26. Épilation de moustache gratuite

Une fois arrivés au lycée, nous rejoignons le petit groupe d'élèves en retenue qui attend devant la salle d'étude, et je suis surprise d'apercevoir Aya parmi eux. Mattéo semble partager mon étonnement car il me demande :

— Tiens, tu savais qu'Aya avait été collée, toi ?

— Non... Enfin, c'est vrai qu'Allison l'a bien pourrie devant le prof, puis elle a été plutôt insolente vis-à-vis de la CPE, donc...

— Je vois... Je vais aller lui parler, je reviens.

Quand il arrive à son niveau pour discuter avec elle, je constate qu'elle a l'air particulièrement fâchée contre lui. J'ai du mal à comprendre la raison d'une telle colère car ils ne se fréquentent pas plus que ça, en temps normal. Je me console en me disant qu'il joue peut-être simplement son rôle de délégué... Jusqu'à ce que, à mon grand dam, je le vois passer son bras derrière ses épaules afin de la calmer !

Consumée par les flammes de la jalousie, je contemple la scène en m'imaginant mille façons de torturer Aya, lorsqu'Anthony, le surveillant chargé des retenues, nous ouvre.

— Quoi, sérieusement, c'est cette espèce d'enflure qui s'occupe des colles ? s'exclame Miléna.

— Pas si fort ! la réprimande Marjorie. Il va t'entendre !

— Eh bah qu'il m'entende, je m'en fous. Ce type est un crétin fini à la pisse.

Nous sommes huit à être punis ce jour-là ; Anthony entreprend de nous installer à des emplacements stratégiques, éloignés les uns des autres, tout en nous distribuant nos punitions. C'est avec un mélange de soulagement et de déception que je contemple la mienne : croyez-moi naïve si vous le voulez, mais au moment où la CPE m'a annoncée que je serai collée, je pensais sincèrement que j'allais devoir repeindre le mur que j'avais tagué moi-même, ou encore arracher des chewing-gums, ou un autre châtiment similaire.

Au lieu de ça, je me retrouve à l'intérieur d'une salle d'étude à devoir rédiger une copie-double sur "l'impact social et économique de la dégradation des locaux dans l'espace public" à partir d'une étude de documents. Alors que je m'attaque au premier texte, la grosse voix d'Anthony me fait sursauter quand il se met à gronder :

— On peut savoir ce que tu fous, Aya ?

Son intervention ayant éveillé l'attention générale, nous nous tournons comme un seul homme vers la concernée, laquelle se tient debout, bras croisés, un gros bout de ruban adhésif sur les lèvres. Imperturbable, elle se contente de fixer silencieusement le surveillant.

Mattéo, assis à deux bureaux sur ma gauche, se racle la gorge avant d'intervenir :

— Hum, je crois que c'est une protestation pacifique.

— Une quoi ?

Miléna, placée derrière lui, lève les yeux au ciel en marmonnant :

— Emploie pas des termes trop compliqués, Matt, ce crétin pige que dalle.

Loin de se laisser démonter, le délégué reprend courageusement :

— Aya estime être victime d'une discrimination en rapport avec son orientation sexuelle. Elle pense avoir été collée injustement, qu'on ne lui a pas laissé plaider sa cause, et que les élèves LGBT de cet établissement ne sont pas suffisamment protégés. Le ruban adhésif symbolise son impression d'avoir été réduite au silence.

Face à ce discours, Anthony se contente de pousser un long soupir d'exaspération.

— Les élèves LGBT... Putain, qu'est-ce qu'il faut pas entendre comme conneries, ici.

— Tu perds ton temps, chuchote encore Miléna. Ce type est un arriéré raciste, misogyne et homophobe, ça sert franchement à rien de discuter.

— Je fais pas ça pour moi, lui répond-il.

— Bon, reprend le surveillant en se dirigeant pesamment vers Aya. J'ai vraiment pas la patience, aujourd'hui.

