40. Pour la Wattpad money

L'ambiance à la maison ne s'améliore pas au cours des jours qui suivent : Aurore profite d'être de retour pour voir ses anciens amis, alors que de mon côté, le programme surchargé que je me suis imaginé il y a quelques jours part en fumée.

En effet : Sarah est à la Réunion jusqu'à la fin de la semaine — compromis qu'elle a dû faire afin que ses parents la laissent assister au nouvel an — ; Adam passe son temps à discuter avec Fiona sur Discord ; quant à Ilyès et Mattéo, ces deux-là semblent avoir mystérieusement disparu de la surface de la Terre... Autant que de celle d'Azeroth, d'ailleurs.

Adieu donc, sorties en tout genre ou autres événements témoignant de ma nouvelle vie sociale. Merci bien, les amis.

Au final, ces vacances sont semblables aux précédentes, à larver devant la télévision ainsi qu'à jouer à World of Warcraft, voire peut-être pires étant donné que je dois supporter la mine renfrognée de ma cousine au quotidien.

Le seul avantage que j'en tire, c'est que ma contrariété me coupe l'appétit ; je n'ai, par conséquent, pas besoin de lutter contre ma gourmandise naturelle et parviens aisément à résister aux délicieuses tentations des fêtes.

De plus, au vu de mon ennui incommensurable, je me motive même à aller courir tous les jours, partageant mes performances avec Marjorie.

Malgré ces sorties sportives quotidiennes, les journées me semblent tellement interminables que j'en viens à trépigner d'impatience en attendant le soir du nouvel an, oubliant presque d'être angoissée à ce sujet.

Enfin, jusqu'au jour J où, me remémorant soudainement le pacte scellé avec le chevelu, je passe presque tout mon temps aux toilettes à évacuer mon stress. Chaque minute me rapprochant du moment fatidique me tord un peu plus les boyaux.

— J'y arriverai jamais, Sarah..., je couine plaintivement à destination de mon amie.

Celle-ci, rentrée à Lille la veille, est venue chez moi afin que l'on se prépare ensemble, avant que mon père ne nous conduise à la soirée. Il a effectivement été convenu que mon géniteur nous emmènerait et que le sien, qui ne boit pas d'alcool, nous ramènerait vers deux heures du matin.

— Bouge pas ou je vais foirer ton trait d'eye liner ! me gronde-t-elle gentiment.

Elle marque une pause puis ajoute :

— T'as promis à Adam, alors t'es cuite maintenant, tu peux plus reculer.

— Ouais, t'as raison..., je soupire.

De plus, ça fait suffisamment de chapitres que je lui cours après, il est grand temps que je me déclare sinon les lecteurs vont finir par se lasser.

Pense à la Wattpad money, Nat.

Il nous faut environ une quarantaine de minutes avant d'être fin prêtes. Ne disposant pas de trois mille vêtements pour ce genre d'occasion, j'ai recyclé la tenue que je portais lors de la soirée chez Mattéo, quand Sarah, elle, a choisi une robe noire à paillettes dorées qui lui va à ravir.

Je jette un dernier regard au miroir, bénissant l'efficacité de la médecine moderne, notamment celle des comprimés contre l'herpès qui m'ont été prescrits car, en à peine quelques jours, celui-ci a quasiment disparu, ne laissant qu'une légère trace rougeâtre.

Ce soir, c'est le grand soir...

J'ai du mal à contenir mon impatience pendant le trajet. Le paysage défile à la fenêtre tandis que, les yeux dans le vague, je réfléchis intensément aux mots que je vais bien pouvoir adresser au délégué.

— Bon, bah... Passez une bonne soirée, les filles, nous dit mon père après avoir arrêté la voiture sur le bas-côté.

— Merci, papa... Toi aussi.

Sarah et moi lui adressons un faible signe de la main tandis qu'il s'éloigne, puis échangeons un sourire visant à nous conférer du courage.

Etant donné que tous les gens de la guilde n'habitent pas la région, Adam leur a proposé de les héberger quelques jours, tandis que ses parents, eux, ont pris soin de dormir chez des amis afin de nous laisser complètement le champ libre.

Nous nous attendons donc à trouver une maison déjà remplie d'inconnus, ce qui suffit à terroriser deux grandes timides telles que nous.

Je jette un coup d'oeil à la Fitbit flambant neuve que mes parents m'ont offerte, constatant qu'il est déjà neuf heures du soir.

Mon amie et moi franchissons le portail, le souffle coupé devant l'imposante demeure des Devos. Ilyès n'a pas menti en disant que le chevelu avait une grande baraque, et je comprends alors pourquoi des trois, c'est lui qui a été désigné comme hôte en dépit de son manque d'amabilité.

S'élevant sur deux étages, l'édifice domine le paysage ; il est composé des briques rouges typiques du Nord de la France ainsi que d'une toiture sombre, assortie aux fenêtres. Un balcon entoure le premier étage, encadré par des barrières en fer forgé à l'aspect ondulatoire.

L'entrée est composée d'un chemin pavé, bordé par plusieurs plantes bien entretenues, conduisant à une porte plutôt majestueuse. Nous montons timidement les deux petites marches menant au palier où, suite à une ultime inspiration, j'approche ma main de la sonnette.

