ÉTOURDISSEMENTS
depuis elle ne sait plus quand exactement, peut-être depuis qu'elle avait partagé un plat de pâtes à sa maison, julia ne pouvait s'empêcher de penser à lui.
il la suivait partout dans ses pensées, telle une pensée toujours prête à surgir de l'ombre. toutes choses qui l'entouraient lui faisait penser à son beau charles; les adidas blancs immaculés (qu'il portait en permanence), les films d'amour mielleux qui jouaient à la télé pendant les vendredis soirs, les cheveux blonds des inconnus qu'elle croisaient dans la rue et même les tasses de thé (charles adorait le thé, le noir, surtout). elle pensait à lui et son cœur fondait, mais ce sentiment était souvent suivi d'une culpabilité si intense qu'elle croyait en mourir de honte. alors elle se remettait à penser à marcus, lui qui avait à ses côtés lors des moments difficiles.
toujours aussi bourrée qu'il y a dix minutes, couchée sur la banquette arrière de la voiture de charles (qui sentait intensément le cuir neuf), elle ne pu s'empêcher de penser à la bêtise qu'elle venait de faire. et un côté d'elle voulait danser, danser, danser!
— je suis désolée, charles.
celui-ci la regarda subtilement à travers le miroir.
— pourquoi?
pour ce baiser manqué.
— pour la honte que je dois te procurer en ce moment.
— je savais pas que tu pouvais être bourrée-folle et bourrée-émotive en même temps.
elle éclata de rire, ce rire cristallin que charles adorait tant. il sourit.
— t'en fait pas, ma belle. ça me fait plaisir.
'ma belle'? es-tu idiot à ce point, charles?
il changea rapidement de sujet.
— et puis, je crois que je suis toujours bourrée parce que je te trouve tellement sexy en ce moment. comment tu fais pour être si beau, merde?
charles souffla un rire délicat. son cœur débattait.
— et puis, que faisais-tu dans ce bar à fêter ton anniversaire seule?
julia se releva péniblement, sa tête tournant à cent milles à l'heure. elle y pensa un moment avant de bien répondre.
— je... je me sentais seule. mon père n'est pas à la maison de ces temps-ci et je n'ai pas vraiment «d'amis » avec qui faire la fête. bien sûr, je suis amie avec carlos, le jeune préposé aux balles qui travaille au centre, bien sûr que j'aime bien céline, la femme de ménage qui passe une fois par semaine chez moi pour épousseter les étagères et bien sûr que j'apprécie arthur, cet adorable aîné qui habite sur ma rue et qui promène son petit chien blanc à chaque jours! mais me verrais-tu vraiment faire la fête avec un adolescent serré-du-cul, une femme obèse et un vieux avec un problème auditif!?
elle poussa un soupir et charles sourit malgré sa soudaine vulgarité.
— ça va, maintenant. je suis là. relax.
dis-le encore, charles. encore. encore et encore.
il avait prononcé 'relax' avec la même intonation que dans ses rêves. et ses yeux pétillaient. elle pouvait y voir des petites étoiles flotter.
— et marcus? il n'a pas voulu passer ta soirée d'anniversaire avec toi?
— il ne m'a pas appelé aujourd'hui. je crois... qu'il a oublié.
julia fut percuté de nausées violentes. charles fut percuté d'une colère violente.
— et tu n'as jamais pensé que j'aurais voulu t'accompagner dans ce foutu bar? j'suis ton ami, après tout.
toi, c'est bien plus, charles. beaucoup plus. je croyais que c'était évident.
— non, je ne l'ai pas considéré sérieusement, en fait. tu es si occupé à t'entraîner et à te faire des amis riches que j'ai oublié la possibilité de passer du temps avec toi.
— j'aurais adoré passé cette soirée avec toi.
— moi aussi, monsieur beau gosse.
— alors, t'es allée à ce bar seule?
— hé bien, j'en ai conclu que c'était mieux que de manger de la gelato à la fraise devant une reprise de «the price is right» de 1990. il y avait des gens sympathiques, mais ce que je préférais vraiment, c'était l'alcool. je suis trop faible, charles. je viens de foutre en l'air ma diète parfaite.
— shh, ne dis plus rien, ma belle.
il l'avait encore dit. merde... il ne savait pas ce qui lui passait par l'esprit. julia, elle, était trop intoxiquée pour se rendre compte du petit surnom qu'il lui donnait.
— moi, j'étais venu dans ce bar pour y revoir mon oncle. c'est là qu'il y travaille.
— roger?
— ouaip.
— je l'adore, il est fort sympathique.
— oui. donc, j'y suis entrée et je t'ai aperçu entrer dans la salle de bain des dames en chantant « dancing queen » à tue-tête. je sais que je n'aurais jamais dû rentrer dans cette pièce, c'est bien interdit aux hommes, mais je m'inquiétais pour toi. c'est moi qui devrait s'excuser. je n'ai jamais su me mêler de mes affaires.
julia déglutit. au fond, elle était certaine de deux chose. elle appréciait son aide attentionnée et elle... allait bientôt dégobiller.
elle se releva sur la banquette. elle aurait aimé se retrouver dans un environnement qui sentait moins le cuir. elle voulait du vent frais.
— on peut s'arrêter, charles? je ne me sens pas si bien.
charles ouvrit les fenêtres de la voiture, prit la première sortie qui lui tomba sous le nez (la sortie 45) et s'arrêta à une station-service. julia sorti de la voiture, l'air frais giflant son visage. et c'est là, qu'elle expulsa son quatrième verre de scotch.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top