Arrivé à son niveau, il ôte sans crier gare le ruban adhésif, lui arrachant un petit cri de surprise.

— Hé ! s'énerve-t-elle. Vous pouvez pas faire ça ! C'est bafouer mon droit à manifester... !

— Je m'en fous de ton droit à manifester, cocotte. Alors maintenant tu fais ta retenue gentiment et si t'as un truc à redire, bah, je sais pas ? Ecris à La Voix du Nord, histoire de voir si ça les intéresse ! ricane son interlocuteur en retournant s'asseoir.

A ce moment-là, je pense que si Aya avait eu le pouvoir de tuer en un regard, Anthony serait déjà mort et enterré. Marjorie, assise devant elle, lui adresse un grand sourire avant de lancer :

— Fais pas cette tête, au moins t'as eu droit à une épilation de moustache gratuite !

La petite pique déclenche les gloussements de l'auditoire.

— Marjorie, on se passera de tes commentaires. Maintenant retournez à votre punition si vous voulez pas vous retrouver abonnés aux retenues jusqu'à la fin de l'année !

Le surveillant étant suffisamment sadique pour mettre une telle menace à exécution, nous baissons à contrecoeur la tête sur notre copie, et planchons ainsi jusqu'à la fin de notre peine.

Au moment où je franchis le portail de l'établissement afin de rentrer chez moi, je me dis qu'au final, être collé, ce n'est pas si dramatique que ça. D'accord, rester au lycée le mercredi après-midi est, en soit, quelque chose d'assez pénible, je l'admets, mais une fois que l'on y est... Eh bien, ce n'est pas si terrible. Je ne dis pas que j'aurais envie de réitérer l'expérience, cela dit je crois que désormais, la menace des heures de retenue me paraîtra beaucoup moins effrayante.

— Pff, quelle plaie ! bougonne Miléna lorsque nous sommes à l'extérieur du lycée. Dire qu'on aurait pu passer l'aprem à faire des choses mille fois plus intéressantes...

Tout en disant ça, elle enlace Morgan avec un sourire en coin.

— Pas vrai, mon chéri ?

— Bah, au moins, ça vous apprendra à contrôler vos pulsions, bande de pervers dégénérés ! lui répond Marjorie. Quelle idée de vouloir s'envoyer en l'air au lycée... Vous êtes irrécupérables !

— Hein ? s'étonne Morgan. De quoi tu parles ?

— Bah, c'est pas à cause de ça que vous avez été collés ? Du moins, c'est ce que tout le monde raconte.

— Bien sûr que non ! proteste la grande brune. D'accord, on est un peu obsédés sur les bords, mais désolée, le lycée, c'est pas un lieu qui m'excite à ce point.

— On s'est juste embrassés de manière trop démonstrative au goût de Mme Moreau, enchérit Morgan. Enfin, de la part d'une femme qu'a probablement jamais vu un pénis de sa vie...

Tandis que nous nous dirigeons vers l'arrêt de bus, on entend Aya appeler derrière nous :

— Hé, Mattéo ! Attend-moi !

— Ah, fait Marjorie pendant que le garçon manqué approche d'un pas rapide. Revoilà la femme à moustache.

— Sois pas méchante, Marje, cette fois, soupire le délégué.

Sa soeur se contente de lever les yeux au ciel sans répliquer. Aya arrive finalement à notre hauteur.

— Si c'est à propos de mon commentaire sur l'épilation, marmonne la harpie d'un ton blasé, sache que je l'ai fait uniquement dans le but de détendre l'atmosphère et de détourner l'attention du surveillant. Alors ne viens pas me réclamer des excuses, j'en ferai aucune.

— Je m'en fiche de ça, l'interrompt son interlocutrice.

Se tournant vers le délégué, elle reprend :

— Merci d'avoir parlé à ma place, tout à l'heure.

— C'était rien, répond-il en haussant les épaules. C'est mon rôle de délégué...

— Arrête, y'a pas que ça.

