RIVAGES
depuis elle ne sait plus quand, peut-être même une éternité, julia avait toujours eu un horaire stricte, juste et rigoureux. elle ne pouvait se permettre de divaguer, de s'amuser ou bien de faire l'idiote ailleurs que dans son quotidien droit et ardu. jamais au grand jamais elle ne priorisait les sorties en boîte. par contre, le vendredi soir était réservé au souper entre famille. c'était l'exception en or que julia attendait chaque semaine.
ils étaient toujours trois à la table. julia, son père et marcus. ce vendredi soir là, une autre personne s'était rajoutée à la table.
en arrivant chez julia, charles constata immédiatement le doux parfum apaisant du sel qui flottait dans la maison, dû à la petite plage qui bordait le foyer. au loin, le soleil déployait déjà ses rayons orangés. ils éclairaient les murs bleus, les meubles blanc et le plancher de bois franc de la maison.
charles remarqua également les nombreux cadres blancs qui étaient accrochés au mur du couloir menant à la salle à manger. il n'eut que le temps de jeter un rapide coup d'œil au cliché d'une minuscule julia, portant de longues nattes blondes et abordant un sourire rempli de vie.
ce qu'elle était adorable!
— ne prête pas attention au bazar que mon père a fait dans la cuisine. il se mets toujours à cuisiner pour une famille de 24 lorsqu'on a de la visite. c'est gênant, mais bon. je l'aime comme ça.
charles lui sourit tout en entrant dans la salle à manger. marcus était déjà assis à table, en train de s'ouvrir une bière. le bruit du jet d'air du bouchon retentit pendant que marcus fixa du regard le nouvel homme qui venait d'entrer dans sa vie. déjà, charles n'avait pas l'impression que « tout le plaisir était pour lui » de le rencontrer. marcus s'approcha du coach.
— charles, voici marcus, mon petit copain depuis deux ans. marcus, voici charles, mon entraîneur depuis deux semaines.
ils s'échangèrent une poignée de main ferme, un sourire de politesse et un léger « bonjour ».
— enchanté.
— tout le plaisir est pour moi.
mon cul, oui.
— tiens, charles, tu peux t'asseoir là, en face de moi.
charles s'assit à table tandis qu'elle lui versa un verre d'eau citronnée tout près de lui. il en profita pour l'observer. elle portait une robe d'été blanche. ses longs cheveux blonds étaient détachées et ondulaient quelque peu, grâce l'humidité de l'air. une odeur de lavande se détachait agréablement d'elle. charles se retrouva soudainement déstabilisé par le charme et la confiance qu'elle dégageait.
— je suis bien heureuse que tu sois là, charles. que tu rencontres enfin mon père et mon petit copain. ils sont une grande partie de ma vie, tu sais.
j'aimerais bien être aussi important à tes yeux, julia.
— ça me fait plaisir.
— tu n'étais vraiment pas obligé de venir et pourtant, tu es ici. tout ça...
il interrompit son flot de paroles avec un simple regard rassurant.
— je suis honoré d'être ici, julia. cet endroit est charmant. tu n'as pas à t'en faire. tout est parfait.
elle fut soulagé de l'entendre. marcus les regarda partager ce moment, les yeux plisés. les deux se souriaient chaleureusement. il n'était pas convaincu de comprendre ce que ce fameux charles pouvait avoir de si fantastique.
— et puis... la table semblait bien vide depuis.. longtemps.
— vide..?
marcus lui expliqua la situation, déjà fatigué de sa présence.
— t'es assis sur la chaise du coach, mec.
charles leva les yeux vers julia, réalisant ce qui se passait. il était assis sur la chaise vide, celle que julia devait contempler à chaque jour, celle qu'elle devait détester voir vide.
il essaya du mieux qu'il pouvait de transmettre toute sa compassion dans son regard. julia comprit rapidement son message. elle pencha la tête et ferma les yeux. ils n'avaient pas besoin de beaucoup pour se comprendre.
— un jour, tout ira mieux. seulement, ça ne sera pas aujourd'hui. je le sais et... c'est comme ça.
— je sais, julia. je sais.
il l'avait prononcé si délicatement que pour un instant, julia cru qu'ils étaient seuls. elle se l'imagina lui prendre la main et la tenir fermement, avec assurance. la prendre dans ses bras avec confiance. délicatement poser ses lèvres sur son front.
merci.
c'est à ce moment que le père de la maison entra dans la salle à manger. les cheveux gris en bataille, les lunettes mises de travers, de la farine sur la joue et les bras pleins d'assiettes de nourriture, il semblait ravi de voir le nouvel entraîneur de sa fille en chair et en os, assis à sa propre table.
— c'est vraiment un honneur pour moi de vous rencontrer, monsieur stratford! j'ai beaucoup entendu parlé de vous. je suis un très grand fan!
il posa précipitamment ses plats sur la table et serra avec vivacité la main de son interlocuteur.
— je suis tout autant heureux de vous rencontrer, monsieur. apparement, vous êtes un homme tout aussi merveilleux.
julia ne comprenait pas pourquoi le sourire de charles lui faisait autant d'effet. il était simple, charmeur, efficace, poli. et puis, charles était beau comme un coeur dans sa chemise blanche et son veston gris. pourtant, julia savait bien mieux que quiconque qu'elle ne devait pas tomber dans ce piège. elle ne pouvait se permettre de supporter les conséquences.
— papa..
elle s'approcha de son père pour lui nettoyer les saletés qu'il avait toujours sur le visage et lui replacer convenablement ses lunettes sur le nez.
— évites de trop t'emballer, d'accord? tu agis comme une grand-mère espagnole quand nous avons des invités.
il sourit à sa fille, embêté.
— merci, trésor. et je me calmerai. promis.
et c'est ainsi que le souper commença. sans disputes, sans faux sourires, sans mauvais jeux de mots. seulement des cœurs assoiffés d'amour et ouverts à l'inconnu.
monsieur valley profita de cette occasion pour raconter à la table des aventures gênantes reliées au tennis que julia avait vécues durant sa jeunesse. il ne cessait de s'exprimer avec un regard emplie de joie et de nostalgie. le jeune homme ne pu s'empêcher de penser qu'il semblait être porteur d'une bonne âme, qu'il avait sûrement élevé sa fille dans un amour des plus inconditionnels.
les autres restaient attentifs et silencieux, accrochés aux paroles du plus vieux. julia adorait regarder son père raconter avec passion des mésaventures qu'elle avait oubliées avec le temps. mieux encore, elle adorait regarder les réactions imprévisibles de charles.
lorsqu'elle détournait les yeux pour regarder le regarder. elle le surprenait toujours à avoir les yeux plein d'étoiles ou un petit sourire chaleureux. ces petits gestes lui réchauffaient le coeur.
c'est pendant l'histoire des souliers de tennis perdus que charles regarda droit devant lui, observant tendrement julia. elle cachait tant de mystères, de vie et d'espoir. il adorait la voir comme ça, à son aise. souriante, riant aux éclats, aimante, généreuse. maintenant, il comprenait tout. julia était plus forte qu'il ne croyait.
tu es extraordinaire.
lorsqu'elle tourna son regard vers lui, julia comprit son message.
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