A peine ai-je appuyé sur le bouton que la porte s'ouvre en grand et qu'une grosse forme hirsute me saute dessus, me faisant tomber à la renverse avant de me lécher vigoureusement le visage — non, rassurez-vous, il ne s'agit pas d'Adam.

— Genn ! j'entends ce dernier grogner à l'attention de l'animal.

Rien à faire : son chien, ou plutôt l'amas de poils gris qui lui sert de chien, est, au vu de sa queue s'agitant dans tous les sens, trop content de me maintenir au sol et de me tartiner le visage de bave.

— Genn ! insiste le chevelu. Ça suffit, laisse-la !

Ma mine déconfite a l'air de bien faire rire Sarah, laquelle ne peut s'empêcher de me taquiner :

— Bah dis donc, t'es vachement silencieuse, Nat !

Car oui, je suis littéralement tétanisée de peur. Comprenez-moi : le molosse n'a pas l'air particulièrement dangereux, juste légèrement joueur, cela dit, je ne suis jamais vraiment sereine en présence d'un chien.

Je préfère les chats, après tout. Allez savoir ! Cela vient peut-être de leur caractère indépendant, de la douceur de leur poil, ou tout simplement du fait qu'ils ne pèsent pas vingt-cinq kilos et qu'ils ne risquent pas de nous plaquer au sol comme vient de le faire ce malotru !

Au bout d'un moment, l'animal accepte enfin de me libérer ; fier de lui, il manifeste son contentement en balançant quelques aboiements.

Je lui jette un regard noir, à lui ainsi qu'à son maître, lequel me tend la main pour m'aider à me relever.

— T'es sérieux, ton chien a le même prénom que le roi de Gilnéas ? je bougonne en secouant mes vêtements. Y'a plus de respect.

— J'ai pas de leçon à recevoir d'une meuf qu'a la gueule d'un membre du groupe KISS.

— Qu-quoi ? De quoi tu parles ?

— Oh non ! s'écrie Sarah, formant un "o" avec sa bouche. Ton maquillage a tout coulé, Nat !

Paniquée, je m'inspecte grâce au mode selfie de mon téléphone puis, horrifiée par le résultat, fusille l'intello du regard.

Pendant ce temps, mon amie met un genou à terre afin de caresser l'animal qui s'empresse de lui lécher la joue.

— Ton chien est a-do-rable, Adam ! s'exclame-t-elle. C'est quelle race ?

— Un Bearded Collie, répond-il.

Un chien aux poils longs parfaitement assorti à son maître, je songe avec un sourire moqueur.

Une fois les papouilles terminées, le chevelu nous fait entrer. La première pièce se trouve être un long couloir qui semble presque interminable, carrelé de blanc, comportant des porte-manteaux sur le mur de gauche ainsi qu'un petit banc servant à s'asseoir et à ranger les chaussures.

Après que nous ayons ôté nos vestes, le geek désigne d'une main l'escalier en colimaçon se trouvant sur notre droite avant de nous expliquer que le gros de la fête se passait au premier étage. Lorsqu'on arrive en haut des marches, il indique la direction du salon à Sarah tandis qu'il me retient par l'épaule :

— Pas si vite, KISS. Suis-moi, je vais t'indiquer la salle de bain histoire que tu fasses pas peur aux invités...

— Nianiania, je grommelle, agacée.

Je ne peux m'empêcher d'écarquiller les yeux devant la taille de la pièce. Tandis que chez moi, elle contient à peine une douche et un lavabo, celle des Devos est si vaste qu'il y a la place d'accueillir une baignoire, des toilettes, et une double vasque.

Adam me sort le coton et le démaquillant de sa mère ; de mon côté, je me félicite d'avoir suivi l'un des nombreux conseils du PDF de Cat, mentionnant à quel point il était important de se munir d'une palette de maquillage quand on part en soirée.

Je pensais que le chevelu s'en irait ensuite, sauf qu'au contraire, comme s'il hésitait à s'en aller, il reste accoudé dans l'encadrement de la porte.

— Qu'est-ce qu'il y a ? je finis par demander, mal à l'aise d'être dévisagée de la sorte.

Mon ton est légèrement plus sec que ce que je voulais, mais tant pis. Mine de rien, je leur en veux encore, à lui et son foutu chien. Ce dernier est d'ailleurs assis loyalement au pied de son maître, sa façon de remuer la queue me laissant penser qu'il me nargue délibérément.

— Toujours d'accord pour notre pacte ?

Je tressaille en entendant sa question, ratant par la même mon trait d'eye liner, lequel a ripé sur la moitié de ma tempe. Maudissant autant ma maladresse qu'Adam, j'entreprends d'effacer ma bêtise afin de pouvoir en tracer un nouveau.

— O-Oui..., je bredouille. Pour la Wattpad money.

— La quoi ?

— Non, rien, laisse tomber...

L'intello se frotte nerveusement le front.

— Bon, alors, si t'es déterminée, j'imagine que j'ai pas de raison de me débiner non plus.