Sa réflexion laisse un blanc. Mattéo se gratte nerveusement le crâne.

— Hum, et donc, qu'est-ce que t'attends de moi ?

— Eh bien, Anthony est un putain d'abruti mais il m'a donné une idée. Est-ce que je peux soumettre un article au Club Presse même si j'en fais pas partie ?

— Euh... bah ouais, je suppose. Tu peux aussi le faire anonymement si tu veux.

— Bon, viens, laissons-les, intervient la harpie.

Me tirant par le bras, elle nous éloigne d'eux afin de retourner auprès du couple.

Perdue dans mes pensées, je ne parviens pas vraiment à me concentrer sur la discussion de mes trois aînés. Je regarde mes deux camarades de classe discuter d'un air songeur, me demandant ce qu'Aya a en tête. Je suis finalement tirée de mes réflexions par Marjorie quand celle-ci me tapote l'épaule.

— Hé ! Nat ! T'es avec nous ?

— Euh... oui, oui.

— T'es d'accord, du coup ?

— Ou... ouais, tout-à-fait.

— Yes ! s'exclame Miléna en entendant ma réponse. Cat va être trop contente !

— C'est clair ! confirme Marjorie. Viens, Nat, on va prendre une photo.

Ne me laissant pas articuler la moindre phrase, elle m'attrape par le cou avant de nous prendre en selfie. Puis elle se met à pianoter rapidement sur son téléphone en pouffant.

— Alors ? Elle dit quoi ? demande son amie en regardant par-dessus son épaule.

— Que ça fait longtemps qu'elle a pas relevé un tel défi. Mais qu'elle accepte sans hésiter.

Elle me tend son téléphone afin que je lise le message par moi-même.

♥ KitCat ♥  :
Waow 😱 y'a du boulot mais... Rien ne me fait peur !
Challenge accepted 💪

Je vois à sa photo de profil que l'auteure du message est une jolie blonde fortement maquillée.

— T'as vu ça, Nat ? Elle est d'accord !

— Qui est d'accord pour quoi ? intervient Mattéo, derrière moi.

— Tiens, te revoilà, toi ! s'exclame Miléna en le voyant.

Elle fait des cercles avec son index pointé vers moi, puis dit :

— Mattéo, regarde cette Nathalie-là... Car bientôt, tu ne la reverras plus ! Elle vient de faire un premier pas vers sa nouvelle vie !

— Co... comment ça ? je demande sans parvenir à masquer mon inquiétude.

— Ma chère Nathalie, répond solennellement Marjorie. J'ai le plaisir de t'inviter ce week-end à ton propre relooking !

Cette révélation me laisse coite. Je ne sais pas comment je suis censée réagir. A ce moment-là, la part angoissée de mon être a envie de faire machine-arrière sur-le-champ, contrebalancée par ma part aventurière, moins dominante mais pourtant bien présente.

Je décide finalement de garder le silence en attendant d'en discuter avec la meilleure source de conseils que je connaisse, autrement dit : Sarah Lafleur. 


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J'espère que vous avez passé un joyeux Halloween ! 🎃

Cette partie conclut l'épisode "retenue" de Nathalie, j'espère qu'il vous aura plu ! 😁 Que pensez-vous d'Anthony, le surveillant ? Je l'ai fait exécrable au possible, il faudra que j'introduise un AED intègre pour rétablir la justice car il paraît que y'en a des biens. 😅

En attendant, voilà une musique qui lui est destinée, à lui et à tous les homophobes du monde : 🎵 Lily Allen — Fuck you 🎵 

https://youtu.be/yFE6qQ3ySXE

Enfin, que pensez-vous du relooking à venir de Nathalie ? 😁 Qu'est-ce que va dire Sarah, d'après vous ? N'hésitez pas à voter si ça vous a plu  et à me donner votre avis en commentaire 💖

Je vous fais des bisous et vous dis à jeudi prochain ! 😘

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