qui tienne... traîtresse !

Sarah me jète un regard noir.

— Ah ouais, tu le prends comme ça ? T'exiges sérieusement que j'arrête de parler à nos amis juste parce que ton petit ego de princesse a été froissé ?

— Mon ego de princesse ? je m'insurge.

— Ouais, une vraie pourrie gâtée, si tu veux mon avis. Tout tourne toujours autour de toi, toi, toi ! Tu penses vraiment que t'es le centre du monde, Nat ? Franchement, j'ai essayé d'être sympa, sauf que là, tu dépasses carrément les bornes ! Je suis bien gentille, mais faut pas exagérer. Donc t'as raison, prend tes distances et reviens vers nous quand tu seras descendue de ton piédestal !

Sarah tourne les talons, m'abandonnant là. Je me sens d'un coup très stupide face au reste des filles me dévisageant de leurs yeux aussi ronds que des soucoupes. Mal à l'aise, j'ai du mal à respirer. J'ai soudain l'impression d'étouffer entre ces murs ; je décide de quitter les lieux puis de sortir dans la cour, à la recherche d'un endroit isolé.

Après avoir marché plusieurs mètres, je finis par trouver un banc un peu à part, et surtout... vide.

Je vérifie l'absence d'excréments d'oiseaux puis m'y affale en poussant un long soupir de soulagement. Suivant les conseils d'Aurore, je prends de grandes inspirations et tente de calmer les battements affolés de mon coeur.

Concentrée, je ferme les yeux, cherchant à m'isoler. A tel point que, focalisée sur ma respiration, je finis par oublier le monde extérieur. C'est pourquoi je sursaute lorsque j'entends une voix masculine me demander tout-à-coup :

— Je peux m'asseoir ?

Je rouvre les yeux, m'apercevant que celui qui vient de me parler se révèle être...

— Raphaël ?

— En personne, répond-il, un grand sourire aux lèvres. Alors, je peux ?

Je me demande ce que l'ancien ami d'enfance de Mattéo me veut. J'avais presque oublié son existence, à celui-là... Il semblait se tenir tranquille depuis la fête de Marjorie. Or voilà qu'il surgit de nulle part et souhaite s'asseoir à côté de moi comme si on était potes ! 

— S-Si tu veux, je bredouille, confuse. On est dans un pays libre, après tout...

Je pensais que, comme le veut la bienséance lors d'une situation de ce genre, il s'installerait à l'autre extrémité du banc. Pourtant, celui-ci se pose juste à côté de moi. Un peu trop près à mon goût, si vous voulez mon avis...

— Qu'est-ce qui t'arrive ? s'enquiert-il d'un ton désinvolte. Je t'ai vue t'enfuir d'un pas précipité avant de te réfugier ici, où je te retrouve en pleine séance de méditation. C'est à cause du râteau que t'a mis Mattéo ?

Je tourne la tête vers lui, surprise.

— Que... Comment tu...

— Oh, bah... Les nouvelles vont vite au lycée, tu sais, répond-il d'un air énigmatique. Mes condoléances pour ton coeur brisé.

J'ignore s'il est sincère ou s'il se fiche de moi mais, déboussolée, je ne trouve rien de mieux à répondre qu'un vague "Merci". Nous restons ainsi un moment, en silence, jusqu'à ce que Raphaël déclare d'un coup :

— J'ai une idée. On a qu'à sortir ensemble, tous les deux.

Sa proposition me semble si surréaliste que je m'étouffe avec ma propre salive en l'entendant.

— N'importe quoi ! je proteste une fois la quinte de toux passée. C'est débile !

— Pas tant que ça, objecte-t-il en allongeant son bras sur le dossier du banc, derrière moi. Réfléchis : toi, t'as la haine contre Mattéo, et moi... Bah, par définition, je suis un emmerdeur, donc j'aimerais bien le faire chier. On est gagnants tous les deux, dans cette affaire.

Pendant qu'il dit ça, il rapproche légèrement son visage du mien, au point que les effluves de son parfum envahissent mes narines. 

Hugo Boss, sans aucun doute.

Je chasse sur-le-champ cette insidieuse pensée et m'offusque : 

— C'est vraiment une idée stupide ! On sort pas avec quelqu'un par intérêt ! Et puis, ce serait tellement pathétique que mon premier petit-ami soit en fait une fausse relation juste histoire d'énerver le mec qui m'a repoussée !

Premier petit-ami ? répète-t-il, interloqué. Sérieux ? T'en as jamais eu ? Je veux dire, c'est vrai que t'as un physique plutôt "moyen moins", mais quand même...

— Si tu crois me convaincre de sortir avec toi en me traitant de "moyen moins", sache que tu t'enfonces si profondément le doigt dans l'orbite qu'il doit avoir atteint ton cerveau, à l'heure qu'il est !

Il écarquille grand ses yeux verts, surpris, avant d'éclater de rire. Je ne peux pas l'en blâmer : j'admets être moi-même étonnée de ma répartie. Comme quoi, ça me réussit pas trop mal, de me mettre en colère, au final.

— Et bien, quel répondant !

Raphaël me scrute attentivement durant plusieurs secondes, puis se penche encore vers moi en susurrant :

— Ça me plaît.

Soudain, il relève fermement mon menton et, sans que j'aie le temps de réaliser ce qu'il se passe, pose ses lèvres sur les miennes.




💋💋💋



😱 

J'avais trop hâte de publier ce chapitre, j'ai vraiment rigolé lorsque je l'ai écrit ! J'attends vos réactions avec impatience maintenant ! 😂

Alors, qu'avez-vous pensé de la réaction de flippette de Nathalie ? 

Du Cerbère Tricianarina qui s'en prend à elle ? 

De Sarah qui se fâche et l'envoie sur les roses ? 

Et surtout... De Raphaël, aka fouteur-de-merde en titre, et de sa proposition ? 

Sur les bons conseils de cocop0ps, je choisis "Suck my kiss" des Red Hot pour ce chapitre. 😁

https://youtu.be/C6jElKMMOWM

Alors, à votre avis, comment va réagir Nathalie ? Va-t-elle accepter la proposition de Raphaël ? Faites-moi part de vos pronostics ! 😁

N'hésitez pas à voter si ça vous a plu, ou à donner votre avis en commentaires ! C'est toujours un plaisir de vous lire ! huhuhu 🤗

Des bisous et à jeudi pour la suite ! 😘

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