— Ça s'est bien passé avec Fiona, depuis qu'elle est arrivée ?

— Ouais, un peu trop, à vrai dire. J'ai du mal à croire qu'une fille si géniale existe, mais bon...

Le chevelu s'interrompt ; pendant quelques instants, l'atmosphère régnant au sein de la salle de bain ressemblerait presque à un lac paisible. Je profite de ce calme pour terminer de me maquiller, puis range mes ustensiles et me tourne vers lui en criant : "Tada !" une fois que j'ai terminé.

Il esquisse un sourire moqueur avant de prendre la parole :

— Mouais, finalement, je crois que je te préférais en KISS.

Ses mots sonnent à mes oreilles tel un énorme caillou lancé au fond de l'eau, agitant la surface et troublant aussi sec mon état d'esprit.

— Ah bah sympa ! je m'exclame, vexée. Un compliment, ça t'écorcherait la bouche, de temps en temps ?

Il n'y a décidément que lui pour réussir à me faire changer d'humeur aussi vite !

— Ça va, c'était une boutade ! Arrête de tout prendre mal, à la fin, c'est pénible !

— Moi je prends tout mal ? Non mais tu t'es regardé ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité !

— Dis donc, y'a de l'ambiance, par ici ! intervient une troisième voix, dont la propriétaire apparaît quelques instants après dans l'encadrement de la porte.

Je reconnais immédiatement la fille de la photo qu'Adam m'a montrée à la patinoire : Fiona. Je l'avais déjà trouvée très belle à ce moment-là ; seulement, maintenant que je l'ai en face de moi, je dois admettre que ce cliché ne lui faisait honneur qu'à moitié.

Très grande et mince, elle dépasse le geek de quelques centimètres ; ses longs cheveux blonds lui descendent en cascade jusqu'aux épaules, tandis que ses yeux si divinement bleus semblent me transpercer de part en part.

Même son énorme paire de lunettes à monture épaisse n'entache en rien la perfection de ses traits, lui conférant un air sexy. Je maudis sa silhouette longiligne ainsi que son petit nez rond tout mignon.

Et je ne vous parle pas de sa bouche... Sa lèvre supérieure a cette forme de coeur nette que je trouve toujours adorable, quand celle du bas, elle, est pulpeuse juste ce qu'il faut.

Genn, visiblement heureux de la voir, se met à agiter sa queue en tous sens, lui tournant autour à la recherche désespérée d'une caresse.

— C'est ta petite-amie, Adam ? demande-t-elle nonchalamment en s'accoudant sur l'épaule du concerné.

— Ça va pas la tête ? lui rétorque-t-on sur-le-champ, d'une même voix.

— Ah, désolée, j'ai cru en vous entendant vous chamailler... On aurait dit un vrai petit couple !

— C'est juste une copine, bougonne le chevelu, agacé. Fiona, je te présente Nathalie ; Nathalie, voici Fiona.

— Oh, mais oui, Nathalie !

La grande asperge bouscule le geek afin de pénétrer la pièce, puis m'attrape les mains avant d'approcher son visage à quelques centimètres du mien.

— Les garçons m'ont parlé de toi ! s'exclame-t-elle. C'est bien toi qu'ils ont réussi à convertir à WoW ?

— Euh... O-Oui, c'est moi.

— C'est... trop... cool ! Je suis super contente de rencontrer une autre gameuse ! Nous sommes en minorité, alors il va falloir se soutenir au milieu de tous ces mâles aux hormones en ébullition ! Viens vite, je vais te présenter la guilde !

Et, sans me laisser formuler la moindre protestation, la voilà qui m'entraîne d'un pas vif à travers le couloir. J'échange un regard perplexe avec le chevelu, lequel se contente de hausser les épaules, un sourire narquois aux lèvres.


--------

Voilààà c'est le début de l'arc narratif centré sur le nouvel an. La soirée va être un peu longue (6 chapitres au total), j'espère que ça vous plaira, c'est un moment décisif pour l'histoire ! 😁 

Fiona vient de faire son apparition, quelles sont vos premières impressions sur ce personnage ? Pour sa description, je me suis inspirée de l'actrice Kristine Froseth, que j'ai trouvé trop belle dans "Sierra Burgess is a Loser" (film que je vous recommande d'ailleurs). 👍Je ne vous mets pas de photo car je sais que certains préfèrent s'imaginer les personnages comme ils l'entendent. 

J'ai pas vraiment de musique thématique en tête pour ce chapitre, alors je vais me contenter de vous mettre la chanson la plus connue du groupe KISS, puisqu'Adam comparait Nat avec eux quand son maquillage a coulé : "Rock and Roll all Nite" :

https://youtu.be/EymAF3arPAI


Voilà, j'espère que ça vous a plu en tout cas, n'hésitez pas à me donner votre avis en commentaire ! 

Dans le prochain chapitre, Nat va rencontrer la guilde des Geek Incognito et l'on va retrouver Mattéo et Ilyès, bien entendu ! 😋 

Je vous souhaite un bon week-end et vous dis à lundi ! 😘


💖Des bisous de la part de Genn aussi 💖

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top